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Philippe LAUZI – Les risques et enjeux littoraux en Guyane française : contexte hydro sédimentaire et facteurs anthropiques

La communication de Philippe LAUZI présentera les principaux éléments d’enjeux et de contexte en matière de gestion du trait de côte en Guyane française. Philippe LAUZI présentera d’abord les éléments de contexte topographique, hydro-sédimentaire et écologique. Dans un second temps, il s’intéressera aux facteurs anthropiques jouant à ce stade un rôle déterminant. La conclusion dressera un bilan sur les enjeux et les perspectives pour ce territoire.

       

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En premier lieu, la dynamique côtière guyanaise se caractérise d’abord par une circulation permanente du trait de côte et un très faible relief. On distingue 3 types de profils côtiers. Le principal est constitué de vasières, donc des zones de mangrove, sur 80 % du littoral, dans lequel le contexte sédimentaire présente de fortes spécificités dues aux houles, aux courants et à un mouvement plus spécifique, le mouvement de bancs de vase remontant du fleuve Amazone. Ce phénomène révèle une phase cyclique d’accrétion et de régression, les 2 phénomènes se succédant de façon plus ou moins marquée. Cette configuration rend plus complexe la situation de la Guyane en termes d’aménagement et de protection du littoral. Ces bancs de vase cheminent de l’embouchure du fleuve Amazone jusqu’au nord-nord-ouest en remontant le long des plateaux des Guyanes. Ainsi, sur un cycle de 5 ans, l’avancée des bancs de vase, progressive mais systématique, se consolide à l’arrivée avec des zones de mangrove, sur des espaces variant entre 15 et 35 km. L’étude de ces mouvements doit aussi prendre en compte les interstices entre 2 bancs de vase, ceux constituant une ouverture qui se traduit par un impact plus important des houles et des courants sur le littoral. C’est dans cette phase que les mouvements d’accrétion les plus importants peuvent être observés.

S’agissant des enjeux écologiques, il faut savoir, rappelle Philippe LAUZI, que la Guyane française se distingue par son importante biodiversité, puisque plus de 2 000 espèces y sont classées par les Conseils Scientifiques Régionaux du Patrimoine Naturel (CSRPN), dont 703 espèces de plantes. De plus, la zone d’interface terre-mer concentre des écosystèmes de zones humides. La plaine côtière concentre quant à elle près de 90 % des habitations de la Guyane sur 3 pôles : l’île de Cayenne ; Kourou ; Awala-Yalimapo, au nord-ouest.

En termes d’enjeux anthropiques, la Guyane est marquée par la coexistence de plusieurs facteurs :

• Une spécificité socio-historique, avec un territoire s’inscrivant sous certains aspects dans une logique de territoire en développement, avec une population peu éduquée, très jeune, et un développement économique relativement faible.

• Des approches de planification et de maîtrise urbaines qui restent en phase de réalisation progressive.

• L’absence de capacités de traitement global et de connaissance d’ensemble des phénomènes d’érosion et de submersion, qui se traduit par des pratiques de traitement au cas par cas.

• L’enrochement individuel tend à prévaloir avec des préjudices esthétiques élevés pour le paysage et, très souvent, un manque d’efficacité avéré. Les responsables politiques souhaitent aujourd’hui faire évoluer ces pratiques à l’aide d’une stratégie globale assortie de prescriptions techniques permettant de mieux maîtriser ce phénomène.

La traduction urbaine de ces résultats est ce que l’on qualifie d’« habitat spontané », c’est-à-dire des formes de taudis urbains. Une partie importante de la population guyanaise est en effet une population immigrée, issue notamment du Nordeste du Brésil, du Surinam et d’Haïti, qui s’installe là où elle peut, de manière parfois durable. Ces logiques d’habitat spontané représentent aussi le symptôme d’un rapport spécifique à l’habitat que l’on peut trouver en outre-mer et avec lequel l’aménagement du territoire doit pouvoir composer. Par ailleurs, les enrochements individuels précédemment mentionnés ont pour effet de reporter l’énergie de la houle sur un point précis du territoire, un phénomène qui se traduit par des impacts précis et importants sur des espaces circonscrits et pouvant aboutir à des dégradations importantes en l’espace de seulement quelques heures.

Philippe LAUZI présente dans le troisième temps de cette communication quelques exemples de démarches envisagées à l’avenir pour répondre aux enjeux ainsi répertoriés :

 

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• Compléter les démarches de planification urbaine au travers de PLU20 et de SAR21 actuellement mis en œuvre grâce à un accompagnement des services de l’État, afin de mieux maîtriser les impacts des risques littoraux.

• Développer une approche intégrée de la connaissance des dynamiques hydro-sédimentaires.

• Mettre en œuvre des pratiques adaptées de gestion et de planification.

En plus des instruments régaliens de connaissance du risque (PPRL, droit du sol, gestion adaptée du domaine public maritime), la situation de la Guyane exige de développer une approche finalisée, intégrée et partagée, insiste Philippe LAUZI, des dynamiques hydro-sédimentaires. Elle suppose aussi de renforcer les capacités de modélisation des phénomènes et de mettre en place un suivi et une gouvernance spécifiques en matière de capitalisation et de mutualisation des connaissances et des données. En effet, alors qu’il existe de nombreuses études et de vastes quantités de données, les moyens dont disposent les chercheurs et la collectivité pour les traiter, les inventorier et les valoriser demeurent insuffisants. Ces démarches pourraient pourtant être réalisées à des coûts modérés et à des échéances rapides. Parmi les approches actuellement en cours, Philippe LAUZI cite notamment : le SAR-SMVM Guyane ; les schémas directeurs sur les principales communes littorales ; la création d’un observatoire du littoral et du trait de côte, développé entre la Région Guyane et ses partenaires scientifiques.

De plus, la gestion du trait de côte passe aussi par le traitement d’une problématique spécifique de gouvernance, comme l’ont montré les échanges de la première journée de colloque. La capacité à porter un projet entre des acteurs variés, notamment l’État, les collectivités et les communautés scientifiques, animés par des logiques, des rapports aux phénomènes et des intérêts qui peuvent être divergents, soulève également d’importantes difficultés. Pour Philippe LAUZI, le point nodal de ce problème consiste aujourd’hui à dégager un consensus afin de porter une capacité de gestion et de traitement de cette problématique de gouvernance dont le développement représente une priorité.

Échanges avec la salle

Michel PORCHER (IFRECOR) fait observer que le problème mentionné par Philippe LAUZI des bancs de vase, espacés de plusieurs dizaines des kilomètres le long des côtes et soumis à de fortes mobilités, soulève d’importants enjeux en termes de gestion du littoral. Il rappelle qu’une étude a été lancée en partenariat avec l’Université de la Côte d’Opale pour apporter des solutions aux problèmes de modélisation des zones du nord-ouest de la Guyane et se demande quels en ont été les résultats. Philippe LAUZI précise que cette étude a apporté des résultats intéressants, mais qu’elle est restée limitée à un périmètre local. En revanche, une approche globale des déterminants sédimentaires reste à mettre en place. La DEAL Guyane porte aujourd’hui le projet de développer ce type d’études sur l’ensemble du littoral pour tenir compte des spécificités du trait de la côte guyanaise et entend s’inscrire dans une logique de capitalisation des résultats et des données existants afin de mieux valoriser les recherches dans ce domaine et les intégrer dans une approche globale.

Thierry SAUZEAU précise que l’UPLC a également dressé le constat, sur le littoral charentais, qu’il existait une multiplicité d’études et de ressources produites dans des contextes institutionnels très variés. L’une de missions de l’UPLC est ainsi de mettre en place la collecte et la mise à disposition de l’information à travers une base de ressources disponible en ligne et renvoyant aux différents sites Web concernés.

       

20  Plan local d’urbanisme.  21  Schéma d’aménagement régional. 

   

 

 

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Philippe LAUZI fait observer que la problématique de la gouvernance inclut notamment les enjeux très sensibles liés à la relocalisation et doit amener à faire se rencontrer une multiplicité d’acteurs. Les instruments juridiques et les modalités de financement sont prévus par le Code de l’environnement, mais leur faisabilité pose des problèmes pratiques souvent complexes.

Romain QUESADA (Surfrider Foundation) demande si la Guyane a mis en œuvre des partenariats avec les territoires voisins afin de développer une compréhension transfrontalière du phénomène côtier et une approche historique de la gestion du trait de côte par les populations passées.

Philippe LAUZI indique que plusieurs chercheurs du CNRS ont développé une série d’études prenant en compte les dynamiques présentes sur le territoire et allant au-delà du territoire national. La réalisation d’études à grande échelle, sur la base d’un recueil des témoignages des populations historiques, représente à ce titre une piste intéressante, mais reste difficile à mettre en œuvre.

Freddy VINET – Diagnostic et réduction de la vulnérabilité du bâti face à la submersion

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