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Pascale DELECLUSE – Les prévisions climatiques pour les prochaines décennies sur les littoraux français

La communication de Pascale DELECLUSE portera sur les liens entre météorologie et climatologie et examinera comment les connaissances acquises sur le climat peuvent se décliner en de nouvelles connaissances sur les évènements météorologiques, notamment sur les évènements extrêmes. En premier lieu, souligne Pascale DELECLUSE, il faut rappeler que la météorologie se base sur l’observation faite par des stations sol, des radars, des sondages, ainsi que depuis l’espace. L’ensemble de ces observations recueillies en temps réel est analysé et combiné aux équations de fonctionnement d’un modèle de l’atmosphère. À partir de ces connaissances, les météorologues peuvent établir des cartes du temps actuel, mais aussi des prévisions sur le temps à l’échéance de quelques jours. Ces cartes permettent également de spécifier les risques liés aux conditions temporelles à venir. Dans le domaine du risque, les météorologues ont développé des liens avec les services de la Sécurité civile pour informer les acteurs au moyen de cartes de vigilance. Cette vigilance permet de cerner un certain nombre de risques météorologiques susceptibles d’affecter un territoire. Cette structure, mise en place en 2001, permet aujourd’hui d’afficher les évènements porteurs de risques : vents violents, orages, avalanches, neige et verglas ou fortes précipitations. Le système évolue en 2004 pour inclure également les évènements de grand froid ou de type caniculaire. Plus récemment ont été distingués les enjeux de pluie-inondation, de vagues-submersion et d’inondation dans la mesure où une inondation peut survenir sans précipitation en raison du délai pouvant séparer ces deux évènements. En plus de ces risques affectant le territoire métropolitain, il faut ajouter, dans les territoires d’outre-mer, les enjeux liés aux évènements cycloniques.

Les enjeux de vagues-submersion sont spécifiquement critiques sur le littoral. Ce phénomène est particulièrement complexe dans la mesure où il fait intervenir la conjonction du phénomène de marée – plus le coefficient de marée est fort, plus le niveau de la mer à marée haute est élevé – et de la houle en provenance du large ; lorsque la tempête se propage vers les côtes se produit un effet

   

 

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appelé effet de surcote : en cas de faible pression liée à la tempête arrivant sur une côte, le niveau de la mer global monte. Enfin s’y ajoute le problème de déferlement des vagues qui se traduit par un mouvement des masses d’eau se propageant sur l’estran. Cette conjonction de phénomènes peut générer des évènements catastrophiques pouvant s’abattre sur le littoral. Ces phénomènes ont récemment été observés en mars 2014. La carte de vigilance, en effet, annonçait non seulement des phénomènes de fortes vagues frappant les côtes françaises, et celles de Charente-Maritime en particulier, mais aussi, en conjonction, un phénomène de précipitation et d’inondation. Les fortes pluies à l’intérieur des côtes, combinées à la houle du large, ont eu pour effet d’intensifier le risque sur le littoral. Ce type d’exercice présenté par Pascale DELECLUSE est réalisé de manière régulière par Météo-France et comporte une chaîne d’information à destination de la population et des services de la Sécurité civile.

Un second rôle des météorologues est d’archiver les données météorologiques et de les traiter pour en tirer des leçons sur le climat. Les données de températures établies sur une année, par exemple, présentent une forte variabilité. La moyenne climatique consiste, pour un mois donné, à calculer une moyenne de cette variabilité sur ce mois pendant trente ans. Cette moyenne permet ensuite d’identifier les périodes des 10 % d’occurrences de faible valeur de cette température (extrêmes froids) et, au contraire, celles des 10 % des valeurs de température les plus élevées pour cette variable (extrêmes chauds). En deçà ou au-delà de ces limites se situe le champ des évènements exceptionnels, souvent associés à des risques plus importants. Un évènement extrême est donc défini simultanément sur la base de la moyenne et de la variabilité sur un territoire donné. Ces informations peuvent être schématisées sur des graphiques présentant la distribution moyenne des températures dans une région déterminée, avec la valeur moyenne du milieu, caractérisant la situation climatique habituelle (moyennes calculées sur 30 ans), et les 10 % de valeurs les plus froides et les plus chaudes. Lorsque les chercheurs se penchent sur le climat futur, ils doivent s’interroger sur le décalage de ces graphiques. Les courbes de température seront en effet caractérisées par un décalage de la valeur moyenne, mais peuvent aussi donner lieu à un étalement de la variabilité. Ainsi un évènement comme la canicule de 2003, classé comme une anomalie extrême de la dernière décennie, ne sera pas nécessairement qualifié comme tel à l’horizon de 20 ou 30 ans. Les évènements extrêmes, en d’autres termes, sont relatifs à l’ensemble de ces connaissances météorologiques accumulées, selon les paramètres de la valeur moyenne et de sa variabilité.

En France, les cartes des températures minimales et des températures maximales montrent l’évolution de la température moyenne entre 1901 et 2000. À l’échelle du territoire national, quel que soit l’indice de température, il s’est bel et bien produit une augmentation des températures de 0,5 à 1,2 C. La série temporelle correspondant à cette évolution depuis 1900 et jusqu’en 2007 montre donc une tendance globale d’élévation marquée, mais non linéaire. Des évènements chauds surviennent lors des périodes froides, des évènements froids continueront de se produire pendant les périodes chaudes. Il faut y ajouter des périodes de basse fréquence, sur 10 ans, au cours desquelles les températures sont plus froides et d’autres au cours desquelles celles-ci sont plus chaudes. Il faut donc, dans chaque cas, combiner l’étude de la tendance et celle de la variabilité pour déterminer quels résultats peuvent être tirés de l’étude de ces valeurs.

La France a connu une élévation de sa température moyenne légèrement supérieure à1 C. À l’échelle globale, l’augmentation moyenne se situe autour de 0,5-0,6 C. Notre pays suit donc l’évolution de la température globale avec un facteur d’aggravation, correspondant au fait qu’elle est située en moyenne continentale dans l’hémisphère Nord. Lorsque les chercheurs nous avertissent qu’il ne faut pas dépasser un réchauffement de 2 C à l’échelle globale, cette limitation se traduira pour la France par une valeur de 3 ou 4 C. Le réchauffement du climat a également des conséquences, poursuit Pascale DELECLUSE, sur les océans. La banquise d’été en Arctique fond tandis que les routes du

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Nord sont en train de s’ouvrir. De la même façon, le contenu thermique des océans s’accroît. Ces deux phénomènes ont des conséquences importantes sur le niveau de la mer.

Des études menées en France élaborent plus spécifiquement des indicateurs portant sur les risques. Les études sur les tempêtes, en particulier, se basent sur les paramètres atmosphériques observés aujourd’hui (tempêtes Lothar et Martin fin 1999, tempête Klaus en 2009 dans le sud de la France, tempête Xynthia de 2010). La distribution des phénomènes de tempêtes depuis 1950 souligne que, en France, il n’y a pas de tendance à l’accroissement des tempêtes sur cette période. En définitive, si les études réalisées à l’échelle globale semblent indiquer une augmentation des risques, l’étude du phénomène de tempête sur le territoire français ne montre pas de signes d’augmentation.

S’agissant des conséquences en termes d’évènements extrêmes, étudiées dès le premier Rapport d’évaluation du GIEC en 1990, les projections à l’échelle mondiale sont évaluées pour les fourchettes suivantes de perturbations radiatives :

• Dans le scénario minimum, le dépassement en 2100 ne se situera pas au-delà de 2.5 W/m². • Le scénario extrême correspond à une perturbation radiative de 8.5 W/m² en 2100.

• Le scénario intermédiaire correspond à un dépassement de 4.5 W/m² en 2100.

Les projections à l’échéance 2040-2050 mettent en évidence, quel que soit le scénario, la multiplication d’évènements chauds au niveau global. De même, ces projections coïncident pour établir une diminution des évènements extrêmes froids et une augmentation des périodes très pluvieuses. Ces tendances s’expliquent du fait que l’atmosphère sera plus chaude, contiendra davantage de vapeur d’eau et entraînera de ce fait un plus grand nombre d’évènements de forte précipitation à cette échelle globale.

Lorsque l’on descend à l’échelle régionale, notamment la France, et pluridécennale, entre 10 et 30 ans, les chercheurs sont confrontés à davantage de difficultés. Les projections globales du GIEC consistent à simuler un état climatique probable à une échéance lointaine, de 2050 à 2100. Ce résultat dépend pour l’essentiel de la capacité des modèles à reproduire les caractéristiques du climat global actuel et de la connaissance des conditions de forçage imposées par ces scénarios, notamment les émissions de GES, mais aussi, par exemple, la variabilité solaire. En revanche, les prévisions régionales décennales impliquent des changements d’échelle spatiale et temporelle qui peuvent être complexes à appréhender. Le résultat dépend d’abord des forçages externes (forçage solaire, GES…), mais aussi et surtout de la qualité de la connaissance des conditions initiales imposées dans ce système et de la capacité du modèle à représenter la variabilité interne du système climatique (Oscillation Nord Atlantique dite NAO, Oscillation Atlantique Multidécennale dite AMO). L’AMO marque les températures de manière prononcée pendant plusieurs décennies et affecte la température de l’ensemble de l’océan Atlantique nord. Durant la période allant de 1967 à 1995, ce mode se trouvait dans un état froid et est entré dans une période chaude en 1995. Si ce mode AMO suit sa courbe de variabilité naturelle, cette période pourrait basculer à la fin de cette décennie dans un mode froid et ce signal, dans notre région, pourrait masquer provisoirement le réchauffement climatique. Il est donc crucial de cerner finement l’évolution de ces modes pour les intégrer dans les structures et dans l’état initial du modèle.

Quant à la descente d’échelle spatiale, plusieurs techniques peuvent être utilisées : la descente en échelle statistique ; les modèles à maille variable, notamment, pour l’Europe et la France, le modèle ARPEGE-Climat ; les modèles à aire limitée, emboîtés dans des modèles globaux, notamment le modèle ALADIN-Climat.

Selon le scénario de limitation à 2 C, les modèles régionaux couvrant l’Europe mettent en évidence, pour la France, des étés chauds, de moins en moins d’hivers froids, ainsi que des pluies hivernales plus intenses. Les météorologues disposent également de modèles de projection des évènements

   

 

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des vagues de chaleur sur le territoire national. Ils montrent notamment, en référence à l’épisode caniculaire de 2003, qu’un évènement classé comme exceptionnel à cette date peut se banaliser à la fin du 21e siècle, selon les différents scénarios de projection climatique.

L’étude de ces évènements pour les régions françaises exige une réduction d’échelle supplémentaire, réalisée grâce à des modèles à maille inférieure à 12 km. Ces modèles permettent de restituer des résultats sur des évènements de sécheresse, de pluies intenses ou de vents maximaux. Pour ce dernier, les scénarios présentent peu de différences sur les champs de vent à l’échelle de la France, avec une légère augmentation dans le Nord et une légère diminution vers le Sud. Ces modèles permettent également de passer, pour le littoral, de projections portant sur les vents à celles portant sur les vagues. Des premiers travaux, fruits d’une collaboration entre le BRGM et Météo-France, se fondent sur les projections climatiques et visent à déterminer si les modifications affectant les champs de vent influencent le champ de vagues. En première analyse, les impacts sur les champs de vagues sont faibles tant en termes d’amplitude que de direction. Pourtant, les chercheurs, en comparant les cartes de vents dans le modèle de référence et les cartes de vents en termes de changement climatique, ont porté leur attention sur le fait que, en hiver, un noyau de tempête se déplace vers le Nord-Est. Ce phénomène active des champs de grandes houles d’hiver qui viennent impacter le littoral. Ils n’enregistrent donc pas davantage de danger local sur les tempêtes, mais obtiennent un certain nombre d’indications selon lesquelles les grandes houles du large pourraient être perturbées en amplitude et en direction et affecter ainsi, par cumul, les évènements de risques pouvant se produire sur les côtes françaises.

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