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Surveillance des cancers du sein

Dans le document Faculté de médecine et de pharmacie (Page 66-70)

IMPLIQUANT DES MEDECINS GENERALISTES DANS LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS

1. Surveillance des cancers du sein

Les études qui concernent la prise en charge des cancers du sein sont les plus répandues.

Elles démontrent globalement le manque d’efficacité du suivi hospitalier, pour les femmes en rémission à long terme. Des solutions alternatives sont proposées, favorisant une médecine de proximité, grâce aux médecins généralistes et aux infirmières à domicile (119-121).

a) Cochrane review

Une revue de la littérature (Cochrane review) a été réalisée, avec pour objectif d’évaluer l’efficacité de différentes stratégies de surveillance chez les femmes traitées pour un cancer du sein, en termes de mortalité, de morbidité et de qualité de vie. La dernière mise à jour a été faite en 2003 (122). Les données de quatre essais comparatifs randomisés ont été analysées, incluant 3 204 femmes prises en charge pour un cancer du sein (stade I, II ou III). Deux essais (2 563 femmes) ont comparé un suivi reposant sur l’examen clinique et la mammographie, avec un suivi plus intensif (comprenant divers examens biologiques et radiologiques). Aucune différence significative n’est apparue entre ces deux types de suivi, aussi bien pour la survie globale que pour la survie sans récidive. Un troisième essai (296 femmes) a comparé un suivi assuré par des spécialistes hospitaliers avec un suivi assuré par des médecins généralistes. Les résultats de cette étude sont tout particulièrement intéressants pour nous : aucune différence significative n’est apparue entre les deux groupes, à la fois en termes de délai de détection des récidives et de qualité de vie des patientes. Ceci démontre que les médecins généralistes sont autant capables que des spécialistes de prendre en charge la surveillance post-thérapeutique de leurs patientes atteintes de cancer du sein. Le dernier essai (196 femmes) a comparé des suivis en prenant en compte le rythme des consultations (examens réguliers versus examens associés aux mammographies seulement). Aucune différence significative n’est apparue ici non plus, en ce qui concerne l’utilisation du téléphone dans l’intervalle des consultations et la fréquence des recours au médecin traitant. La principale conclusion de cet article, à nos yeux, est le fait que la surveillance des patientes traitées pour un cancer du sein est assurée aussi efficacement par des médecins généralistes que par des médecins spécialistes, si l’on considère les notions de qualité de vie et de précocité de détection des récidives.

b) Etudes anglaises

Au Royaume-Uni, à partir de 1995, d’importantes études ont été organisées et publiées par le Département de Santé Publique et de Médecine Générale de l’Université d’Oxford. Ces études ont permis plusieurs évaluations concernant la possibilité d’une prise en charge, par les médecins généralistes, des patientes atteintes de cancer du sein, en phase post-thérapeutique.

Tout d’abord, cette idée est venue en constatant d’une part que le suivi hospitalier n’est pas un moyen efficace pour détecter les récidives, d’autre part que toutes les consultations de suivi ne font qu’aggraver la surcharge des services de cancérologie (123). Une stratégie basée sur la participation des médecins traitants pourrait alors constituer une solution au problème, dans les pays où la médecine générale est bien développée. Un autre avantage serait d’assurer aux patients une meilleure continuité des soins. Une première étude a donc voulu recueillir les points de vue des professionnels concernés. Les oncologues ont été sondés par questionnaire (taux de réponse 77%) et les médecins généralistes ont été interviewés (taux de réponse 82%).

Les résultats ont mis en évidence la volonté, de la part des généralistes, de prendre davantage de responsabilités dans la surveillance des femmes traitées pour un cancer du sein. Cependant, on pouvait constater un fréquent désaccord entre le point de vue des médecins spécialistes et celui des généralistes.

L’évaluation d’une telle stratégie de surveillance, centrée sur la médecine générale, a été réalisée grâce à trois études (124). La première est un essai comparatif randomisé incluant 296 patientes en rémission, habituellement suivies dans un service hospitalier : le groupe témoin poursuit une surveillance spécialisée, alors que les femmes du groupe expérimental sont prises en charge par leurs médecins traitants (avec la possibilité d’être revues à l’hôpital si besoin).

Le principal paramètre mesuré est le délai de diagnostic de la rechute. La deuxième étude est prospective et descriptive, à propos d’une cohorte de 141 femmes ayant refusé de participer à l’essai décrit précédemment. Enfin, la troisième étude est une enquête menée auprès des 376 oncologues et 226 médecins généralistes suivant les femmes de l’essai comparatif, dans le but de recueillir leurs points de vue sur cette stratégie de surveillance. Les premiers résultats ont permis tout d’abord de constater que l’essai avait rencontré un franc succès. Les patientes qui ont refusé l’inclusion étaient significativement plus âgées : 64,3 ans contre 60,7 ans pour les participantes, mais elles étaient toutes comparables sur le plan clinique et sur la qualité de vie.

Enfin, la plupart des médecins se prononcent en faveur de la stratégie de suivi faisant appel à leur propre catégorie professionnelle (soit généralistes, soit spécialistes). En conclusion, une surveillance centrée sur la médecine générale, pour ces femmes en rémission, est acceptable à la fois pour les patientes et pour leurs médecins traitants.

Les résultats de l’essai comparatif randomisé ont été publiés en 1996 (125). Les femmes ont été suivies pendant 18 mois, afin d’évaluer les deux paramètres suivants : le délai entre apparition des premiers symptômes et confirmation de la récidive, ainsi que la qualité de vie (mesurée grâce aux échelles SF-36, HAD et de l’EORTC). Les résultats ont indiqué que 69%

des récidives ont eu lieu entre deux visites programmées et que 44% des récidives du groupe

« suivi hospitalier » ont d’abord été vues en médecine générale. Le délai moyen nécessaire à la confirmation du diagnostic était de 21 jours dans le groupe « hôpital » contre 22 jours pour le groupe « médecine générale ». Par ailleurs, il n’a pas été mis en évidence d’augmentation de l’anxiété ni de détérioration de la qualité de vie chez les femmes de ce groupe (tout au plus une légère majoration des symptômes dépressifs).

Le point de vue des 296 patientes de cet essai a été recueilli, par un auto-questionnaire, trois fois durant les 18 mois de l’étude (126). L’analyse des résultats a montré clairement que le niveau de satisfaction des femmes du groupe « médecine générale » était supérieur à celui du groupe « hôpital ». Les patientes aimeraient recevoir une information complète et précise à propos des buts, des attentes et des limites du programme de surveillance pour pouvoir faire un choix de manière éclairée.

Des entretiens ont permis de déterminer l’opinion de 109 patientes en rémission suivies de façon classique à l’hôpital (127). Les deux attentes majeures étaient la continuité des soins et des consultations se déroulant sans précipitation. De plus, l’accès à des services spécialisés (avec des équipements de pointe) constituait un élément rassurant dans les premiers temps de la surveillance.

Une évaluation économique de ces deux schémas de surveillance (médecins généralistes versus spécialistes) a été réalisée et les résultats ont été publiés en 1999 (128). La fréquence et la durée des consultations étaient supérieures en médecine générale, mais les dépenses pour les patientes et la collectivité (health service) y étaient plus basses. Concernant les coûts des différents examens à visée diagnostique, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes, compte tenu du fait que certains étaient davantage prescrits par les médecins généralistes que par les spécialistes.

Nous pouvons également rapporter deux autres études, l’une concernant les conditions nécessaires à la réussite d’un tel changement de stratégie de surveillance post-thérapeutique, l’autre analysant les différentes conséquences qui peuvent découler de sa mise en application (à la fois pour les médecins généralistes et pour les patients).

Partant de la constatation que près de trois quarts des patients fréquentant la consultation des services d’oncologie en Angleterre sont en phase post-thérapeutique, il a été suggéré que les médecins traitants pourraient assurer une partie de ces visites de surveillance. Deux études ont été menées pour analyser la situation en médecine générale et dans les services spécialisés (129, 130). Les médecins traitants se sont montrés favorables à ce projet, en estimant que cela n’entraînerait pas de surcharge de travail. Ils demandent une information rapide au moment du transfert des patients et l’accès à l’avis d’un oncologue dans les meilleurs délais si besoin.

Du côté des services hospitaliers, une durée suffisante et une priorité devraient être accordées à la consultation annonçant la prochaine prise en charge par le médecin de famille. Le patient devrait y être préparé, si possible lors des visites précédentes. Les raisons de ce changement dans la stratégie de surveillance devraient lui être clairement exposées. Une information écrite remise au patient est souhaitable, permettant également de lui faire partager la responsabilité de son suivi. Un protocole de prise en charge devrait être adressé au médecin généraliste, lui donnant la marche à suivre pour rentrer en contact rapidement avec un spécialiste si besoin.

Une étude britannique publiée en 1998 a voulu déterminer les conséquences du transfert de suivi à long terme des patients cancéreux, des hôpitaux vers les médecins traitants (131).

Au fil du temps, les consultations d’oncologie se sont retrouvées surchargées d’individus en phase de surveillance, avec pour corollaire de longs délais d’attente. Des études ont montré le souhait de nombreux médecins généralistes d’être davantage impliqués dans le suivi de leurs patientes atteintes d’un cancer du sein. En revanche, les malades ont exprimé leur préférence pour un suivi hospitalier (33). Etant anxieux, beaucoup sont devenus dépendants des services spécialisés. Si le transfert de surveillance est imposé aux patients sans leur accord, c’est leur réinsertion qui risque de se faire au prix de bien des sollicitations pour le médecin de famille.

L’étude pilote a permis d’évaluer l’impact de ce transfert, à la fois sur la charge de travail des généralistes et sur l’état psychologique des patients. Une prise en charge post-thérapeutique confiée au médecin traitant a été proposée à 65 patients suivis annuellement dans un service d’oncologie, avec une garantie de retour à l’hôpital si nécessaire. Parmi eux, 41 ont accepté la proposition, en signant un contrat avec leur médecin (132). Les individus ayant refusé étaient angoissés à l’idée qu’une rechute puisse ne pas être détectée. Une évaluation de l’anxiété a été réalisée en début d’étude, puis à domicile quatre mois plus tard (grâce à une échelle HADS).

Les résultats n’ont montré aucune modification de l’état psychologique entre ces deux dates (133). Après en moyenne 13 mois, six patients avaient réintégré un suivi hospitalier. De plus, des questionnaires ont été adressés aux médecins généralistes concernés, quatre mois et un an après le transfert. Leur analyse n’a mis en évidence aucune hausse significative du nombre de consultations pendant l’année suivant le transfert (par comparaison avec l’année précédente), ni de changement notable dans la perception de l’état d’anxiété et de dépression des patients (pour 71% des généralistes). En conclusion, il est montré dans l’étude que le fait de déléguer à des médecins de famille la responsabilité du suivi à long terme de leurs patients cancéreux n’entraîne pas de surcharge de travail pour eux.

c) Etudes scandinaves

Un important projet de réhabilitation d’une médecine de proximité a été mené en Suède, dans la région d’Uppsala, entre 1993 et 1997.

Une première étude, publiée en 2002, cherchait à décrire le rôle du médecin traitant dans la prise en charge de ses patients cancéreux, puis à évaluer la connaissance qu’il pouvait avoir sur la maladie et les traitements de chacun d’eux (134). Voici le résultat : les généralistes sont impliqués dans la prise en charge des malades atteints de cancer, particulièrement à la période du diagnostic, mais aussi lors du traitement et du suivi. La qualité des informations délivrées par les centres spécialisés permet d’accroître leur connaissance vis-à-vis de la maladie et des traitements réalisés. Ceci est une aide précieuse pour déterminer les besoins des malades.

Une seconde étude a analysé les effets d’un renforcement des soins primaires (135).

Celui-ci comprenait une extension de l’information fournie par les centres spécialisés au sujet des patients, ainsi qu’une amélioration de la formation des médecins généralistes et des infirmières à domicile pour la prise en charge des patients cancéreux. Ce dispositif a permis de développer les liens entre patients et professionnels de soins primaires, tout en diminuant nettement le nombre de jours d’hospitalisation et le recours aux spécialistes des malades âgés de plus de 70 ans (136). La promotion de la médecine de proximité s’avère être une stratégie économiquement efficace pour faciliter la coopération entre les généralistes, les spécialistes et les intervenants au domicile des patients.

Toujours en Suède, une étude (publiée en 2001) a eu pour but de définir les attentes des femmes suivies dans un service d’oncologie pour un cancer du sein (137). Une interview a été réalisée auprès d’un échantillon de 20 femmes. Voici les grands besoins exprimés : régularité, accessibilité, sécurité, continuité, confiance et information. L’analyse de ces résultats a mis en évidence la nécessité de modifier le schéma traditionnel de la surveillance post-thérapeutique, afin d’obtenir la stratégie la plus efficace et la plus fonctionnelle possibles, correspondant au mieux aux besoins des patientes.

En Norvège, à partir du mois de mai 1997, toutes les femmes ayant été opérées d’un cancer du sein ont été invitées contacter leur médecin traitant pour qu’il assure la surveillance six mois après l’intervention chirurgicale (138). Un questionnaire a été envoyé à ces femmes, avec 89% de réponses. Parmi elles, seulement 5% n’avait pas contacté leur médecin traitant et 89% avaient consulté ou étaient convoquées à leur cabinet. Ceci démontre que les médecins généralistes peuvent s’impliquer dans le suivi de leurs patientes cancéreuses lorsque celles-ci prennent contact avec eux.

En Suède, une expérience originale a été menée et publiée en 2002 (139). En partant du principe que les médecins généralistes ressentent le besoin de s’impliquer davantage dans la prise en charge de leurs patients cancéreux, spécialement des femmes ayant un cancer du sein, une formation spécifique doit leur être apportée. Un programme interactif a été développé sur CD-ROM, comportant une étude de cas cliniques (avec des discussions de groupes possibles), un test d’auto-évaluation ainsi qu’une documentation sur le cancer du sein. Ce programme, testé dans quatre régions a été accueilli très favorablement et bien apprécié. Il doit permettre aux médecins généralistes de prendre part plus efficacement aux campagnes de dépistage, à la prévention, au suivi post-thérapeutique, aux soins palliatifs et au soutien psychosocial de leurs patientes touchées par la maladie.

d) Etude française

L’Institut Bergonié de Bordeaux a publié en 2003 un article portant sur l’implication des médecins traitants dans la prise en charge des patients cancéreux (140). Un questionnaire a été envoyé en mars 2000 à un échantillon de 730 généralistes de la région Aquitaine. Le but était également de recueillir de leur opinion sur la communication avec les médecins spécialistes et d’évaluer leur formation en cancérologie. Les résultats ont indiqué que chacun des médecins traitants avait en moyenne 16 patients cancéreux dans sa clientèle et voyait cinq nouveaux cas par an. Les deux tiers décidaient de l’orientation de leurs patients, au cas par cas. Près de 70%

rapportaient des difficultés, notamment d’ordre psychologique, lors d’une rechute ou au cours de la phase terminale. La qualité de l’information fournie par les spécialistes était jugée bonne ou correcte dans 94% des réponses. Les médecins généralistes étaient globalement favorables à l’idée d’être davantage impliqués dans le traitement de ces patients atteints de cancer et 82%

étaient prêts à accepter d’assurer le suivi des patients en rémission. Cette étude montre bien, à travers les attentes exprimées par les généralistes, qu’il est nécessaire de développer le travail en réseau de façon à améliorer l’organisation et la collaboration des professionnels de santé.

Dans le document Faculté de médecine et de pharmacie (Page 66-70)