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LIMITES DE CE SUIVI

Dans le document Faculté de médecine et de pharmacie (Page 31-36)

Si l’intérêt de pratiquer un suivi post-thérapeutique n’est plus à démontrer, on peut tout de même regretter quelques insuffisances : tout d’abord, le gain en matière d’allongement de la vie n’est pas toujours évident. Ensuite, les modalités d’un suivi purement spécialisé peuvent apparaître bien contraignantes. Enfin, le bénéfice potentiel engendré dépend de la compliance des patients qui doivent être responsabilisés.

1. Impact inconstant sur la survie

Dans la littérature publiée à ce sujet, on retrouve de nombreux articles mettant en doute l’efficacité de la surveillance post-thérapeutique en termes d’amélioration de la survie globale des patients. En voici quelques exemples.

a) Cancers du sein

Déjà, dans un article américain paru en 1993, l’intérêt du suivi était remis en cause (38).

D’après les données de l’époque, les deux conditions nécessaires pour garantir son efficacité (davantage de récidives détectées à un stade plus précoce lors des consultations, traitement de la récidive offrant une meilleure chance de guérison ou de survie à long terme) dans le cas des cancers du sein n’étaient pas vérifiées. Cette surveillance post-thérapeutique était considérée comme coûteuse et n’améliorant pas la survie.

Ces idées ont été reprises dans un récent article américain en 2003 : la pratique du suivi intensif après traitement est fondée sur l’hypothèse que la découverte d’une récidive précoce peut donner une chance de guérison, améliorer la survie ou au moins la qualité de vie (39). On entend ici par « suivi intensif » : interrogatoire et examen clinique, biologie du sang (incluant Numération Formule Sanguine, biochimie, marqueurs tumoraux) et examens radiologiques (avec radiographie thoracique, éventuellement tomodensitométrie ou scintigraphie osseuse).

Cet article nous démontre l’inutilité d’une telle stratégie concernant le rapport coût / efficacité et le gain de survie ou de qualité de vie. Quelques examens sont suffisants pour optimiser le bénéfice à un moindre coût économique. Plusieurs autres études ont été publiées dans ce sens, à travers le monde (40-42).

b) Cancers colorectaux

Une méta-analyse néerlandaise publiée en 1994 avait montré, pour le cancer colorectal, qu’une surveillance post-thérapeutique renforcée, incluant un dosage plasmatique de l’ACE (Antigène Carcino-Embryonnaire), permettait d’obtenir un gain de survie de 9% à 5 ans, par la meilleure détection des récidives asymptomatiques, menant à de nouvelles interventions chirurgicales (43). Mais dès 1995, la même équipe publia une étude contradictoire, comparant des sujets « sans suivi » à d’autres sujets bénéficiant d’un suivi soit sélectif, soit intensif (44).

La plupart du temps, le suivi n’entraînait que des dépenses supplémentaires, sans aucun effet

Une étude danoise prospective randomisée, publiée en 1997, a inclus 597 patients âgés de moins de 76 ans et traités par chirurgie pour un cancer colorectal, entre 1983 et 1994 (45).

Les résultats ont montré que le taux de récidive était comparable dans chaque groupe (26%), le premier groupe bénéficiant d’un suivi fréquent, le second n’ayant pas de suivi spécifique (une consultation à 5 et 10 ans). Dans le premier groupe, le diagnostic de récidive était posé neuf mois plus tôt, mais sans conséquence sur la survie globale. Les rechutes détectées étaient plus souvent asymptomatiques, entraînant davantage de réinterventions chirurgicales à visée curative. On peut donc légitimement se poser la question de l’opportunité d’une telle attitude.

Une récente étude américaine, concernant les stratégies de suivi après traitement curatif pour un cancer colorectal, portant sur cinq essais randomisés, n’a pas démontré de supériorité d’un suivi intensif (comprenant des examens cliniques réguliers, examens biologiques dont le dosage de l’ACE, examens radiologiques) par rapport à des contrôles plus espacés, en termes de survie globale (46). De plus, cette stratégie intensive est plus coûteuse et n’a pas convaincu d’une amélioration de la qualité de vie.

On peut citer également une étude italienne, datant de 2000 et portant sur 216 patients traités chirurgicalement pour un cancer du rectum (47). Elle n’a permis de mettre en évidence aucune augmentation de la survie à long terme, après une deuxième intervention pelvienne à visée curative, pour les sujets bénéficiant d’un programme de suivi. Tous les patients inclus, sauf un, étaient décédés dans les quatre années suivant la seconde opération.

2. Contraintes du suivi hospitalier

Le suivi post-thérapeutique tel qu’il se déroule à l’heure actuelle, par l’intermédiaire des médecins spécialistes, présente certains aspects qui peuvent être vécus comme des contraintes par les patients. Nous allons nous intéresser tout particulièrement aux consultations ayant lieu dans les centres de référence en cancérologie, comme les Centres Hospitaliers Universitaires.

Tout d’abord, se pose le problème de l’éloignement entre le domicile du patient et le centre hospitalier où il est habituellement pris en charge. Au CHU de Poitiers, les patients fréquentant la consultation du service de cancérologie peuvent être originaires non seulement du département de la Vienne, mais également de départements limitrophes (les Deux-Sèvres) parfois en dehors de la région Poitou-Charentes (exemple de l’Indre). Ceci a des implications à différents niveaux : pratique, psychologique, économique. En effet, la longueur du trajet à effectuer est une contrainte pour le patient, qui devra souvent consacrer une demi-journée pour sa consultation et parfois se lever très tôt. Tout ce temps accordé aux déplacements risque fort de devenir un élément supplémentaire d’anxiété, alors que la seule perspective de la consultation de surveillance est généralement elle-même très anxiogène pour le patient. Par ailleurs, la prise en charge de ces transports par des sociétés d’ambulance constitue un coût économique non négligeable, supporté par les caisses d’Assurance Maladie, contribuant au déséquilibre budgétaire de la Sécurité Sociale.

Une fois arrivé à l’hôpital et après avoir rempli les diverses formalités administratives, le patient doit parfois attendre longtemps avant d’être examiné. En effet, le médecin qui assure la consultation (chirurgien spécialiste d’organe, oncologue médical ou radiothérapeute) a pu prendre du retard dans son emploi du temps, être appelé en urgence dans son service ou être retenu au bloc opératoire…

Le problème des délais d’attente se pose de la même façon lorsqu’un examen d’imagerie doit être réalisé dans le cadre du suivi post-thérapeutique. C’est cette disproportion entre le temps total passé dans la structure hospitalière et la durée effective de la consultation, ou de l’examen complémentaire, qui est mal ressentie par le patient.

Dans une étude britannique déjà citée, des patients suivis en oncologie se sont exprimés sur les qualités et les faiblesses de la prise en charge hospitalière (33). Le point le plus négatif était la durée de l’attente avant les consultations, considérée comme « excessivement longue » par 27% des sujets interrogés.

En 1996, un document du NHS (National Health Service) a établi, à partir d’une revue de 5 études, que les femmes traitées pour un cancer du sein voient rarement le même médecin en consultation de surveillance dans les centres de cancérologie (48, 49). Elles perçoivent ce manque de continuité comme un défaut de qualité des soins.

En France, cette situation n’est pas exceptionnelle. Dans les hôpitaux universitaires, de nouveaux internes et chefs de clinique prennent fonctions dans les services chaque semestre, amenant les patients à être pris en charge par des médecins inhabituels. Au CHU de Poitiers, le service de cancérologie essaye de respecter la notion d’un médecin spécialiste « référent », mais il arrive que ce dernier ne puisse assurer la consultation de suivi à la date initialement prévue. On propose alors au patient d’être examiné par un autre médecin, ou bien de reporter la consultation. Dans les deux cas, le changement de programme peut s’avérer perturbant pour le malade. D’une manière générale, les informations doivent circuler facilement entre tous les praticiens qui gèrent la surveillance post-thérapeutique. La désignation d’un référent médical, pour chaque patient, a pour but d’assurer la continuité des soins, et par voie de conséquence une meilleure qualité des soins.

3. Responsabilisation du patient

Le patient cancéreux a une part de responsabilité dans la prise en charge de sa maladie, et ce dès l’étape diagnostique (sans parler de la prévention ni du dépistage). Le corps médical a pour mission d’assurer, avec tous les moyens actuels dont il dispose (données de la science), la confirmation du diagnostic et le traitement de la pathologie tumorale, puis la surveillance au long cours. Il est fortement souhaitable que le patient soit impliqué directement tout au long de ce parcours. Pour ce faire, il doit recevoir des explications adaptées de la part de l’équipe soignante (50). Il s’agit non seulement d’un devoir d’humanisme, mais également d’une obligation déontologique et légale pour les médecins. Le Code de Déontologie médicale et le Code de Santé Publique sont là pour le rappeler. Cette information a pour objectif de faire comprendre au malade la nécessité de se soumettre à un protocole thérapeutique puis à des examens cliniques, biologiques et radiologiques réguliers, dans le cadre de la surveillance.

Cependant, il ne faut pas oublier que le patient est toujours en droit de refuser ce qui lui est proposé, en termes d’investigations, de traitement ou de suivi. Ce qui conduit parfois à perdre de vue certains d’entre eux, dont la surveillance post-thérapeutique ne pourra pas être assurée.

La loi du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, rappelle les fondements de l’information délivrée au malade, du recueil de son consentement et précise les conditions d’accès au dossier médical (51) :

« Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.

Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.

Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission. » (article L.1111-2 CSP)

« Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.

Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre un traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables.

Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment.

Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personne de confiance prévue à l'article L.1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté. » (article L.1111-4 CSP)

« Toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées et qui ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception des informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. » (article L.1111-7 al.1 CSP)

Il est donc important de bien expliquer à son patient cancéreux les modalités et objectifs du suivi proposé, après l’achèvement de la phase thérapeutique. Le calendrier prévisionnel des consultations devra être respecté aussi scrupuleusement que possible, compte tenu de tous les impératifs des divers acteurs de ce suivi. L’annulation d’un rendez-vous, s’il n’est pas reporté dans les meilleurs délais, peut porter préjudice au patient, qui s’expose alors au risque qu’une éventuelle récidive ne soit pas détectée…

Le patient doit aussi être responsabilisé quant à la prise des rendez-vous concernant ses examens complémentaires (bilans sanguins, radiographies, échographies, tomodensitométries, endoscopies...) aux périodes déterminées par le calendrier de suivi. Pourtant, aucun médecin ne pourra le forcer à faire ces examens s’il ne le souhaite pas.

Par ailleurs, il peut arriver que dans l’intervalle de deux visites programmées, un patient découvre lui-même une anomalie à l’auto-examen (en particulier à l’autopalpation des seins), ou présente des symptômes inhabituels fortement évocateurs d’une rechute tumorale. Certains sujets ont alors le bon réflexe de contacter leur médecin généraliste ou spécialiste, pour être examinés le plus rapidement possible, tandis que d’autres attendent la date déjà prévue pour la consultation suivante, ce qui peut constituer là encore une perte de chance, par un retard de diagnostic. Un travail d’éducation des patients reste à faire.

IV. RECOMMANDATIONS POUR LE SUIVI EN PHASE

Dans le document Faculté de médecine et de pharmacie (Page 31-36)