• Aucun résultat trouvé

1.2 Les déterminants et l’ampleur de la violence masculine à l’égard des femmes

1.2.1 Les déterminants de la violence masculine envers les femmes

1.2.1.2 Sur le plan économique : inégalités structurelles

Les hommes sont moins touchés par la pauvreté que les femmes, et ce, de manière disproportionnée, selon AI :

« Dans près de la moitié des cas (46 p. cent des foyers haïtiens) le chef de famille est

une femme. D’après l’ECVH, réalisée en 2001, l’extrême pauvreté dans les zones urbaines est nettement plus fréquente dans les foyers ayant une femme à leur tête. Par exemple, dans certaines zones urbaines, l’extrême pauvreté touche près de deux tiers des foyers dirigés par une femme (64 p. cent) » (AI, 2008, p. 6).

L’enquête nous fait comprendre que les femmes haïtiennes ont une responsabilité au niveau familial et elles n’ont presque pas le moyen pour répondre aux besoins les plus essentiels. Il nous semble qu’à travers cette situation de pauvreté, ces femmes n’ont pas le support de leur conjoint, ou encore elles sont des femmes monoparentales.

Gilbert explique :

« Aujourd’hui, la crise qui affecte l’ensemble de la population haïtienne pénalise

davantage les femmes rurales et celles qui vivent dans les bidonvilles. La déclaration de Beijing (septembre 1995) à ce propos ‘… (lorsque) les pénuries s’aggravent, les femmes en sont les principales victimes’ » (2001, p. 21).

On s’aperçoit facilement que cette deuxième idée renforce la première. De plus, l’autrice montre, à partir des études du programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), que : « il existe près de 90% des femmes haïtiennes, habitant les bidonvilles31, vivant en dessous

du seuil absolu de la pauvreté ». Elle cite aussi une « enquête industrielle » de l’Institut haïtien

31 Selon Roberson, les bidonvilles constituent les villes et les espaces de vie qui sont considérés comme

des territoires de prédilection où se manifestent souvent des situations au cours desquelles la violence est intervenue comme chef d’orchestre. L’auteur fait une hypothèse en indiquant que « si les données de Gilles (2008) sont exactes, près de 60% de la population urbaine d’Haïti vit dans des bidonvilles, qui présenteraient un potentiel de violence capitalisable à grand risque d’irradiation sous l’effet, entre autres facteurs, de l’exode rural. Ce potentiel peut être et comme de fait est souvent instrumenté et instrumentalisé dans les luttes politiques » (Roberson, 2013). L’idée qui se dégage ici n’est pas compatible à celle de Gilbert qui indique une prévalence exacte des femmes qui habitent dans les bidonvilles, mais une telle idée nous aiderait à comprendre qu’il y a plus de femmes qui vivent dans les bidonvilles que d’hommes. On pourrait alors penser que les femmes sont sujettes à subir des violences multiples dans un tel milieu.

de statistique et d’informatique (IHSI) de l’année 2000 qui démontre un meilleur accès aux activités mieux rémunérées pour les hommes que pour les femmes.

Tableau 1 - Répartition des salariés par sexe et par branche d’activités

Hommes % Femmes % Total

Branche d'activités de fabrication de produits alimentaires 3736 78 1027 22 4763 Fabrication textile 839 69 606 41 1445 Fabrication d'articles d'habillement 6489 38 10990 41 17479 Production de bois et d'articles en bois 1228 68 230 32 1458 Fabrication de papier et carton édition et imprimerie 607 72 123 38 730 Fabrication de produits chimiques 1008 89 115 11 1123 Fabrication d'articles en caoutchouc, en plastique et en produits non métalliques 2080 94 100 6 2180 Fabrication de produits métallurgiques de base et d'art en métaux 1476 93 257 7 1733

Dans ce tableau, le secteur au plus bas salaire, celui de la fabrication des articles d’habillement, emploie plus de femmes que d’hommes, soit 41% contre 38%. Cependant les branches d’activités les mieux rémunérées telles que la fabrication de produits alimentaires et la fabrication de produits chimiques, emploient une main-d’œuvre majoritairement masculine, soit respectivement 78% d’hommes contre 22% de femmes et 89% d’hommes contre 11% de femmes. Gilbert indique que sur le marché industriel, les hommes sont mieux rémunérés que les femmes, même si les deux effectuent le même travail. Or, nous l’avons relevé plus haut, ce sont les femmes qui, en tant que cheffes de famille majoritairement monoparentale, assurent la survie et la gestion quotidienne du foyer. De plus, l’autrice souligne que selon les enquêtes réalisées par le PNUD (1998), près de 70% des revenus des femmes sont consacrés à l’entretien de la famille, contre 40% pour les hommes. Ce pourcentage n’inclut pas les différents types de travaux qu’elles entreprennent pour l’entretien du foyer (Gilbert, 2001, p. 9,18-19, 21). Dans ce cas, nous comprenons que les femmes peuvent être violentées physiquement sans être battues.

Tableau 2 - Population occupée par branches d’activités et par sexes en pourcentage

Branches d'activités Hommes Femmes Total

Agriculture 28.0 16.5 44.5

Industrie 9.5 3.3 12.8

Commerce 4.7 21.0 25.7

Service 10.0 7.0 17.0

Total 52.2 47.8 100.0

Le tableau ci-dessus montre que les femmes sont majoritaires dans le domaine du commerce, tandis que les hommes le sont dans l’agriculture et le secteur industriel, selon Myrtha Gilbert qui se réfère à l’enquête budget consommation des ménages (EBCM), menée par l’institut haïtien statistique d’informatique (Gilbert, 2001, p.12).

Toutes les sources consultées montrent que la pauvreté est généralisée en Haïti. Elle atteint beaucoup d’hommes certes, mais moins que les femmes. Autrement dit, non seulement il existe plus de femmes qui sont pauvres que les hommes, mais la pauvreté des femmes est plus grave que celle vécue par les hommes. Ce qui nous permet d’avancer l’idée que la pauvreté comporte des dimensions genrées et qu’une telle pauvreté représente un lieu fertile pour le déclenchement de la violence faite aux femmes à travers la domination masculine.

On se rend compte que les hommes sont plus autonomes économiquement que les femmes et qu’ils dépensent très peu pour le foyer. Ils ont tous les moyens pour dominer leur partenaire, une domination qui peut déboucher sur toutes sortes de violence. Ainsi, les inégalités économiques entre les hommes et les femmes forment l’un des déterminants majeurs de la violence masculine envers les femmes.