• Aucun résultat trouvé

1.3. Les portraits, les positionnements des Églises face à la violence faite aux femmes et

1.3.3. Résultats des activités des organisations féministes et de femmes à propos de la

1.3.3.3 Programme d’éducation populaire

Maximé rapporte que ces organisations mettent aussi sur pied un programme d’éducation

57 Smith Maximé précise que la littérature féministe et de femmes sur le plan de la répartition des rôles

dans la société indique que « la division sexuelle du travail est un des piliers soutenant le système patriarcal ». En effet, d’après l’ordre social de genre, les hommes et les femmes sont souvent assigné.e.s à des espaces exclusifs

(Maximé, 2013, 74). Chancy, pour sa part, souligne trois points : (1) « le plaidoyer des organisations de femmes qui avaient pu constituer une commission de travail avec des parlementaires (1998-99) » ; (2) « en 2004, lorsque le MCFDF revient à la charge en conseil des Ministres pour l’adoption d’un décret contre les agressions sexuelles, c’est en concertation avec les organisations de femmes qu’il le fait » ; (3) « l’élaboration d’un projet de loi-cadre sur les violences, incluant la prévention, la prise en charge et les réparations, et fixant de façon précise les responsabilités des autorités publiques et des institutions » (Chancy, 2013, p. 26).

58 « Cette loi, soumise à l’attention des parlementaires depuis 2007 à l’initiative du Ministère à la

Condition Féminine et aux Droits des Femmes, a été votée par la Chambre des députés en 2010 et seulement en 2012 au Sénat » (Chancy, 2013, p. 20).

populaire ayant pour but de repenser un nouveau modèle masculin, de sensibiliser la majorité des hommes à participer aux différentes tâches domestiques ou ménagères qui ne sont pas réservées spécifiquement aux femmes ; par exemple, prendre soin des enfants, apprendre à cuisiner, à lessiver et à repasser. À travers cette démarche d’éducation populaire, il s’agit d’amener les hommes concernés à reconnaître que cette participation serait pour eux un atout dans la construction de leurs autonomies, en plus de permettre une relation de coopération avec la partenaire dans une dynamique de négociation et de compromis en permanence (Maximé, 2013, p. 77).

À notre sens, nous pouvons avancer qu’un tel programme d’éducation populaire est pertinent pour notre recherche, parce que ce serait un moyen de sensibiliser les hommes à accepter de s’intégrer pleinement aux activités domestiques et de créer, en même temps un espace pour que les femmes participent aux fonctions hiérarchiques tant sur le plan social que sur le plan religieux, comme Chancy et Maximé l’ont souligné.

Au stade des études actuelles sur la lutte contre la violence masculine envers les femmes, nous constatons qu’en fin de compte certains résultats ont été obtenus grâce aux efforts déployés par diverses organisations. Toutefois, le chemin à parcourir pour contrôler et même éradiquer la violence masculine envers les femmes est encore long.

Conclusion

À partir de la littérature existante, nous venons de tracer le portrait de la violence masculine envers les femmes dans la société haïtienne durant la période qui va de 1986 à 2016. Par ailleurs, à travers cette littérature, nous retrouvons une faille importante : peu d’éléments sont offerts sur la situation de la violence masculine envers les femmes dans les Églises. Cette lacune relance notre recherche dont le point focal consiste à corroborer la réalité structurelle des violences protéiformes contre les femmes dans les Églises avant de proposer des stratégies théologiques et pastorales de la réduction et même de l’éradication de ces violences qui s’opposent au message principal de l’Évangile de Jésus-Christ qui a dit :

« L’Esprit du Seigneur repose sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer

la Bonne Nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyé les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur » (Lc 4 : 18-19).

Smith Maximé fait allusion aux Églises en Haïti qui prônent la domination des hommes sur les femmes, mais de manière implicite. Gilles Danroc, André Corten et Hurbon Laënnec59

affirment que l’Église a lutté contre la violence durant la période de 1980 à1986. Cependant il s’agit, non seulement d’une violence politique, mais aussi d’un argumentaire qui montre la position de l’Église catholique. Nous notons plusieurs auteur-e-s qui manifestent leur intérêt, mais de manière peu étendue sur cette question telle que Édouard Roberson, Myrtha Gilbert, Shelley Wiley, Adeline Magloire Chancy et Jn-Baptiste, affirmant que les Églises, (1) favorisent la reproduction de la domination masculine sur les femmes en tenant compte du fait que la majorité des personnes qui remplissent les fonctions de décisions sont des hommes, (2) elles transmettent, d’une génération à une autre, des stéréotypes qui renforcent la violence masculine envers les femmes. Quoi qu’il en soit, ces arguments apparaissent peu convaincants, même si la majorité d’entre eux ressort d’un travail de recherche.

Ce que nous pouvons tirer de ce corpus, c’est que la violence contre les femmes en Haïti est un phénomène global et omniprésent. Cependant quelques faits doivent retenir notre attention :

- la prévalence des Églises chrétiennes en Haïti est de 95,29 %, le catholicisme rallie 70.06 % de la population, et le protestantisme est à 25,23 %.

- à l’échelle nationale, ces Églises sont chargées, en grande partie, de l’éducation tant au niveau primaire, secondaire et universitaire.

- l’Église catholique, en particulier, est en mesure d’effectuer un travail de médiation entre l’État et la population, entre l’État et l’international et elle peut se solidariser avec la population pour mettre fin à une dictature.

Nous pouvons donc avancer l’idée que d’une manière générale les institutions religieuses chrétiennes d’Haïti ont une influence sociopolitique, économique et culturelle sur la société haïtienne et sur le déploiement contemporain de la violence faite aux femmes dans ce pays. De ce fait, elles pourraient tenir une parole théologique face aux différentes formes de violence que

59 Laënnec Hurbon, sociologue et théologien haïtien. Il travaille sur les relations entre la religion, la culture

subissent les femmes. À partir de ces analyses, nous pouvons entrevoir l’effet positif d’une éventuelle mobilisation des Églises contre la violence envers les femmes en Haïti.

Toutefois, il est surprenant de voir que ces Églises ont démontré si peu d’intérêt envers cette violence qui est l’une des plus répandues dans le pays, selon ce que la littérature scientifique nous révèle. Comment expliquer ce fait ? Indifférence ? Tabou ? De plus, parmi les aspects que cette littérature nous dévoile, nous notons trois points, nous permettant d’appréhender l’indifférence des Églises face à cette violence : (1) les attitudes silencieuses des Églises par rapport aux différents phénomènes socio-politiques (2) la transmission du message des Églises sur la domination masculine à travers de la tradition biblique (3) la subordination des Églises par rapport à l’État. Pourquoi une telle indifférence ? Pourquoi une telle attitude silencieuse ? Comme le souligne Corten, pourquoi un tel laisser-faire ?

Dans le prochain chapitre, nous verrons que le problème qui nous préoccupe dans cette recherche va au-delà de l’existence de la violence faite aux femmes. Il s’agira de problématiser et d’analyser la situation de la violence masculine à l’égard des femmes haïtiennes à partir des mémoires de personnes haïtiennes ayant immigré à Montréal après avoir passé une partie de leur vie en Haïti. Nous le ferons dans une démarche praxéologique.

Chapitre 2

Étude du terrain sur les récits de vie des personnes immigrantes haïtiennes à propos de la violence masculine à l’égard des femmes dans les Églises en Haïti

« Nous racontons des histoires parce que finalement

les vies humaines ont besoin et méritent d’être racontées […] Toute l’histoire de la souffrance crie vengeance et appelle récit » (Ricoeur, 1991, cité par

Nadeau, 1987, p. 181 ; Nadeau, Golding, Rochon, 2012, p. 123).

Introduction

Dans ce chapitre, nous analysons les récits de vie ou des mémoires de personnes immigrantes haïtiennes au sujet de la violence masculine envers les femmes dans les Églises en Haïti. Nous sélectionnons 8 entretiens parmi les 21 entretiens effectués à Montréal durant la période du 18 juillet au 8 août 2016, avec des personnes qui ont vécu l’expérience ecclésiale en Haïti et qui vivent actuellement à Montréal. Nous expliquons plus loin, pourquoi nous avons retenu 8 entrevues parmi les 21 effectuées. Pour le moment, il suffit de dire que cette sélection est basée sur les entretiens qui sont les plus substantiels et les plus représentatifs, c’est-à-dire ceux qui contiennent le plus d’éléments intéressants pour notre recherche, plus de points saillants qui nous amènent à approfondir la compréhension du phénomène que nous explorons. Tout d’abord, nous limitons ce chapitre à la synthèse générale en présentant les occurrences des épisodes de violence et les points saillants des entretiens sélectionnés. Ensuite, nous précisons quelques notions telles que : récit de vie et entretien semi-dirigé relatif à la spécificité des procédures des entretiens. Puis, nous procédons à la transcription, à l‘analyse et à la synthèse de chaque entretien séparément relativement à une synthèse par groupe (4 hommes et 4 femmes). Plus spécifiquement, ce chapitre sera divisé en quatre sections :

- Préparation et conditions de déroulement des entretiens semi-directifs ; - Transcription et traitement des données des entretiens avec les 4 hommes ; - Transcription et traitement des données des entretiens avec les 4 femmes ; - Synthèse des 8 entretiens retenus.

Notre objectif, à travers ce travail de terrain60, est de trouver des éléments qui pourront

nous aider à comprendre en profondeur les conditions de la violence masculine envers les femmes dans les Églises en Haïti. Nous pourrons atteindre cet objectif en nous appuyant sur les réflexions pertinentes des personnes interviewées dans les entretiens.