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1.3. Les portraits, les positionnements des Églises face à la violence faite aux femmes et

1.3.3. Résultats des activités des organisations féministes et de femmes à propos de la

1.3.3.1 Le devenir de la violence faite aux femmes

À travers ses réponses à la violence faite aux femmes en Haïti, durant les 25 dernières années, Eunide Louis écrit :

51 Œuvres sociales des Églises catholiques. Ensuite, 40 % des écoles primaires et secondaires et 25 % au

niveau universitaire appartiennent aux Églises protestantes (Thélusma, 2016).

52 Wiley apporte un éclairage sur ce point de vue. Elle écrit : « Religious groups condemn violence, and

at this point it is largely political violence that takes center stage » (2003, p. 31).

53 Roberson indique aussi qu’une telle violence nous rappelle celle de la période esclavagiste, elle est à la

« Pendant la période considérée, soit de 1986 à nos jours, une prise de conscience timide

de la violence faite aux femmes s’opère dans la société haïtienne en raison des travaux réalisés par les organisations de femmes54. Les femmes imbues de leurs droits brisent de

plus en plus le silence. Elles témoignent des souffrances qu’elles subissent et dénoncent leurs agresseurs. Parallèlement, des institutions de prise en charge sont mises en place ou renforcées pour une meilleure écoute et un meilleur repérage des victimes de violence. Cette prise de conscience se traduit par plusieurs organisations de la société haïtienne. Le problème de violence quitte un peu la sphère privée pour devenir une question de sécurité publique, l’affaire de tout le monde et pas seulement celle des femmes » (Louis, 2013, p. 46).

Nous comprenons que 1986 marque la période d’un début d’émancipation pour les femmes en Haïti. Une émancipation qui avait déjà commencé en 1950, où les femmes haïtiennes avaient eu le droit de voter pour la première fois. Toutefois, tout s’était arrêté avec l’élection du dictateur Duvalier en 1957. Il fallut donc attendre 1986 pour retrouver le chemin de l’émancipation des femmes. Denyse Côté affirme :

« Le mouvement féministe reprendra le devant de la scène à la chute de Duvalier en

1986, porté par une nouvelle génération et par certaines leaders revenues de l’exil…par exemple, plusieurs leaders de deux organisations au cœur de ce renouveau, Solidarite Fanm Ayisyèn – SOFA) et Kay Fanm. Le coup d’envoi de ce renouveau sera sans contredit l’appel à manifester pour la démocratie et les droits des femmes lancé deux mois après l’exil de Jean-Claude Duvalier (Baby Doc) par des militantes et qui réunit dans une marche à Port-au-Prince plus de 30 000 femmes le 3 avril 1986 » (Côté, 2016, p. 157).

Un an après le départ de Duvalier, le 7 février 1986, l’autrice faisait état des activités réalisées par les organisations féministes, par exemple, 400 groupes locaux de femmes paysannes en plus d’importants groupes nationaux55 tels EnfoFanm plus les deux autres

54 En 1930, beaucoup de femmes organisaient une grande manifestation pacifique pour notifier à la

Commission Forbes, chargée d’évaluer la situation haïtienne, la volonté qui les anime de voir partir l’occupant. En 1934, elles se mobilisaient pour créer la première ligue féminine d’action sociale qui faisait de la reconnaissance de l’égalité civile et politique des femmes. En 1957, elles obtenaient non seulement le droit de vote, mais aussi celui de se porter candidates aux élections. Cependant, avec l’arrivée du régime Duvalier qui s’était transformé en dictature, les femmes ne pouvaient plus exprimer librement leurs doléances. Ce n’est qu’après la chute de Jean- Claude Duvalier, en 1986, qu’elles ont pu reprendre la parole sur la place publique (Louis, 2013, p. 46).

55 À noter que Sagine Beauzile, juge du tribunal de paix en Haïti, définit les trois groupes nationaux de la

façon suivante : 1) « Sofa » est une organisation féminine fondée en 1986 qui offre des services intégraux aux femmes et filles victimes de violence à travers le pays ; 2) « Enfofanm », une organisation de femmes qui travaille sur le plaidoyer des droits des femmes et administre un centre de documentation et d'information sur la question de genre en général et 3) « Kay fanm », une organisation féminine qui reçoit et donne appui aux femmes victimes de violence, et contient un centre d'hébergement pour les victimes (Beauzile, 2006).

mentionnés supra. De plus, ces organisations ont pu obtenir, en 1994, la création du ministère de la Condition féminine et aux Droits des femmes (MCFDF) (Côté, 2016, p. 157).

En outre, dans les années 1997, les organisations féministes et de femmes ont pris l’initiative de mettre en place un tribunal contre la violence à l’égard des femmes siégé à Port- au-Prince, en collaboration avec certaines institutions du pays (Côté, 2016, p, 158). Ce tribunal se fait sur le thème : « NAP WETE BABOUKET LA », ce qui veut dire « SORTONS DU SILENCE » ou « ÔTONS LE BÂILLON56 ». Avec une telle instance, les femmes étaient

maintenant en mesure de dénoncer, en toute sécurité, les violences qu’elles subissaient, en présence d’organisations nationales et internationales des droits humains qui comprenaient l’urgence de prendre des mesures à la fois juridiques, légales et institutionnelles afin de punir toutes formes de violence envers les femmes. D’après Côté, la mise en place de ce tribunal était considérée comme une riposte contre toutes les formes de violence (physique, sexuelle, etc.) que les femmes avaient subies, particulièrement durant les années 1991-1997. Cela a donné des résultats. C’est au cours de cette période que le panel de juges d’expertes internationales et de représentantes d’associations de la société civile haïtienne a fait une recommandation au gouvernement du pays de préparer, de concert avec la coalition d’organisations féministes, « une loi sur l’élimination de toute forme de violence faite aux femmes ». Il faut bien reconnaître qu’il y a eu, dit-elle, particulièrement après le séisme de 2010, un ensemble de formations contre la violence faite aux femmes organisées par la concertation nationale durant la période 2012-2016. Le tout a été organisé sous la forme d’une campagne de sensibilisation contre la violence envers les femmes. (Côté, 2016, p. 158).

Nous comprenons que grâce aux efforts que les organisations nationales et internationales ont déployés en Haïti durant les périodes difficiles de la vie nationale, la situation des femmes en Haïti a un peu évolué. Par contre, il reste beaucoup encore à faire, vu l’ampleur de la violence masculine sur plusieurs plans, culturel, économique, politique et ecclésial, comme

56 Cette expression vient du rapport de l’organisation d'un tribunal international contre la violence faite

aux femmes haïtiennes (Brigades de paix internationales, 1997, reprise par David Longtin en disant ce qui suit : « […] le tribunal, organisé autour du thème ‘N ap wete babouket la’ (Ôtons le bâillon), était présenté comme un

‘espace ouvert’ devant permettre aux femmes de sortir du silence où la société les avait enfermées et de la honte qu'elles ressentaient à la suite des brutalités subies. D'ailleurs, l'un de ses objectifs était d'entendre la ‘parole directe’ des victimes afin de faire paraître la violence faite aux femmes » (2010, p. 83).

l’ont expliqué plusieurs auteur-e-s auxquels nous nous sommes référés dans les sections précédentes. Il nous semble que les organisations dont il a été question doivent continuer leurs démarches, en incluant certains hommes proféministes et de bonne volonté, pour lutter contre cette violence qui est un fait quotidien (Gilbert, Roberson et Georges-Pierre).