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Pour rendre compte de la préparation et des conditions du déroulement des entretiens, nous précisons, d’abord, deux notions principales : le récit de vie et l’entretien semi-dirigé, en soulignant les intérêts de chacun. Ensuite, nous abordons les procédures des entretiens en indiquant les grandes lignes du questionnaire, les critères de recrutement des participant.e.s, la

confidentialité à propos des informations reçues, les difficultés rencontrées et les conditions requises pour effectuer le travail de terrain sur les récits de vie des personnes immigrantes haïtiennes au sujet de la violence masculine à l’égard des femmes dans les Églises en Haïti.

2.1.1 Notions principales 2.1.1.1 Récit de vie

La notion de récit de vie que nous adoptons pour notre recherche est la suivante : il s’agit d’une histoire61 individuelle située socialement dans une époque et dans un contexte déterminé.

Un tel récit est fait par un répondant, appelé narrateur, à un interlocuteur, appelé narrataire ou chercheur (Desmarais, 2012, p. 1-2). Bien sûr, il s’adresse au chercheur qui a pour rôle de révéler la richesse et le savoir qui se trouvent dans les entretiens (Savoie-Zajc, 2003, p. 342-343). De plus, ce récit est une sorte de reconstruction de vie à travers des mots et des phrases en faisant des liens entre divers évènements en vue de créer ou de recréer le sens. Un tel récit s’inscrit dans un cadre relationnel et communicationnel à caractère trilogique :

- un narrateur/une narratrice (participant.e) : celui/celle qui fait le récit ;

60 Ce travail de terrain est un travail d’observation (regard), considéré comme la première des cinq «

coordonnées méthodologiques de base de la praxéologie pastorale ». À titre d’information, les 4 autres sont : problématisation, interprétation, intervention et prospective (Nadeau, 1987, p. 11).

61 Le mot histoire vient du grec « histaur qui désigne celui qui sait, qui connaît et qui par conséquent, peut

- un narrataire : celui/celle à qui s’adresse le récit (le chercheur/la chercheuse) ;

- un contexte médiatique : l’écoute, l’enregistrement, la prise de notes (Desmarais62

2012).

Le récit de vie nous permet :

- d’obtenir de nouveaux points de vue, de faire de nouvelles réflexions sur le phénomène dont on ne peut pas recueillir d’informations à partir d’une observation directe ;

- de développer un regard critique, synthétique et compréhensif sur le phénomène étudié, ici la violence masculine à l’égard des femmes dans les Églises en Haïti ;

- de faire un passage de la parole à l’acte afin de réduire l’écart entre le dominant et le dominé (Rhéaume63, 2012, p. 79).

2.1.1.2 Entretien semi-dirigé

L’entretien semi-dirigé que nous adoptons pour notre recherche est une technique qui nous permet de collecter des données sur les récits de vie des personnes immigrantes haïtiennes qui vivent à Montréal. Il est une interaction verbale animée de manière souple, entre les participant.-e-s qui s’engagent volontairement et le chercheur ou narrataire pendant une durée

variant d’une heure à une heure trente. Un tel entretien peut aussi être appelé semi-structuré ou semi standardisé, selon Savoie-Zajc (2003). Pour cet entretien, nous utilisons une approche qualitative, c’est-à-dire une approche nous permettant d’analyser les données descriptives ; par exemple, les paroles dites et le comportement observé des personnes répondantes au sujet de la violence masculine à l’égard des femmes dans les Églises en Haïti. Une telle approche nous incite à faire des entretiens individuels semi-dirigés d’au moins une heure afin de comprendre en profondeur les facteurs conditionnant les différents aspects du comportement des acteurs/actrices qui sont impliqué.e.s dans les épisodes de cette violence. Nous avons éliminé

l’idée d’entretien de groupe, car nous pensons que sur un sujet qui touche l’intimité, les personnes, en particulier haïtiennes, sont plus à l’aise à s’exprimer ouvertement dans une rencontre individuelle.

62 Danielle Desmarais est professeure titulaire à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

En outre, nous estimons que l’entretien individuel semi-dirigé nous facilite, d’une part, « d’apprendre le monde64 » des participant.e.s qui tentent d’exprimer leur pensée sur le

phénomène à étudier. D’autre part, il permet de mettre en lumière, après une écoute attentive, les dimensions individuelles des répondant.e.s, à propos de la violence masculine à l’égard des

femmes dans les Églises haïtiennes, afin de faire émerger une compréhension profonde de ce phénomène.

Dans le cadre d’une recherche qualitative65 nous adoptons l’entretien semi-dirigé parce

qu’il nous permet de produire avec les personnes répondantes un savoir contextuel, un savoir socialement élaboré ou encore un « savoir en situation », pour reprendre une expression de Savoie-Zajc66 (2003, p. 343). Cela constitue la base de notre recherche qualitative. Ainsi, c’est

à travers cette base que nous pourrons obtenir les points de vue que l’on ne peut plus recueillir autrement, et développer notre compréhension et notre regard critique vis-àvis du phénomène étudié.

2.1.2 Procédures des entretiens 2.1.2.1 Questionnaire des entretiens

Ce questionnaire est réparti comme suit : (1) mise en contexte (2) situation religieuse (3) dimension ecclésiale des rapports hommes-femmes (4) dimension ecclésiale de la domination et de la violence masculine à l’égard des femmes (5) pratiques contre la violence envers les femmes dans les Églises parmi les fidèles (6) rapports hommes-femmes et les membres du clergé (7) prospectives (voir annexe A).

64Apprendre le monde des participant.e.s ou le monde de l’autre est une idée développée par Savoie-Zajc

(2003, p. 299).

65La recherche qualitative est un ensemble de technique nous permettant d’une part, d’obtenir un aperçu

du comportement et des perceptions des gens et, d’autre part, d’étudier leur opinion sur un sujet particulier de façon plus approfondi que dans un sondage. Si nous optons pour une telle recherche, c’est parce que nous voulons mieux comprendre les différents enjeux de la violence masculine à l’égard des femmes dans les Églises en Haïti en vue d’apporter un changement, tant dans le domaine social que religieux.

66 Lorraine Savoie-Zajc est professeure associée au Département des sciences de l'éducation de l'Université

Il faut noter que la façon de procéder pour poser les questions aux personnes participantes, cela tout au long de l’entretien, consiste à effectuer des ajustements si nous jugeons qu’il est pertinent de le faire.

2.1.2.2 Critères de recrutements des participant.e.s

- Être âgé.e de 40 à 80 ans, afin d’interroger des personnes qui ont une expérience

significative dans la vie et qui ont eu l’occasion d’observer ou de vivre la violence masculine à l’égard des femmes dans les Églises en Haïti durant la période67 allant de 1986 à 2016.

- Avoir passé une partie de sa vie en Haïti et être en mesure de partager des récits de vie et des témoignages sur la violence masculine à l’égard des femmes dans les Églises de ce pays. - Avoir appartenu à une Église en Haïti, sans que ce soit nécessairement le cas dans le pays d’accueil.

2.1.2.3 Confidentialité

Afin d’assurer la confidentialité des informations reçues, des pseudonymes sont utilisés pour désigner les personnes participantes. Nous avons également pris le soin d’éliminer tout ce qui pourrait permettre d’identifier l’une ou l’autre d’entre elles.

2.1.2.4 Difficultés

Les difficultés que nous avons rencontrées au cours des entretiens sont les suivantes : - Le retrait, sans explication, de 8 participants masculins quelques jours avant les entretiens. Rien n’a permis de comprendre les motifs de ces désistements. Il est cependant frappant que ce phénomène n’ait concerné que des hommes. Nous ne disposons pas d’explications probantes à ce sujet. Toutefois, nous remarquons qu’il semble difficile pour des hommes haïtiens d’aborder ouvertement ce sujet. Pour surmonter cette situation, une participante déjà interviewée nous a orientés gracieusement pour recruter sans difficulté le nombre de participants masculins manquants.

67 Voir la section 1.1.1.1.3 du premier chapitre, en particulier le dernier paragraphe, pour le détail sur le

- L’ambiance dans laquelle nous avons effectué les entretiens : il y avait beaucoup de bruits (les entretiens se sont déroulés dans le local d’un camp de jour pour enfants). Par conséquent, l’enregistrement n’était pas de bonne qualité, ce qui a allongé le temps de la transcription.

2.1.2.5 Conditions requises pour effectuer les entretiens

Pour mener les entretiens semi-dirigés à Montréal, il nous fallait remplir les conditions suivantes : (1) l’approbation du projet de thèse par la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal, (2) l’obtention d’un certificat d’éthique par le Comité plurifacultaire d’éthique de la recherche de l’Université de Montréal, (3) une lettre d’autorisation émise par le responsable de la communauté haïtienne de Montréal concerné, (4) l’organisation d’une réunion d’information relative aux objectifs et au déroulement des entretiens semi-dirigés avec les candidat.e.s qui accepteraient d’y participer.

Ces entretiens ont presque tous été effectués en créole, la langue maternelle des personnes participantes dans laquelle elles se sentaient plus confortables. Ils se sont déroulés du 18 juillet au 8 août 2016 et ils ont duré d’une heure à une heure et demie pour chaque participant.e. Les entretiens ont été enregistrés en audio, puis retranscrits. Chaque participant.e

a reçu une compensation monétaire en guise de remboursement pour les frais de déplacement et/ou de gardiennage.

Les personnes participantes étaient invitées à : (1) signer le formulaire de consentement (voir annexe B) après que nous leur ayons expliqué les grandes lignes du projet et la politique de confidentialité qui les protège, (2) accepter une participation sur une base volontaire et si pour une raison quelconque elles désiraient interrompre l’entretien, leur demande serait respectée, (3) raconter leur expérience relativement à la violence faite aux femmes dans les Églises haïtiennes en Haïti, allant de la période de 1986 à 2016.

Il a fallu deux jours, à raison de dix heures par jour, pour transcrire un entretien d’une heure à une heure et demie.

- En outre, parmi les 21 entretiens, 17 participant.e.s (soit 81 %) s’exprimaient

complètement en créole, et quatre répondant.e.s ont accepté de faire l’entretien en français. Les

créole a ainsi perdu quelque peu de sa saveur étant donné que l’expression vivante en créole était parfois difficile à rendre en français, ce qui se produit généralement en contexte de traduction. En dépit de tout, nous avons tout fait pour conserver la pensée originale des interviewé.e.s et la spontanéité de la conversation orale.

- Les entretiens ont eu lieu au moment et à l’endroit choisis par les personnes concernées. Nous avons pu effectuer des entretiens semi-dirigés avec 12 femmes (11 laïcs et une religieuse), ainsi que 9 hommes (8 laïcs et un membre du clergé). Ces personnes sont toutes des immigrantes haïtiennes qui vivent à Montréal.

2.1.2.5.1 Sélection des entrevues

Comme nous voulions avoir des entrevues qui nous paraissaient vives, utiles et pertinentes pour notre recherche et une certaine parité en terme numérique, nous avons décidé de choisir 8 entrevues parmi les 21 effectuées, soit 4 hommes et 4 femmes. Ces 8 entrevues présentent des récits de vie représentatifs et substantiels. Nous avons décidé, dans un premier temps, de ne pas travailler avec les 13 autres entrevues parce qu’elles étaient très pauvres en termes de contenu pour notre recherche. Dans un second temps, nous voulions éviter de prendre des éléments par codage afin de ne pas perdre la dimension des récits de vie. En conséquence, nous estimons que le choix des 8 entrevues retenues nous paraît être la meilleure solution pour notre recherche.