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CHAPITRE V. LA RESPONSABILITE ELARGIE DU PRODUCTEUR : DU CONCEPT A L’APPLICATION

2.2. LA SUCCESSION DES FILIERES R.E.P

Chacun devra dorénavant assumer une part de la responsabilité collective de la gestion des ressources et le citoyen-consommateur apparait dans la sphère des acteurs du déchet.

2.2. LA SUCCESSION DES FILIERES R.E.P.

Depuis la fin des années 90, plusieurs filières R.E.P. se succèdent : médicaments non utilisés, piles et accumulateurs usagés, déchets de produits phytosanitaires, pneus usagés, véhicules hors d’usage, déchets d’équipements électriques et électroniques, déchets d’imprimés, déchets de textiles ou encore fluides frigorigènes. Tous suivent le principe de filière R.E.P. tout en ayant des organisations très différentes. Les années 2000 seront celles de l’aboutissement de filières R.E.P. volontaires ou réglementées. Le dispositif des déchets d’emballages servira d’exemple à différents produits qui vont s’attacher à organiser leur propre filière. Ainsi, les acteurs privés intègrent des cadres décisionnels publics afin d’imposer leur logique économique et d’y modeler les filières de traitement de leur produit. Ce processus est permis par les mécanismes de décision publique « qui donnent la possibilité à des représentants de

secteurs économiques de faire valoir leurs positions »367. Les organisations sont différentes, mais le système reste axé sur le même principe : la Responsabilité Elargie du Producteur.

365 ActuEnvironnement, Interview Claude Platier FEDE REC, 11/10/2006

366 Y. Rumpala, Le réajustement du rôle des populations dans la gestion des déchets ménagers. Du

développement des politiques de collecte sélective à l'hétérorégulation de la sphère domestique .

1999, Revue française de science politique, 49e année, n°4-5, pp. 601-630, p614. 367 Y. Rumpala, Op.cit., 2003, p254.

LES MEDICAMENTS NON UTILISES (MNU)

La filière des médicaments non utilisés (MNU) est construite de façon très particulière. Encadré par le décret sur les emballages, l’industrie pharmaceutique ne participe pas aux éco-organismes ECO-EMBALLAGES ou ADELPHE mais crée une association CYCLAMED en 1993. Celle-ci vise à respecter la spécificité des médicaments non utilisés : ce ne sont pas seulement des emballages perdus mais aussi des produits précieux – parfois dangereux – pouvant être réutilisés dans le secteur humanitaire. CYCLAMED reçoit son premier agrément le 20 septembre 1993. Bien que ce dispositif se veuille pragmatique et modeste, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales l’épingle en 2005 : « Le dispositif CYCLAMED

trouve sa source dans un gaspillage non maîtrisé, […] présente des performances environnementales médiocres et n’incite pas les industriels du médicament à être plus actifs »368. Il est reproché à ce dispositif de ne pas favoriser la prévention de la production de

déchets alors que la France fait partie des pays les plus consommateurs de médicaments. De même, la filière de collecte récupère très peu de déchets d’emballages (11,6 %) et encore moins de médicaments non utilisés (5, 7 % des médicaments vendus alors que selon les estimations près d’un médicament remboursé sur deux n’est pas pris).

Enfin, la finalité humanitaire de CYCLAMED est remise en cause par l’Organisation Mondiale de la Santé, la Banque mondiale et le Haut Comité pour les Réfugiés (HCR)369. Ces derniers recommandent l’interdiction d’exportation des MNU, qui en 2007 est votée par le parlement français. Depuis la directive de 2004 sur les déchets d’emballages370 (et notamment des emballages de médicaments), le dispositif est réactivé et CYLAMED est approuvé dans ses nouvelles modalités – c’est-à-dire sans sa mission originelle humanitaire – de contrôle du dispositif des déchets d’emballages (associé à l’éco-organisme ADELPHE) et des MNU. D’une filière volontaire sujette à polémique dans les années 1990, elle s’est muée dans les années 2000 en une filière obligatoire et contrôlée. La réutilisation des MNU dans le secteur de l’humanitaire étant bannie, les techniques d’élimination correspondent dès lors à la seule incinération avec valorisation énergétique, c’est à dire l’exutoire des déchets ménagers résiduels.

368 E. Grass, F. Lalande, Enquête sur le dispositif de recyclage des médicaments « Cyclamed », 2005, rapport 2005 00 de l’Inspection générale des affaires sociales, p2 -3.

369

Ibid., p5.

LES PILES ET ACCUMULATEURS (P&A)

Les piles et accumulateurs sont des déchets dangereux en raison de leur composition en métaux lourds dangereux pour l’environnement (nickel, cadmium, mercure, plomb, fer, zinc ou lithium). La directive de 1991 relative aux piles et accumulateurs371 demande aux Etats de faire des efforts de prévention : réduction de la quantité de métaux lourds des piles mises sur le marché et réduction de la quantité de piles retrouvées dans les ordures ménagères. Concernant leur élimination ou valorisation, le texte ne mentionne pas de R.E.P. mais seulement la mise en place de programmes de collecte par les Etats. La France décide de mettre en œuvre le principe de R.E.P. concernant les piles des ménages pour cette filière dans le décret 97-1328 du 30 décembre 1997. Deux sociétés à but non lucratif (COREPILE et SCRELEC) sont approuvées par le Ministère pour l’hexagone alors que trois associations se mettent en place dans les DOM où la problématique est spécifique du fait de l’obligation de renvoyer en métropole les flux de déchets. Les deux principaux éco-organismes COREPILE et SCRELEC – qui ne sont pas dans un premier temps agréés par décret mais conventionnés pour une durée de deux ans – participent à l’effort de sensibilisation et de collecte via des contenants spécifiques, puis indemnisent les collecteurs. Le traitement se réalise dans des installations dédiées par des procédés hydrométallurgiques, pyrométallurgiques, thermiques associés parfois à des sites de prétraitement (broyage et séparation magnétique). La valorisation matière représente le débouché le plus important à ce traitement (89%), le reste étant envoyé en centre de stockage (7%) ou en traitement physico-chimique (4%)372. A la marge de dispositif mais pourtant intégré dans le cadre réglementaire du décret de 1999, il faut rajouter le cas des accumulateurs au plomb. Cette filière spécifique est toujours indépendante car elle reste autofinancée, notamment du fait de la valeur marchande du plomb. Elle obtient d’ailleurs d’excellents taux de collecte grâce aux réseaux des récupérateurs.

La directive 2006/66/CE instaure de nouvelles obligations telles que la collecte et l’élimination sur le principe de la R.E.P. , l’abandon de la distinction « ménager/ professionnel » (d’où une R.E.P. étendue aux professionnels), le marquage de la capacité, la restriction de mise sur le marché des piles et accumulateurs au cadmium, et des objectifs de taux de collecte de 25% en 2012 et de 45% en 2016 pour les piles et accumulateurs portables.

371 Directive 91/157/CEE du Conseil du 18 mars 1991 relative aux piles et accumulateurs contenant certaines matières dangereuses

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ADEME, Rapport annuel de la mise en œuvre des dispositions réglementaires relatives aux piles

La transposition par le décret n° 2009-1139 du 22 septembre 2009, relatif à la mise sur le marché des piles et accumulateurs et à leur élimination après usage, introduit aussi de nombreuses modifications du dispositif : responsabilité élargie du producteur étendue aux piles et accumulateurs industriels et automobiles, mise en place d’un registre national des producteurs de piles et accumulateurs, remplacement des conventions (durée de 2 ans) par des agréments (durée de 6 ans) des éco-organismes de type « organisateur ». Par ailleurs, la collecte séparée des Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques à partir de 2006 permet une augmentation de la récupération des piles et accumulateurs démontés dans les petits appareils ménagers en fin de vie.

LES EMBALLAGES USAGES DES PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES (EVPP) ET PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES NON UTILISABLES (PPNU)

Le secteur de l’agrofourniture est aussi à l’initiative d’une filière R.E.P. . Les professionnels de l’agrofourniture ont mis en place, dès 2001, de façon volontaire, une organisation spécifique de gestion des produits phytopharmaceutiques en fin de vie : emballages usagés (EVPP) et produits non utilisables (PPNU). Créée le 4 juillet 2001 à l’initiative de l’Union des Industries de la Protection des Plantes (UIPP), ADIVALOR est une société privée sans but lucratif qui organise le fonctionnement de la filière entre agriculteurs, distributeurs et industriels373. Le contexte pressant en 2001 concernant les stocks historiques de produits phytopharmaceutiques contenant des éléments très toxiques (notamment de l’arsénite de soude) a poussé cette communauté interprofessionnelle à agir sans préexistence d’une réglementation spécifique. Depuis, un accord cadre a été élaboré avec le Ministère de l’Environnement en 2003, reconnaissant l’action d’ADIVALOR et son rôle d’interface privilégiée en tant qu’éco-organisme. Par la suite, le dispositif s’étend en 2007 aux emballages des engrais (EVPF) et en 2008 aux films agricoles usagés (FAU).

LES PNEUS USAGES (PU)

La filière des pneus usagés a pris une longue période pour se structurer depuis les premières polémiques visant la constitution de stocks historiques laissés à l’abandon, les « stocks orphelins ». Ainsi, la filière s’organisait entre garages et récupérateurs, mais le marché devenant nettement moins lucratif dans les années 1990, on a vu le développement de dépôts

373

Présentation d’ADIVALOR disponible sur

sauvages. L’Etat français décide alors pour y remédier de mettre en place une filière R.E.P. avec le Décret 2002-1563 du 24 décembre 2002. La réglementation prévoit, en plus d’un agrément de la préfecture pour les collecteurs et traiteurs des pneus usagés, la responsabilité technique et financière des producteurs. Pour assurer cette responsabilité, les principaux manufacturiers (BRIDEGESTONE, CONTINENTAL, DUNLOP GOODYEAR, KLEBER, MICHELIN et PIRELLI) créent en 2003 une société anonyme (un éco-organisme de type « organisateur ») répartie à parts égales de capital : ALIAPUR374. Les adhérents d’ALIAPUR représentent 75% du marché. Les autres éco-organismes sont FRANCE RECYCLAGE PNEUMATIQUES créé par les importateurs de pneus (14% du marché) et COPREC. Dans les Départements d’Outre-mer se sont aussi créés des éco-organismes spécifiques aux départements comme l’association pour la valorisation des pneumatiques usagés de la Réunion (AVPUR) et, en Guadeloupe et en Martinique, une association pour le traitement des déchets automobiles (TDA).

La problématique des « free riders »375, qui implique la vente de pneus sur le marché européen sans s’acquitter de la contribution financière, est de plus en plus prégnante et met en péril l’équilibre de la filière. En effet, de nombreux importateurs passent outre une affiliation à un éco-organisme ou un système individuel, et ALIAPUR menace de ne pas traiter ces flux de déchets supplémentaires. Les distributeurs, quant à eux, ont l’obligation de reprendre gratuitement les pneus usagés dans la limite des tonnages et des types de pneumatiques qu’ils ont eux-mêmes vendus l’année précédente. Cela pose donc le problème du coût du traitement de certains pneus que les distributeurs ou fabricants n’ont pas payé.

Les modes de traitements sont autorisés par le décret sans toutefois présenter une hiérarchie : réemploi (pneus dits d’occasion), rechapage, utilisation pour des travaux publics, des travaux de remblaiement ou de génie civil, recyclage sous forme de déchiquetas, granulats et poudrettes, utilisation comme combustible, incinération avec récupération d’énergie, utilisation pour le maintien des bâches d’ensilage, broyage ou découpage en vue d’un traitement ultérieur. ALIAPUR a d’ailleurs réalisé l’analyse du cycle de vie de neuf de ces

374 D’après <http://www.aliapur.fr/> 375

Terme économique anglo-saxon traduit par « passager clandestin ». Il désigne une personne ou un organisme qui obtient et profite d'un avantage sans acquitter sa juste quote -part ou le droit d'usage prévu.