• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE V. LA RESPONSABILITE ELARGIE DU PRODUCTEUR : DU CONCEPT A L’APPLICATION

1.1. LES OBJECTIFS PRAGMATIQUES : L’ECO-CONCEPTION ET LE TRANSFERT DE RESPONSABILITE

La R.E.P. repose sur deux objectifs pragmatiques et interdépendants : « le transfert en amont

de la responsabilité (matérielle et/ou économique ; totale ou partielle), des communes vers les producteurs ; et la création d’incitations en faveur de la prise en compte des aspects environnementaux par les producteurs dans le cadre de la conception des produits »348. Un objectif secondaire s’y ajoute : le développement d’objectif de valorisation à atteindre. Ce dernier objectif prend de plus en plus d’importance car il est introduit systématiquement dans les législations européennes ou françaises relatives à la R.E.P. comme décrit ci-dessous. En effet, le législateur tient à mesurer la performance, selon les cas, à l’aide de taux de collecte par habitants et de taux de recyclage et valorisation par matériel.

La deuxième caractéristique de la R.E.P. est l’introduction d’une contrainte d’éco-conception des produits. L’éco-conception se définit par la prise en compte des impacts environnementaux à toutes les étapes du cycle de vie du produit. L’incitation à la conception de produits moins polluants et ayant pour effet la réduction des coûts de fin de vie se matérialise par des efforts à fournir chez les producteurs : « La R.E.P. cherche à donner aux

producteurs des incitations et signaux appropriés à propos des incidences des produits au cours de leur cycle de vie. Elle intervient au niveau de ce que beaucoup considèrent comme le maillon le plus faible de la chaine de responsabilités du fait des produits, à savoir l’élimination finale du produit après son achat et son utilisation par la consommateur »349

.

348

OCDE, Responsabilité Elargie des Producteurs : Manuel à l’intention des pouvoirs publics , 2001, p18.

Cette contrainte du côté des producteurs est nouvelle car la prise en compte des impacts environnementaux de leurs produits est peu encadrée par la réglementation.

Le transfert en amont de la responsabilité s’opère grâce à un transfert de charges des collectivités vers les « metteurs sur le marché ». L’introduction des produits sur le marché européen de la consommation ne se fait pas seulement par des producteurs, mais aussi par des importateurs de marché extérieur à l’Europe, des vendeurs à distance, des distributeurs, etc. La responsabilité des producteurs peut être assumée de façon individuelle ou collective concernant l’organisation technique, de la chaîne de collecte et d’élimination. Le système individuel représente un lien direct du produit en fin de vie au producteur ce qui signifie que le producteur collecte et traite lui-même l’équipement vendu à un utilisateur. Cette situation a l’avantage de favoriser des efforts de réparation des matériels, plutôt que de systématiquement chercher à les éliminer.

On peut même imaginer que ce système pourrait inspirer un dispositif proche de l’économie de fonctionnalité chère à Nicolas Buclet, « à savoir la substitution de la vente de l'usage d'un

bien à la vente du bien lui-même »350. Ce dernier argument se matérialise notamment au travers de l’expérience de l’entreprise Xerox351. En effet, l’entreprise, qui vend des impressions de feuille plutôt que des photocopieurs, maximise ses profits en basculant son offre d’une logique de produit à une logique de service. Ainsi, l’entretien, la maintenance et la gestion de la fin de vie sont prises en charge par l’entreprise qui internalise et optimise cette activité. Une déclinaison de la R.E.P. pourrait clairement permettre de mettre en place à grande échelle ce système de reprise. Pour autant, cette organisation individuelle est pertinente pour les produits professionnels – dont les utilisateurs finaux sont des professionnels – car les déchets sont plus homogènes et plus accessibles, et les contrats entre les deux organisations sont viables, ce qui est difficilement envisageable avec des particuliers.

350

D. Bourg, N. Buclet, L'économie de fonctionnalit é. Changer la consommation dans le sens du

développement durable, 2005, Futuribles, p3.

LES ECO-ORGANISMES

L’organisation collective est la plus représentée et elle s’organise à l’aide d’éco-organismes (aussi appelés « organisations de producteurs responsables »). Ainsi, les producteurs se regroupent et créent par et pour eux ces organismes collectifs qui vont leur permettre d’assumer leurs responsabilités concernant la gestion financière et technique des produits en fin de vie. Ces éco-organismes sont des instruments gestionnaires qui présentent de nombreux avantages pour les producteurs. D’abord, ils mettent en place à l’échelle nationale une filière de collecte et traitement en optimisant les coûts logistiques grâce aux économies d’échelle. Ensuite, ils ont pour mission de remplir les obligations des producteurs en tant qu’interface privilégiée avec l’Etat concernant les atteintes des objectifs de collecte et de valorisation. Ils assurent également la communication vers les autres acteurs des informations sur les mises sur le marché et les modes de traitements. On n’en dénombre pas moins d’une centaine en Europe et une quinzaine en France. En France, il s’agit d’un gisement352 de dix-huit millions de tonnes de déchets dont environ treize millions de tonnes de déchets ménagers353. Cela engendre 761 millions d’euros d’éco-contributions en 2009 récoltées par les éco-organismes dont 60% sont reversés aux collectivités.

Bien qu’il existe une grande variété d’éco-organismes, le « portrait robot » de l’éco-organisme moyen pourrait répondre à plusieurs critères. Ainsi, il :

- Est créé en application d’une réglementation (française ou européenne) ;

- A un statut de société privée, dont le but non lucratif est établi de sa propre initiative ; - Est dirigé par les représentants des producteurs et importateurs des produits concernés.

Les autres acteurs de la filière de collecte et traitement ainsi que les Pouvoirs publics sont peu représentés;

- Obtient un agrément du Ministère de l’Environnement ;

- Effectue une déclaration annuelle de ses résultats (tonnages collectés et traités) ; - Détermine et collecte le montant des éco- contributions payées par ses adhérents pour

les produits ;

- Finance les activités correspondant à la collecte et au traitement des produits en fin de vie.

352

Il s’agit d’une estimation d’un gisement de déchets qui dépend de la durée de vie des produits. 353 ADEME, La responsabilité élargie du producteur, Panorama 2010, 10/2010, Collection Repères

Notons toutefois qu’il existe deux types d’éco-organismes qu’il est important de différencier. Le premier type d’éco-organisme dit « financeur » ne s’occupe que de la gestion financière de la filière. Il collecte les contributions et les reversent à certains acteurs (surtout les collectivités) pour leur effort de tri et de recyclage des produits concernés. Le second type d’éco-organisme dit « organisateur » fait appel et choisit des prestataires à qui il sous-traite les activités de collecte et traitement des produits. Ce type d’éco-organisme a aussi un rôle de financeur mais organise en plus les opérations de gestion des produits usagés.

LES CONSOMMATEURS

Le transfert de responsabilité n’est pas restrictif car il n’exonère par les autres acteurs. Les collectivités en tant que maillon incontournable de la filière des déchets ménagers ont la responsabilité de la collecte des gisements. Elles sont associées, selon les filières, aux distributeurs des produits, via une reprise des équipements en fin de vie. Ainsi, ces derniers sont impliqués dans l’effort de collecte – ce qui représente une diminution des coûts pour les collectivités. Par ailleurs, le consommateur est lui aussi engagé car il doit trier ses déchets et les orienter vers un lieu ad hoc, ce qui est un rôle très important comme le montre Fabrice Flipo : « le consommateur est impliqué étant donné que c’est lui qui permet que la collecte se

réalise et il est responsabilisé car le taux de collecte minimum par habitant ne peut être atteint sans sa participation. La R.E.P. ne peut pas être mise en place sans « REC », c'est-à-dire une responsabilité élargie du consommateur »354. Le consommateur est ciblé par le dispositif R.E.P., car le tri est le mouvement déclencheur de la chaine.