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CHAPITRE V. LA RESPONSABILITE ELARGIE DU PRODUCTEUR : DU CONCEPT A L’APPLICATION

2.1. LE DEMARRAGE DES FILIERES R.E.P

LES HUILES USAGEES

La première filière à Responsabilité Elargie du Producteur (R.E.P. ) est mise en place pour les huiles usagées dont le financement est organisé dans un premier temps par une « taxe huile » puis par la Taxe Générale des Activités Polluantes (TGAP) récoltée par l’ADEME depuis 1999358. Cette taxe permet d’indemniser les collecteurs dont le coût de revente aux traiteurs (régénération et valorisation énergétique en cimenterie) ne parvient pas à combler le coût de collecte. Ce mode de financement de la filière est à l’origine de la directive n°75-439 du 16 juin 1975 (modifiée à trois reprises en 1986, 1991 et 2000) fondée sur l’application du principe pollueur-payeur. La directive prévoit que les entreprises de collecte et/ou d’élimination peuvent bénéficier d’indemnités, mais en France seuls les ramasseurs la perçoivent. Cette filière fonctionne très bien depuis sa mise en place en 1979 avec d’excellents résultats économiques et environnementaux (taux de collecte et de valorisation).

357

F. Aggeri, Politiques d’environnement comme politique d’innovation , 2000, Annales des Mines, p43.

Malgré la priorité donnée par de la directive à la régénération, ce mode de traitement ne concerne que 46% du gisement, notamment parce que les cimentiers sont de grands consommateurs de ces produits à fort pouvoir calorifique. La filière des huiles représente la seule dont l’action de l’Etat est le cœur du dispositif. En effet, depuis 1999, l’Etat fixe les montants des contributions des producteurs, les reçoit et les restitue, par l’intermédiaire de l’ADEME. Bien que les résultats de la collecte (87.5% du gisement) et du traitement (46% en régénération et 54% en valorisation énergétique) soient très encourageants, les producteurs sont peu impliqués dans le dispositif de pilotage, ce qui constituer une lacune.

LES DECHETS D’EMBALLAGES

La directive sur les emballages ménagers en 1994359 instaure la responsabilité financière des producteurs et le décret « emballage » est la conséquence de l’intégration de nouveaux acteurs économiques dans l’organisation des filières que l’on nomme dès lors « dédiées aux produits ». Les industriels prennent en amont cette question des déchets d’emballage dans une démarche volontaire mais surtout pour ne pas se retrouver dans une situation difficile. En effet, la solution légiférée pourrait être désavantageuse. Les rapports d’Antoine Riboud (Président du Groupe BSN) et de Jean-Louis Beffa (Président de SAINT-GOBAIN) en 1991 adressés au Ministère de l’Environnement admettent la responsabilité des producteurs et donnent donc les grandes lignes du dispositif des déchets d’emballages. Ce dispositif permet ainsi aux industriels de se regrouper au sein de l’éco-organisme ECO-EMBALLAGES, qui fait l’objet d’un agrément, afin d’y contribuer financièrement à hauteur du volume et de la nature des emballages mis sur le marché pour qu’ils soient recyclés avec un objectif de 75% à l’horizon 2002. La création de la société ECO-EMBALLAGES est originale et va être d’une grande influence par la suite. Par la suite, une autre société, ADELPHE360, est créée en 1993 par le secteur des vins et spiritueux. Les producteurs qui adhèrent à l’une des sociétés agréées apposent sur les emballages le marquage « point vert » qui signifie que leur contribution est payée. En contrepartie, les sociétés agréées répondent à leur obligation réglementaire. Ces acteurs économiques – interface des industriels producteurs – intègrent dès lors la structuration de filières de recyclage des emballages. Ce tournant est expliqué par Yannick Rumpala comme un « mouvement de rationalisation [qui] serait fondé sur une rationalité

359

Directive n° 94/62/CE du 20/12/94 relative aux emballages et aux déchets d'emballages 360 http://www.adelphe-recyclage.com/presentation/societe/societe_agreee.html

émergente. Une rationalité qui prendrait en l’occurrence une forme hybride, tentant d’assurer un rapprochement entre objectifs économiques et environnementaux »361

.

Ce dispositif réorganise l’action des collectivités. Les collectes sélectives vont se généraliser et les collectivités deviennent de « véritables filières industrielles »362 financé par l’éco-organisme de type « financeur » ECO-EMBALLAGES. Le cas en Allemagne est différent car le DUALES SYSTEM DEUTSCHLAND GMBH (DSD) est l’unique éco-organisme allemand de type « organisateur » car il est responsable de la collecte des déchets d’emballages. Le système allemand mis en place par le décret Töpfer du 19 avril 1991, répondant aux mêmes injonctions européennes, connait d’autres différences. D’une part, la différence entre les barèmes d’incitation financière est importante : « la contribution française

est d’un niveau faible et n’est pas différenciée, la politique française ne cherchant pas agir sur la production de déchets »363. Les producteurs d’emballages payent en Allemagne en fonction du poids et du matériau à des taux bien plus élevés qu’en France364

, ce qui les incite à faire des efforts pour réduire les volumes d’emballage. D’autre part, il existe une distinction entre valorisation énergétique et recyclage en Allemagne alors qu’en France l’objectif de 75% peut être atteint grâce à ces deux modes de gestion.

Des soutiens financiers sont versés aux collectivités par les organismes agréés en fonction des matériaux valorisés (papier/carton, acier, aluminium, verre) – en plus d’un soutien pour des actions de communication vers le public. Elles bénéficient d’un accord de « garantie de reprise » de ces matériaux à recycler proposés par les filières conventionnées par les sociétés agréées. Ces accords permettent aux collectivités d’obtenir des prix planchers pour revendre leur matériau mais sans la possibilité de négocier des tarifs plus avantageux. Une alternative est proposée plus tardivement par les fédérations professionnelles – qui ne sont pas les filières conventionnées – au travers d’une « reprise garantie » qui permet aux collectivités de choisir leur recycleur par matériaux et de négocier des prix. « La grande différence entre les deux

systèmes pour les collectivités c'est qu'il y a dans la Reprise Garantie possibilité de négocier

361

Y. Rumpala, Régulation publique et environnement. Questions écologiques Réponses

économiques, 2003, Edition L'Harmattan, p30.

362 R. Baudry, Mémoire de thèse de doctorat en Sciences Economiques , sous la direction de G. Bertolini, 1999, p61.

363 C. Defeuilley, P. Quirion, Les déchets d'emballages ménagers : une analyse économique des

politiques allemande et française, 1995, Economie et statistique, N°290, pp. 69 -79, p77.

364

Par exemple, la contribution d’une bouteille PET de 2L en Allemagne est de 6.55 Centimes d’euros et de 1.04 en France (Source : G. Bertolini, Op.cit., p56).

les prix de rachat pour chaque matériau, les conditions d'enlèvement, de choisir un opérateur local… ce qui remet en question toute la rigidité du système antécédent »365

. Cette alternative qui peut sembler marginale est une marque de la négociation complexe entre les acteurs avec un intérêt croissant pour des objectifs économiques.

Quant au citoyen, il a un rôle important et novateur dans le tri de ses déchets et sa contribution est le pivot essentiel de la chaîne. Sa responsabilisation est appelée par toutes les parties : « ce qui apparaît de plus en plus souvent souhaité dans les discours officiels sur les

déchets ménagers, c’est une modification des attitudes envers ces biens en fin de vie »366 . Chacun devra dorénavant assumer une part de la responsabilité collective de la gestion des ressources et le citoyen-consommateur apparait dans la sphère des acteurs du déchet.