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Succès et échecs de certaines politiques d’inclusion financière

Section 3. Rôle des politiques de microfinance dans le renforcement de l’inclusion financière financière

3. Efficacité des politiques et programmes

3.1 Succès et échecs de certaines politiques d’inclusion financière

Comme il a été passé en revue plus haut, plusieurs actions et initiatives ont vu le jour dans l'UEMOA afin de développer le secteur financier global et renforcer l'inclusion financière. Certaines sont initiées par les États membres individuellement, et d'autres par les Autorités monétaires communautaires ou encore par les partenaires au développement. Bons nombres desdites actions sont réalisées et mises en œuvre en synergie par les trois parties. Les différents programmes et politiques concernent soient les aspects réglementaire, institutionnelle et juridique, soient les aspects de l'offre ou la demande des services financiers. S'agissant du développement de l'offre et la demande des services financiers par les populations, les actions sont beaucoup plus orientées sur la microfinance dans le cadre de la promotion de l'inclusion financière. Cette dernière (la microfinance) est apparue comme une double solution, associant d'une part la rentabilité des IMF et d'autres part l'offre de services financiers aux plus pauvres qui sont traditionnellement exclus du système financier classique (Morduch, 1999). Depuis trois décennies ces idées ont guidé la croissance de ce secteur. Cependant, cette

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euphorie s'estompe graduellement avec l'augmentation des taux d’intérêt débiteurs, les défaillances dans la gestion des IMF ainsi que la hausse d'impayés dans leurs portefeuilles (Honloukou, 2013). C'est face à ces problèmes que plusieurs programmes ont vu le jour selon le pays et selon les acteurs concernés. A titre d'exemple, au Bénin, l'Etat a mis en place le fonds national de la microfinance, dans le cadre de la politique nationale de développement de la microfinance. Il consiste à favoriser l’accès des IMF aux ressources concessionnelles afin de servir les personnes à faible revenu avec des taux modérés. Ainsi, le risque d'impayés de ces derniers est partagé entre les IMF contractantes et l'Etat. Ce genre de programme n'existe pas encore dans tous les pays de l'Union, notamment au Niger, pourtant très important au regard de son impact très déterminant sur l'inclusion financière. Pour le cas spécifique du Niger, une structure autonome de promotion de l’inclusion financière serait capitale afin de rattraper le fossé existant avec les autres pays en matière d’accessibilité et d’usage des produits et services financiers. Cependant, les résultats escomptés toujours positifs restent théoriques. Le problème de mise en œuvre et de durabilité des politiques se pose et contraint parfois l'efficacité et la réussite de ces programmes.

A titre illustratif, comme nous l'avons évoqué plus haut pour le cas du Niger, l’élaboration de la stratégie nationale de la microfinance de 2004 n'a pas connu véritablement une mise en œuvre effective. Pour la stratégie nationale de finance inclusive de 2015-2019, elle a déjà à son tour accusé un retard considérable dans son application. Les autorités publiques pourraient accélérer la mise en œuvre du plan d'action de cette dernière stratégie pour rattraper le retard et toucher du doigt le nœud du problème d’exclusion financière, par la réalisation d'actions concrètes et axées sur des résultats, en lieu et place des pratiques folkloriques, afin de redonner à la microfinance toutes ses capacités dont elle a fait preuve ailleurs, et augmenter le niveau actuel de l'inclusion financière du Niger.

Dans les Statuts de la BCEAO, notamment à son article 98 figure que « le Conseil

National du Crédit établit chaque année, à l’intention du Comité de Politique Monétaire, un rapport sur l’évolution de la situation monétaire et du crédit ainsi que celle du système bancaire et financier de l’Etat membre de l’UMOA concerné». Conformément à ces

dispositions, chacun des Conseils Nationaux du Crédit (CNC) des Etats membres de l'UEMOA élabore ledit rapport à la fin de l'année sous revue. Chacun des huit états membres dispose ainsi d'un CNC conformément aux dispositions réglementaires. Il

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existe en outre un Comité de Politique Monétaire (CPM) unique pour la zone. Le CPM quant à lui, est chargé de la définition de la politique monétaire et ses instruments au sein de la zone. Les CNC des différents pays tiennent quatre rencontres par an et discutent des difficultés, des enjeux et de l’actualité en ce qui concerne le système financier global. Les Conseils se tiennent sous la présidence de son Président statutaire, le Ministre en charge des Finances. Ils sont déroulés sous forme d'échanges-débats selon l’ordre du jour adopté. La BCEAO qui est en charge de l’organisation des différentes rencontres, propose souvent des points informatifs à l’endroit du Conseil sur l’évolution ou les nouvelles mesures sur le secteur. Des études sur différentes thématiques sont aussi réalisées par la BCEAO et présentées au Conseil. Toutefois, la manière dont les CNC sont tenus ne pourrait pas pour autant régler réellement les problèmes auxquels est confronté le secteur bancaire et financier. Nous pensons qu'il serait important de revoir les attributions et les objectifs des CNC. Ils doivent traiter des questions microéconomiques du secteur financier, notamment, traiter les problèmes au cas par cas afin de donner des orientations idoines aux praticiens du secteur lors des différentes sessions. Par exemple, le conseil pourrait, à l’issue des études thématiques réalisées, formuler des recommandations qui seront formulées et suivies afin d’aboutir aux résultats escomptés. Des mesures concrètes doivent être alors prises à l’endroit des institutions financières d’une part, et des décideurs d’autre part, et de veiller à leur mise en œuvre effective à travers un système de suivi rigoureux. Pour arriver à cette fin, les CNC doivent se doter d’un comité technique de suivi des différentes actions préconisées et d’un autre chargé de la réalisation d’études spécifiques sur le secteur.

Sur décision du Conseil des Ministres de l'UMOA, le taux d'usure appliqué par les institutions de microfinance passe de 27% à 24% et de 18% à 15% pour les établissements de crédits à compter de l’année 2014. Cette mesure vise à réduire le coût du crédit octroyé par les établissements de crédit au bénéfice de leur clientèle. Dans les faits, cette diminution du taux d'usure n'a pas concrètement encourager les crédits octroyés aux ménages et aux PME, surtout ceux du secteur agricole comme en témoigne les données de la centrale des risques évoquée tantôt. Ce qui a eu comme conséquence l'adoption d'un dispositif spéciale de financement des PME décrit plus haut. Les missions d'inspections sur place dans les établissements relèvent par ailleurs que les établissements de crédit ne respectent pas toujours cette mesure édictée par les autorités monétaires. Ce constat est plus ressenti du côté des IMF. Ainsi, si ce taux est

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strictement contrôlé par les autorités de supervision (SMS et BCEAO), peu d'institutions conserveront leur agrément pour continuer l'activité de microfinance (Acclassato, 2008; Honlonkou et al., 2004). Ils compensent le différentiel sur des frais supplémentaires appliqués sur les clients. Les IMF masquent les taux effectifs globaux (TEG) usuraires qui sont supérieurs au taux d'usure fixé par la Banque Centrale, à travers des frais de dossier ou des commissions. En effet, les IMF ont plusieurs stratégies de crédit « dont

l'élément le plus révélateur est la garantie financière sous forme de dépôts préalables ou progressifs constitués autours du remboursement du crédit ». Cette garantie n'est pas

rémunérée et contribue à rendre le crédit plus cher (Honlonkou, 2013).

Relativement à la gratuité des services bancaires offerts par les établissements de crédit de l'UMOA à leur clientèle à compter de octobre 2014, une étude empirique que nous avons réalisée et qui est présentée dans le Chapitre IV relèverait quelques manquements. En effet, le grand public n'est pas toujours suffisamment informé des différentes mesures prises par les autorités monétaires. Chaque reforme sur le système bancaire doit faire l’objet d'une large diffusion par des moyens efficaces et adaptés. A cet égard, depuis l'entrée en vigueur de cette « faveur » aux populations, des spots publicitaires devront être diffusés dans toutes les chaînes télévisées et radios, et aussi dans toutes les langues locales afin d’atteindre la cible. Ceci permettra à toutes les franges de la population du milieu urbain comme du milieu rural à s’approprier de ce changement pour enfin ‘’casser les barrières’’ et s'approcher du système bancaires.

S'agissant de l'efficacité des initiatives récentes, il conviendrait de signaler l'amélioration du service de transfert d'argent par les trois (3) grands opérateurs de téléphonie mobile au Niger en termes de part de marché. En effet, Orange-Niger et Airtel-Niger ont élargi leur offre de transfert d'argent vers plusieurs pays de l'UEMOA. Au niveau d'Airtel-Niger, le transfert d'argent est rendu possible vers les autres opérateurs de téléphonie mobile du Niger. Ceci contribue efficacement au renforcement de l'inclusion financière, au regard du taux de pénétration élevé de la téléphonie que les populations utilisent pour faire des transactions financières. Par ailleurs, certaines banques de la place, en collaboration avec les opérateurs de téléphonie, notamment ECOBANK-Niger et la Bank of Africa (BOA-Niger), ont mis en place des applications mobiles permettant à leurs clients d'effectuer diverses opérations (transferts d'argent, virements, alimentation de porte-monnaie électronique, paiement de facture, achat de crédit téléphonique) à partir de leurs téléphones portables, quel que soit le pays où ils se

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trouvent. Les statistiques montrent que toutes ces initiatives contribuent à accroître le taux d'utilisation des services financiers au Niger.

Cependant, des efforts restent à faire afin de préserver cette tendance, notamment la prise des dispositions idoines par les Autorités nationale et monétaire pour mettre en synergie la mise en œuvre de la Stratégie Nationale et de la Stratégie Régionale d'Inclusion Financière, pour consolider davantage l'inclusion financière au Niger et dans l'Union. Le plus important dans tous ces projets est de disposer d’un système efficace et rigoureux de suivi de la mise en œuvre des différentes actions, chose qui a manqué aux pays de l’Union pour réussir les premiers programmes mis en œuvre il y a quelques années.

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