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CHAPITRE II : LES DIMENSIONS DE L’INCLUSION FINANCIERE

Section 1. Inclusion et exclusion financières : deux notions polysémiques

1. Définitions de l’inclusion (exclusion) financière

1.3 Inclusion financière et financiarisation

Dans la littérature, les auteurs ont le plus souvent traité la problématique de l’inclusion financière en l’associant à plusieurs autres thématiques dont la

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financiarisation que nous nous proposons d’exposer à ce niveau. On entend par financiarisation les recours indispensables aux produits de la finance dans la vie quotidienne des personnes dans la société (transactions, logement, éducation, agriculture, etc.)

Le phénomène d’exclusion bancaire découle de la place qui a été progressivement donnée aux produits et services bancaires au sein de la société (Gloukoviezoff et Rebiere, 2013). Dans ce contexte de financiarisation croissante des économies (Servet, 2006, p.48 ; Gloukoviezoff, 2008, p.122) l’offre des services financiers peut être une solution à l’exclusion bancaire, qui est un facteur aggravant de l’exclusion sociale. A cet égard, la monnaie et les services financiers occupent une place déterminante dans les rapports économiques et sociaux. Selon Servet (2006), la financiarisation est définie au sens large comme « un ensemble de contraintes à l’emploi des moyens de paiement et de

règlement et au recours au crédit et à la protection contre les risques, contraintes qui agissent de façon différente, directe ou indirecte, tant au Nord qu’au Sud » (p.38-39). Il se

dégage alors trois principales manifestations des contraintes liées à la financiarisation des rapports sociaux, à savoir la « monétarisation des dépenses courantes », l’ « intermédiation accrue des moyens de paiement et de règlement », et la « financiarisation de la protection contre les risques de la vie ». Cette définition de la financiarisation avancée par Servet présente à notre sens un terme en son sein qui n’est pas adapté, il s’agit de « contrainte ». Nous partageons la définition avancée, mais nous sommes en désaccord avec l’ajout du terme « contrainte ». Ce mot ne doit pas être employé au risque de se dévier du sens de la financiarisation pour les lecteurs. C’est plutôt d’obligations qu’il s’agissait. Ainsi la financiarisation serait « un ensemble d’obligations à l’emploi des moyens de paiement [….] ». La nuance entre les deux termes se situe au fait qu’en parlant de contraintes on fait allusion à des obstacles qui empêchent ou qui gênent quelque chose. Or, la définition de Servet voulait indiquer que dans la société actuelle, les personnes sont dans l’obligation d’employer les produits financiers dans la mesure où ils deviennent de plus en plus incontournables dans la vie quotidienne. Même au niveau des pays en développement, où le secteur informel est très important, l’usage de la monnaie et les intermédiaires financiers est devenu quasiment indispensable dans la vie courante des populations.

La définition que propose Doligez (2017) semble être la plus complète : «La financiarisation, prise sous l’angle de l’augmentation des volumes d’actifs financiers, la

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multiplication et la diversification des acteurs financiers, induit une complexification des instruments, [….], constitue une illustration emblématique» (p.43). Il aborde l’idée d’une

certaine connexion entre « logique financière » et « logique de développement » pour montrer à quel point l’évolution des produits de la finance en général et de la microfinance en particulier a occupé une place dans la gestion des ressources. Il a en outre souligné que ce mouvement de financiarisation des économies est assez timide au niveau de l’UEMOA. En 2015, le ratio « crédit à l’économie rapporté au PIB » représente moins de 25% alors qu’il est de l’ordre de 130% à l’échelle mondiale (Doligez, opcit). Par ailleurs, pour « comprendre comment les produits bancaires ont progressivement

acquis un rôle social déterminant et quelles sont les règles et normes qui en conditionnent l’accès et l’usage », Gloukoviezoff a proposé une analyse de la financiarisation en deux

volets :

1.3.1 La considération de la « monnaie comme institution sociale », ce qui revient à

montrer à quel point les produits et services financiers sont devenus presque vitaux au regard de la place qu’ils occupent dans les sociétés modernes. Elle (la monnaie) procure une certaine « utilité aux agents économiques » en ce sens qu’elle leur permet de « satisfaire un besoin » (Ruffini, 1996, p.16). Ce qui remet en cause l’approche orthodoxe de la monnaie. Cette dernière réduit la fonction de la monnaie ainsi que son rôle à un simple instrument pour assurer les échanges économiques. De ce fait, Aglietta et al. (2016, p.22) affirment que « ne pas avoir accès à la monnaie exclut de la société, ou tout

au moins requiert des palliatifs sociaux humiliants relevant de la survie plutôt que de la vie ». L’idée centrale est de mettre la monnaie au cœur de l’existence humaine et de la

vie sociale. Il faut alors reconsidérer les rapports sociaux au-delà des échanges marchands pour comprendre la signification de la monnaie (Aglietta et Orléan, 1982, p.28).

Toutefois, la considération de « la monnaie au-delà de l’économie » a guidé cette analyse de Gloukoviezoff pour traiter la question de la financiarisation. En restant dans l’approche néoclassique selon laquelle la monnaie est « un instrument destiné à faciliter

les échanges » Plihon (2004, p114), l’absence de cette dernière entraine alors un

dysfonctionnement du marché qui conduit à une situation d’exclusion financière de certaines personnes. Il existe plusieurs formes de monnaie et qui ont évolué dans le temps. De la monnaie métallique qui est très ancienne à la monnaie papier puis la monnaie fiduciaire (billets et pièces) ensuite la monnaie scripturale. Une nouvelle forme

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de monnaie est apparue récemment et qui est en pleine mutation. C’est celle qu’on appelle la monnaie électronique. Par définition, cette dernière est une « monnaie stockée » sur un support magnétique ou électronique et qui s’utilise comme les autres formes de monnaie. Elle occupe une place de choix dans les transactions de l’économie. L’évolution fulgurante des statistiques sur l’usage de cette monnaie dans les systèmes de paiement offerts par les institutions financières lui a valu sa prise en compte dans tous les indicateurs sur les services financiers. Ce qui nous a amené d’ailleurs à l’intégrer dans le calcul de notre indice synthétique d’inclusion financière au chapitre 3.

1.3.2 La « financiarisation (progressive) des rapports sociaux », l’idée sous-jacente

est de mettre l’accent sur le fait que l’usage et l’accès à la monnaie sont devenus indispensables pour faire partie de la société. Le « lien social » est essentiellement établi sur la monnaie, de sorte que tous les rapports sociaux quelle que soit leur nature (commerce, cérémonie, services rendus, etc.), font appel à un produit financier et à la monnaie. Cette influence de l’usage de la monnaie et des produits financiers évolue dans le temps pour caractériser ainsi la financiarisation. Servet (2006, P.40) identifie en effet quatre formes de financiarisation revisitées par Gloukoviezoff (2008, pp125-127), il s’agit des « contraintes à l’emploi de monnaie pour satisfaire un nombre croissant de

besoins entendus au sens large (monétarisation) ; contraintes à l’emploi d’instruments bancaires pour l’emploi de la monnaie (compte de dépôt et moyens scripturaux de paiement) ; contraintes à l’emploi d’instruments financiers pour répondre aux besoins de promotion et de protection (épargne, crédit, assurances, systèmes de protection étatiques, etc.) ; contraintes à l’emploi d’instruments basés sur les marchés financiers (placements boursiers sous toutes leurs formes) » (p.127).

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