• Aucun résultat trouvé

4.3 Camille : Enseigner avec intelligence

4.3.1 Son style d’enseignement et ses forces

« Je l’aime mon style. Au fil des ans, je me le suis vite créé. J’aime mettre beaucoup d’humour dans mon enseignement. Comme une de mes forces c’est d’être réfléchie, je suis à l’aise pour plus de légèreté. Mon style est de varier, mais il est aussi d’être réfléchie ». C’est de cette manière et avec assurance que Camille décrit son style d’enseignement. Sa force en tant qu’enseignante réside selon elle dans sa relation avec les élèves. « Ils sentent que je les respecte beaucoup. En plus, je fais bien mon travail, je ne « bacle » jamais. Ce que je fais, je le réfléchis, je prends ça au sérieux. Je pense à ce que je fais avant, je le maîtrise. Je mets aussi un point d’honneur à me soucier de ceux qui comprennent moins bien, qui ont besoin d’aide ». Elle ajoute du même souffle qu’elle est capable d’écouter les idées des enfants et qu’elle a de l’imagination pour les projets, c’est son côté créatif. Si Camille croit à une bonne manière de faire générale, elle n’a pas peur

d’affirmer que la prise en considération du contexte est un incontournable en enseignement, « il faut absolument les deux ».

4.3.2 Les valeurs au travail

« Être capable de s’adapter à tous les changements qui surviennent et se réajuster à tous les contextes qui vont changer à tous les jours (…) on peut toujours faire les choses autrement ou le lendemain ». Voici la définition qu’emploie Camille pour décrire la flexibilité. Être capable de se réajuster, précise-t-elle, est obligatoire mais surtout nécessaire. « Je suis très flexible, je n’ai pas le choix de l’être. Je finis toujours par faire ce qu’on me demande de faire. Le fait d’arriver à donner tout ce qu’il faut donner, ben je me dis que je suis flexible parce que j’y arrive finalement, malgré les contraintes. Tout est fait à temps, les corrections, les devoirs, les projets… ». Mais d’un autre côté, Camille paye de son propre temps pour être flexible (elle se prive de faire ses propres activités) et sent un stress constant puisqu’elle a besoin de se sentir « organisée » malgré tout. « C’est pas une qualité qui vient naturellement, je suis capable, mais ça me dérange un peu, ça me stresse un peu ». Les avantages n’en sont pas moins grands, c’est grâce à la flexibilité au travail (et dans sa vie personnelle) qu’elle a le sentiment du travail accompli à la fin d’une semaine.

Pour conserver une bonne ambiance en classe, Camille pense qu’il est important d’être soi-même, authentique. « C’est pas évident, on veut plaire aux élèves, aux parents… Au début, mon petit rôle n’a pas tenu deux semaines! Par exemple cette année, au début je jouais un petit rôle. Les enfants me vouvoyaient. Mais finalement ça n’est pas moi ». Camille a vraiment l’impression d’être fidèle à elle-même de cette manière. Elle ne joue pas de rôle, entre dans sa classe tout en demeurant la même personne. « Plus tu es authentique, mieux ça va être (quoi ? il manque quelque chose). Quand t’as pas de rôle à jouer, c’est pas mal moins épuisant ». Elle qualifie de spontané le dialogue entre les enfants et elle et a ainsi convenu de rester elle-même, pour être bien. L’humour est permis dans la classe de Camille qui se dit à l’aise avec ce qu’elle est et ce qu’elle présente aux élèves. Selon elle, il n’y aurait pas de réels inconvénients à être authentique,

à moins peut-être de devenir trop familière avec les élèves. « Il faut se garder une limite. Je ne commencerai pas à leur raconter ma vie ». Mais elle ajoute tout de même ce dernier commentaire : « Comme tu es très très très honnête, tu te mets à nu à quelque part devant eux et ça peut rendre plus vulnérable lors des jours où tu es plus émotive, plus sensible. Ça vient te chercher. C’est plus facile de se faire rentrer dedans. Comme j’ai pas de barrière, on peut me démolir ».

À en juger par l’expression qui se grave dans le visage de Camille, nous abordons ensuite un sujet délicat : la vocation. En expliquant ce que représente la vocation pour elle, Camille met beaucoup l’accent sur le concept du temps. Pour elle, le manque de temps constitue la principale source de frustration dans le métier. « Cette vocation ça prend énormément de temps. C’est un métier qui te demande plus que de juste faire le minimum. C’est être en mode travail tout le temps, être là à 100%. T’es toujours en train de travailler », conclut-elle les sourcils levés. Elle emploie ensuite l’expression « un métier qui déborde de partout » pour illustrer son propos et termine en disant que « cette vocation, malheureusement, ne nécessite pas d’être professionnelle, on n’est pas vraiment surveillées ». que veut-elle dire au juste par cette dernière affirmation : vocation sans professionnalisme ?

Cependant, Camille a malgré cela souvent l’impression de se soumettre et de s’ajuster à des choses avec lesquelles elle n’est pas d’accord. Elle explique : « C’est avec l’évaluation. J’ai l’impression qu’elle nous est imposée, dans le sens où elle est là pour plaire aux parents. Il faut des dates, des preuves écrites. Il faut que je m’ajuste à ça, c’est contraignant. Elle parle aussi du temps, du manque de temps. Beaucoup de formations sont obligatoires, dit-elle. Elle dit même avoir déjà appelé son syndicat pour savoir s’il était normal d’avoir une formation sur l’heure du dîner, sans aucune pause, même pas pour aller au toilette. « Ça fait un horaire qui est extrêmement rigide. Les rencontres de parents, c’est la même chose. J’ai l’impression d’être en conflit entre mon besoin de bien faire les choses et le manque de temps, ça m’épuise. Ça me décourage beaucoup. Je me suis même demandé si j’étais à la bonne place à cause de ça ». Camille ne sait pas si elle aura encore longtemps l’énergie pour pratiquer le métier d’enseignante. « Au fond de

moi, je sais bien que je suis à ma place, mais ce paradoxe me gruge personnellement ». Elle dit regretter le fait de devoir parfois devoir « bacler » un peu son travail, mais sans se sentir coupable puisqu’elle se sait bien organisée et travaillante. « Je sais que ce n’est pas moi le problème. Mais ce sera à moi de décider, en quelque sorte, si je continue dans ce système ».

Ces caractéristiques professionnelles (flexibilité et authenticité) sont importantes aux yeux de Camille qui fait cependant la différence entre la flexibilité qu’elle envisage plus comme une nécessité et l’authenticité qui, à ses yeux, serait surtout une qualité liée au savoir être. À la liste des caractéristiques professionnelles qui ont de l’importance, elle ajouterait le fait d’être un bon pédagogue, le souci du professionnalisme, le courage de s’affirmer devant un groupe et disposer de temps… pour ne pas s’essouffler.