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La flexibilité et l'authenticité au regard des thèses moderne et postmoderne

2.5 Le cadre interprétatif

2.5.3 La flexibilité et l'authenticité au regard des thèses moderne et postmoderne

Avant d'aller plus loin dans le cadre conceptuel, il est indispensable de définir les deux valeurs clés de notre cadre interprétatif, soit la flexibilité et l'authenticité. Si d'autres valeurs, comme par exemple l'individualisme et la rationalité, font partie de nos concepts de base, leur définition est moins sujette à interprétation et parle d'elle-même. Les

4Le fondamentalisme se traduit par le refus d’accorder une même validité de principe aux croyances de

l’autre.

concepts de flexibilité et d'authenticité doivent quant à eux être mis en contexte et davantage expliqués.

2.5.3.1 Flexibilité

Le cas de la flexibilité est particulier en ce sens qu'il englobe et est la conséquence de plusieurs des valeurs appartenant à la thèse postmoderne. Par exemple, l’éclectisme social, une vision pluraliste du monde, le pragmatisme (on parle du pragmatisme postmoderne), le retour à la communauté, la multiplicité des vérités provisionnelles et la performativité (ici en opposition à la normativité) composent un amalgame dont les parties ont toutes ceci en commun : le particularisme, un état temporaire et une responsabilité (liberté) de choix individuelle. Ce genre d'« auto-fondation » de soi permanente (Bautier, 1995) requiert, à plusieurs niveaux, une forme de flexibilité personnelle. Tout d’abord, l’éclectisme dont parle Boisvert (1996) fait référence à la liberté de choix et peut se définir par le fait de puiser à diverses sources les façons de faire et les thèses sociales les plus adaptées en les combinant afin d’obtenir le meilleur résultat possible. Ainsi, l'éclectisme social est intimement lié au pragmatisme postmoderne qui a pour credo de chercher ce qu’il y de mieux et de plus performant. C'est de ce genre de flexibilité dont font preuve les nouvelles générations ; en s'adaptant à tous les paramètres changeants de la réalité contemporaine. Cela touche-t-il de près ou de loin les nouvelles enseignantes ? C'est ce que nous tentons de découvrir en les interrogeant au sujet de la flexibilité au travail.

Adaptabilité et flexibilité ont presque une relation d’équivalence; la flexibilité implique l’adaptation. En ce sens, le Grand dictionnaire de la psychologie de Larousse définit la flexibilité comme étant le « caractère d’une conduite susceptible de changements adaptatifs » (Bloch et al., 2002 : 373). Il existe deux formes d'adaptation : par assimilation et par accommodation. Dans le cas de l’adaptation par accommodation, le sujet modifie partiellement ses comportements. Cependant, lorsque l’adaptation se vit par assimilation, le sujet se fond à la situation en tentant, par une sorte de mimétisme, de « ressembler à », ou de se « confondre » avec les données externes en jeu (Amorim, 2002). Par ailleurs, dans le dictionnaire alphabétique et analogique Robert (1979), la

relation entre les concepts d’adaptabilité et de flexibilité est assez intéressante. Les synonymes d’adaptation y sont : acclimatation, mimétisme et transformation, alors que les synonymes de flexibilité se définissent par les termes élasticité et souplesse. Le mimétisme renvoie à cet art d’être comme l’autre, alors que la souplesse et l’élasticité suggèrent de se mouler à l’autre pour en prendre la forme. La notion de contrôle impliquée dans cette danse sémantique représente, selon Marilia Amorim (2007), une tentative pour garder le contrôle de la « survie ». D'un point de vue linguistique, elle soutient que la flexibilité est une façon particulière d’épouser les circonstances afin d’assurer sa propre survie6. Cela n'est pas sans rappeler la survie au travail évoquée par

quelques auteurs (Fournier, 2006; Kirsch, 2006; Rayou et Van Zanten, 2004).

2.5.3.2 Authenticité

L’authenticité exprime une vérité profonde de l’individu, la sincérité, le juste, le naturel et le vrai en opposition aux conventions. Si d'une part, l’adaptation et la flexibilité équivaut à s’acclimater, mimer ou se transformer, d'autre part, l’authenticité renvoie à l’idée de n’être pas conventionnel, ce qui veut dire par extension, à ne pas se conformer à la règle.

Charles Taylor (1992) amène une réflexion peu commune sur le concept d’authenticité dans son essai Grandeur et misère de la modernité. Pour lui, être authentique revient à pratiquer un culte de soi qu’il qualifie de « grand malaise » de la société moderne. L’authenticité, c’est l’idée de conscience qui a prise sur sa destinée et sur elle-même. Selon Taylor, le fondement de l’idéal moderne de l’authenticité est le suivant:

« Non seulement je ne dois pas modeler ma vie sur les exigences du conformisme extérieur, mais je ne peux même pas trouver de modèle de vie à l’extérieur. Je ne peux le trouver qu’en moi. Être sincère envers moi- même signifie être fidèle à ma propre originalité, et c’est ce que je suis seul à pouvoir dire et découvrir. En le faisant, je me définis du même coup. Je réalise une potentialité qui est proprement la mienne. » (1992 : 44).

6 Pour Amorim, cela peut aller même jusqu’à impliquer la volonté de soumettre l’autre et de renoncer

Ainsi définie, l’authenticité pourrait correspondre à se « faire soi-même » et à « penser par et pour soi-même ». Taylor parle aussi de « relativisme doux », en ce sens où n’accepter de règles que celles de notre propre épanouissement (dans le contexte d’un déplacement du centre de gravité de l’exigence morale) amène à considérer de plus en plus « la sincérité envers soi-même et l’intégrité personnelle non comme des moyens d’être moral, d’un point de vue objectif, mais comme des réalités valables en elles- mêmes » (1992 : 46). De ce fait, la flexibilité et l'authenticité deviennent complémentaires en leur qualité d'outils de survie et de réalités valables en elles-mêmes dans un environnement où l'individu, en l'occurrence l'enseignant, est sans cesse renvoyé à lui-même.