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4.8 Julie : Une profession qui a de la valeur

4.8.1 Son école parfaite et un moment décisif dans sa carrière

L’école parfaite pour elle se résumerait à ceci : « Les gens se parlent, essaient des choses, il y a une bonne communication, où on sent le professionnalisme. Il y a un bon climat équipe école et avec les parents… et beaucoup de projets ! ». Le moment décisif dans sa carrière fut lorsqu’elle eu la chance de travailler dans une école qu’elle estimait beaucoup, une école qu’elle convoitait. Au-delà du désir d’obtenir un salaire plus élevé,

elle s’est vite rendue compte qu’elle aimait son travail. « J’ai failli arrêter parce que je trouvais que je ne gagnais pas assez bien ma vie, mais d’avoir la chance de finalement travailler dans cette école m’a fait voir que j’aimais vraiment ce travail et que j’étais finalement prête à le faire, même avec un salaire peu élevé ».

4.8.2 Son style d’enseignement

Ce qui caractérise le style d’enseignement de Julie, c’est son ouverture d’esprit, son attitude démocratique en classe, sa fermeté avec les élèves, mais aussi son sens de la communication lorsque vient le temps d’expliquer « le pourquoi » aux élèves. Julie aime essayer de nouvelles choses dans son enseignement et elle n’hésite pas à marcher hors des sentiers battus. « J’ai ma façon de faire et elle n’est pas nécessairement comme les autres ou conventionnelle par rapport au courant de l’école ». Elle croit davantage à la prise en compte constante des situations singulières, puisque avec les différents contextes, d’année en année, cela est inévitable. « Je ne suis pas la même enseignante qu’en 98, et je suis bien ouverte au changement, à l’évolution ».

4.8.3 Ses forces

« Je suis très calme, je fais la part des choses, j’analyse beaucoup ce qui vient à moi, ce que je fais, je suis réfléchie dans ce que je fais ». De plus, Julie se dit assez « solide » lorsque la situation en classe ou à l’école devient délicate ; Elle ne se laisse pas chambouler par les évènements et « retombe sur ses pattes » facilement. D’humeur égale, Julie se met en mode travail lorsqu’elle est à l’école et laisse de côté sa vie personnelle. Elle termine en disant sur un ton chaleureux : « Je ne garde pas de rancœur envers mes élèves ».

4.8.4 Les valeurs au travail

« Être soi-même, ne pas être dans un jeu de pouvoir. Reconnaître ce dont on est capable dans son travail, point ». Julie se dit authentique au travail : « J’ai transféré l’atmosphère de la classe à mon image. Je leur demande ce que je me demande à moi- même. Je trouve ma place tout en demeurant moi-même ». Julie estime qu’il est possible

de véhiculer ses valeurs au travail, tout en gardant un lien étroit avec le professionnalisme. Pour elle, l’identité professionnelle se construit à partir des valeurs personnelles. « Je suis généreuse dans la vie, je le suis aussi au travail (…) On peut être professionnelle et authentique ». Se dévoiler, jusqu’à un certain point (elle ne raconte pas sa vie personnelle à ses élèves), apporte une meilleure relation avec les élèves, de la chaleur, et cela crée un sentiment d’appartenance, pense-t-elle. Julie regrette tout de même qu’à cause de son authenticité, parfois ses collègues la regardent d’un mauvais œil : « Il y a des choses que j’accepte, que mes collègues elles ne laissent pas passer (…) Ce qui a pour résultat que parfois mes collègues me jugent parce que je ne fais pas comme eux ».

Dans sa définition de la flexibilité, elle fait encore allusion au professionnalisme. La flexibilité serait une qualité professionnelle, surtout dans cet univers qu’elle décrit comme étant en perpétuel changement : «Considérant les changements dans le domaine de l’éducation, les sciences de l’éducation qui évoluent, il faut être capable de remettre en question nos pratiques ». Cette flexibilité dont elle parle trouve aussi sa place en classe, un lieu où il faut s’attendre, selon Julie, à faire face à tous les imprévus et où il faut savoir se réorganiser en cas de besoin.

Et la vocation ? Julie répond que la vocation est un appel… mais aussi un terme inexistant pour elle ! « C’est mon côté féministe. Pour moi c’est quelque chose de totalement sexiste qui n’existe pas, puisque les seuls métiers que l’on nomme « vocation » sont des métiers jadis exclusifs aux femmes, comme infirmière et enseignante. Le reste ce ne sont pas des « vocations », ce sont des « métiers d’hommes ». Moi je n’ai pas eu d’appel, c’est un travail que je fais ». Elle a aussi souvent, spécifie-t- elle, le sentiment de devoir se soumettre à des choses avec lesquelles elle n’est pas d’accord. Par exemple, dans le contexte « rigide » d’une commission scolaire : « Pas le choix, il y a un cadre et des exigences normales, un tel formulaire pour telle affaire (…) L’organisation du temps d’enseignement est aussi un peu contraignante, aller aux toilettes à 10h17… ». Ce qui ne l’empêche pas d’être flexible au travail, puisque en dehors du cadre administratif, dans la classe, lorsque la porte est fermée, elle se sent libre de faire ce

qu’elle veut, « en autant que tu puisses l’expliquer (…) Il n’y a pas autant de domaine ou tu as autant de liberté, tu peux évaluer comme tu veux, enseigner comme tu veux ». D’ailleurs, Julie se laisse toujours un espace-temps non organisé dans sa journée, de manière à être flexible pour faire face aux imprévus, ce qui permet de réduire le niveau de stress dans une journée et permet de meilleures relations avec ses élèves et ses collègues. Mais selon elle, il n’y a pas que des avantages à être flexible : « Dire oui à tout est un inconvénient. Il y a des limites à ce qu’on peut faire pour les autres ».

Ces caractéristiques professionnelles (flexibilité et authenticité) sont importantes pour Julie qui affirme que ne pas avoir ces qualités en enseignement constitue un handicap. Les autres caractéristiques dans le métier qui sont importantes pour elle sont : « Le professionnalisme ! L’ouverture d’esprit. Considérer l’autre, son avis, sa situation, se mettre à la place de l’autre et l’empathie ».

4.8.5 Son rapport avec les élèves

Julie décrit ainsi son rapport avec les élèves : « J’ai toujours eu un rapport assez autoritaire au départ pour qu’il y ait une relation très chaleureuse par la suite. Les élèves se sentent bien dans ma classe, parce que je les respecte, je n’ai jamais utilisé un ton dénigrant, le climat est ferme mais chaleureux ». Elle ajoute que garder une distance avec les élèves est important, mais qu’elle n’arrive pas toujours à le faire. C’est en prenant le temps d’y penser qu’elle y arrive finalement. «C’est facile de ne plus faire la part des choses à un moment donné, (…) être préoccupée à l’extérieur des heures de travail. Quand au niveau affectif tu t’es impliqué grandement, c’est difficile de savoir décrocher. Pour être bonne prof, il faut y arriver ». Plus précisément, Julie voudrait que l’on rétablisse la notion du vouvoiement pour recréer une certaine distance qu’on diminuerait par la suite. « Mais ça c’est difficile, il te prenne pour une de leurs amies, ils oublient la notion d’autorité adulte/enfant ». Malgré le climat chaleureux, Julie estime que lorsqu’une enseignante dit quelque chose, elle ne devrait pas avoir à se justifier chaque fois. « Peut-être c’est la réforme qui fait qu’on se rapproche autant des élèves… ». Pour elle, le vouvoiement permettrait un climat propice à l’enseignement. « On est là pour

enseigner, alors que maintenant, il faut se battre pour avoir un climat sain, serein, sécuritaire ».

4.8.6 Son rapport avec les collègues enseignantes.

« J’ai jamais été dans des cliques mais plutôt au milieu de ça, je reçois souvent des confidences, mais je ne me mêle pas de ça. Julie aimerait que les enseignants se professionnalisent, surtout dans les relations au travail. Elle trouve que trop souvent les enseignants considèrent les collègues comme des membres de leur famille, qu’il y a de la place à ouvrir sur la vie privée, les conflits, les états d’âmes, les débordements, alors qu’il s’agit d’un milieu professionnel. « Je trouve que ça n’a pas sa place. C’est certain on a des gens plus proches de nous, mais dans les équipes école, il y a des gens qui ne se parlent plus pour des affaires vieilles de 5 ans. Ça n’est pas professionnel ».

4.8.7 Son rapport à la direction

Julie s’est en général toujours bien entendue avec les directions : « …lien serein et professionnel, sauf quand il y a de l’injustice, des passe-droits. Ça a mis des bâtons dans mes roues dans mes relations avec les directions, les questions syndicales… ». Malgré cela, elle pense que les directions sont des personnes très humaines, centrées sur la personne et non sur un « power trip », expression qu’elle utilise pour décrire un exercice du pouvoir exagéré. Ce qu’elle modifierait dans ses rapports avec la direction ? « Plus de communication et d’ouverture de part et d’autre serait un plus ». Autrement dit, Julie apprécierait qu’il y ait moins de guerres syndicales et plus de bon sens dans les rapports que les enseignants entretiennent avec la direction en général. « Quelques fois, il y a un braquage systématique de la part des enseignants face aux demandes de la direction, alors qu’il faudrait prendre le temps d’analyser les demandes et de dire oui, ça a du bon sens, on le fait ».

4.8.8 Ses difficultés d’adaptation au métier 4.8.8.1 Avec les élèves.

Au début de sa carrière, Julie a travaillé dans un milieu très défavorisé. Elle raconte qu’il n’y avait pas de matériel, pas de livres, absolument rien. « J’en ai eu 12 qui se sont retrouvés avec des « cotes ». Mon niveau de stress était dans le tapis ». Certains des cas qu’elle a rencontrés lors de ce passage obligé, elle ne les a jamais revus dans sa carrière. « Ma difficulté d’adaptation était avec les élèves en troubles de comportement (…) Ma formation ne m’y avait pas préparée ».

4.8.8.2 Avec les collègues

Le manque de professionnalisme des enseignants représente une faille dans le système d’éducation qu’il lui est difficile d’ignorer. « Les enseignants ne se posent pas la question, pourquoi je fais ça ? Ils ne suivent que le manuel, comme des techniciens de l’éducation, comme si on pouvait mettre n’importe quel technicien à leur place ». Julie trouve ardu de s’adapter à ce mode de travail qu’elle décrit comme suit : « Quand un enseignant me peut pas dire pourquoi il fait telle ou telle chose, qu’il ne se tient pas à jour par du perfectionnement, qu’il ne se pose pas de question sur ses buts pédagogiques ».

4.8.8.3 Avec la direction.

Les contraintes administratives et les formulaires à remplir pour avoir de l’aide avec un élève, au début Julie trouvait cela difficile. Elle parle ensuite des directions qui abusent des enseignantes, par exemple en leur faisant remplir 14 PIA, sous prétexte qu’elles sont nouvelles et qu’elles ne savent pas que ça n’a pas de bon sens. Julie dénonce aussi le temps supplémentaire qui n’est pas reconnu. « Là tu passes pour une excellente enseignante, qui a la vocation, mais ce n’est pas comme être bonne sœur, tu as un travail à faire et ce n’est pas professionnel qu’il n’y ait pas de limite au temps supplémentaire que tu fais ou qu’on te demande de faire qui empiète pas mal sur ta tâche première qui est d’enseigner, » conclue-t-elle l’air un peu exaspéré.