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5.3 Les rapports au travail

5.3.2 Rapports avec les collègues

Le travail d’équipe est au cœur des rapports entre les enseignantes interrogées et leurs collègues. La plupart d'entre elles insistent sur le fait que le travail d’équipe fait partie de leur mode de travail et qu’elles apprécient cette collaboration avec les pairs. « Je suis quelqu’un qui s’implique beaucoup, qui aime donner ses idées. Je prends beaucoup de place peut-être. Dans une équipe par exemple, j’ai peut-être tendance à prendre beaucoup de place. En même temps, je pense que c’est apprécié » (Jeanne, Verbatim, 2008, p. 8). « En général, je suis une personne qui aime travailler en équipe avec mes collègues de niveau, de cycle. Je trouve ça intéressant pour aller chercher des idées » (Marie-France, Verbatim, 2008, p. 12). « J’ai toujours cru au travail d’équipe, ben je suis une artiste à côté de mon travail de professeur, alors je crois beaucoup à la création, à l’échange, entre collègues… » (Marlène, Verbatim, 2008, p. 33). « Au début ça me stressait un peu, je trouvais ça aliénant de choisir tout ensemble, mais finalement ça m’aide à passer la matière (…) Ça apporte beaucoup d’idées, j’aime ça, malgré que je ne serais pas nécessairement portée sur le travail d’équipe de moi-même. (Alexandra, Verbatim, 2008, p. 18). Le dernier propos, et le plus nuancé, nous amène vers cet autre commentaire de l’une des enseignantes du groupe qui a avoué que pour elle le travail d’équipe n’est pas nécessaire, voire incommodant : « Je suis cordiale, mais je ne cherche pas à créer des liens forts. Je ne cherche pas non plus le travail d’équipe. J’ai toujours été solitaire, même étant petite » (Camille, Verbatim, 2008, p. 2).

Cependant, on peut dire que les enseignantes interrogées éprouvent dans l’ensemble de la sympathie à l’endroit de leurs collègues, mais elles disent tout de même faire la part des choses. « Le rapport que j’ai avec mes collègues, ben on est collègues, pis tranquillement on apprend à se connaître, on voit si on a des affinités ensemble pis on devient amis, mais ils ne viennent pas souper chez-nous, c’est mon milieu de travail » (Maude, Verbatim, 2008, p. 42). « J’ai toujours de la facilité avec le côté social. Je m’entends bien avec les profs, je m’adapte assez bien. Pis les gens avec lesquels j’ai moins d’affinités, je ne les fréquente pas » (Mélynda, Verbatim, 2008, p. 27).

5.3.2.1 Les changements souhaités dans la relation avec les pairs

Ce qui nous amène à parler des changements qu’on aimerait apporter dans les rapports avec les collègues enseignantes. Voici les plus saillants : qu’il y ait moins de « cliques » dans les écoles et davantage de solidarité, que l’on puisse être plus détachée de l’opinion des collègues sur soi, qu’il y ait davantage d’échanges portant sur la pédagogie entre collègues et finalement, que l’on soit plus professionnelle au travail. « Moi ce que j’aimerais avec les collègues à l’école, c’est qu’on parle de pédagogie. Je trouve que souvent à l’école, les réunions sont centrées sur « bon, y a tel problème sur la cour de récréation, faut qu’on fasse ça. Il y a la fête de Noël», il y a toujours une urgence à régler, ou quelque chose qui est en dehors de notre enseignement » (Marie-France, Verbatim, 2008, p. 12). « Je ne sais pas si je fabule, mais je trouve qu’on se juge, qu’on s’évalue, qu’on se regarde aller. Peut-être c’est dans ma tête, mais moi ça me dérange » (Camille, Verbatim, 2008, p. 2). « J’aurais aimé sentir qu’à mes débuts, on me fasse plus confiance. Je sentais qu’on m’écoutait plus ou moins au début parce que j’étais nouvelle » (Jeanne, Verbatim, 2008, p. 8). « Je trouve qu’en enseignement, on ne se dit pas les choses en face, nous on ne se tient pas, même dans les grèves. Il n’y a pas d’esprit d’équipe. Je trouve qu’on se tient pas » (Alexandra, Verbatim, 2008, p. 18). « J’aimerais que les enseignants se professionnalisent, surtout au niveau des relations de travail. Je trouve que souvent les enseignants considèrent que les collègues sont comme des membres de leur famille, qu’il y a de la place à ouvrir sur la vie privée, les conflits ouverts, les états d’âme, les débordements, alors qu’on est dans un milieu professionnel. Je trouve que ça n’a pas sa place » (Julie, Verbatim, 2008, p. 23). « Les cliques. Des fois ça créé des froids. Au niveau professionnel, ça empêche l’entraide. On ne va pas vers les nouveaux nécessairement. Je trouve que c’est une lacune » (Amélie, Verbatim, 2008, p. 48). Les changements souhaités au travail introduisent ensuite les difficultés rencontrées. Elles ne sont d’ailleurs pas bien éloignées des préoccupations tout juste énoncées.

5.3.2.1.1 Un milieu presque exclusivement féminin et parfois difficile

Le propos suivant illustre bien une tendance générale qui veut que l’on trouve le milieu presque exclusivement féminin parfois difficile : « J’ai été chanceuse, cette année j’ai des collègues masculins. C’est quand même rare avoir la chance de travailler avec

des collègues masculins dans une école primaire » (Maude, Verbatim, 2008, p. 42). La difficulté de composer avec un milieu strictement féminin est, encore ici, dénoncée dans deux des réponses, soit celles de Marie-France et d’Alexandra : « Je trouve difficile de m’adapter au milieu strictement féminin. Des fois y a des affaires je me dis : « ben voyons donc ! » » (Alexandra, Verbatim, 2008, p. 19). « Je trouve qu’il manque de gars dans les écoles, trop de filles, ça fait une dynamique particulière, une dynamique de « chiâlage » » (Marie-France, Verbatim, 2008, p. 14).

5.3.2.2 Les difficultés avec les collègues

L’élément le plus présent dans le discours des enseignantes quant à leurs difficultés avec les collègues est le malaise face aux « cliques » ou « petites gangs ». En effet, les sous-groupes qui se forment au sein des écoles semblent rendre difficile l’atmosphère de travail pour plusieurs des enseignantes interviewées : « C’est quand j’ai l’impression que je ne suis pas assez dans leur « gang ». Je n’aime pas sentir l’obligation d’être dans la gang. Je trouve ça dur de me sentir jugée par rapport à ça » (Camille, Verbatim, 2008, p. 3). « Les cliques, je trouve ça dur. Les groupes qui se forment… ça je trouve ça difficile » (Mélynda, Verbatim, 2008, p. 28). « La perception des cliques aussi, percevoir rapidement les collègues, les comprendre, s’adapter à chacun, c’est comme avec les élèves, il faut communiquer de façon adaptée, je dirais que même avec nos collègues, il faut faire de la différenciation » (Marlène, Verbatim, 2008, p. 35). Les changements de milieux fréquents n’aidant pas : « Les petites gangs, c’est difficile, surtout quand tu n’es pas permanente et que tu changes d’école » (Alexandra, Verbatim, 2008, p. 19).

Pour ce qui est des autres difficultés d’adaptation vis-à-vis des collègues, Julie ajoute ce commentaire : « Le manque de professionnalisme. Les enseignants ne se posent pas la question, pourquoi je fais ça, il ne suit que le manuel, comme un technicien de l’éducation, comme si on pouvait mettre n’importe quel technicien à sa place » (Julie, Verbatim, 2008, p. 35). De leur côté, Amélie, Jeanne et Marie-France pensent plutôt que le travail d’équipe est en partie responsable de leurs difficultés au travail. « C’est quand on travaille en équipe, il y en a toujours qui veulent faire mieux (…) Là je passe pour la

« botcheuse », mais moi je ne les juge pas, mais je pourrais aussi (les juger) sur d’autres choses. On peut dire qu’il y a de la compétition » (Amélie, Verbatim, 2008, p. 49). « . La difficulté d’adaptation aux collègues qui n’ont pas la même manière de voir l’enseignement que moi, et celles qui ont le nez collé dans leur livre, qui ne font rien d’autre que suivre le manuel, avec qui tu ne peux avoir d’échanges pédagogiques, aucun travail d’équipe » (Marie-France, Verbatim, 2008, p. 14). « C’est plus facile de travailler avec des gens qui travaillent comme moi. Mais travailler avec ceux qui ont des valeurs très différentes des miennes, je trouve ça difficile. Ça m’oblige à dépasser leurs faiblesses pour trouver leurs qualités, ça m’oblige à me tempérer » (Jeanne, Verbatim, 2008, p. 9).