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Mélynda enseigne au primaire depuis cinq ans. Dans son parcours, elle n’a rencontré que des classes en milieu favorisé. Elle mentionne que l’une des caractéristiques de ce milieu est la présence de parents exigeants. Pour elle, il ne s’agit pas d’un obstacle, bien au contraire, elle se sent très à l’aise avec ce genre de milieu. Ce qui la décourage par contre, ce sont les conflits répétitifs entre les élèves. On peut sentir à travers l’intonation de sa voix qu’il s’agit là d’une source d’irritants quotidiens assez importante pour elle. Malgré cela, elle a l’enseignement dans le sang, c’est un talent inné selon elle. Mélynda enseignera probablement toute sa vie, enfin c’est ce qu’elle souhaite, bien qu’il lui soit aussi possible d’envisager un changement de carrière en cours de route. Si elle en venait à ne plus se sentir à sa place en enseignement elle serait capable de quitter, a-t-elle tout de même avoué, en insistant sur le courage qu’il faut avoir pour faire ce genre de réajustement dans sa vie.

Ce qui l’a amené au métier est simple : elle aime travailler avec les enfants, elle aime enseigner, diriger un groupe. Mais ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est le fait de partager ses connaissances et d’allumer chez ses élèves l’étincelle du plaisir de découvrir et d’apprendre. À la question, « quelle est pour toi l’école parfaite », Mélynda répond : « Ah, l’école parfaite pour moi ce serait une école avec moins d’élèves par classe, plus de

service dans les écoles et pas seulement au réseau. Il faudrait qu’elle soit neuve, avec un concierge qui passe chaque soir et ce serait une école verte, avec de la verdure et un parc- école. Il y aurait aussi des budgets plus grands et plus de matériel, mais du matériel à jour! Finalement, dans mon école parfaite, il faudrait qu’il y ait du temps de libération prévu à l’horaire pour discuter avec les spécialistes qui interviennent dans nos classes ».

4.1.1 Son style d’enseignement

Formée au nouveau programme, elle décrit son style d’enseignement comme étant un amalgame de petits trucs empruntés aux collègues avec lesquels elle a pu travailler et échanger depuis ses débuts. Elle prend ce qui fait son affaire et cela est d’autant plus vrai qu’elle dit même puiser dans les méthodes traditionnelles qui n’ont rien à voir avec la nouvelle réforme. C’est son indépendance par rapport à la manière d’enseigner qui définit finalement le mieux son style. Elle se dit d’ailleurs la même, que ce soit à l’école ou à l’extérieur, dans sa vie personnelle. « J’aime avoir du plaisir, je veux que les élèves aient eux aussi du plaisir à apprendre. Je suis une personne très méthodique et j’essaie d’inculquer ça aux élèves », ajoute-t-elle. Selon Mélynda, la sécurité à l’école est primordiale. Il faut que les élèves se sentent en sécurité pour apprendre. En pénétrant dans sa classe remarquablement propre, ordonnée, colorée et aérée, on sent immédiatement l’influence de ces différents aspects de sa personnalité.

Dans le fonctionnement de la classe, Mélynda croit à la fois à une bonne manière de faire générale et à la prise en compte des situations particulières. Par exemple, elle s’inspire de la pédagogie différenciée pour rejoindre le mode d’apprentissage de chacun, mais utilise aussi les « bonnes vieilles méthodes d’avant » qui se sont avérées efficaces depuis longtemps. Dans un même ordre d’idées, elle considère le groupe comme une entité globale, mais elle se dit aussi consciente du fait que chacun de ses élèves soit unique.

4.1.2 Ses forces

En décrivant ses forces dans l’exercice de sa fonction d’enseignante, Mélynda considère qu’elle possède un certain charisme avec les élèves, elle se sent appréciée d’eux. Son optimisme face à la vie en général, son dynamisme et sa façon de voir les choses du bon côté changent beaucoup la donne et rendent la vie en classe plus agréable selon elle. À cela elle ajoute : « Je suis aussi une personne très organisée et encadrante. Je sais ou je m’en vais, je ne laisse rien passer. Ça m’aide dans l’exercice de mon métier ».

4.1.3 Les valeurs au travail

Fidèle à elle-même, Mélynda fait ce qu’elle aime : animer et gérer un groupe. Consciente des valeurs qui l’animent, elle pense pouvoir apporter du bien à ses élèves grâce à celles-ci. « Je suis vraiment fidèle à moi-même avec les enfants, je pense que je peux leur apporter du bon avec mes valeurs ». Cependant, Mélynda a tout de même le sentiment de se soumettre aux exigences du métier. Par exemple, il lui faut faire un effort particulier pour insérer l’enseignement religieux à son horaire. Elle ne comprend pas pourquoi elle devrait l’enseigner et désapprouve que cette matière fasse partie du curriculum. Puis il y a aussi les élèves présentant des troubles du comportement. Mélynda trouve regrettable de devoir consacrer le deux tiers de son temps pour remettre ces élèves perturbateurs à leur place. « Je donne du temps à ces élèves, alors que c’est aux autres que je voudrais donner du temps. Ça c’est ce que je trouve le plus dur à chaque jour dans le fond. Je suis tout à fait contre l’intégration des enfants en difficulté sans les services. Ce n’est pas la réforme le problème, mais son application ». Mélynda souligne ici le fait que, malgré son appréciation de la liberté d’action apportée par la nouvelle réforme, il lui est en même temps pénible et difficile d’enseigner comme elle le voudrait, puisque de toute manière le temps qu’elle aimerait y consacrer est utilisé en grande partie pour contenir ses élèves en troubles de comportement, elle trouve cela très frustrant.

Malgré son sentiment de frustration, elle se dit flexible au travail, question de survivre. Mélynda décrit la flexibilité comme la capacité de savoir se retourner sur un 10 sous parce qu’il n’y a pas deux journées pareilles. Toujours dans ses mots, c’est aussi prendre en compte les exceptions et se servir de son jugement. Grâce à la flexibilité, le

stress que Mélynda vit au travail est considérablement réduit et il lui devient aussi plus facile de ne pas s’inquiéter à propos de détails moins importants.

Cependant, cette flexibilité est conditionnelle ; Mélynda affirme qu’elle est revendicatrice et qu’elle « dit son mot » puisqu’elle n’entend pas être flexible à ses propres dépens. « Quand j’y pense, je ne suis peut-être pas si flexible que ça (rire). Je pense que si on est trop flexible, on se laisse faire, il faut pouvoir mettre son pied à terre pour ne pas s’en laisser imposer ». Elle ajoute quand même : « On apprend de ça être flexible. J’apprends des choses quand je suis flexible la plupart du temps. Et pour ce qui est de l’authenticité, j’ai de la misère imaginer qu’on puisse ne pas l’être », conclue-t- elle. Pour elle, être authentique revient à être soi-même, bien se connaître et se respecter dans nos limites et ne pas accepter des choses que normalement on n’accepterait pas. Le bien-être intérieur et le pouvoir d’être soi-même sont les avantages que mentionne Mélynda en parlant de l’authenticité. Elle craint cependant le jugement des autres à son endroit puisqu’elle se plaint et « chiale » quand ça ne va pas. « J’ai mes propres croyances, puis je les revendique, mais je l’assume. Ce n’est peut-être pas un inconvénient, malgré que je suis moins dans les bonnes grâces de mes collègues et de la direction quand je m’oppose ainsi ».

Parmi les valeurs auxquelles elle accorde de l’importance, Mélynda valorise beaucoup le sens de l’organisation et le respect des élèves. Elle précise qu’il est indispensable de savoir faire des compromis avec ses élèves. C’est pour ce faire qu’elle utilise depuis quelques années la pédagogie différenciée. Il faut se prévaloir d’un bon jugement professionnel, c’est là que réside l’équilibre, insiste-t-elle.

4.1.4 Son rapport avec les élèves

Mélynda croit avoir un assez bon rapport avec les élèves : « Je suis autoritaire et le lien de confiance entre nous est très important pour moi ». Elle ne souhaite d’ailleurs rien changer à ce rapport qu’elle considère harmonieux, sauf à des moments de conflits qui surgissent à l’improviste et pour le temps « perdu » à gérer les élèves en difficulté. « Ce qui occupe mon temps, c’est pas dans le fond l’enseignement, l’apprentissage. C’est

la gestion de classe, les conflits, les élèves qui ont des troubles de comportement. Je me dis, c’est pas mon travail. Je devrais être capable d’enseigner, mais la réalité c’est pas ça ». Mais avec eux, Mélynda à su très tôt réagir et s’outiller, et ce grâce à une expérience difficile vécue avec un élève présentant des troubles de comportement graves et non diagnostiqués il y a de cela quelques années. : « … y avait une psycho éducatrice juste une journée semaine, ce qui fait que les quatre autres journées, moi il fallait que je gère cet élève-là. La direction m’aidait, mais c’était vraiment quelque chose ! Des crises pis tout ça… » Se voyant dans l’obligation de jouer une multitude de rôles auprès de l’élève et pour lesquels elle n’avait pas été formée : psychologue, technicienne en éducation spécialisée et travailleuse sociale, elle décida d’entreprendre la même année un certificat en psychoéducation. « J’ai trouvé cette année-là super difficile parce que j’ai fait des arrêts physiques, je me suis comme transformée en directrice et en psycho éducatrice ». L’obtention de ce certificat fût un moment décisif dans sa carrière. Elle dit même avoir pu continuer à enseigner grâce à cela. « … à quelque part, j’ai plié en me disant : « bon, ce serait pas à moi de le faire, mais je le fais ». Sauf que je me suis soumise à ça. Mais en même temps, je me suis dit que j’allais apprendre là-dedans, pis si j’ai des enfants, ça va me servir ».

4.1.5 Son rapport avec les collègues enseignantes et la direction

Mélynda dit avoir de la facilité sur le plan social : « Je m’entends bien avec les profs, je m’adapte assez bien. Pis les gens avec lesquels j’ai moins d’affinités, je ne les fréquente pas ». Ce qui lui manque dans ce rapport avec les collègues est plutôt d’ordre professionnel. Elle aimerait surtout avoir plus de temps pour échanger avec eux sur leur manière de faire et sur la pédagogie. Selon elle, il n’y a pas le temps pour ça, il faudrait bien plus que des rencontres cycles pour qu’il y ait de véritables échanges. La plupart du temps, les échanges entre collègues se font dans l’urgence, sur l’heure du dîner et portent uniquement sur les besoins immédiats comme la planification de la semaine, mentionne- t-elle.

Avec la direction ça se passe aussi très bien pour Mélynda. Elle affirme avoir toujours eu de bon rapport avec les directions. Elle considère leur relation d’égal à égal,

sans hiérarchie : « Pour moi ce n’est pas mon patron, c’est une personne qui gère l’école ». De plus, elle prétend s’être toujours sentie aidée et soutenue, dans un esprit de collaboration. Ce qu’elle aimerait voir changer dans ce rapport à la direction est simplement le fait d’avoir plus de temps pour discuter des élèves, ce qui lui permettrait d’obtenir plus efficacement les services dont certains élèves ont besoin.

4.1.6 Les difficultés d’adaptation au métier 4.1.6.1 Avec les élèves

Ce qui semble être le plus difficile pour Mélynda est certainement la gestion des conflits. Elle dit avoir « de la misère » avec les chicanes entre ses élèves et souligne aussi le fait aussi que les élèves des milieux favorisés soient plus difficiles à satisfaire, qu’ils s’opposent davantage à l’autorité et qu’ils veulent discuter et argumenter à propos de tout. Encore aujourd’hui, cet aspect lui demande beaucoup d’efforts d’adaptation, le respect d’une certaine autorité ayant beaucoup d’importance pour elle. « Je ne suis pas contre le fait que les élèves s’expriment, mais à un moment donné ils faut qu’ils comprennent que c’est moi qui tranche ».

4.1.6.2 Avec les collègues

Mélynda énumère ainsi les difficultés d’adaptation qu’elle vit face aux collègues : « Les cliques, je trouve ça dur. Et aussi les profs qui n’aiment pas travailler en équipe et ceux qui comptent le temps qu’il leur reste à faire, comme dans une prison. Les règles établies dans certaines écoles, qui ne sont écrites nulle part, du genre « ça toujours été comme ça ici », ça aussi je trouve ça dur ».

4.1.6.3 Avec la direction

Le « contact » semble être à la source du problème que soulève Mélynda dans ses rapports avec la direction. Elle dit éprouver une certaine difficulté d’adaptation avec les directrices ou les directeurs qui s’isolent du corps enseignant, bien assis derrière leur bureau. Pour Mélynda, comme il n’y a pas de hiérarchie dans sa vision d’une relation direction/enseignant, cette distance empêche qu’un bon contact se fasse et rend la

direction difficile d’approche. De plus, son besoin de se sentir proche des gens se voit compromis par ce phénomène. Les directions qui se tiennent à l’écart de la gestion des conflits, précise-t-elle, rendent aussi l’adaptation dans l’axe direction/enseignant beaucoup plus difficile.