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À 19 ans, Alexandra est prête à entrer dans le monde du travail. Elle a une formation en Soins infirmiers et le désir de travailler en pédiatrie. Vu son très jeune âge, elle décide de se donner plus de temps, comme on le lui a conseillé, et entreprend le programme de Sciences pures au Cégep. Mais c’est finalement l’influence de la mère de son copain de l’époque qui a raison de son choix de carrière. C’est décidé, elle sera enseignante au primaire. Alexandra pratique le métier d’enseignante depuis bientôt 6 ans. Elle raffole de la présence des enfants qui sont, affirme-t-elle, sa plus grande source de motivation à exercer la profession d’enseignante. Ce qu’elle aime le plus : « Tous les projets possibles avec les jeunes, les échanges avec les membres du personnel, le niveau culturel des membres du personnel est enrichissant. Échanger des idées sur des projets, le travail d’équipe, créer des activités. Et ce que je préfère avec les enfants, c’est le rapport un à un ». Alexandra confie ensuite que le ratio d’élèves en classe est un très grand défi pour elle, puisqu’elle n’est pas encore capable d’adapter son enseignement aux différents types d’apprentissage des enfants. Elle raconte, reculée sur sa chaise avec les bras

croisés : « Je sais que je perds certains élèves quand j’enseigne. Il faut dire que ma formation à l’université ne m’a pas vraiment éclairée sur le métier… bof, j’ai fait des lectures pis des affiches, mais je me suis surtout formée sur le tas. J’apprends beaucoup à l’école ».

Sa façon de décrire son école parfaite ressemble à son attitude générale : simple et concrète. « Par ordre de priorité, j’aimerais de plus petites classes, du budget, des petites écoles avec moins de personnel enseignant et moins d’élèves par classe… un peu comme à la campagne, les enfants se connaissent plus et tu as plus de temps ». Alexandra ne sait pas si elle désire enseigner « toute sa vie » et s’imagine surtout réaliser du matériel pédagogique (et se dit très productive pour cela) à long terme, ou encore devenir conseillère pédagogique. Mais un doute lui fait ensuite ajouter : « Pis en même temps je me dis, ne pas être avec les enfants, ça doit être long … ». Une chose est certaine, Alexandra se dit prête à évoluer lorsque le moment sera venu.

4.4.1 Son style d’enseignement et ses forces

Alexandra ne croit toujours pas posséder son propre style en tant qu’enseignante. « Non, je ne pense pas. Je ne me considère même pas encore comme une enseignante. Je trouve que c’est long de devenir enseignant, car on le devient… ». Le fait de ne pas être permanente, conclue-t-elle, lui fait découvrir toutes sortes de manières d’enseigner. Elle dit s’inspirer aussi beaucoup de ses collègues et affirme qu’avec la confiance qu’elle acquiert chaque année, elle aime de plus en plus enseigner. Malgré sa réponse à la question précédente, Alexandra tente quand même de fournir une description de ce que pourrait être son style personnel d’enseignement : « Mon style, si on veut, ce pourrait être l’enseignement par projet… Et aussi, je pense que je suis plus relaxe que d’autres profs en général, parce que je me dis que ce sont des enfants ».

Ses forces au travail ? Alexandra dit qu’elle a beaucoup d’idées de projets, qu’elle sait comment les bâtir, les mettre en œuvre et qu’elle ne manque pas d’imagination pour les développer. Elle se sent aussi très à l’aise avec le changement. « J’ai la capacité de me retourner facilement, de m’adapter vite, de sortir autre chose que ce que j’avais

planifié ». Selon Alexandra, il y a plusieurs manières de faire, et non « une bonne manière de faire générale », puisque les enfants n’apprennent pas tous de la même façon. « Parce que tous les enfants sont différents, leur écoute n’est pas la même d’un moment à l’autre du jour (…) Être enseignante demande beaucoup d’adaptation », conclue-t-elle.

4.4.2 Les valeurs au travail

Alexandra est concise mais brève dans ses propos au sujet de la flexibilité, de l’authenticité et de la vocation. C’est en ces mots qu’elle résume son opinion : « Être flexible, c’est ne pas s’enfermer, malgré la routine, dans un horaire, sans panique, en étant prêt à changer tout le temps (…) L’authenticité, ben, c’est de ne pas essayer de jouer une « game », c’est être capable de divulguer qui on est, avec les collègues, les élèves et les parents (…) Pour ce qui est de la vocation, il faut dire que les profs pensent tout le temps à leur boulot, ça ne leur sort jamais de la tête ». Pour Alexandra, la vocation serait une sorte de double vie où l’on pourrait vivre parallèlement au métier et sans jamais fermer la porte. « Il faut aussi que le conjoint l’accepte sans se demander : « Je

sors avec un prof ou avec une fille ? » ».

Même si elle doit suivre le programme, Alexandra croit demeurer fidèle à elle- même. Elle pense pouvoir tout adapter et, à son avis, il y a toujours une façon de présenter les choses et d’aller vers ce qui la motive, à sa manière. « Personnellement, j’ai besoin de finir ce que je commence, de bien le faire. À l’école c’est pareil, je suis cette facette de ma personnalité, je suis mes valeurs personnelles ». Bien qu’elle ne soit pas en accord avec certaines règles à l’école qu’elle ne comprend pas, comme par exemple le silence imposé aux enfants, elle avoue malgré tout se rallier à la majorité. Dans ces cas elle ajuste sa façon de faire.

Est-elle flexible au travail ? Oui. Et elle le caractérise ainsi : travailler sans horaire fixe. Alexandra se contente de consulter une simple liste des choses à faire pour la semaine, ce qui lui permet énormément de flexibilité. Elle avoue même, l’air sûr d’elle, toujours dire oui quand on lui demande un changement. « Pour les élèves, les changements de situations d’apprentissage les aident à en trouver qui « fitent » mieux

avec eux, avec leur état d’esprit. Au niveau du personnel, s’il arrive des situations imprévues, le fait d’être flexible aide à réagir bien et à gérer la situation. Moi, je ne me sens pas coincée dans un moule, je sais ce que j’ai à faire mais je peux changer les activités si je ne le sens pas ». Gérer l’imprévu est certainement le plus grand avantage de la flexibilité, selon Alexandra. Puis elle reprend son propos en ajoutant cette nuance : « Être trop flexible peut amener l’entourage à abuser de la personne prête à s’ajuster et le piège dans tout ça peut aussi être de perdre le contrôle de la matière à enseigner. À l’approche des bulletins, précise-t-elle, la flexibilité n’est pas nécessairement de mise, il faut être dans les délais ! ».

En abordant le sujet de l’authenticité, Alexandra retrouve un ton léger et explique : « Pas besoin de jouer un jeu, pas nécessaire de faire des choses avec lesquelles tu n’es pas d’accord. Les gens connaissent tes positions et te respectent quand tu es authentique ». D’autre part, elle comprend que cette attitude peut amener des conflits et des frictions. « On n’est pas nécessairement avec des gens avec lesquels on a choisi de travailler, mais comme on est professionnels, on s’adapte ». Alexandra attache beaucoup d’importance à ces caractéristiques professionnelles et ajoute à cette liste : le travail d’équipe, la patience avec les élèves, la collaboration dans le respect. Puis elle achève sa phrase en disant : « Au niveau des parents, il faut être capable d’arrêter de prendre les choses trop personnelle, il ne faut pas constamment se sentir attaquée ».

4.4.3 Son rapport avec les élèves

Alexandra entretient de bons rapports avec ses élèves, bien qu’elle confesse avoir eu quelques difficultés avec la discipline à ses débuts dans l’enseignement. « Maintenant j’ai du plaisir avec eux, ils me voient comme une amie, mais moi je le dis clairement que je ne suis pas leur amie. Mes règles de classes sont plus strictes, je ne laisse plus rien passer ». Grâce à cela, Alexandra perd moins le contrôle et a plus de facilité à enseigner. Elle soutient qu’elle se concentre vraiment sur les élèves, qu’elle est vraiment avec eux. Les conflits de personnalité avec les élèves représentent l’aspect qu’elle aimerait voir changer dans son rapport avec eux : « Des fois je me mets à leur niveau, comme si j’étais une enfant de neuf ans. Je ne réponds pas à la question d’un élève, alors qu’à un autre

élève avec lequel j’ai plus de facilité au niveau de la personnalité je réponds ou dit oui à sa requête. Il faut vraiment que j’améliore ça ».

4.4.4 Son rapport avec les collègues enseignantes

« Je n’avais jamais travaillé en équipe avant cette année. Au début ça me stressait un peu, je trouvais ça aliénant de choisir tout ensemble ». Mais il n’en est plus ainsi pour Alexandra qui affirme maintenant trouver le travail d’équipe pratique en plus d’être une bonne source d’idées, surtout qu’elle ne connaît pas le programme en profondeur. « Ça m’aide à passer la matière », conclue-t-elle, apportant tout de même une petite nuance : elle aime le travail d’équipe, mais n’y serait pas nécessairement portée s’il ne s’agissait que d’elle-même. Dans un autre ordre d’idées, Alexandra déplore qu’avec les collègues enseignantes « on ne se dise pas les choses en face ». Elle décrit ainsi de la solidarité entre les enseignantes : « Je trouve qu’on se tient pas, même dans les grèves ! Il n’y a aucun esprit d’équipe, c’est dommage ». Elle attribue ce comportement au genre féminin et est heureuse lorsqu’elle retrouve dans son entourage des collègues masculins. Malgré cela, Alexandra se dit plutôt chanceuse cette année. Le fait que l’école et le travail d’équipe avec ses collègues de cycle soient aussi motivants constitue pour elle un moment décisif dans sa carrière. Elle explique : « Juste avant de commencer l’année, j’étais vraiment convaincue que je voulais faire autre chose… Mais en fin de compte, j’aime tellement ma classe et l’école que ça me motive à rester. En plus je me sens reconnue quand je fais quelque chose, les parents et les autres enseignants sont là. Cette année, si je n’étais pas dans cette école, c’est sûr que je lâchais ».

Alexandra dit ne pas être quelqu’un qui rend fréquemment visite à sa direction. « Ce sont mes patrons et j’applique ce qui est demandé. Mais je me sens libre dans mon enseignement. Je sens que si j’ai des problèmes avec des parents, ils sont là. Mais je ne vais pas nécessairement souvent les voir ». À la question « Qu’aimeriez-vous voir

changer dans votre rapport à la direction », Alexandra répond plutôt en fonction des élèves et de la vie en classe. Elle trouve que les enfants ne voient pas assez la direction, qu’elle ne les connaît pas vraiment. À son avis, cet aspect est très important et ne peux

être mis de côté. « Pour améliorer les rapports, je trouve que la direction pourrait, par exemple, peut-être venir en classe de temps en temps ».

4.4.5 Les difficultés d’adaptation au métier 4.4.5.1 Avec les élèves, les collègues et la direction

« Retenir les noms (à Montréal) », blague-t-elle en amorçant la liste des éléments qui lui posent des difficultés d’adaptation dans le métier. Elle mentionne aussi l’adaptation aux différentes cultures de provenance des élèves auxquelles la formation universitaire, selon elle, ne prépare pas : « J’ai trouvé que c’était difficile de m’adapter à la réalité ». Finalement, Alexandra souligne une fois de plus le milieu presque strictement féminin « avec les petites gangs » qui représente pour elle l’une des plus grandes difficultés d’adaptation, surtout lorsqu’on change d’école chaque année, comme c’est le cas pour elle. En ce qui concerne la direction, elle demeure brève et se contente de commenter : « Je n’ai pas de difficultés d’adaptation avec mes directions. Je fais ce qu’on me demande même si je peux exprimer que je n’approuve pas, c’est mon patron.