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Que se soit un choix émotif, intellectuel ou encore par pur hasard, les enseignantes interrogées expriment de manière très concrète ce qui les a amenées au métier. C’est en joignant les mains sur le ventre que Camille explique son choix : « C’est un choix émotif. Ça vient me chercher aux tripes » (Camille, Verbatim, 2008, p. 1). Elle ne voit pas ce qu’elle pourrait faire d’autre et pour plusieurs, il en est ainsi. Cela se traduit aussi par le sentiment d’avoir la vocation : « Pour moi c’est une vocation. Je voulais devenir enseignante pour aller enseigner dans les pays en voie de développement. Je ne pensais jamais travailler à Montréal » (Marlène, Verbatim, 2008, p. 31). « …j’ai découvert que j’avais un talent pour transmettre des connaissances. À 15 ans, je savais que je voulais devenir prof » (Maude, Verbatim, 2008, p. 40). « Je ne me suis jamais posé la question, ça toujours été clair dans ma tête » (Julie, Verbatim, 2008, p. 47). À l’opposé, il y a aussi celles qui se sont retrouvées là un peu par hasard ou pour développer le côté intellectuel de l’acte d’enseigner. Pour Jeanne, par exemple, les cours du programme d’enseignement l’intéressaient, mais elle n’avait pas comme ambition d’enseigner : « Je ne sais pas trop, au Cégep, je regardais les programmes offerts, et c’est celui en enseignement qui me semblait le plus intéressant au niveau des cours, mais tout le long de mon cours, je me disait que je n’allais pas enseigner, mes stages j’aimais ça, mais pas plus qu’il faut non plus » (Jeanne, Verbatim, 2008, p. 7). L’aspect rationnel est cité à plusieurs reprises au cours des entretiens. Pour les unes, le désir de transmission du savoir est ce qui les a poussé à devenir enseignante, pour les autres, il s’agit surtout de la pédagogie au sens concret du terme, la science et la pratique de l’éducation : « J’aime découvrir comment on enseigne, comment on vulgarise. Comment transformer du théorique en concret » (Marie-France, Verbatim, 2008, p. 11). « C’est un métier motivant qui peut devenir très intellectuel (…) un métier de tête, c’est réfléchi, il faut faire des choix chaque jour (…) ça demande d’être intelligent » (Camille, Verbatim, 2008, p. 1).

Il y a aussi celles pour qui l’enseignement fut un deuxième choix de carrière; elles l’expliquent par leur aspiration à exercer un travail à caractère « humain ». « Ben, j’avais choisi soins infirmiers, pis j’ai décidé d’arrêter parce que je trouvais que ça n’avait pas d’allure, qu’on avait pas de vie dans ce métier là (…) J’avais envie de faire un travail qui avait un côté humain, qui était valorisant » (Marie-Ève, Verbatim, 2008, p. 53). Finalement, les autres raisons évoquées pour devenir enseignante sont l’amour des enfants, le plaisir d’être à l’école, l’attrait pour le métier et la présence d’un enseignant marquant dans le passé.

5.1.1 Ce qu’elles aiment : les enfants

Sur ce point les enseignantes interrogés sont claires : le plaisir d’être avec les enfants est nommé dans sept des dix réponses portant sur ce qu’elles aiment le plus du métier. Par ailleurs, le sentiment d’être valorisée par le travail, la liberté d’action en classe, la possibilité de toujours apprendre sur la pédagogie, les remises en question, les projets, ainsi que le contact avec les parents, font aussi partie des réponses.

Voici quelques exemples de réponses à la question : Qu’aimez-vous le plus du

métier d’enseignante? : « La valorisation. Je trouve ça très valorisant. Le fait aussi que ça ne soit pas routinier. Le fait d’être maître de mes trucs, d’organiser la classe comme j’ai envie… » (Jeanne, Verbatim, 2008, p. 7). « Me ressourcer, lire sur la pédagogie, la discipline. Tous les livres de théories, les lire et après trouver des idées sur comment les appliquer en classe » (Marie-France, Verbatim, 2008, p.11). « Être avec les enfants, le un à un surtout. Tous les projets possibles avec les jeunes… » Alexandra, Verbatim, 2008, p. 17). « Les élèves, le contact avec eux, avec les parents. Le fait de sentir que je suis utile » (Julie, Verbatim, 2008, p. 22). « C’est égoïste. Ce que ça me fait moi, c’est que ça me remet en question. Tu peux jamais rester stagnant, te dire là je m’assis et je vais faire la même chose pendant 10 ans » (Marlène, Verbatim, 2008, p. 31). « Le contact avec les enfants, je pense que c’est ça qui rend les journées agréables » (Amélie, Verbatim, 2008, p. 47). « J’aime aussi beaucoup les rencontres avec les parents, c’est une chose pour

laquelle j’ai beaucoup de facilité et un certain plaisir professionnel qui me manque avec l’enseignement en classe » (Marie-Ève, p. 53).

5.1.2 Ce qu’elles n’aiment pas

La gestion de classe et le manque de temps sont les éléments prédominants dans la catégorie de ce qui est le moins aimé de la profession. Viennent ensuite l’intégration des élèves en difficulté et les relations avec les collègues. Ce que les interviewées déplorent en ce qui a trait à la gestion de classe, ce sont les conflits avec les élèves, mais aussi la charge de travail qu’il faut gérer, ce qui explique qu’on manque de temps pour y parvenir.

Voici quelques exemples de commentaires sur le manque de temps et la gestion de classe : « Je n’aime pas la gestion de classe, l’organisation de la journée, tout ce qui est détails, déplacements d’élèves, téléphones à faire, les rangs… toutes les niaiseries qui remplissent la journée mais qui ne sont pas l’enseignement » (Marie-France, Verbatim, 2008, p. 11). « Parce que ça m’épuise physiquement, moralement, mentalement, j’ai pas fait ma job aussi bien que j’aurais pu la faire » (Camille, Verbatim, 2008, p. 1). « Le fait que les classes sont assez grosses, ça fait que je ne suis pas encore capable d’adapter mon enseignement à différents types d’enfants (…) Je sais que je perds certains élèves quand j’enseigne » (Alexandra, Verbatim, 2008, p. 17). En ce qui a trait à l’intégration des élèves en difficulté, Julie en a long à dire : « On réduit beaucoup les ressources et on demande beaucoup aux enseignants. Les conditions de travail sont difficiles. On comprime les ressources humaines, mais on ne fournit pas de conditions facilitantes pour faire face aux difficultés (…) L’enseignant doit maintenant être professionnel dans divers domaines, autant en psychologie qu’en travail social, qu’en santé mentale (Julie, Verbatim, 2008, p. 22). Elle mentionne aussi au tout début de sa réponse le manque de reconnaissance de la part du public.

Bien qu’étant un élément convivial dans le métier pour les unes, les « collègues » posent problème à certaines autres : « Je trouve qu’il y a des gens en enseignement qui sont incompétents, ça me gruge beaucoup, je trouve ça lourd, ça me fait me poser

beaucoup de questions » (Jeanne, Verbatim, 2008, p. 7). « Je trouve qu’on apprend à interagir avec les enfants, mais on n’apprend moins à interagir avec les adultes. Y a des gens qui des fois sont vraiment mésadaptés socialement, au niveau des échanges entre adultes et entre parents » (Marlène, Verbatim, 2008, p. 32). Ce que les enseignantes redoutent aussi considérablement, ce sont les jugements portés sur elles. L'effet malsain des cliques est à cet égard très représentatif du malaise globale que toutes, sans exception, ressentent plus ou moins profondément.