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LE STAGE EN ENTREPRISE PEUT IL DEVENIR UN PROGRAMME D'APPRENTISSAGE FORT?

MîcheLVILLETTE*

Résumé Les étudiantssont deplusenplus incitésà fairedesstages enente prise aucoursde leur formation. Cependant, l'absence d'instruments intellectuelsadaptés à cegenre d'exercice pose problème.Livrés à eux-mêmesou encombrésde préceptes et de méthodologies inadap¬

tés,lesétudiantsnetirentpas lemeilleurpartideleur expérience de stage.En m'appuyantsur mes expériences de recherche en ente¬

prise, surla traditiondesétudes deterrain en sociologieet surdes expériences pédagogiques conduites dans plusieurs écoles d'ingé¬

nieuretdegestion,je propose une voie pratique, explicite etdiscu¬

tabled'étudedirectedesprocessus ensituationdetavail.

Abstact Students aremoreandmoreincitedtocarryoutworkplacements in firms during their taining.However, the lack

of

intellectual instru¬

mentsadapted tothiskind

of

exerciseraisesaproblem.Lefttotheir owndevicesoroverburdenedwith ill-suited preceptsandmethodolo¬

gies,the studentsdo nottakefulladvantage

of

theirworkexperience.

Byrelying onmyresearch experiences in firms, on the tradition

of

fieldstudies insociologyandonteaching experimentscarriedout in severalschools

of

engineeringandmanagement,Ipropose a practi¬

cal,explicitanddebatablemethod

of

directstudy

of

theprocesses

of

thework situation.

95

* - Michel Villette,Écolenationalesupérieure desindustriesalimentaires,Massy.

Pages95-108 RECHERCHEetFORMATION 29 - 1998

LE

STAGE

EN

ENTREPRISE PEUT IL DEVENIR UN PROGRAMME D'APPRENTISSAGE FORT?

MîcheLVILLETTE*

Résumé Les étudiantssont deplusenplus incitésà fairedesstages enente prise aucoursde leur formation. Cependant, l'absence d'instruments intellectuelsadaptés à cegenre d'exercice pose problème.Livrés à eux-mêmesou encombrésde préceptes et de méthodologies inadap¬

tés,lesétudiantsnetirentpas lemeilleurpartideleur expérience de stage.En m'appuyantsur mes expériences de recherche en ente¬

prise, surla traditiondesétudes deterrain en sociologieet surdes expériences pédagogiques conduites dans plusieurs écoles d'ingé¬

nieuretdegestion,je propose une voie pratique, explicite etdiscu¬

tabled'étudedirectedesprocessus ensituationdetavail.

Abstact Students aremoreandmoreincitedtocarryoutworkplacements in firms during their taining.However, the lack

of

intellectual instru¬

mentsadapted tothiskind

of

exerciseraisesaproblem.Lefttotheir owndevicesoroverburdenedwith ill-suited preceptsandmethodolo¬

gies,the studentsdo nottakefulladvantage

of

theirworkexperience.

Byrelying onmyresearch experiences in firms, on the tradition

of

fieldstudies insociologyandonteaching experimentscarriedout in severalschools

of

engineeringandmanagement,Ipropose a practi¬

cal,explicitanddebatablemethod

of

directstudy

of

theprocesses

of

thework situation.

95

* - Michel Villette,Écolenationalesupérieure desindustriesalimentaires,Massy.

Pages95-108 RECHERCHEetFORMATION 29 - 1998

Lestage enentreprisepeut-ildevenir un programme d'apprentissage fort?

Aucoursdesannées 1980-1990,enFranceet dans d'autres pays européens(1),un nombre croissant de formations universitaires et d'écoles d'enseignement supérieur aenvoyélesétudiantsenstagedanslesentreprises,afinqu'ilsseformentsur le tas.

Grâceàcetteformulepédagogique,tout lemonde a l'impression defaireunebonne affaire. Les établissements d'enseignement diminuent leurs heures de cours, donc leursfrais de fonctionnement;lesentreprisesrécupèrentunemain

d'uvre

trèsbon marchéet pleine de bonne volonté; les représentants des ministères trouvent une réponseaureproched'inadéquationdel'enseignementauxbesoinsdel'économie;

les familles se persuadent que la période de stage facilitera l'embauche de leur enfant; les étudiants sont ravisd'échapper enfin à vingt années assises dans une sallede classe;quand aux pédagogues etauxphilosophes, ils rêventde disposer d'uneformule qui iraitde lapratique aux livres etnon plus des livresàlapratique.

Cependant, cette solution qui semble satisfaire tout le monde est un miroir aux alouettes. En réalité, un travail intellectuel sérieuxautour de l'expérience de stage accroît le coût de l'enseignement au lieu de le diminuer parce qu'elle exige aes enseignants un travail sur mesure, élève par élève; la généralisation des stages aboutitàune baisseduniveaumoyen derémunération desjeunesaudébutde leur vieactive;denombreusesentreprisesmultiplientlesstagespourréduireleurscoûts salariauxsanscréerpour autant d'emplois etsans être aesmodèlesde«bonneges¬

tion» dignesd'inspirerla jeunesse;danscertainssecteurscomme lagrandedistri¬

bution,desnoriasde stagiairessesubstituentauxemplois permanents. Enfin etsur¬

tout, faute d'instruments intellectuels adéquats et à défaut d'un travail personnel importantaccomplipar l'étudianten plusetà côtédestâchesdemandéespar l'en-treprise,l'étudiant risque denerienapprendre aucoursdesonstage,parce que rien 96 | n'estplusdifficileque de tirerdesenseignementsvalidesdu flux continuetindiffé¬

rencié de l'expériencequotidienneautravail.

Faut-ilpour autant condamnerle systèmedesstages?Non,puisqu'ilestlesymptôme plutôt que lacausedu sous-emploi desjeunes. Non encore, parce quedupointde vue de la connaissance, il est en principe fructueux de mettre entension lesavoir livresqueetl'expériencepratiqueet deforgerdesoutilspour penserlepassagedu gesteà la parole,de l'exécution àla réflexion. Non enfin, puisque c'estune occa¬

sionpotentielle deproduiredesconnaissances aulieudelesreproduire.

Quellessontlesconditionspourquel'expérience destagepuissedevenirunmoment deproduction de connaissances originales? Commentfaire pour que lesétudiants ramènent du stage vers les sallesdeclasseun « savoir »authentique, justifiant du mêmecoupl'inscriptiondu stagedans un cursusd'enseignementetde recherchedit

«supérieur » ?Commentfairedustage un programme«fort»?

1 - Actes du colloque « La formation enalternance dans l'enseignement universitaire », Bruxelles,3-5 décembre1998,GroupeIchecetDGXXIIde laCommissioneuropéenne.

RECHERCHE etFORMATION N° 29 - 1998

Lestage enentreprisepeut-ildevenir un programme d'apprentissage fort?

Aucoursdesannées 1980-1990,enFranceet dans d'autres pays européens(1),un nombre croissant de formations universitaires et d'écoles d'enseignement supérieur aenvoyélesétudiantsenstagedanslesentreprises,afinqu'ilsseformentsur le tas.

Grâceàcetteformulepédagogique,tout lemonde a l'impression defaireunebonne affaire. Les établissements d'enseignement diminuent leurs heures de cours, donc leursfrais de fonctionnement;lesentreprisesrécupèrentunemain

d'uvre

trèsbon marchéet pleine de bonne volonté; les représentants des ministères trouvent une réponseaureproched'inadéquationdel'enseignementauxbesoinsdel'économie;

les familles se persuadent que la période de stage facilitera l'embauche de leur enfant; les étudiants sont ravisd'échapper enfin à vingt années assises dans une sallede classe;quand aux pédagogues etauxphilosophes, ils rêventde disposer d'uneformule qui iraitde lapratique aux livres etnon plus des livresàlapratique.

Cependant, cette solution qui semble satisfaire tout le monde est un miroir aux alouettes. En réalité, un travail intellectuel sérieuxautour de l'expérience de stage accroît le coût de l'enseignement au lieu de le diminuer parce qu'elle exige aes enseignants un travail sur mesure, élève par élève; la généralisation des stages aboutitàune baisseduniveaumoyen derémunération desjeunesaudébutde leur vieactive;denombreusesentreprisesmultiplientlesstagespourréduireleurscoûts salariauxsanscréerpour autant d'emplois etsans être aesmodèlesde«bonneges¬

tion» dignesd'inspirerla jeunesse;danscertainssecteurscomme lagrandedistri¬

bution,desnoriasde stagiairessesubstituentauxemplois permanents. Enfin etsur¬

tout, faute d'instruments intellectuels adéquats et à défaut d'un travail personnel importantaccomplipar l'étudianten plusetà côtédestâchesdemandéespar l'en-treprise,l'étudiant risque denerienapprendre aucoursdesonstage,parce que rien 96 | n'estplusdifficileque de tirerdesenseignementsvalidesdu flux continuetindiffé¬

rencié de l'expériencequotidienneautravail.

Faut-ilpour autant condamnerle systèmedesstages?Non,puisqu'ilestlesymptôme plutôt que lacausedu sous-emploi desjeunes. Non encore, parce quedupointde vue de la connaissance, il est en principe fructueux de mettre entension lesavoir livresqueetl'expériencepratiqueet deforgerdesoutilspour penserlepassagedu gesteà la parole,de l'exécution àla réflexion. Non enfin, puisque c'estune occa¬

sionpotentielle deproduiredesconnaissances aulieudelesreproduire.

Quellessontlesconditionspourquel'expérience destagepuissedevenirunmoment deproduction de connaissances originales? Commentfaire pour que lesétudiants ramènent du stage vers les sallesdeclasseun « savoir »authentique, justifiant du mêmecoupl'inscriptiondu stagedans un cursusd'enseignementetde recherchedit

«supérieur » ?Commentfairedustage un programme«fort»?

1 - Actes du colloque « La formation enalternance dans l'enseignement universitaire », Bruxelles,3-5 décembre1998,GroupeIchecetDGXXIIde laCommissioneuropéenne.

RECHERCHE etFORMATION N° 29 - 1998

Michel VIliETTE

Diversité des formules pédagogiques et unité de la problématique

Stagesouvriers et stagesintégrésdesécoles d'ingénieurs, formation enalternance du CNAM, apprentissage àl'ESSEC,reprisedes étudesaprès uneexpériencepro¬

fessionnelleàl'INSEADouàHEC ISA,PraktikumdesHocnschuleallemandes, Tech¬

nicalplacementdesdépartementsd'engineringdesuniversitésanglaises, autant de corps professoraux, de populations d'étudiants, de champs disciplinaires, de contraintes organisationnelles (nombre d'étudiants par enseignant) et financières (coûtde laformationpartête/J'étudiant),d'intentions politiques(2),d'étatde larela¬

tion entre les employeurs, l'Etat, les familles et les institutions d'enseignement. Un sociologuequi prétendraitdégageruneproblématique commune et sous-jacenteà toutescesexpériencespédagogiques pourproposerunedémarcheunificatricepas¬

seraitsansnuldoutepourun naïf

Pourtant, le problème est toujours le même : apprendre en travaillant. Passerdu geste àlaparole.Acquérirunminimumdemaîtrise intellectuelled'une situation dans laquelle onestprisefsurlaquelle ontented'avoirprise. Extraired'un engagement temporaire dansunesituationde travailuncertain«savoir»qu'onn'avaitpaslors¬

qu'on yestentré,dontl'intérêtdépasse lecadreétroit de la situation où ils'estéla¬

boré,etdont lavaliditéestproblématique et mérited'êtrediscutée.

Sil'école a un sens, c'est parcequ'on admetqu'il estpossibledetransformerdes savoirs ésotériques,locauxet implicitesensavoirsgénéraux discutables ettransmis¬

sibles et que réciproquement, on pense que des savoirs généraux pourront être mobilisésutilement dansl'action.

Assumercetteprétention,c'estrépondreàlaquestion:commentextraired'unenga¬

gementtemporaire dansunesituationdetravail quelques«connaissances» acadé-miquement acceptables,c'est-à-dire,composéesd'énoncés(d'images,d'objets)suf¬

fisamment « décontextualisés » pour être transportables, compréhensibles, discutables,vérifiables, utilisablesparlesautresélèvesdel'école,lesprofesseurs,les chercheurs, et des professionnels qui n'étaient pas impliqués dans la situation de référence?

Siunepériode de travailenentreprise mérited'être inclue dansuncursuspédago¬

giquedel'enseignement supérieur,c'estparcequ'onchercheeffectivementàaccom¬

plirceprogrammeambitieux etqu'ons'endonnelesmoyens. Renonceràceprojet, c'estadmettrequele systèmedes stagesn'estriendeplusqu'uneopération promo¬

tionnellepour vendreensoldedesdiplômésen surnombre.

2 - Lespremiersstagesorganisés après-guerreparBertrandSchwartz, àl'École des mines deNancy avaientpour but defairedécouvrirlacondition ouvrièreauxfutursingénieursafin d'abaisserunpeula barrière d'incompréhension entrelesclassessociales.

97

RECHERCHEet FORMATION 29 - 1998 Michel VIliETTE

Diversité des formules pédagogiques et unité de la problématique

Stagesouvriers et stagesintégrésdesécoles d'ingénieurs, formation enalternance du CNAM, apprentissage àl'ESSEC,reprisedes étudesaprès uneexpériencepro¬

fessionnelleàl'INSEADouàHEC ISA,PraktikumdesHocnschuleallemandes, Tech¬

nicalplacementdesdépartementsd'engineringdesuniversitésanglaises, autant de corps professoraux, de populations d'étudiants, de champs disciplinaires, de contraintes organisationnelles (nombre d'étudiants par enseignant) et financières (coûtde laformationpartête/J'étudiant),d'intentions politiques(2),d'étatde larela¬

tion entre les employeurs, l'Etat, les familles et les institutions d'enseignement. Un sociologuequi prétendraitdégageruneproblématique commune et sous-jacenteà toutescesexpériencespédagogiques pourproposerunedémarcheunificatricepas¬

seraitsansnuldoutepourun naïf

Pourtant, le problème est toujours le même : apprendre en travaillant. Passerdu geste àlaparole.Acquérirunminimumdemaîtrise intellectuelled'une situation dans laquelle onestprisefsurlaquelle ontented'avoirprise. Extraired'un engagement temporaire dansunesituationde travailuncertain«savoir»qu'onn'avaitpaslors¬

qu'on yestentré,dontl'intérêtdépasse lecadreétroit de la situation où ils'estéla¬

boré,etdont lavaliditéestproblématique et mérited'êtrediscutée.

Sil'école a un sens, c'est parcequ'on admetqu'il estpossibledetransformerdes savoirs ésotériques,locauxet implicitesensavoirsgénéraux discutables ettransmis¬

sibles et que réciproquement, on pense que des savoirs généraux pourront être mobilisésutilement dansl'action.

Assumercetteprétention,c'estrépondreàlaquestion:commentextraired'unenga¬

gementtemporaire dansunesituationdetravail quelques«connaissances» acadé-miquement acceptables,c'est-à-dire,composéesd'énoncés(d'images,d'objets)suf¬

fisamment « décontextualisés » pour être transportables, compréhensibles, discutables,vérifiables, utilisablesparlesautresélèvesdel'école,lesprofesseurs,les chercheurs, et des professionnels qui n'étaient pas impliqués dans la situation de référence?

Siunepériode de travailenentreprise mérited'être inclue dansuncursuspédago¬

giquedel'enseignement supérieur,c'estparcequ'onchercheeffectivementàaccom¬

plirceprogrammeambitieux etqu'ons'endonnelesmoyens. Renonceràceprojet, c'estadmettrequele systèmedes stagesn'estriendeplusqu'uneopération promo¬

tionnellepour vendreensoldedesdiplômésen surnombre.

2 - Lespremiersstagesorganisés après-guerreparBertrandSchwartz, àl'École des mines deNancy avaientpour but defairedécouvrirlacondition ouvrièreauxfutursingénieursafin d'abaisserunpeula barrière d'incompréhension entrelesclassessociales.

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RECHERCHEet FORMATION 29 - 1998

Lestage enentreprisepeut-ildevenir un programmed'apprentissage fort?

Un programme pour les stages

DansL'art du staaeenenteprise(Ladécouverte, 1994),j'ai proposéunprogramme d'apprentissagefortpourlesétudiantsdel'enseignement supérieur quivontfoireun stageenentreprise.J'emploie l'expression« apprentissagefort»paropposition au programme quimeparaît leplusfréquentaujourd'hui :celuid'un étudiant qui vaen entrepriseavecpour intention suffisantede« bien s'intégrer »,de« fairecequ'on luidemande»et,si possible,desefaireembaucheraprèsavoirrédigé àlahâteun

«rapportdestage»depureconvenance. Ceprogramme minimum m'a paruinsuf¬

fisant parcequelacapacité àadoptersansexamendescroyancesetpratiquespro¬

fessionnellesconsidéréeslocalementcommevalidesn'estriendeplusqu'un exercice deconformisme intellectuel, insuffisantsil'entrepriseestexcellente

-

cegenred'en¬

trepriseest en quête d'employés imaginatifs

-

etcatastrophique si l'entreprise est médiocre, puisque l'étudiant aura apprisà reproduirelamédiocrité.

Fairedu stage unprogramme d'apprentissagefortsupposede poserquatreques¬

tionssurl'expérienceautravailquel'onavécu:Qu'ai-jeappris?Quelleestlavali¬

dité decesavoir?Dans^quellesconditions et avecquellesprécautionspourrai-jel'uti¬

liserdemain, ailleurs?Àquellesconditions puis- je le transmettreàquelqu'und'autre pourson propre usage?

Ce travail d'examen critique et de « remontée en généralité » à partir d'une séquenced'événementsdans laquelleona étésoi-même impliquéneva pasdesoi (3).C'estunexercice intellectueldifficile qui supposeuntravaild'une natureun peu spéciale et que malheureusement,trèspeu d'enseignantsonteul'occasion de

prati-. quereux-mêmes,parce quecegenre d'exercicenefaitpaspartiedestravaux requis y8 | pour atteindreà l'excellenceacadémique:agrégationet thèse(4).

3 - «Oui,lesacteursfontcequ'ils fontetsavent cequ'ilssaventmieux que quiconque.Oui, ilssont sansdoutelesmieuxplacéspour direcequ'ils fontet savent.Mais,non,ilsnedispo¬

sentpas immédiatementdesmoyens deperception etd'expression qui leurpermettraient de livrercetteexpérience spontanément. »BernardLahire, «Logiques pratiques,le"faire" et le

"diresur lefaire"»,RechercheetFormation, n°27, 1998,p.27.

4 - Ensciences degestion, par exemple, la majoritédesthèses de doctorat sefont sans qu'aucun engagementprolongé dans l'activité de gestion d'une entreprisenesoitrequisde l'étudiant.On considère encore qu'une approche à distancedumondedesaffairesest suffi¬

sante.Onsecontentede questionnaires, d'entretiens, destatistiquesetdemodèlesthéoriques.

Pouruneprisedepositionrécente, mais encore trèstimoréesur ceproblèmevoirV.Chanat, H. LescaetA.C. Martinet, « Versune ingénieriedela recherche en sciencesdegestion », RevueFrançaisedeGestion,nov.-déc. 1997.

RECHERCHEet FORMATION 29 - 1998

Lestage enentreprisepeut-ildevenir un programmed'apprentissage fort?

Un programme pour les stages

DansL'art du staaeenenteprise(Ladécouverte, 1994),j'ai proposéunprogramme d'apprentissagefortpourlesétudiantsdel'enseignement supérieur quivontfoireun stageenentreprise.J'emploie l'expression« apprentissagefort»paropposition au programme quimeparaît leplusfréquentaujourd'hui :celuid'un étudiant qui vaen entrepriseavecpour intention suffisantede« bien s'intégrer »,de« fairecequ'on luidemande»et,si possible,desefaireembaucheraprèsavoirrédigé àlahâteun

«rapportdestage»depureconvenance. Ceprogramme minimum m'a paruinsuf¬

fisant parcequelacapacité àadoptersansexamendescroyancesetpratiquespro¬

fessionnellesconsidéréeslocalementcommevalidesn'estriendeplusqu'un exercice deconformisme intellectuel, insuffisantsil'entrepriseestexcellente

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cegenred'en¬

trepriseest en quête d'employés imaginatifs

-

etcatastrophique si l'entreprise est médiocre, puisque l'étudiant aura apprisà reproduirelamédiocrité.

Fairedu stage unprogramme d'apprentissagefortsupposede poserquatreques¬

tionssurl'expérienceautravailquel'onavécu:Qu'ai-jeappris?Quelleestlavali¬

dité decesavoir?Dans^quellesconditions et avecquellesprécautionspourrai-jel'uti¬

liserdemain, ailleurs?Àquellesconditions puis- je le transmettreàquelqu'und'autre pourson propre usage?

Ce travail d'examen critique et de « remontée en généralité » à partir d'une séquenced'événementsdans laquelleona étésoi-même impliquéneva pasdesoi (3).C'estunexercice intellectueldifficile qui supposeuntravaild'une natureun peu spéciale et que malheureusement,trèspeu d'enseignantsonteul'occasion de

prati-. quereux-mêmes,parce quecegenre d'exercicenefaitpaspartiedestravaux requis y8 | pour atteindreà l'excellenceacadémique:agrégationet thèse(4).

3 - «Oui,lesacteursfontcequ'ils fontetsavent cequ'ilssaventmieux que quiconque.Oui, ilssont sansdoutelesmieuxplacéspour direcequ'ils fontet savent.Mais,non,ilsnedispo¬

sentpas immédiatementdesmoyens deperception etd'expression qui leurpermettraient de livrercetteexpérience spontanément. »BernardLahire, «Logiques pratiques,le"faire" et le

"diresur lefaire"»,RechercheetFormation, n°27, 1998,p.27.

4 - Ensciences degestion, par exemple, la majoritédesthèses de doctorat sefont sans qu'aucun engagementprolongé dans l'activité de gestion d'une entreprisenesoitrequisde l'étudiant.On considère encore qu'une approche à distancedumondedesaffairesest suffi¬

sante.Onsecontentede questionnaires, d'entretiens, destatistiquesetdemodèlesthéoriques.

Pouruneprisedepositionrécente, mais encore trèstimoréesur ceproblèmevoirV.Chanat, H. LescaetA.C. Martinet, « Versune ingénieriedela recherche en sciencesdegestion », RevueFrançaisedeGestion,nov.-déc. 1997.

RECHERCHEet FORMATION 29 - 1998