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ET DE SON PROCESSUS DE FORMATION CHEZ LES PROFESSEURS D'UNIVERSITÉ

À RIO DE JANEIRO (BRÉSIL)

WAldEck CARNEIRO DA SILVA*

Résumé Dès le milieu des années 80, certaines universités brésiliennes ont commencéàproposer, dans le cadrede leurs facultés d'éducation, desprogrammes de formation universitaire auprofessoratprimaire.

Àtraverscetarticle,issudelathèsededoctorat quenousavonssou¬

tenueà l'UniversitéRenéDescartes (Paris V) en 1997,nousanalysons lesconceptions del'instituteuretson processusdeformationaffichés parlesprofesseursdesfacultésd'éducation de trois universitésdela ville de Rio-de-Janeiroquiontcréé,audébutdesannées90,des for¬

mations universitaires consacrées à lapréparation des professeurs des écoles. Cesconceptions sontàlabase desmodèles d'universita-risation delaformationdesmaîtresmis enplace danscesuniversités et mettentl'accent,pourl'essentiel,surla formationpolitiquedesins¬

tituteursetsurleur rapportau savoir,enparticulierl'articulationente

leursconnaissances théoriquesetleur expériencepédagogiquequo¬

tidienne.

Abstact As early as the middle

of

the 1980's, some Brazilian universities startedproposing university taining programs to primary school teachersintheirdepartments

of

education.Inéispaper,derivedfrom the doctoral thesis we defended at the René Descartes University (Paris V)in 1997,we analysetheprofessors' conceptions

of

primary school teachers andtheir training process, in the departments

of

education

of

three universities

of

Rio de Janeiro which created university courses devoted to the training

of

school teachers atthe

Brésil.

Waldeck Carneiro da Silva, Faculté d'éducation, Universidade Federal Fluminense,

Pages143-160 RECHERCHEet FORMATION 29 - 1998

CONCEPTIONS DE L'INSTITUTEUR

ET

DE SON PROCESSUS DE FORMATION CHEZ

LES

PROFESSEURS D'UNIVERSITÉ À RIO DE JANEIRO (BRÉSIL)

WAldEck CARNEIRO DA SILVA*

Résumé Dès le milieu des années 80, certaines universités brésiliennes ont commencéàproposer, dans le cadrede leurs facultés d'éducation, desprogrammes de formation universitaire auprofessoratprimaire.

Àtraverscetarticle,issudelathèsededoctorat quenousavonssou¬

tenueà l'UniversitéRenéDescartes (Paris V) en 1997,nousanalysons lesconceptions del'instituteuretson processusdeformationaffichés parlesprofesseursdesfacultésd'éducation de trois universitésdela ville de Rio-de-Janeiroquiontcréé,audébutdesannées90,des for¬

mations universitaires consacrées à lapréparation des professeurs des écoles. Cesconceptions sontàlabase desmodèles d'universita-risation delaformationdesmaîtresmis enplace danscesuniversités et mettentl'accent,pourl'essentiel,surla formationpolitiquedesins¬

tituteursetsurleur rapportau savoir,enparticulierl'articulationente

leursconnaissances théoriquesetleur expériencepédagogiquequo¬

tidienne.

Abstact As early as the middle

of

the 1980's, some Brazilian universities startedproposing university taining programs to primary school teachersintheirdepartments

of

education.Inéispaper,derivedfrom the doctoral thesis we defended at the René Descartes University (Paris V)in 1997,we analysetheprofessors' conceptions

of

primary school teachers andtheir training process, in the departments

of

education

of

three universities

of

Rio de Janeiro which created university courses devoted to the training

of

school teachers atthe

Brésil.

Waldeck Carneiro da Silva, Faculté d'éducation, Universidade Federal Fluminense,

Pages143-160 RECHERCHEet FORMATION 29 - 1998

Conceptionsdel'instituteur et de son processus deformation

beginning

of

the90's.Theseconceptionsunderliemodels ofuniversi-tarization

of

school teachers'tainingsetup intheseuniversitiesand essentially emphasize the political taining

of

teachers and their relation to knowledge, more particularly, the link between their theoreticalknowledgeanddailyteaching experience.

Introduction

Dans le présentarticle, nous proposons une partie des résultats d'une recherche menéeentre 1993et1997etprésentéecommethèsededoctoratà l'UniversitéRené Descartes (Paris V)(Carneiro da Silva, 1997). Danscetterecherche,nousavonsétu¬

dié le processus d'universitarisation de la formation des professeurs des écoles implantée, audébutdesannées90,danslesunitésdesciencesde l'éducation (deux facultés etundépartement)de troisuniversitéssituéesdanslaville de Rio-de-Janeiro (Brésil),enmettantl'accentsurl'analysedesenjeux decephénomèneet, particuliè¬

rement,surl'analysedesperceptionsdesprofesseursd'universitéportantsurles ins¬

tituteurset leurformation. Ainsi, àpartir de 44 entretiensfaits auprès decespro¬

fesseurs, nousavonspu saisir,parmi d'autres aspects, leur perception concernantle profil de l'instituteurqu'ils souhaiteraientvoirenexercice dans lesécolesprimaires brésiliennes et, par conséquent, les éléments qu'ils proposent de mettre en avant dans laformation deceprofessionnel.Ilnousa sembléessentielde biencomprendre cettequestion,carlavisiondesprofesseursà proposdel'universitarisationdelafor¬

mationdesinstituteurs et lemodèle deformationdesmaîtresqu'ils ontmis en place danslesfacultésd'éducationsont sensiblementmarquésparlafaçondontilsconçoi¬

vent l'instituteur.

LA

CONSCIENCE DU CONTEXTE

OU

L'ECOLE S'INSCRIT

Dans lestrois facultés,les professeursinterviewéspréconisentlaformation d'unins¬

tituteur qui soitcapable de comprendrelecontextequi entoure l'écoleetses profes¬

sionnels. Cetaspect, mêmes'ilnefaitpasproprementl'objetde conflitsà l'intérieur deces facultés, esttoutdemêmeun enjeu important,carlesprofesseurs perçoivent cet élément comme étant indispensable à la formation d'un instituteur compétent.

Ainsi, nouspouvonsaffirmer, sans hésitation,que l'unedesprincipales homologies 3uirapprochentlestroisunitéscomposantlechampdesfacultésd'éducation à Rio-e-Janeiroest précisément le souci, manifesté par les professeurs de ces facultés, d'inculquerchez l'instituteur laconsciencede laréalité concrèteoù l'école s'inscrit, ainsi que la compréhensiondes relationsentre cetteréalité etles phénomènes sco¬

laires.Àcesujet, lespropos publiésparundecesprofesseurs,sont assez significa¬

tifs: « Laréforme dudiplôme de pédagogiedoit avoircomme'toile de fond'lepre¬

mier objectifdu Département, exprimé dansson projet : promouvoirla formation

RECHERCHEet FORMATION 29 - 1998 Conceptionsdel'instituteur et de son processus deformation

beginning

of

the90's.Theseconceptionsunderliemodels ofuniversi-tarization

of

school teachers'tainingsetup intheseuniversitiesand essentially emphasize the political taining

of

teachers and their relation to knowledge, more particularly, the link between their theoreticalknowledgeanddailyteaching experience.

Introduction

Dans le présentarticle, nous proposons une partie des résultats d'une recherche menéeentre 1993et1997etprésentéecommethèsededoctoratà l'UniversitéRené Descartes (Paris V)(Carneiro da Silva, 1997). Danscetterecherche,nousavonsétu¬

dié le processus d'universitarisation de la formation des professeurs des écoles implantée, audébutdesannées90,danslesunitésdesciencesde l'éducation (deux facultés etundépartement)de troisuniversitéssituéesdanslaville de Rio-de-Janeiro (Brésil),enmettantl'accentsurl'analysedesenjeux decephénomèneet, particuliè¬

rement,surl'analysedesperceptionsdesprofesseursd'universitéportantsurles ins¬

tituteurset leurformation. Ainsi, àpartir de 44 entretiensfaits auprès decespro¬

fesseurs, nousavonspu saisir,parmi d'autres aspects, leur perception concernantle profil de l'instituteurqu'ils souhaiteraientvoirenexercice dans lesécolesprimaires brésiliennes et, par conséquent, les éléments qu'ils proposent de mettre en avant dans laformation deceprofessionnel.Ilnousa sembléessentielde biencomprendre cettequestion,carlavisiondesprofesseursà proposdel'universitarisationdelafor¬

mationdesinstituteurs et lemodèle deformationdesmaîtresqu'ils ontmis en place danslesfacultésd'éducationsont sensiblementmarquésparlafaçondontilsconçoi¬

vent l'instituteur.

LA

CONSCIENCE DU CONTEXTE

OU

L'ECOLE S'INSCRIT

Dans lestrois facultés,les professeursinterviewéspréconisentlaformation d'unins¬

tituteur qui soitcapable de comprendrelecontextequi entoure l'écoleetses profes¬

sionnels. Cetaspect, mêmes'ilnefaitpasproprementl'objetde conflitsà l'intérieur deces facultés, esttoutdemêmeun enjeu important,carlesprofesseurs perçoivent cet élément comme étant indispensable à la formation d'un instituteur compétent.

Ainsi, nouspouvonsaffirmer, sans hésitation,que l'unedesprincipales homologies 3uirapprochentlestroisunitéscomposantlechampdesfacultésd'éducation à Rio-e-Janeiroest précisément le souci, manifesté par les professeurs de ces facultés, d'inculquerchez l'instituteur laconsciencede laréalité concrèteoù l'école s'inscrit, ainsi que la compréhensiondes relationsentre cetteréalité etles phénomènes sco¬

laires.Àcesujet, lespropos publiésparundecesprofesseurs,sont assez significa¬

tifs: « Laréforme dudiplôme de pédagogiedoit avoircomme'toile de fond'lepre¬

mier objectifdu Département, exprimé dansson projet : promouvoirla formation

RECHERCHEet FORMATION 29 - 1998

WaldeckCARNEIRODASILVA

d'un éducateur capable de sepositionnerde manière consciente etcritiquedevant la réalitééducative brésilienne etd'enproposerdes alternativesd'action. » (Men-donça, 1987,p.54)

Cettedimensionde laformation de l'instituteur, quenousavonstendance àqualifier de« politique », en accord avec letermeemployé parplusieurs professeurs inter¬

viewés,comportedeuxélémentsprimordiaux.En premier lieu, ils'agitde la lecture critique du contextepolitique, économique et social dans lequel l'écoles'inscrit etdes implications dececontextesurlesphénomèneséducatifs,etspécialementsurl'échec scolaire. Ensecondlieu, ils'agitdeprendreunengagement vis-à-vis de l'améliora¬

tionde laqualité de l'école publique.Ces deuxaspectsconstituent,à notreégard, lenoyau de lasensibilisation politique que lesprofesseurs des facultésd'éducation veulentinclure danslecadrede la formation de l'instituteur.

Sur lepremier aspect,ladéclaration d'un autre professeuresttrèsprécise:«

Note

préoccupationprincipaleétaitladimensionpolitiquedela formation de l'éducateur, sanspourautantignorerlesautres dimensions(maîtisedescontenusà enseigner et formation technique-méthodologique). Ces trois choses ne peuventpas

ête

sépa¬

rées,maisons'aperçoit quelesinstituteurssontentièrement dépourvusdesensibili¬

sationpolitique. Quandon abordeauprès d'eux laquestion delapolitique, ils ne pensentqu'àla politique 'sale',sansserendrecompte queleur action comporte une énormedimensionpolitique. »

Leproblèmesoulevé ci-dessus,extrêmementprésent danslediscoursdesprofesseurs interviewés, neconcernepas seulement,comme ilestévident, lemétierd'instituteur ou, de façonpluslarge,lemétier d'enseignant. De toute évidence,l'acted'enseigner oude meneruneactionéducative quelconque,comporte incontestablement, comme l'ontdéclaré plusieursd'entre eux,unedimensionpolitique, qui, à leur avis,sefonde principalementsurdeuxaspects: lacompréhension du contexteoù l'écoles'inscrit et l'engagement pour l'amélioration de l'école publique. Si l'instituteur n'est pas conscientdecette dimensionpolitique, sontravail éducatif risqued'être moins effi¬

cace,carlesréponsesqu'il auratendanceàfourniraux problèmes issusdesapra¬

tiqueseront, enquelquesorte,superficiellesounaïves.L'exempledel'échecscolaire est,eneffet,particulièrementintéressantpourcomprendrecetenjeu. Ce n'estdonc pasunhasardsilacompréhension desdéterminations de l'échec scolairesoit, pour lagrande majoritédes interviewés, un axetrès importantà souligner dans la for¬

mationpolitique de l'instituteur.

Effectivement, selon plusieurs analyses(Perrenoud, 1984), l'échecscolaireest une production socialequi renforcedes intérêts très précis. Dansla sociétébrésilienne, cephénomènepervers, une desdifférentesfacesde l'exclusion sociale auBrésil, est unefaçondetrierlesélèvesquiprogresserontdans leurtrajectoire scolaire et ceux qui seront condamnés à l'échec puis, parlasuite,à l'exclusion sociale.Cesderniers sont,comme leconfirmentdenombreusesrecherches(Silva, 1997),lesenfantsissus desmilieux défavorisés.L'écoleprocèdedonc à unevéritableopérationde sélection

RECHERCHEet FORMATION N° 29 - 1998 14!

WaldeckCARNEIRODASILVA

d'un éducateur capable de sepositionnerde manière consciente etcritiquedevant la réalitééducative brésilienne etd'enproposerdes alternativesd'action. » (Men-donça, 1987,p.54)

Cettedimensionde laformation de l'instituteur, quenousavonstendance àqualifier de« politique », en accord avec letermeemployé parplusieurs professeurs inter¬

viewés,comportedeuxélémentsprimordiaux.En premier lieu, ils'agitde la lecture critique du contextepolitique, économique et social dans lequel l'écoles'inscrit etdes implications dececontextesurlesphénomèneséducatifs,etspécialementsurl'échec scolaire. Ensecondlieu, ils'agitdeprendreunengagement vis-à-vis de l'améliora¬

tionde laqualité de l'école publique.Ces deuxaspectsconstituent,à notreégard, lenoyau de lasensibilisation politique que lesprofesseurs des facultésd'éducation veulentinclure danslecadrede la formation de l'instituteur.

Sur lepremier aspect,ladéclaration d'un autre professeuresttrèsprécise:«

Note

préoccupationprincipaleétaitladimensionpolitiquedela formation de l'éducateur, sanspourautantignorerlesautres dimensions(maîtisedescontenusà enseigner et formation technique-méthodologique). Ces trois choses ne peuventpas

ête

sépa¬

rées,maisons'aperçoit quelesinstituteurssontentièrement dépourvusdesensibili¬

sationpolitique. Quandon abordeauprès d'eux laquestion delapolitique, ils ne pensentqu'àla politique 'sale',sansserendrecompte queleur action comporte une énormedimensionpolitique. »

Leproblèmesoulevé ci-dessus,extrêmementprésent danslediscoursdesprofesseurs interviewés, neconcernepas seulement,comme ilestévident, lemétierd'instituteur ou, de façonpluslarge,lemétier d'enseignant. De toute évidence,l'acted'enseigner oude meneruneactionéducative quelconque,comporte incontestablement, comme l'ontdéclaré plusieursd'entre eux,unedimensionpolitique, qui, à leur avis,sefonde principalementsurdeuxaspects: lacompréhension du contexteoù l'écoles'inscrit et l'engagement pour l'amélioration de l'école publique. Si l'instituteur n'est pas conscientdecette dimensionpolitique, sontravail éducatif risqued'être moins effi¬

cace,carlesréponsesqu'il auratendanceàfourniraux problèmes issusdesapra¬

tiqueseront, enquelquesorte,superficiellesounaïves.L'exempledel'échecscolaire est,eneffet,particulièrementintéressantpourcomprendrecetenjeu. Ce n'estdonc pasunhasardsilacompréhension desdéterminations de l'échec scolairesoit, pour lagrande majoritédes interviewés, un axetrès importantà souligner dans la for¬

mationpolitique de l'instituteur.

Effectivement, selon plusieurs analyses(Perrenoud, 1984), l'échecscolaireest une production socialequi renforcedes intérêts très précis. Dansla sociétébrésilienne, cephénomènepervers, une desdifférentesfacesde l'exclusion sociale auBrésil, est unefaçondetrierlesélèvesquiprogresserontdans leurtrajectoire scolaire et ceux qui seront condamnés à l'échec puis, parlasuite,à l'exclusion sociale.Cesderniers sont,comme leconfirmentdenombreusesrecherches(Silva, 1997),lesenfantsissus desmilieux défavorisés.L'écoleprocèdedonc à unevéritableopérationde sélection

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Conceptionsdel'instituteur et de son processus deformation

socialesans pour autant mettreen évidence les raisons particulières qui sont à la basedecettesélection. Toutau contraire,lesraisons affichéesde l'échecscolairedes élèvespauvressont cellesqui correspondent àleurspropresfautes,puisque,dansun systèmescolairequi prétend êfre fondésur la méritocratie, neprogressentque les enfantsdotésde compétencepourlefaire.Cettelecture duphénomène, extrêmement limitée ettrèscourante chezl'instituteur(maispasseulementchez lui),sert à laper¬

pétuationdes structuressocialesenvigueur, tellesqu'elles lesont, sansquel'école, la société, l'inégalitéde chances et larépartition inégaledes revenussoientremises enquestion (1). Or, c'est justement pour permettreà l'instituteur decomprendre de façon plus large l'échec scolaire de ces enfants que les universitaires interrogés misentsur saformation politique. Illeurparaîtindispensable quel'instituteurpuisse arrêter de culpabiliserles enfants exclus (Gatti etalii, 1994) pour trouver d'autres explications au phénomène. Parmi cesexplications,oninsiste sur lequestionnement desaproprepratiqueet,principalement,ducontexteoùelles'inscrit (dévalorisation sociale du professorat, abandon de l'école publique, inégalité socio-économique brutale).Àquoi (etàqui) cela sertde ne pasêtrecapable de comprendrelesvraies causes de l'échec scolaire au Brésil?À quoi (età qui) cela sert de proposeraux élèvesdessavoirsqui neleur disentriendutoutetensuiteclassercesenfants d'in¬

capablesou d'incompétents? Cesontdesquestionsauxquelles l'instituteurbrésilien doitêtre capable de répondre, etcomme le déclare la majoritédes professeurs :

« Mais la pire situation, qui est prédominante, est celle où l'instituteur n'a pas conscience queson

tavail

estauservice d'unecauseoud'une classedéterminée.

Parexemple,quandilesten

tain

d'apprendreaux gamins quivendentdes citrons lesoir, letermecollectif représentantunensembledechameaux, l'instituteur montre qu'iln'apas la moindre consciencede sonrôle. Ainsi,cettepréoccupation estbien à l'esprit: le professeurd'écolea besoin non seulement d'êtemieuxpréparéen

14t> termesde contenu et deméthodologie,maisaussid'avoirbienentêtela dimension politiquedeson travail. »

Dans le cadre decedébat, un constatinquiétant s'impose : leproblème de la for¬

mationpolitique de l'instituteur(etdel'enseignantengénéral)ou, plutôt, l'absence decetteformation chezlui est une question étudiée<dénoncéeetdiscutée au Brésil, defaçon systématique, depuis aumoinsvingtans.Al'aubedu troisièmemillénaire, il estassezétonnant que (es professeurs desfacultés d'éducation évoquent, à juste titre, cettequestioncommeun problème encore à régler danslecadre de laforma¬

tion de l'instituteur brésilien. Nous pouvons donc penser aue le résultat de nom¬

breuses étudesdéveloppées, à différents moments,pardeschercheursexpérimentés n'a pasétépris encompte, de manière rigoureuse, parlesdirigeants politiques ni

1 - Citons l'ouvrageLareproduction,de Pierre BourdieuetJean-Claude Passeron (1970), dans lequel laviolencesymbolique exercée par l'écolesur ses destinatairesestclairement dévoilée.Celivre,malgrélescritiquespertinentesqu'ilareçuesenfonctiondel'attachement sansdouteexagérédesauteursàlacatégorie«reproductionsociale », reste une sourcethéo¬

rique indispensablepourlacompréhensionduphénomène del'échecscolaireet du proces¬

susd'exclusionsocialequ'ilreprésente.

RECHERCHEet FORMATION N° 29 - 1998 Conceptionsdel'instituteur et de son processus deformation

socialesans pour autant mettreen évidence les raisons particulières qui sont à la basedecettesélection. Toutau contraire,lesraisons affichéesde l'échecscolairedes élèvespauvressont cellesqui correspondent àleurspropresfautes,puisque,dansun systèmescolairequi prétend êfre fondésur la méritocratie, neprogressentque les enfantsdotésde compétencepourlefaire.Cettelecture duphénomène, extrêmement limitée ettrèscourante chezl'instituteur(maispasseulementchez lui),sert à laper¬

pétuationdes structuressocialesenvigueur, tellesqu'elles lesont, sansquel'école, la société, l'inégalitéde chances et larépartition inégaledes revenussoientremises enquestion (1). Or, c'est justement pour permettreà l'instituteur decomprendre de façon plus large l'échec scolaire de ces enfants que les universitaires interrogés misentsur saformation politique. Illeurparaîtindispensable quel'instituteurpuisse arrêter de culpabiliserles enfants exclus (Gatti etalii, 1994) pour trouver d'autres explications au phénomène. Parmi cesexplications,oninsiste sur lequestionnement desaproprepratiqueet,principalement,ducontexteoùelles'inscrit (dévalorisation sociale du professorat, abandon de l'école publique, inégalité socio-économique brutale).Àquoi (etàqui) cela sertde ne pasêtrecapable de comprendrelesvraies causes de l'échec scolaire au Brésil?À quoi (età qui) cela sert de proposeraux élèvesdessavoirsqui neleur disentriendutoutetensuiteclassercesenfants d'in¬

capablesou d'incompétents? Cesontdesquestionsauxquelles l'instituteurbrésilien doitêtre capable de répondre, etcomme le déclare la majoritédes professeurs :

« Mais la pire situation, qui est prédominante, est celle où l'instituteur n'a pas conscience queson

tavail

estauservice d'unecauseoud'une classedéterminée.

Parexemple,quandilesten

tain

d'apprendreaux gamins quivendentdes citrons lesoir, letermecollectif représentantunensembledechameaux, l'instituteur montre qu'iln'apas la moindre consciencede sonrôle. Ainsi,cettepréoccupation estbien à l'esprit: le professeurd'écolea besoin non seulement d'êtemieuxpréparéen

14t> termesde contenu et deméthodologie,maisaussid'avoirbienentêtela dimension politiquedeson travail. »

Dans le cadre decedébat, un constatinquiétant s'impose : leproblème de la for¬

mationpolitique de l'instituteur(etdel'enseignantengénéral)ou, plutôt, l'absence decetteformation chezlui est une question étudiée<dénoncéeetdiscutée au Brésil, defaçon systématique, depuis aumoinsvingtans.Al'aubedu troisièmemillénaire, il estassezétonnant que (es professeurs desfacultés d'éducation évoquent, à juste titre, cettequestioncommeun problème encore à régler danslecadre de laforma¬

tion de l'instituteur brésilien. Nous pouvons donc penser aue le résultat de nom¬

breuses étudesdéveloppées, à différents moments,pardeschercheursexpérimentés n'a pasétépris encompte, de manière rigoureuse, parlesdirigeants politiques ni

1 - Citons l'ouvrageLareproduction,de Pierre BourdieuetJean-Claude Passeron (1970), dans lequel laviolencesymbolique exercée par l'écolesur ses destinatairesestclairement dévoilée.Celivre,malgrélescritiquespertinentesqu'ilareçuesenfonctiondel'attachement sansdouteexagérédesauteursàlacatégorie«reproductionsociale », reste une sourcethéo¬

rique indispensablepourlacompréhensionduphénomène del'échecscolaireet du proces¬

susd'exclusionsocialequ'ilreprésente.

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WaldeckCARNEIRODASILVA

parlesresponsablesdes systèmeséducatifs.Nouspouvonségalement penser queles résultatsdecesrecherchesnesepropagent passuffisamment àl'intérieurdesécoles etn'atteignent doncpasdirectementetdanslaproportion souhaitablelesinstituteurs etlesautresprofessionnelsde l'école. Nous pouvonssoupçonneraussique le poids desstructuressocialeset, enl'occurrence,del'appareilscolaireesttellementfortque les modifications dans laformationdes maîtresreprésentantdesdangersà l'ordre établisontefficacementrejetéesparlesagentsoccupantdespositions hégémoniques dansces structures. Nous pouvons enfin supposerque, dans le cadre des études menées, trèspeude solutionseffectivesontétéproposées. Il sembleassezclairque la formation des instituteurs au niveau secondaire, dans les écolesnormales et, à partirde 1971, dans les filières professionnelles de formation au professoratpri¬

maire,n'apaspureleverledéfi de doter l'instituteur brésilien de lacapacité decom¬

prendre, de façonplusapprofondie, lesenjeuxsociaux, économiques etpolitiques qui entourentson métier.

Parailleurs,entermesd'alternatives,laformation universitairepourraitêtreenvisa¬

gée commecapabled'accomplircettemission.Toutefois,certainstémoignageslais¬

sentapparaîtreque,mêmeà l'Université,laformationpolitiquedel'instituteur risque de ne pas être bien conduite. En effet, à plusieurs reprises, les professeurs inter¬

viewés neparviennentpasà préciser leur conception de la formation politiquede l'instituteur. Souventleurs propos se résument à des expressionstelles que « faire bougerlatête del'instituteur»ou bien « réveillerl'instituteur». Mais cesformules évoquéespourexpliquer la vision politique quidevraitêtre«gravée»chezl'institu¬

teur, noussemblentassezvagues etimprécises. Dequelle manière veut-onfairebou¬

ger l'instituteur et, principalement, dans quelle orientation politique? À plusieurs reprises, lesréponses àcettequestionselimitent à proposer que l'instituteurpuisse fairel'autocritique desapratique pourlaperfectionner.L'examencritique de lapra¬

tiquepédagogiqueestdonc présentécommel'axecentralde la formation politique de l'instituteur,cequinousparaîttrèsrestrictif.Ilnesuffit pas que l'instituteur regarde demanièrecritiquesapratique, s'il n'estpascapabled'allerau-delà,ensituantcette pratique danslecontextepluslargequidépasselesmursde l'école,carsapratique est,dans unecertainemesure,déterminéeparcecontexte.Ainsi,unprofesseurinter¬

viewérévèle son scepticismeà l'égarddelacompétencedesprofesseursdes facul¬

tésd'éducationpours'occuperdelàformationpolitiquede l'instituteur, touten criti¬

quant leur compréhension considérée comme limitée par rapport aux problèmes sociaux,etparticulièrement ceux quisemanifestent àl'école: «Laplupartdespro¬

fesseurs (des facultés d'éducation) ne l'ontpas encore perçu; ils ont aujourd'hui beaucoup plusde liberté,ilsfontleurscritiques,ilsperçoiventunpeu plus dechoses, maissanscomprendrevraimentles causesdecesproblèmes.»

Ilnousparaîtégalementpertinentd'ajouter quecemanque de consciencepolitique chezl'instituteur correspond, fortprobablement,à une sorte dedéformation de la notion depolitiquedans la sociétébrésilienne. Eneffet, onassisteauBrésil (et éga¬

lementdansd'autressociétés),depuis longtemps,à unedévaluation croissante dela

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WaldeckCARNEIRODASILVA

parlesresponsablesdes systèmeséducatifs.Nouspouvonségalement penser queles résultatsdecesrecherchesnesepropagent passuffisamment àl'intérieurdesécoles etn'atteignent doncpasdirectementetdanslaproportion souhaitablelesinstituteurs etlesautresprofessionnelsde l'école. Nous pouvonssoupçonneraussique le poids desstructuressocialeset, enl'occurrence,del'appareilscolaireesttellementfortque les modifications dans laformationdes maîtresreprésentantdesdangersà l'ordre établisontefficacementrejetéesparlesagentsoccupantdespositions hégémoniques dansces structures. Nous pouvons enfin supposerque, dans le cadre des études menées, trèspeude solutionseffectivesontétéproposées. Il sembleassezclairque la formation des instituteurs au niveau secondaire, dans les écolesnormales et, à partirde 1971, dans les filières professionnelles de formation au professoratpri¬

maire,n'apaspureleverledéfi de doter l'instituteur brésilien de lacapacité decom¬

prendre, de façonplusapprofondie, lesenjeuxsociaux, économiques etpolitiques qui entourentson métier.

Parailleurs,entermesd'alternatives,laformation universitairepourraitêtreenvisa¬

gée commecapabled'accomplircettemission.Toutefois,certainstémoignageslais¬

sentapparaîtreque,mêmeà l'Université,laformationpolitiquedel'instituteur risque de ne pas être bien conduite. En effet, à plusieurs reprises, les professeurs inter¬

viewés neparviennentpasà préciser leur conception de la formation politiquede l'instituteur. Souventleurs propos se résument à des expressionstelles que « faire bougerlatête del'instituteur»ou bien « réveillerl'instituteur». Mais cesformules évoquéespourexpliquer la vision politique quidevraitêtre«gravée»chezl'institu¬

teur, noussemblentassezvagues etimprécises. Dequelle manière veut-onfairebou¬

ger l'instituteur et, principalement, dans quelle orientation politique? À plusieurs reprises, lesréponses àcettequestionselimitent à proposer que l'instituteurpuisse fairel'autocritique desapratique pourlaperfectionner.L'examencritique de lapra¬

tiquepédagogiqueestdonc présentécommel'axecentralde la formation politique de l'instituteur,cequinousparaîttrèsrestrictif.Ilnesuffit pas que l'instituteur regarde demanièrecritiquesapratique, s'il n'estpascapabled'allerau-delà,ensituantcette pratique danslecontextepluslargequidépasselesmursde l'école,carsapratique est,dans unecertainemesure,déterminéeparcecontexte.Ainsi,unprofesseurinter¬

viewérévèle son scepticismeà l'égarddelacompétencedesprofesseursdes facul¬

tésd'éducationpours'occuperdelàformationpolitiquede l'instituteur, touten criti¬

quant leur compréhension considérée comme limitée par rapport aux problèmes sociaux,etparticulièrement ceux quisemanifestent àl'école: «Laplupartdespro¬

fesseurs (des facultés d'éducation) ne l'ontpas encore perçu; ils ont aujourd'hui beaucoup plusde liberté,ilsfontleurscritiques,ilsperçoiventunpeu plus dechoses, maissanscomprendrevraimentles causesdecesproblèmes.»

Ilnousparaîtégalementpertinentd'ajouter quecemanque de consciencepolitique chezl'instituteur correspond, fortprobablement,à une sorte dedéformation de la notion depolitiquedans la sociétébrésilienne. Eneffet, onassisteauBrésil (et éga¬

lementdansd'autressociétés),depuis longtemps,à unedévaluation croissante dela

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