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PourChrisYounès, la première intervention metenévidencecommentdans l'entre¬

prisesecrée un«clivage de corps» ;ellesemblesignifierunrefusdelégitimation detoutes lesformationsqui seferaientsur letas et, plusprécisément,de la forma¬

tionparl'expérience: «Ilya une expériencequisecapitalisemais en même temps RECHERCHE etFORMATION N° 29 - 1998

Tableronde

Qu'est-ce que j'essaied'enseigner parrapportàça? Dansladouzaine deséances que je faissurlesconcepts fondamentauxdes sciences socialespour la gestion je leur raconte la notiond'actedelangage.J'ai quelquespetitsexemplesamusantsdu style: «Ilestrappeléau personnel que letravailcommence à9heuresdumatin».

On réfléchit là-dessus pour montrerque cette phrase, non seulement ne contient aucune information mais, en plus, elle ditqu'elle ne contient aucune information puisque sije rappelle que « l'horairecommence » c'estbien que toutle mondele sait. Doncc'estautre chose qu'une information. Je les faisaussi travailler sur des données qu'on a recueillies sur desterrains ettranscrites. J'ai un texte que j'aime bienqui estunetranscription de 18,5mndu témoignaged'une militante syndicale où elle dit83 fois « nous » et52 fois« on ». Eton s'aperçoit que le« on » et le

« nous »c'estparfois«nousla CFDT»«nouslesfemmes », « nous lasection face à la fédération »,« nousl'usine deXface àcellede Y» ;un moment, elledit«on a uneusineau Gabon ». Donc le«nous », comme ilcircule etcomme ilfabrique desappartenances, c'esttrèsamusantàétudier. Toutceladébouchantsur desques¬

tionstrès gestionnaires. J'en signale deux : la premièrec'est la question de l'exis¬

tence même des organisations c'est-à-dire : qu'est-ce qui distingue le fait d'être ensembleetdefaire partied'une mêmeentitépar rapportau faitd'êtreconstam¬

mentsurunmarché?Quel avantage a-t-onà êtreensembledansunemême entre¬

prise? Réponse classique: lecontratdetravailestplus souplequelecontratmar¬

chand touslesjours; sitous lesmatins j'invitelesouvriersàfabriquerdesépingles etqu'on négocieleprixàpayerpourlatêted'épingle,on nes'en sort pas;doncil vaut mieuxfaire un contrat de travail, réunir les ouvriers dans l'entreprise, dire :

«Onfaitdesépinglesetmoilechefjedécidecequevousfaitesaujourd'hui». Pour 86 I le coup, on trouve desquestions langagières extrêmement importantesautour des questionsdecontrat et del'implicite. C'est unautre avantage de l'organisation,on partagedessavoirsimplicites. Parexemple,onsaitfaireunesouduremais onnesait pas l'expliquer;on saittransmettrelesconnaissancessurlafaçon de faireles sou¬

duresparcequ'onlefait parfrottementmutuel,parapprentissage,ausensfrançais.

Et puis la question du mandat, c'est-à-dire dans quelle mesure jepeux demander quelquechoseàquelqu'un :sijedemandeà unconducteurdecentralenucléaire de produiredel'électricitésansfaired'accident, quelleestlanaturedecemandat? Est-ce qu'il estsimple? Est-cequ'ilestcomplexe?Sion l'explicite, qu'est-cequ'on met dedans?

DISCUSSION

PourChrisYounès, la première intervention metenévidencecommentdans l'entre¬

prisesecrée un«clivage de corps» ;ellesemblesignifierunrefusdelégitimation detoutes lesformationsqui seferaientsur letas et, plusprécisément,de la forma¬

tionparl'expérience: «Ilya une expériencequisecapitalisemais en même temps RECHERCHE etFORMATION N° 29 - 1998

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elle n'estpasreconnue.». Desoncôté,JacquesGirin,toutenadhérant àcequiest ditdesingénieursdunucléaire, ditavoir«enviede défendre «l'humanité de l'in¬

génieur ». » Il souligne le fait qu'ilssontsoumis à un stress important du faitdes risquesdeleurmétier. Si,donc, « la technique, engros, ils lagèrent », maîtrisant, ainsi,lesincidents possibles,«enrevanche,quandonestaveclesbonshommes,on ne sait plus quoi faire! Alors, dit-il, j'ai envie de dire : il y a quand même des connaissances positives qu'il faut transmettre, il faut leur donner des moyens, de comprendre, de manière positive, quel'homme n'est pasunemachine! »Pourcela, ilproposedes'appuyersurce « tournantquiestfondamental danslenucléaire,qui estdepasserde laconception de lafiabilitéhumaineoù on faitdescalculs surle nombre debêtises quefaitunhommeà combien de foisleshommes ont empêché un accident, parce qu'ils ont vu que la vanne déconnait, que les pressurisateurs étaient malréglés. »Encorefaut-il queladiscussionsoit possible. Pourillustrerson propos, il compare Tchernobyl en Ukraine à Maryland aux USA, et montreque, dans lepremiercas, « onétait dans un systèmed'autorité hiérarchiquetrès fortet lestypes de la base s'écrasaient et ne pouvaient rien dire », tandis que dans le second cas,« lestypes,malgré tout, ontévitél'accidentparcequ'ils ontréussiàdis¬

cuter. »Ilconclut:«C'estcequ'on peutespérer,dans notresystèmeetdire: ilfaut que quelquepart la discussion puisseavoir lieu, quelle que soit la rigidité hiérar¬

chique,quelsque soientlesaprioridel'ingénieur, surcequesontles"pauvresexé¬

cutants"et, donc, essayerdedonner (aux ingénieurs) des instruments pourpenser l'humain autrement que comme une machine. »

Commentfaire?Relativisant sontravailsur lelangage,ilmetaupremier plan«l'ex¬

périence»et«lesmisesensituation»

-

«jecroisque rienneremplacel'expérience, donclefaitdemettrelesgensensituation.»

-,

quecelles-ciaient lieu danslecadre desimulations, comme il enpropose,oude laformationenentreprise, tellequel'a décrite ChristianeGilon. Ildécritun jeudesimulation utilisé à l'Écoledesminesdans lequelondemandeaux élèves-ingénieurs derationaliserl'expédition de voiturespar deswagons. Lesélèvesse prennentau jeu etconstruisentcollectivementun modèle mathématiquequi permetd'économiserbeaucoup de wagons. Puisonlesmetdans despositions différentes avecchacunun dossieradaptéà son rôle: la positiondu directeurd'usine, del'expéditeur de voiture,etc. « Etilss'aperçoiventqu'ilsne peu¬

vent pasjouerlemodèleparcequ'ilsontbeaucoup d'autres contraintes àprendre enconsidération. »Cetteformation qui« marchaittrès trèsbien »a, pourtant,été abandonnée parce que jugéetroplourde(8). Relativementàcedispositif, iltrouve que laformationsurletasdécriteparChristianeGilon«c'estencore plusfort.Sim¬

plement, enparallèle, ilfaut essayerd'introduiredu savoir».

8 - «Malheureusement, c'est trèslourd, ilfauttrois jours pour fairelemodèle,unjour ou deux pourlefairejouer.»(J.Girin)

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elle n'estpasreconnue.». Desoncôté,JacquesGirin,toutenadhérant àcequiest ditdesingénieursdunucléaire, ditavoir«enviede défendre «l'humanité de l'in¬

génieur ». » Il souligne le fait qu'ilssontsoumis à un stress important du faitdes risquesdeleurmétier. Si,donc, « la technique, engros, ils lagèrent », maîtrisant, ainsi,lesincidents possibles,«enrevanche,quandonestaveclesbonshommes,on ne sait plus quoi faire! Alors, dit-il, j'ai envie de dire : il y a quand même des connaissances positives qu'il faut transmettre, il faut leur donner des moyens, de comprendre, de manière positive, quel'homme n'est pasunemachine! »Pourcela, ilproposedes'appuyersurce « tournantquiestfondamental danslenucléaire,qui estdepasserde laconception de lafiabilitéhumaineoù on faitdescalculs surle nombre debêtises quefaitunhommeà combien de foisleshommes ont empêché un accident, parce qu'ils ont vu que la vanne déconnait, que les pressurisateurs étaient malréglés. »Encorefaut-il queladiscussionsoit possible. Pourillustrerson propos, il compare Tchernobyl en Ukraine à Maryland aux USA, et montreque, dans lepremiercas, « onétait dans un systèmed'autorité hiérarchiquetrès fortet lestypes de la base s'écrasaient et ne pouvaient rien dire », tandis que dans le second cas,« lestypes,malgré tout, ontévitél'accidentparcequ'ils ontréussiàdis¬

cuter. »Ilconclut:«C'estcequ'on peutespérer,dans notresystèmeetdire: ilfaut que quelquepart la discussion puisseavoir lieu, quelle que soit la rigidité hiérar¬

chique,quelsque soientlesaprioridel'ingénieur, surcequesontles"pauvresexé¬

cutants"et, donc, essayerdedonner (aux ingénieurs) des instruments pourpenser l'humain autrement que comme une machine. »

Commentfaire?Relativisant sontravailsur lelangage,ilmetaupremier plan«l'ex¬

périence»et«lesmisesensituation»

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«jecroisque rienneremplacel'expérience, donclefaitdemettrelesgensensituation.»

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quecelles-ciaient lieu danslecadre desimulations, comme il enpropose,oude laformationenentreprise, tellequel'a décrite ChristianeGilon. Ildécritun jeudesimulation utilisé à l'Écoledesminesdans lequelondemandeaux élèves-ingénieurs derationaliserl'expédition de voiturespar deswagons. Lesélèvesse prennentau jeu etconstruisentcollectivementun modèle mathématiquequi permetd'économiserbeaucoup de wagons. Puisonlesmetdans despositions différentes avecchacunun dossieradaptéà son rôle: la positiondu directeurd'usine, del'expéditeur de voiture,etc. « Etilss'aperçoiventqu'ilsne peu¬

vent pasjouerlemodèleparcequ'ilsontbeaucoup d'autres contraintes àprendre enconsidération. »Cetteformation qui« marchaittrès trèsbien »a, pourtant,été abandonnée parce que jugéetroplourde(8). Relativementàcedispositif, iltrouve que laformationsurletasdécriteparChristianeGilon«c'estencore plusfort.Sim¬

plement, enparallèle, ilfaut essayerd'introduiredu savoir».

8 - «Malheureusement, c'est trèslourd, ilfauttrois jours pour fairelemodèle,unjour ou deux pourlefairejouer.»(J.Girin)

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PourJacquesGirin l'objectif prioritaire,c'estde«réintroduireun lienentre latech¬

niqueetl'humain », « le rapportentrela technique,les objets symboliques,l'écrit, etc., et les hommes, c'est peut-être par ça qu'on arrive à re-rentrer. Mais il faut d'abordcasserl'opposition technique/humain.»François Dosse,citant Bruno Latour (9),vadanslemêmesensendésignant l'Écoledes minescommeun deslieux oùces nouveauxlienss'élaborent :« lemodèlequedonnentdesgenscommeMichel Cal¬

lon, BrunoLatour etd'autres,sur desréseauxausensdelamise enarticulation, qui esttoujours en processus, deces troisdimensions quisont la dimension discursive, celledelanatureetcelledusocial.Toutescesdimensionsfonctionnent au niveau de n'importequelgroupe plus ou moinsimportant, et interfèrent, donc, le narratif, le politique, lesfinancements, la technique. On retrouvelà, les objets, les enjeux, les laboratoires. Ladichotomie entre, d'uncôté, lemonde,etdel'autre,l'humain, n'est pluspossible, n'est plustenable. »

On propose, ici,unprincipecentralpouropérationnaliser l'action desingénieurs :

redonnersaplaceà«l'humain»pourréguler etmaîtiserlesrisquesinhérentsà une technologie sophistiquée et redonnerune importance à l'expérience. Dans la for¬

mation, lesdispositifs les plussusceptibles deprépareràcette opérationnalitédes ingénieurs sontlesmisesen situation

-

desimulationouenentreprise

-

associéesà desapportsdesavoirs,apportsprésentésdefaçon«positive»aux ingénieurs, c'est-à-dire confortant leur type de rationalité. Pourtant, qu'elles soientsimulées ou en vraie grandeur,cesmisesensituationsontjugéescoûteuses et,donc, souventaban¬

donnéesoubienellestombentsouslacritique del'organisation, que celle-cisoitsco¬

laireou industrielle.

Les SHS

ont-elles à se constituer en contre-culture par rapport à une culture technique dominante?

Les SHS

sont-elles des savoirs localisés, exclus, peu constitués parce que très liés à l'expérience humaine? Ou des savoirs humanisants, obligés, pour

se

constituer, de passer par l'intériorité du sujet et l'extériorité de l'action

?

Exposéd'Annie-Charlotte Giust, psychosociologue, intervenanteenentepriseet chargée de coursàl'UniversitéetdanslesGrandesEcoles

Je commenceraipar unexemple. Actuellement j'interviensau seind'une entreprise en pleine réorganisation. L'objectif est de tourner les activités, traditionnellement découpées en territoires, vers le service rendu au client. Pour ce faire il a fallu 9 - Bruno Latour,Pourquoinousn'avonsjamaisétémodernes?Paris,LaDécouverte, 1991.

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PourJacquesGirin l'objectif prioritaire,c'estde«réintroduireun lienentre latech¬

niqueetl'humain », « le rapportentrela technique,les objets symboliques,l'écrit, etc., et les hommes, c'est peut-être par ça qu'on arrive à re-rentrer. Mais il faut d'abordcasserl'opposition technique/humain.»François Dosse,citant Bruno Latour (9),vadanslemêmesensendésignant l'Écoledes minescommeun deslieux oùces nouveauxlienss'élaborent :« lemodèlequedonnentdesgenscommeMichel Cal¬

lon, BrunoLatour etd'autres,sur desréseauxausensdelamise enarticulation, qui esttoujours en processus, deces troisdimensions quisont la dimension discursive, celledelanatureetcelledusocial.Toutescesdimensionsfonctionnent au niveau de n'importequelgroupe plus ou moinsimportant, et interfèrent, donc, le narratif, le politique, lesfinancements, la technique. On retrouvelà, les objets, les enjeux, les laboratoires. Ladichotomie entre, d'uncôté, lemonde,etdel'autre,l'humain, n'est pluspossible, n'est plustenable. »

On propose, ici,unprincipecentralpouropérationnaliser l'action desingénieurs :

redonnersaplaceà«l'humain»pourréguler etmaîtiserlesrisquesinhérentsà une technologie sophistiquée et redonnerune importance à l'expérience. Dans la for¬

mation, lesdispositifs les plussusceptibles deprépareràcette opérationnalitédes ingénieurs sontlesmisesen situation

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desimulationouenentreprise

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associéesà desapportsdesavoirs,apportsprésentésdefaçon«positive»aux ingénieurs, c'est-à-dire confortant leur type de rationalité. Pourtant, qu'elles soientsimulées ou en vraie grandeur,cesmisesensituationsontjugéescoûteuses et,donc, souventaban¬

donnéesoubienellestombentsouslacritique del'organisation, que celle-cisoitsco¬

laireou industrielle.

Les SHS

ont-elles à se constituer en contre-culture par rapport à une culture technique dominante?

Les SHS

sont-elles des savoirs localisés, exclus, peu constitués parce que très liés à l'expérience humaine? Ou des savoirs humanisants, obligés, pour

se

constituer, de passer par l'intériorité du sujet et l'extériorité de l'action

?

Exposéd'Annie-Charlotte Giust, psychosociologue, intervenanteenentepriseet chargée de coursàl'UniversitéetdanslesGrandesEcoles

Je commenceraipar unexemple. Actuellement j'interviensau seind'une entreprise en pleine réorganisation. L'objectif est de tourner les activités, traditionnellement découpées en territoires, vers le service rendu au client. Pour ce faire il a fallu 9 - Bruno Latour,Pourquoinousn'avonsjamaisétémodernes?Paris,LaDécouverte, 1991.

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démanteler les groupes existants, développer de nouveaux métiers ef en éliminer d'autres,les identités enontété affectées etc.Maisceque jevoudrais souligner ici c'estledécalage existant entre lemalaiseetlacomplexitédesquestionsposéesàla grande majorité desacteurs dans letravail au quotidien par la modernisation de l'entrepriseetla représentation ques'enfontlesdirigeants. Pour cesderniers l'en¬

treprise seporte bien, ellea de bons résultats. La question desidentités en recom¬

position,desnouvellessocialisations,descoordinationsnécessaires,descrises inévi¬

tables toutcela estfortement minimisé. Etceci par manquede culturesociologique maissurtoutparcequ'ils idéalisent lapenséeorganisationneUeetlemode deratio¬

nalité quiest le leur. Etc'estainsi qu'unegrandepartiedustressvécudans l'entre¬

priseest généréepar l'incapacitédes responsablesà prendre au sérieux la réalité dutravail deleurscollaborateurs,centrésqu'ilssont surla seulelogiquede l'orga¬

nisation.Lesrésultatssontobtenus etilslesontgrâce àtouslesefforts consentisd'un grand nombrede professionnelsqui pallientsans cesseaux insuffisances organisa¬

tionnelles. Cequi n'estpasétonnant.Maiscequi l'estplus c'est laméconnaissance des responsablesvis-à-vis deces réalités vécues.Méconnaissance qui lesempêche des'investir dansdesactionsde médiation, defacilitation,de soutienqui deviennent deplus en plus nécessairesau fonctionnementdescollectifs detravail. Méconnais¬

sance et idéalisation qui dévalorisentletravail descollaborateurs,disqualifient les questionsquecesderniersseposent,etajoutentun malaisesupplémentaireauxdif¬

ficultésdéjà bienréellesrencontréesparcesderniers.Cesresponsablespensentsim¬

plementqu'ils sontentrain de moderniser l'entreprise, pendantqu'ils la mettenten situationde crise(cf.Les mondes sociauxdel'enteprise parIsabelleFrancfort, Flo¬

rence Osty, RenaudSainsaulieu,Marc Uhalde).

Cesontcesréalités rencontrées sur leterrain denosinterventionsqui nousmotivent àpenserlaformationdesingénieurs. Commentfoireensorteque des responsables quiarrivent dans l'entreprise puissentaborderdesquestions nouvellesquiseposent àeuxsansenavoirtrop peur, comment peuvent-ilssemontrerintéressésàrésoudre des problèmesen profitantdes apportsdes uns etdesautres sans s'enfermertrop vite dans desconformismes et des sécurités forgéestout aulong de leursétudes ?

Commentfoirepourquecesdirigeantsnevivent pas dansl'illusion d'êtrelibérésde leurhistoire,deleur cultureetdetoutesceschosesqui,siellesétaient reconnuespar eux, leurcompliqueraientcertes un peu plus lavie, mais leurdonneraitaussi plusde consistancedans leurséchanges avec les autres et dans leur façon d'aborder les situations ?

Mais pourformer lesingénieursilfaut fréquenterlemondedesenseignants. Etl'on

serend comptealors que la plupartdesenseignantsentretiennent le mêmetype de méfiancequelesingénieursface à toutcequiimplique l'identitédesacteurs,lasub¬

jectivité, lerelationnel. Si les ingénieursvous disent« on n'est pas des assistantes sociales », dèsqu'il estquestion delessensibiliser à la questiondu lien social, les enseignants dirontvolontiers «on n'est pas despsychologues »,pour afficherleur détermination à séparer le savoir de son contexte intersubjectif. En effet dans

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démanteler les groupes existants, développer de nouveaux métiers ef en éliminer d'autres,les identités enontété affectées etc.Maisceque jevoudrais souligner ici c'estledécalage existant entre lemalaiseetlacomplexitédesquestionsposéesàla grande majorité desacteurs dans letravail au quotidien par la modernisation de l'entrepriseetla représentation ques'enfontlesdirigeants. Pour cesderniers l'en¬

treprise seporte bien, ellea de bons résultats. La question desidentités en recom¬

position,desnouvellessocialisations,descoordinationsnécessaires,descrises inévi¬

tables toutcela estfortement minimisé. Etceci par manquede culturesociologique maissurtoutparcequ'ils idéalisent lapenséeorganisationneUeetlemode deratio¬

nalité quiest le leur. Etc'estainsi qu'unegrandepartiedustressvécudans l'entre¬

priseest généréepar l'incapacitédes responsablesà prendre au sérieux la réalité dutravail deleurscollaborateurs,centrésqu'ilssont surla seulelogiquede l'orga¬

nisation.Lesrésultatssontobtenus etilslesontgrâce àtouslesefforts consentisd'un grand nombrede professionnelsqui pallientsans cesseaux insuffisances organisa¬

tionnelles. Cequi n'estpasétonnant.Maiscequi l'estplus c'est laméconnaissance des responsablesvis-à-vis deces réalités vécues.Méconnaissance qui lesempêche des'investir dansdesactionsde médiation, defacilitation,de soutienqui deviennent deplus en plus nécessairesau fonctionnementdescollectifs detravail. Méconnais¬

sance et idéalisation qui dévalorisentletravail descollaborateurs,disqualifient les questionsquecesderniersseposent,etajoutentun malaisesupplémentaireauxdif¬

ficultésdéjà bienréellesrencontréesparcesderniers.Cesresponsablespensentsim¬

plementqu'ils sontentrain de moderniser l'entreprise, pendantqu'ils la mettenten situationde crise(cf.Les mondes sociauxdel'enteprise parIsabelleFrancfort, Flo¬

rence Osty, RenaudSainsaulieu,Marc Uhalde).

Cesontcesréalités rencontrées sur leterrain denosinterventionsqui nousmotivent àpenserlaformationdesingénieurs. Commentfoireensorteque des responsables quiarrivent dans l'entreprise puissentaborderdesquestions nouvellesquiseposent àeuxsansenavoirtrop peur, comment peuvent-ilssemontrerintéressésàrésoudre des problèmesen profitantdes apportsdes uns etdesautres sans s'enfermertrop vite dans desconformismes et des sécurités forgéestout aulong de leursétudes ?

Commentfoirepourquecesdirigeantsnevivent pas dansl'illusion d'êtrelibérésde leurhistoire,deleur cultureetdetoutesceschosesqui,siellesétaient reconnuespar eux, leurcompliqueraientcertes un peu plus lavie, mais leurdonneraitaussi plusde consistancedans leurséchanges avec les autres et dans leur façon d'aborder les situations ?

Mais pourformer lesingénieursilfaut fréquenterlemondedesenseignants. Etl'on

serend comptealors que la plupartdesenseignantsentretiennent le mêmetype de méfiancequelesingénieursface à toutcequiimplique l'identitédesacteurs,lasub¬

jectivité, lerelationnel. Si les ingénieursvous disent« on n'est pas des assistantes sociales », dèsqu'il estquestion delessensibiliser à la questiondu lien social, les enseignants dirontvolontiers «on n'est pas despsychologues »,pour afficherleur détermination à séparer le savoir de son contexte intersubjectif. En effet dans

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