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Au-delà du sport : quel accès des femmes aux postes à responsabilité dans les

1. L’Espace Catalan Transfrontalier, un terrain de recherche à expérimenter

1.4. Au-delà du sport : quel accès des femmes aux postes à responsabilité dans les

sociaux ?

Nous abordons à présent la situation des femmes dans d’autres domaines que celui de l’organisation sportive. Ceci afin de mettre en perspective les concomitances qui peuvent avoir lieu dans le milieu entrepreneurial ou bien politique. Comme nous avons pu le démontrer auparavant, lorsqu’il s’agit de responsabilité, de direction et finalement de pouvoir, les femmes ne sont que « l’ombre d’elles-mêmes ». Plus les enjeux de pouvoir selon l’organisation considérée sont importants, moins elles parviennent à accéder à la tête de celles-ci. Outre le fait d’être positionné dans la direction ou comme responsable d’organisation, implicitement il est question de pouvoir. Ainsi, dans cette partie nous abordons la place des femmes dans divers domaines publics et de façon plus spécifique dans l’ECT, dans la mesure où les études et les recherches nous le permettent.

Le travail est pour plusieurs auteurs, un lieu permettant une meilleure observation des inégalités entre hommes et femmes. M. Maruani a développé une théorie permettant d’avoir une vue d’ensemble sur la question de l’emploi féminin. Dans sa théorie, l’auteure dévoile des aspects plutôt contre-intuitifs par rapport à cette activité tout en proposant des problématiques se rapportant exclusivement à l’emploi des femmes. Elles sont présentées à travers un univers riche et diversifié, à l’échelle européenne. L’objectif de l’ouvrage entamé par l’auteure est de mettre en évidence les caractéristiques essentielles marquant les inégalités entre hommes et femmes tout en cherchant les raisons pour lesquelles les femmes restent en marge de l’emploi.

Dans cet ouvrage, le premier constat atteste l’idée que les inégalités entre les sexes se font sentir à la fois en termes de métier mais aussi en termes de salaire et cela quelles que soient les conditions expérimentales des femmes. En effet, même si ces dernières ont plus accès aux

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formations supérieures, il existe toujours un fossé de spécialités entre Sciences Humaines et sciences « dures ». Cela pour dire que la position des femmes dans l’emploi dépend, en grande partie, de certains facteurs de reproduction dans les écoles ou les universités. La problématique sur l’inégalité de sexe a comme origine la « construction sociale » des professions que l’on classifie « féminines ». Selon l’auteure, quels que soient les diplômes et les expériences des femmes, elles se retrouvent dans la majeure partie des cas cantonnées à des emplois affiliés à un genre plutôt qu’à une compétence. Les formes de socialisations sexuées qui se jouent lors de l’enfance à travers diverses institutions ont un rôle non négligeable voire déterminant dans les types d’emploi pourvus, pensés et vis-à-vis des statuts et positions envisagés.

Dans le domaine du travail, il existe des inégalités criantes entre la situation des hommes et des femmes. Les disparités entre les deux sexes dans la vie professionnelle s’affirment sur différents niveaux en termes de salaire, de temps de travail et face au chômage (ségrégation horizontale et verticale).

Les questions liées au travail dans notre terrain de recherche recouvrent deux aspects essentiels : d’abord, le fait qu’il comprenne à la fois la communauté autonome de Gérone et le département des Pyrénées-Orientales et donc par conséquent la possibilité d’être un travailleur transfrontalier.135 Par ailleurs, sans être travailleur transfrontalier, ce territoire apporte-t-il en soi une valeur ajoutée à la place des femmes dans le domaine économique ? L’inclusion sociale136 à travers la valorisation de l’égalité des femmes et des hommes dans un contexte de coopération transfrontalière est-il effectif ? Selon un diagnostic social transfrontalier137, le taux de chômage recouvre sensiblement les mêmes formes que l’on se situe dans la

135 A ce titre l’Union Européenne a présenté en décembre 2016 une mise à jour des règles européennes d’assurance pour les travailleurs transfrontaliers, mais aussi pour les personnes en recherche d’emploi dans un autre état membre, afin de faciliter la mobilité du travail.

136 Pour la période 2014-2020, les programmes de coopération territoriale financent des actions dans ce domaine à travers le FEDER dans le contexte de la coopération transfrontalière.

137 Diagnostic social transfrontalier, Imma Quintana docteur en science politiques et sociologie élaboré par l’équipe technique d’inclusion du Consell Comarcal de l’Alt d’Emporda, mai 2016, p.49.

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communauté autonome de Gérone ou dans le département des Pyrénées-Orientales. Le taux de chômage de part et d’autre de la frontière est d’environ 15% pour les personnes de moins de 29 ans. Par rapport à l’ensemble des chômeurs, 15.14% dans la communauté autonome de Gérone et 37.65% dans le département des Pyrénées-Orientales ; le pourcentage de personnes de plus de 44 ans, par rapport à l’ensemble des chômeurs dans la communauté de Gérone, est de 40.36%. Dans les Pyrénées-Orientales, les demandeurs d’emploi au chômage depuis 1 an par rapport à l’ensemble des demandeurs d’emploi est de 40.43%. Enfin, le pourcentage de femmes par rapport à l’ensemble des chômeurs est de 49.20% dans la communauté autonome de Gérone et de 50.64% dans le département des Pyrénées-Orientales. Les facteurs explicatifs du chômage dans l’Espace Catalan Transfrontalier sont multiples mais comme nous le précise le diagnostic, là encore : « Du point de vue du genre, la situation des femmes reste encore sous-évaluée par les procédures statistiques habituelles dans la mesure où elles ne tiennent pas compte de la catégorie de sexe et des constructions identitaires de genre qui permettent de mieux connaître les facteurs à l’origine des situations d’exclusion sociale ».138

A ce titre, P. Bourdieu postule un cantonnement des femmes dans certains domaines proches des fonctions domestiques et peu d’évolution dans les domaines de celui du pouvoir.

Actuellement, même si le pouvoir politique demeure principalement masculin malgré les avancées engendrées par la parité, quelques rares postes influents dans le domaine de l’industrie sont occupés par des femmes. Pour lui, le concept de pouvoir ne pourrait s’apparenter qu’au masculin puisqu’il témoigne de la virilité, de la représentation et de la notoriété. De fait, tout ce qui relève de l’extérieur et de la démonstration. Par ailleurs, dans son article intitulé : « les femmes sont sous-représentées dans les postes à responsabilité »139, M. Bulard démontre qu’avec un âge égal et des diplômes égaux, les chances pour une femme

138 Ibid., p.62.

139 BULARD M. « Les femmes sont sous-représentées dans les postes à responsabilité », Hommes/femmes : la marche vers l’égalité », In Dossiers et documents du Monde, n° 284, 2000, p.5.

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et pour un homme d’occuper un poste de responsabilité sont de 28% pour une femme de 30 ans et de 50,4% pour un homme du même âge. Par conséquent, les femmes sont obligées de montrer plus d’excellence étant donné qu’elles sont sélectionnées beaucoup plus sévèrement.

Pour cette auteure : « le désert féminin dans les hautes sphères du pouvoir tient moins des réflexes de “ machos ”, soucieux de préserver leur territoire, que de mécanismes complexes qui poussent les femmes à se couler dans des schémas masculins de déroulement de carrière, particulièrement rigide ».140

L’un des facteurs explicatifs du manque d’accès des femmes aux postes à responsabilité repose, en grande partie, sur le modèle de leadership masculin. De longue date inscrit dans les corps et les esprits et ce, dans de nombreux domaines voire dans la quasi-totalité du fonctionnement de la société. Il reste un grand obstacle pour elles étant donné qu’elles en ignorent les codes. Ou bien que les codes ne prévoient que d’assimiler les hommes par similarité surtout dans tout ce qui attrait au domaine informel. Toutefois, plusieurs entités commencent à faire valoir la place des femmes dans des postes de pouvoir. Par exemple, l’accord conclu durant la conférence de Beijing141 appelé également le Programme d’action, invite à nommer : « les femmes au pouvoir et dans la prise de décisions ». Il correspond à l’un des douze domaines critiques qui doivent être considérés.

L’observation d’une asymétrie sociale, économique et professionnelle mène à nous interroger sur l’assimilation de ses inégalités aux statuts des femmes. Ce sont les perceptions des femmes comme altérité, comme « autre » au sein de notre société qui conduisent à des écarts qui sont de moins en moins défendables. Ce terme peut paraître fort mais vu l’étendue de la présence masculine dans tous les domaines de la vie publique, qui plus est dans les organes de direction, il semble que cela soit pour beaucoup justifiable.

140 Ibid p.24.

141 Le Programme d’action de Beijing a 20 ans, Site ONU femmes, Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes.

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Ce n’est donc pas le secteur économique qui peut démentir de l’omniprésence des hommes, même s’il faut le reconnaître des efforts sont consentis. Selon les chiffres du Ministère du Droit des Femmes142de 2014, en partenariat avec d’autres ministères, le taux d’emploi des femmes de 20 à 64 ans est de 67% contre 76% pour les hommes. Si l’écart n’est pas démesuré reste tout de même celui des salaires qui est de 24% supérieur pour celui des hommes. Là n’est pas la seule marque d’inégalité entre les deux sexes puisqu’elle se répand aussi selon les domaines d’activité et les postes sur lesquels on se penche. La politique et l’entreprise sont deux univers qui illustrent l’ampleur de la dimension masculine. Par exemple dans le milieu des entreprises, l’Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprise (ORSE)143 nous révèle dans une étude combien les femmes cadres des grandes entreprises françaises et les cadres d’état-major sont sous-représentées.

A ce jour, les études ne nous permettent pas de situer la place des femmes en politique ou dans le domaine économique au sein de l’ECT. On peut cependant noter que dans le département des Pyrénées-Orientales,144 seulement cinq femmes sont maires dans les communes de plus de 1000 habitants. La parité sur les listes est pourtant obligatoire, mais ce sont majoritairement des hommes qui les ont conduites. Les municipales de 2014 ne marquent pas vraiment la féminisation du poste de maire dans ce département. On note par ailleurs que seules cinq femmes sont à la tête d’un des cent départements français dont Hermeline Malherbe-Laurent dans les Pyrénées-Orientales, c’est dire combien la place des femmes en politique est restreinte. La parité homme-femme en politique est encore loin d’être achevée.

142 Source : http://femmes.gouv.fr.

143 L’accès des femmes aux postes de décision dans les entreprises : entre nécessité et opportunité, une problématique dans la perspective de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, Etude ORSE n°5-Février 2004, p.8.

144 http:// www.francebleu.fr, Elisabeth Badinter, 31 mars 2014.

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Nous avons pu aborder au préalable le genre appliqué dans le domaine du pouvoir sportif qui nous intéresse spécifiquement, et de manière transversale dans les domaines économique et politique. Dans ce chapitre, nous avons tenté de mettre en évidence les enjeux liés à notre territoire, aux contextes politiques et institutionnels et autour de la question de la féminisation des instances décisionnelles sportives. Les institutions et organisations sportives se caractérisent par une division sexuelle des fonctions de responsabilités et des postes les plus hauts-gradés : qu’elle que soit l’organisation ou l’institution considérée, des fédérations aux comités en passant par le monde associatif qui nous intéresse plus spécifiquement (A fortiori dans le secteur sportif), qu’elle que soit l’espace considéré, au niveau international, national et local (transfrontalier). Dans la construction de notre objet de recherche, nous avons pu appréhender la place des femmes dans les associations et ainsi comprendre que les clubs sportifs, notamment de tradition masculine comme le judo engendrent des rapports sociaux sexués même dans un domaine qui se voudrait démocratique.

Nous allons à présent éclairer notre recherche à travers un cadre théorique qui s’avère nécessaire dans la mesure où l’on entend comprendre les trajectoires des femmes bénévoles des clubs de judo dans l’E.C.T. Nous nous référons à la sociologie des organisations du sport, à celle du travail et des rapports sociaux de sexe. Ces trois domaines sont tout aussi signifiants dans la mise en tension des inégalités et des hiérarchisations sociales. Tout comme les travaux qui ont développé les premières théories sur les questions de genre et de rapports sociaux de sexe dans l’environnement sportif, nous souhaitons démontrer et mettre en exergue l’intérêt suscité pour la notion de « plafond de verre » dans la démarche de compréhension des différents processus sociaux à l’œuvre. Au préalable, nous abordons ce chapitre par la mise en lumière des politiques publiques dans les domaines de la vie professionnelle et familiale.

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CHAPITRE 2 : DIVISION SEXUEE DU BENEVOLAT ASSOCIATIF ET RAPPORTS SOCIAUX DE SEXE : LA DOMINATION MASCULINE ET LE « PLAFOND DE VERRE »

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Dans ce chapitre nous présentons les quatre parties qui encadrent notre recherche, notre analyse : dans la première partie, nous mettons en exergue l’intérêt du contexte des politiques publiques autour des questions de la vie professionnelle et privée. L’une pouvant impacter l’autre et inversement, elles peuvent tout aussi bien influer sur l’engagement et la responsabilité associative. La place des femmes par rapport aux hommes dans la responsabilité des bureaux associatifs ne peut s’appréhender sans relation aux politiques familiales et de travail, c’est pourquoi a été créé le comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes (France). Dans un souci pragmatique et articulé, il permet de mettre en corrélation les différentes mesures des ministères. Si les femmes disposent à terme des mêmes conditions que les hommes dans le travail et si elles obtiennent des mesures favorables à une meilleure « gestion » de leurs familles (enfants), elles peuvent alors prétendre à se positionner plus fortement dans les postes à responsabilité dans la vie professionnelle et par conséquent dans le milieu associatif.

Tout comme les politiques publiques du travail et de la famille, les politiques sportives s’engagent dans des mesures et des actions qui visent une meilleure considération des femmes. Comme dans d’autres secteurs de la vie professionnelle, les femmes sont minoritaires dans la gestion et la direction des organisations et des institutions sportives. « Le plafond de verre » est tout aussi présent dans le secteur économique que dans celui politique ou sportif.

Dans la seconde partie, nous nous appuyons principalement sur la notion de « plafond de verre » traditionnellement employée dans le domaine économique que nous tentons d’appliquer à la responsabilité bénévole associative. Les facettes caractéristiques de ce concept, repérables pour les responsables salariées des entreprises peuvent prendre les mêmes formes dans la responsabilité bénévole associative des clubs de judo.

Dans la troisième partie, nous présentons spécifiquement l’activité sportive concernée, le judo, car les pratiques comme les institutions ne sont pas neutres. On peut alors s’interroger sur les incidences à voir un manque de femmes même si l’on ne peut affirmer de lien entre la

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proportion de licenciées féminines et celles de dirigeantes. Cependant moins la présence de femmes dans le milieu sportif se fait ressentir, plus la probabilité à les voir se hisser comme dirigeante sera faible. Notamment dans les fédérations où les effectifs féminins sont bas.

C’est pourquoi nous nous penchons spécifiquement sur le cas de cette pratique sportive puisque notre recherche se situe autour de la responsabilité bénévole des femmes dans des associations sportives. Dans un premier temps, en éclairant notre choix par la genèse de cette pratique sportive puis en référence à des données statistiques. Ceci afin de comprendre dans quelle mesure on peut qualifier ce sport de traditionnellement masculin et plus largement ses institutions. Mais aussi afin de mieux appréhender la faible présence des femmes dans une discipline ancrée culturellement sur le sol français, par et pour les hommes. Cette étape s’avère nécessaire si l’on entend analyser la place des femmes dans les postes de direction des clubs sportifs de judo. Nous n’ambitionnons pas de faire une analyse totale mais de proposer des éléments de contextualisation. P. Liotard et T. Terret posent une question essentielle d’où découlent nombre de disparités et de fonctionnements sexués du monde sportif dans lequel s’inscrivent, comme elles le peuvent, les femmes : « Comment peut-on devenir sportive au cours d’une histoire qui n’inscrit initialement qu’une jeunesse masculine de l’élite sociale, notamment britannique au cours du XIXème siècle ? ».145 Le sport est alors à la fois affaire de genre, de classe et de race. Les deux dernières parties sont consacrées à la mise en perspective des hypothèses avancées et celle de la méthodologie adoptée.

145 LIOTARD P et TERRET T (dir.)., (2005), Sport et genre : Volume 2, « Excellence féminine et masculinité hégémonique », L’Harmattan,, p.7-12.

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2. Politiques publiques et articulation de trois temps :