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2. Politiques publiques et articulation de trois temps : famille-travail-bénévolat

2.4. La méthodologie

2.4.1 L’entretien comme technique d’enquête

L’emploi des entretiens nous permet de recueillir les représentations, les perceptions et pratiques des femmes responsables bénévoles des clubs sportifs de judo de l’ECT. Les étapes de leurs trajectoires, plus ou moins imbriquées, sont abordées au travers d’entretiens individuels. Cette production de données empiriques est inhérente à un travail de recherche relevant d’une démarche exploratoire. L’entretien génère une meilleure compréhension des processus étudiés avec une capacité à nourrir des pistes de recherche (fonction heuristique).

Cela permet d’accéder à la subjectivité c’est-à-dire aux sentiments et aux sens que les individus attachent à leurs situations et à leurs comportements. Ce sont des éléments que la démarche objectivante ne peut appréhender. Les raisons de ce choix résultent de la nature de la démarche scientifique retenue, de la nature même de l’entretien, une importance du « […]

degré de profondeur des éléments d'analyse recueillis et souplesse, faible directivité du

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dispositif qui permet de recueillir des témoignages et les interprétations des interlocuteurs en respectant leurs propres cadres de références ».176 Les entretiens sont alors non-directifs et compréhensifs favorisant ainsi l’expression de leur ressenti sur la position qu’elles occupent.

Sur le cheminement de leurs statuts et de leurs fonctions, de leur engagement bénévole au sein des clubs sportifs de judo. Nous optons donc pour un « va-et-vient » de périodes semi-directives et compréhensives au cours d’une même entrevue auprès des femmes (et des hommes) choisies. L’entretien compréhensif n’exclue pas l’entretien semi-directif et inversement, les deux pouvant s’allier et être employés de manière complémentaire. La valeur ajoutée de l’entretien compréhensif colporte un aspect non négligeable : « Dans le cadre d’un entretien compréhensif, le sociologue ne s’adresse pas à un ‘‘enquêté’’, dans l’unique optique de recueillir ses représentations. Il s’adresse plutôt à un informateur, susceptible de lui exposer ses raisons concernant ses représentations (ce qui nous renvoie à la rationalité axiologique de l’acteur et à ses catégories de pensée, à partir desquelles il produit, justifie, analyse ses opinions). Pour cela, la conduite de l’entretien doit s’approcher du cadre d’une conversation, sans pour autant s’y confondre. Il s’agit avant tout d’un « travail, réclamant un effort de tous les instants ».177

La conjugaison de ces techniques permet à la fois de constituer des questions (guide d’entretien) en fonction de thèmes prédéfinis répondant ainsi à un besoin d’objectivité. Entre autres, pour l’étape suivante qui consiste à traiter les données issues, en partie, de ces thèmes.

Les hypothèses n’entravent en rien la possibilité de laisser libre-cour aux paroles et aux déroulements des entretiens. Qui renvoient aussi au rôle « de distance et d’implication » entre l’enquêteur et l’enquêté, entre l’enquêteur et l’objet. La variation des phases semi-directives et compréhensives est un atout qui organise la relation, selon G. Pineau : « la distance épistémologique à trouver entre le chercheur et l’informateur est complexe : pour le chercheur, elle est maximum au départ, il est étranger au contenu, son effort est de s’en

176 www.lmac-mp.fr/telecharger.php?id_doc=48.

177 FUGIER, P. « Les approches compréhensives et cliniques des entretiens sociologiques. Interrogations ? » n°11, décembre, 2010, Revue pluridisciplinaire en sciences de l’homme et de la société, pp. 98-107, p.101.

http://www.revue-interrogations.org.

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approcher ; l’informateur au contraire, au départ fait corps avec le contenu, les deux s’identifient, son effort pour lui est de s’en distancier suffisamment pour le voir, le comprendre. Le défi est que chacun trouve la distance optimum ».178

Nous envisageons de réaliser quelques entretiens non-directifs de type exploratoire avant de procéder aux futurs entretiens, comme pré-enquête. D’abord, nous interrogeons notre population à partir de questions structurées qui peuvent être alimentées, si besoin est, par des relances, des réitérations au moyen d’une « fiche signalétique ». Cette première approche me permet d’établir un contact avec les personnes avant d’entrer dans le « vif du sujet » pour installer un climat de confidentialité, un début de conversation et d’échange. Ces informations si capitales soient-elles, sont renseignées par des questions plutôt fermées. Cependant, elles peuvent nous permettre d’établir certaines corrélations avec notre problématique. En effet, elles ne sont pas le fruit du hasard mais bien en rapport aux recherches effectuées sur le même thème et à notre recherche bibliographique. Ce sont des éléments socio-démographiques correspondant à des caractéristiques présentées de la manière suivante :

LES DONNÉES OBJECTIVES

Fonction (poste occupé) Lieu d’habitation CSP (métier) Diplôme (s)

CSP conjoint (métier) Statut marital

Age

Nombre et âge des enfants

178 PINEAU, G. (1983), Produire sa vie : autoformation et autobiographie, Paris Ediling, p.173.

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Sports pratiqués

Autre type d’engagement associatif

Au fur et à mesure des entretiens, nous n’intervenons quasiment plus pour nous diriger vers des entretiens plus libres, de l’ordre de la « conversation ». Bien que la présence du chercheur ait son importance, il n’intervient que très rarement. Ainsi, notre recueil de matériau se situe au carrefour de thèmes prédéfinis et des pistes de recherche à explorer et à découvrir en vue de saisir des points plus spécifiques et/ou novateurs avec des hypothèses de départ. Mais comme le souligne J-C Kaufmann : « la meilleure question n’est pas donnée par la grille : elle est à trouver à partir de ce qui vient d’être dit par l’informateur ».179 Les révélations et les renseignements livrés par les entretiens sont le reflet non pas de « réalités ou de vérités » qui se voudraient universelles, elles correspondent aux propres croyances des interviewés (ées). En conséquence, la subjectivité illustrée par les propos des interviewés (ées) est l’une des caractéristiques essentielles de nos entretiens. Corrélativement à la subjectivité émise par nos interviewés (ées), se trouve celle de l’enquêteur, notamment dans les entretiens non-directifs, qui tendent vers un : « […] refus d’opposer a priori l’intention d’objectivité […] et son implication subjective ».180Néanmoins, ce rapport subjectif n’enraye en rien la possibilité de l’usage objectiviste dans la mesure où l’on entend sous ce terme : la reconstitution, la bifurcation de trajectoires pour comprendre les flux (afflux et reflux) de mobilité ou de constance dans l’espace social étendu à celui des postes de direction de l’engagement bénévole.

179 KAUFMANN, J-C (1996), L’entretien compréhensif, Paris : Nathan, p. 48.

180 FUGIER, P. « Les approches compréhensives et cliniques des entretiens sociologiques. Interrogations ? », n°11 décembre 2010, Revue pluridisciplinaire en sciences de l’homme et de la société, pp 98-107, p 100.

http://www.revue-interrogations.org.

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Toutefois et malgré toutes les précautions prises, dans la production de connaissance peut se produire le phénomène de la désirabilité sociale notamment dans les entretiens non-directifs :

« […] situation très particulière qui oscille entre témoignage (on se livre à l'autre) et confidence (reste la propriété de celui qui énonce). Séduction de l'intervieweur dans l'entretien, manipulation (orientation), lieu de transfert et de fantasmatisation (connaître l'autre ».181Mais plus que tout autre chose, la pertinence et le degré d’objectivité du matériau dépendent, en grande partie, de son traitement que nous décrivons ultérieurement. L’analyse permet de mettre en lumière les continuités ou les ruptures identitaires, socio-professionnelles…

181 VILLATTE, J-C. « L’entretien comme outil d’évaluation. Formation « évaluation » », 1-4 décembre, 2007, Lyon, Laboratoire culture et communication, Université d’Avignon, p.7.

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Les quatre thèmes principaux sur lesquels je souhaite recueillir les discours sont les suivants :

Le cadre familial :

Ce thème contient les informations sur la socialisation primaire de ces femmes, leurs relations à la famille (père/mère), à la scolarité, au sport. Ces deux institutions, familiale et éducative sont importantes dans l’orientation du choix de leurs fonctions et des activités extra-professionnelles. L’étude du cadre familial est considérable dans la mesure où les configurations familiales et les modes de socialisation sexués qui y ont court (transmission), peuvent apporter des pistes de réflexion sur les choix motivés de ces femmes. Ces indicateurs peuvent être mis en relation avec leurs situations professionnelles, les postes qu’elles occupent bénévolement dans les clubs sportifs de judo, les représentations qu’elles ont de leurs fonctions de responsabilité. Cependant, la considération de la socialisation secondaire est tout aussi importante que la socialisation primaire car notre étude n’a de sens que sous cette condition.

Trajectoires professionnelles-privées, trajectoires bénévoles :

Dans ce thème, il s’agit de montrer dans quelles circonstances et selon quels processus ces femmes ont été amenées à exercer un poste de responsabilité bénévole dans le domaine sportif (clubs de judo). Ce thème retrace le déroulement de leurs vies et nous permet d’explorer leurs expériences. Les étapes constitutives de leurs parcours à travers les postes occupés, les motivations sont essentielles à la compréhension de leurs situations actuelles. C’est accéder aux raisons et aux motifs de leurs choix, par exemple des personnes qui sont à l’origine de leur évolution, des personnes influentes. Ou bien connaître les procédés par lesquels ces

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femmes disposent de leurs positions hiérarchiques. De par leurs fonctions bénévoles, c’est aussi savoir comment elles concilient et quelles sont les articulations entre leurs vies privées et professionnelles (enfants, tâches domestiques, conjoint, mobilité/déplacements, horaires…).

Représentations et rapports :

Ce thème a pour objectif de répertorier les représentations de leurs activités, le sens qu’elles accordent à leurs actions et à celles de leur milieu. On aborde ici les dispositions, les relations, les qualités, les aptitudes… qui incombent à la réalisation de leur engagement bénévole. Le but de cette première partie est de dégager les définitions que ces femmes donnent de leurs fonctions, de leurs statuts et rôles. Ceci afin de les comparer avec celles traditionnellement diffusées dans la société. D’autre part, ce thème nous permet de décrire et d’identifier les relations inter et intra-sexuées. C’est accéder à leurs représentations des rapports sociaux de sexe et de classe, aux facteurs qui contribuent ou pas à une division sexuelle de l’exercice des fonctions de responsabilité bénévole.

Perspectives émergentes : préconisations et recommandations des interviewées

A travers ce thème on peut considérer nos interviewés (ées) comme étant plus que des informateurs, ils deviennent des analyseurs. Il s’agit de tirer des thèmes précédents des conclusions, des avis et préconisations (recommandations pour les élus (es)) qui permettraient de pallier à une sous-représentation des femmes dans les fonctions dirigeantes sportives.

Aussi, dans le but d’une amélioration de la coopération sportive transfrontalière entre la communauté autonome de Gérone et le département des Pyrénées-Orientales (E.C.T).

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Par quels moyens et par quelles actions serait-il possible de remédier à ce processus social : éducation, lois, mouvements sociaux… ? S’appuyer sur l'expérience, la connaissance et la créativité des personnes interrogées pour proposer des solutions innovantes et complémentaires.

Nous présentons dans la partie suivante, la méthodologie adoptée des monographies. Ceci afin d’obtenir une vision plus large et détaillée des processus à l’œuvre de notre question initiale de recherche.

2.4.2 Les monographies des clubs sportifs de judo de l’Espace