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2. Politiques publiques et articulation de trois temps : famille-travail-bénévolat

2.4. La méthodologie

2.4.5 Analyse des données

Par le biais des entretiens et de leurs transcriptions, l’analyse permise par l’obtention des données recueillies est un stade essentiel à notre travail de recherche sociologique. Cherchant ici à en extraire, à en traduire le sens et conférer une centralité aux textes, aux discours.

L’analyse tente d’objectiver le rapport au monde des personnes interrogées et le sens qu’elles accordent aux situations qu’elles décrivent. L’étude des représentations, des trajectoires sociales exige et entend une compréhension fine et profonde que seule l’analyse qualitative est en mesure de produire. La démarche poursuivie est une analyse de contenu, thématique visant une mise à jour des systèmes constitutifs des femmes bénévoles en poste de responsabilité des clubs sportifs de judo : des perceptions de celles et ceux qui les entourent dans l’exercice de leurs fonctions, de leurs implications et des actions engagées ou à venir en matière de coopération sportive transfrontalière, d’égalité et de parité dans les instances dirigeantes sportives. Dans cette perspective, nous rapprochons l’analyse verticale de l’analyse horizontale comme le précise M-L Gavard-Perret et A. Helme-Guizon : « Deux approches du corpus sont possibles et complémentaires : […] L’approche verticale consiste à travailler document par document. […] Elle est particulièrement utile dans le cas d’entretiens individuels afin que le chercheur puisse se saisir et s’imprégner des logiques individuelles et

194 Cf. Annexe 11, tableau récapitulatif des entretiens et exemples retranscris.

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du caractère unique de chacun des répondants. […] Dans une approche horizontale, les discours individuels sont déconstruits afin d’extraire dans chacun les parties communes. La cohérence n’est donc plus donnée par la structure individuelle de chaque document ou entretien, mais par la réunion d’éléments comparables entre les différents documents et entretiens ».195

Nous traitons d’abord nos données tour à tour pour permettre une analyse exhaustive, entretien par entretien. Dans un premier temps, il s’agit d’inventorier, de classer les énoncés et les pistes de recherche des entretiens correspondants aux thèmes prévus (guide d’entretien).

Puis, de les distinguer de ceux éventuellement induits par le travail de terrain, par les réponses de nos interviewés (ées). Ce travail doit permettre l’émergence des thèmes principaux et de thèmes plus accessoires (sous-thèmes), l’émergence de particularités, d’illustrations (anecdotes, situations concrètes…) visant une posture analytique par une procédure exploratoire (production d’une grille d’analyse). Et ceci, par une étude d’abord verticale comme le suggère G. Michelat : « il nous semble que les entretiens non directifs ne peuvent être analysés qu'en utilisant une démarche où l'interprétation se fait d'abord au fur et à mesure de l'analyse de chacun des entretiens, en étant toujours à l'écoute de ce que veut dire l'individu singulier qui parle »196 puis horizontale, comme évoqué précédemment. C’est la mise en perspective des thèmes par rapport aux autres, des thèmes et sous-thèmes issus de l’analyse entretien par entretien et des entretiens entre eux. L’objectif poursuivi est de mettre en exergue les éléments clés en les associant à des notions, des concepts sociologiques : « […]

l'attention particulière portée à la singularité de chaque entretien va de pair avec une mise en relation des divers entretiens entre eux. On est ainsi conduit à alterner les lectures verticales des entretiens (en gardant la logique propre à chacun) et les lectures horizontales, pour établir la relation avec les autres entretiens. Un élément du [« raisonnement »] peut manquer

195 GAVARD-PERRET, HELME-GUIZON. « Choisir parmi les techniques spécifiques d’analyse qualitative ».

Chapitre 7, p. 262 Laboratoire CERAG UMR.

196 MICHELAT G. « Sur l'utilisation de l'entretien non directif en sociologie ». In: Revue française de sociologie.1975,162.pp.229247,p.247http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_00352969_1 975_num_16_2_6864.

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dans un entretien et se retrouver dans un autre. Un élément apparu dans un seul entretien peut ainsi amener à un nouveau « questionnement » de l'ensemble du matériel ».197

Ces phases de catégorisation et de conceptualisation sont nécessaires à une critique de la question de départ, à la construction (vérification, reformulation) plus précise d’hypothèses pour une problématique plus riche et perspicace. Cette étape suppose le codage de séquences des matériaux et leurs associations dans des sous-ensembles pertinents pour l’analyse. En outre, l’un des possibles écueils est de se cantonner à une analyse des discours sans se soucier de les restituer vers des processus sociaux ou idéologiques.

Dans la méthodologie de l’analyse de contenu, le problème de codage et de catégorisation est central. En outre, elle est considérée aussi comme « un ensemble disparate de techniques ».198 Cette technique est sans doute la plus connue des Sciences Sociales, elle comporte certains avantages mais présente également des inconvénients. G Michelat évoque quelques critiques épistémologiques : […] Il est vrai qu'on peut perfectionner l'analyse et envisager non plus seulement des catégories portant sur les thèmes, mais des catégories portant sur les relations existant entre deux thèmes. On ne comptabilisera plus alors la fréquence de A et B, mais la fréquence de A associé à B. Même dans ce cas il semble que l'on perde des éléments d'information indispensables. […] Si l'on admet qu'il existe des mécanismes de blocage, de censure au niveau de l'expression individuelle, dus ou non, aux mécanismes de l'inconscient, il est vraisemblable que des éléments d'information importants n'apparaîtront peut-être que de façon fugitive et masquée ».199 En effet, selon la question abordée, les personnes interrogées peuvent avoir des réactions réticentes (de réserve) que le chercheur doit déceler

197 Ibid., p.242.

198 HENRY P., MOSCOVICI S. « Problèmes de l'analyse de contenu ». In : Langages, 3e année, n°11, 1968, p.36. Socio-linguistique. pp. 36-60. DOI : 10.3406/lgge.1968.2900, Disponible sur :

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_1968_num_3_11_2900.

199 MICHELAT G., « Sur l'utilisation de l'entretien non directif en sociologie ». In: Revue française de sociologie.1975,162.pp.229247,p.238.http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_00352969_1 975_num_16_2_6864.

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pour y remédier. De même, il est tout aussi plausible d’obtenir des informations erronées non pas parce que les personnes interrogées le souhaitent mais parce qu’elles correspondent à leurs propres visions et réalités de l’objet étudié. Bien que le souci de rigueur (objectivité) du chercheur et de l’objet en question soit inhérent d’un travail de recherche qui se veut pertinent, reste inexorablement une part de subjectivité du chercheur lui-même, et des personnes concernées. Reste aussi l’idée émise par Y. Clot selon laquelle : « […] La critique de l’objectivisme s’enlace à récuser la subjectivité »200, ce qui reflète par ailleurs le primat souvent accordé au quantitatif sur le qualitatif, nécessité du chiffre oblige car il apporte une visibilité directe. Admettre que la mesure exacte et rationnelle du social est impossible ne signifie pas pour autant de renoncer à la qualité des informations. Ce protocole de traitement des données tend à affiner le degré de signifiance des informations afin de consolider la validité des résultats obtenus.

Primordiale quant à notre objectif de comparaison, l’étape d’analyse des entretiens se présente donc de la manière suivante : l’analyse de chaque entretien en vue d’établir une fiche retraçant de manière chronologique l’itinéraire des femmes et des hommes en poste de responsabilité, s’en suit une analyse thématique de chaque entretien puis une mise en relation des entretiens entre eux, en fonction d’un thème particulier et en interaction entre eux. On applique la même méthode d’analyse verticale et horizontale des entretiens et des thèmes aux acteurs (trices) sélectionnés (ées) dans l’étude monographique des clubs et ceux que l’on qualifie d’acteurs (trices) pertinents (tes) du territoire.

200 CLOT Y., « L’autre illusion biographique », Enquête, Biographie et cycle de vie, 1989, [En ligne], mis en ligne le 30 décembre 2005. URL: http://enquete.revues.org/document99.htlm.

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La comparaison

Selon les données issues de notre enquête, (entretiens et monographies) de celles suscitées par les va-et-vient des expériences de terrain et d’écriture, la compréhension et l’analyse principale des systèmes de relations liés aux parcours des femmes en poste de responsabilité des clubs sportifs de judo, préparés à travers les cadres méthodologiques initialement décrits ci-dessus, nous permet d’établir comparativement :

Les unités de comparaison

Les trajectoires des femmes en poste de responsabilité bénévole dans l’Espace Catalan Transfrontalier. En parallèle, celles des hommes de ce même espace.

Les représentations des fonctions de responsabilité bénévole des clubs sportifs de judo (présidente (ts), trésorière (er), secrétaire) par les acteurs (rices), les salariés (ées) ou ceux dit du « petit bénévolat » qui participent à la vie du club. Leurs préconisations en vue de bonifier la place des femmes dans les instances dirigeantes sportives, dans les clubs sportifs de judo.

Leurs connaissances et leurs préconisations pour améliorer la coopération sportive transfrontalière. Puis, la comparaison sur le fonctionnement des clubs sélectionnés en vue de situer la place des femmes et des hommes in situ.

Les comparaisons sur l’évolution des actions et des moyens prévus par chacun des espaces constituant l’ECT, par des acteurs pertinents du territoire. C’est-à-dire impliqués (es) dans les questions propres à l’égalité et à la parité des femmes en sport, au niveau départemental ou

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régional. Dans la coopération transfrontalière et plus précisément dans le domaine associatif et sportif, élus(es) locaux ou salariés (ées).

La mise en rapport des éléments et des unités de comparaison de notre objet de recherche dans l’espace, dans le temps pour comprendre un fait social de sous-représentation des femmes dans les instances et postes de direction dans le monde du sport concentre un aspect essentiel. D’abord, même si l’espace considéré est celui d’ECT, il n’en demeure pas moins qu’il reste bel et bien un espace frontalier englobant la France de l’Espagne, la catalogne Nord et celle du sud. Lié historiquement, ce territoire éprouve néanmoins des réciprocités et des autonomies de fonctionnement, de gouvernance et des mutations sociétales propres à chacun des deux pays. Qui peuvent avoir pour conséquence des situations et des visions partagées, singulières selon que l’on soit en France ou en Espagne. De par l’action du pouvoir conféré des deux états à leur territoire, sur les questions d’égalité et de parité des femmes dans la société, en sport et pour la coopération transfrontalière, les marges de manœuvre ne sont pas toujours les mêmes, et ne s’opèrent pas nécessairement au même moment. L’approche sociologique des femmes dans la société, de l’institutionnalisation et de l’organisation de chacun des deux états et de leurs politiques publiques est inhérente à la compréhension de sous-espaces qui les composent. L’analyse des unités de comparaison n’est intelligible que dans le sens où l’on considère ces précisions. Bien que nous les considérions, nous ne nous dirigeons pas vers une analyse exhaustive de l’histoire et des politiques publiques engagées en France et en Espagne.

Cependant, nous avançons l’idée qu’inexorablement des particularités et des points communs peuvent se jouer lors de notre analyse, venant enrichir et optimiser la compréhension de notre objet de recherche. D’ailleurs, comme le souligne C. Vigour : « […] : toute modification de la

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législation est en effet précédée de comparaisons avec celles d’autres pays pour évaluer la pertinence du changement et des modalités pratiques que celui-ci pourrait prendre […]»201.

Selon les variations sociales, les volontés et les actions politico-juridiques entreprises par chacun des deux états en matière d’égalité et de parité, en matière de coopération transfrontalière, dans l’espace et dans le temps, peuvent ne pas se correspondre. Les contextes dans lesquels s’inscrivent le département des Pyrénées-Orientales et la communauté autonome de Gérone, est l’une des variables que l’on doit soumettre à l’analyse comparative.

On comprend dès lors que la place de la théorie dans l’ensemble de la démarche comparative, s’articule, au préalable, par un protocole d’enquête provisoire qui peut se modifier au fil du terrain (Comme les unités de comparaison et leurs variables associées). Dans ces conditions-là, le travail de théorisation, de collecte des données et d’analyse se produisent en interrelation. Dans le chapitre suivant, nous proposons l’analyse des points décrits précédemment, des théories et des hypothèses avancées par la mise en perspective des données du terrain.

201 VIGOUR C., (2005), La comparaison en Sciences Sociales. Pratiques et méthodes, Guides repères, Paris, La Découverte, p 106.

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CHAPITRE 3 : NOS PRESIDENTS, DES