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1.3 Conclusion

2.1.2 Spectre et Composition

La compilation de différentes données expérimentales permet de connaitre l’abondance relative des particules composant le rayonnement cosmique. Il est composé à 99% de nucléons et à 1% d’électrons. Nous nous intéressons à la partie hadronique du spectre. Les protons représentent la majeure partie des nucléons (89%), les noyaux d’hélium sont également présents en nombre significatif (10%) tandis que les noyaux lourds ne représentent que 1% du total. Il existe trois piliers fondamentaux pour l’étude des rayons cosmiques et de leur origine : leur spectre en énergie, leur composition et leur direction d’arrivée.

Spectre en énergie Le spectre en énergie des CRs (figure 2.2) est bien décrit par une loi de puissance dNdE ≈ E−Γ, d’une régularité frappante, sur plus de 12 ordres de grandeur en énergie et

près de 32 ordres de grandeur en flux. Nous distinguons trois intervalles d’énergies :

• Les rayons cosmiques de basse énergie en-dessous de 1010 eV correspondent à des particules peu relativistes de notre Galaxie dont le spectre est modulé par le champ magnétique solaire. Ils sont détectés par des satellites car le flux de particules à ces énergies est suffisamment important.

• Entre 1010 eV et 5× 1015 eV, la distribution a un indice spectral Γ d’environ 2.7. Cette deuxième composante correspond à des rayons cosmiques vraisemblablement produits au

2.1. LE RAYONNEMENT COSMIQUE

(a) (b)

Figure 2.1 – (a) Victor Francis Hess (dans la nacelle) de retour de son vol en ballon en août 1912 (b) Image d’un électroscope traditionnel utilisé à la même époque. Source : American physical society

sein de notre Galaxie. Dans cette gamme d’énergie, les particules sont relativistes voir ultra-relativistes. L’énergie caractéristique3×1015eV est communément appelée "genou" car nous y observons une inflexion dans le spectre.

• Au-delà de cette énergie et jusqu’à la "cheville" située à ∼ 4×1018eV, le spectre présente un indice plus mou d’environ 3.1. Aux énergies supérieures à la cheville, le spectre retrouve un indice d’environ 2.7. A ces énergies, nous pensons que les rayons cosmiques ont une origine extragalactique principalement pour des raisons de confinement.

Des brisures sont visibles pour cette loi de puissance et peuvent suggérer des transitions entre différents modes de production.

L’étude de la composition des CRs est importante. Par exemple, les sources qui dominent l’ac-célération des CRs Galactiques doivent pouvoir accélérer à des énergies au moins égales à celle du genou puisqu’aucune brisure n’est observée en-deçà. Ce genou pourrait être la manifestation d’une énergie maximale d’accélération des sources responsables des CRs Galactiques. Des expé-riences comme KASKADE ont permis de montrer que dans cet intervalle en énergie, la composition s’alourdit avec l’énergie jusqu’à1017eV et l’énergie du genou augmenterait avec la charge du noyau (Apel et al., 2011). Les sources doivent donc pouvoir accélérer les noyaux les plus lourds au moins jusqu’à1017 eV.

La cheville pourrait indiquer une transition des CRs Galactique vers les CRs extra-galactiques. En effet, les rayons cosmiques étant des particules chargées, ils sont déviés par les champs magné-tiques. Le rayon de giration R d’une particule d’énergie E, de numéro atomique Z dans un champ B est donné par :

R = 1.07 Z E P eV ( B µG) −1pc

Figure 2.2 – Spectre du rayonnement cosmique mesuré sur Terre par différentes expériences.

Les champs magnétiques Galactiques sont de l’ordre du micro Gauss. Dans un champ magnétique de 5µG, le rayon de giration d’une particule de 1018 eV est situé autour de 200 pc qui correspond à la taille du disque Galactique. Les particules ne sont donc plus confinées dans le disque à ces énergies. Nous n’observons aucune anisotropie significative dans la direction d’arrivée des CRs en lien avec des sources Galactiques dans ce domaine d’énergie. C’est pourquoi, à partir de la cheville, l’origine des CRs est supposée extra-galactique. Le temps de confinement très court dans la Galaxie associée à l’absence d’anisotropie exclue une hypothèse Galactique.

En 1966, Greisen, Zatsepin et Kuz’min prédisent l’existence d’une coupure dans le spectre causée par l’interaction des rayons cosmiques d’énergie supérieure à1020eV avec le fond diffus cosmologique pour former une résonance∆ se désintégrant en un pion et un proton. Cette coupure GZK corres-pond donc à l’horizon pour l’observation des rayons cosmiques de haute énergie et pourrait donc être responsable de la suppresion du flux au-dessus de(3− 5) × 1019eV détectée significativement par l’observatoire Pierre Auger (Abraham et al., 2008). Cependant, même si cette coupure joue surement un rôle au regard des ultra hautes énergies dont nous parlons ici, la suppression du flux pourrait également s’expliquer par des limitations énergétiques intrinsèques aux objets accélérateurs discutées dans Allard (2012).

Un mot sur les anisotropies Pour des énergies inférieures à 1012 eV, ce rayonnement est iso-trope. Les particules chargées sont déviées par les champs magnétiques de la Galaxie pendant leur propagation et l’information sur leur direction d’origine est ainsi perdue. Au-delà de cette énergie,

2.1. LE RAYONNEMENT COSMIQUE

une anisotropie à grande échelle est évoqué (Abdo et al., 2009b). Nous pouvons néanmoins consi-dérer que les CRs au TeV sont localement isotropes dans une direction donnée sur des échelles de l’ordre de quelques degrés. Nous ne pouvons donc pas tirer une signature claire des sources à leur origine.

Ce que peuvent nous apprendre les abondances des noyaux La figure 2.3 présente l’abon-dance de noyaux constituant le rayonnement cosmique par rapport aux abonl’abon-dances solaires. Une différence assez nette existe pour certains éléments comme la sur-abondance du lithium, du béryl-lium et du bore mettant en évidence le fait que ces éléments ont une origine secondaire : ce sont des produits de spallation créés par les collisions avec les particules du milieu interstellaire (MIS) lors de la propagation des rayons cosmiques dans la Galaxie. L’abondance de ces éléments permet d’estimer l’épaisseur de matière traversée par les CRs à environ 5-10g cm−2. Les isotopes radioactifs comme le10Be présents dans ces produits de spallation permettent d’estimer le temps de confinement des CRs dans notre Galaxie autour de107 ans et d’estimer la densité moyenne du milieu traversé autour de 0.3 protonscm−3. Sachant que dans le disque la densité moyenne est d’environ 1 protonm−3, les CRs se propagent donc également dans le halo de densité plus faible (Berezinskii et al., 1990).

Figure 2.3 – Composition du rayonnement cosmique et comparaison avec les abondances dans le système solaire. Crédits : ACE collaboration (Advanced Composition Explorer) http://www.srl. caltech.edu/ACE/