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3.3 Modélisation de l’émision diffuse de haute énergie

3.3.1 Des modèles hadroniques

3.3.1.1 Un accélérateur au centre Galactique : impulsif ou stationnaire ?

Dès la détection de l’émission diffuse, la collaboration H.E.S.S. a proposé un scénario impliquant une unique injection impulsive de CRs il y a 10 000 ans par la supernovae Sgr A Est. Comme indiqué précédemment, l’énergie requise sous forme de CRs pour reproduire toute l’émission diffuse au TeV est de l’ordre de 10% de l’énergie cinétique libérée au moment de l’explosion d’une SN, ce qui parait raisonnable. De plus, cette injection impulsive permet également de reproduire une chute de l’émissivité γ à 1.3, non corrélée à la distribution de matière (section 3.2.1). À partir de ces arguments, Macias et al. (2015) étudient également un scénario où les CRs diffusent depuis le GC après avoir été injectés par les éruptions impulsives d’un accélérateur ou de plusieurs accélérateurs ponctuels au GC. Ils tentent de reproduire simultanément l’émission diffuse de très haute énergie au TeV ainsi que la partie centrale de l’excès au GeV détecté par le Fermi/LAT. Dans leur approche diffusive, en considérant une valeur du coefficent de diffusion à 1 GeV de 1028 cm2s−1 dans les estimations basses mais compatible avec les estimations locales (section 2.4.3), ils concluent à la nécessité de deux injections brusques. Une est compatible avec l’explosion d’une SN comme Sgr A Est il y 10 000 ans. La plus ancienne impliquerait une éruption violente du trou noir central. Le manque de statistique sur les données de l’émission diffuse dont disposait Aharonian et al. (2006a) ne permettait pas de contraindre réellement les différents scénarios. Elles étaient compatible avec un profil relativement plat. Cependant, comme détaillée dans la section 3.2.1, en supposant que toute l’émission γ est due à l’interaction des protons avec la matière dans le GC, les nouvelles données de H.E.S.S. révèlent un profil de CRs piqué vers le centre. Ces modèles d’injections instantanées uniques ne sont donc plus compatibles avec ce profil.

Abramowski et al. (2016) proposent une injection continue d’un accélérateur au GC (section 3.2.1). Nous étudierons cette possibilité d’un accélérateur stationnaire dans notre scénario hadro-nique présenté au chapitre 4.

3.3.1.2 Diffusion supprimée au GC : une accélération distribuée

Certaines études comme Wommer et al. (2008) développent un scénario où une population de hadrons est accélérée et diffuse à travers les turbulences du champ magnétique supposées relative-ment fortes. Afin de s’affranchir des incertitudes relativerelative-ment larges sur le coefficient de diffusion (section 2.4.3), ils suivent le mouvement de particules individuelles en résolvant numériquement l’équation de la force de Lorentz. Le champ magnétique est modélisé par une composante qui varie spatialement et décrit les turbulences δB, et une composante de fond statique B0. Au regard des fortes turbulences considérées (plus de la moitié de l’énergie magnétique est sous forme turbulente), ce modèle se rapproche d’un régime de Bohm et donc d’un confinement maximal (2.4.1). Par consé-quent, ces simulations conduisent à un coefficient de diffusion très faible. C’est pourquoi l’hypothèse d’une accélération par des accélérateurs ponctuels comme la source centrale ou les SNe le long du disque Galactique est exclu dans ce type de modèle. Les CRs restent confinés sur quelques parsec autour des sources sur un temps plus long que leur temps de perte d’énergie et ne peuvent pas diffuser suffisamment loin des accélérateurs ponctuels pour reproduire l’extension de l’émission γ diffuse.

Dans certaines études présentées ci-après où la diffusion est également totalement négligée, l’injection des CRs, par des accélérateurs situés dans tout le CMZ et non pas uniquement sur le plan Galactique, est modélisée par des modèles stationnaires à une zone.

Le rôle des SNe : modèle stationnaire à une zone Une des hypothèses alternatives à propos de l’origine de la population de CRs au GC est qu’elle serait créée par l’injection constante des SNe au centre Galactique. Le taux très élevé de SNe au GC a conduit certains auteurs à penser que cette population pouvait donc être modélisée par un modèle stationnaire à une zone (Crocker et al., 2011; Yoast-Hull et al., 2014; Macias et al., 2015). Dans ces études, les CRs s’échappent de la région par advection dû à la présence d’un vent perpendiculaire au plan Galactique. L’échappement est donc indépendant de l’énergie des particules. Le spectre d’émission de ces particules pour reproduire le spectre d’indice spectral autour de 2.3 observé par H.E.S.S. doit donc être relativement mou avec un indice spectral autour de 2.3-2.4. Avec les taux de SNe attendus au GC dont la valeur centrale est estimée autour de4× 10−4yrs−1(section 1.1.3) et en ne considérant que l’advection, les temps caractéristiques de transport et de pertes d’énergies des protons ou des électrons primaires et secondaires sont bien supérieures au temps de récurrence entre deux explosions de SNe (Crocker et al., 2011). C’est pourquoi, ces auteurs se placent dans un modèle stationnaire à une zone et considèrent une boîte remplie d’une densité constante de CRs. Afin de ne pas sur-produire le flux total observé au TeV par H.E.S.S., des vitesses de vents assez élevées allant de 400 à 1000km s−1sont invoquées pour permettre aux CRs de s’échapper de la zone. Ces modèles sont ajustés simultanément sur les données au GeV et au TeV. Afin d’améliorer les contraintes sur les intervalles que peuvent prendre les paramètres importants du modèle comme le taux de SNe, la vitesse du vent ou la quantité de matière, les auteurs s’assurent que le modèle ne sur-produit pas l’émission radio émis par les électrons primaires et secondaires par interaction pp.

Plusieurs types de difficultés apparaissent dans ce type de modèle. Le temps de récurrence entre deux explosions de SNe utilisé par Crocker et al. (2011), de 2500 ans, est plus proche des estimations courantes dans le GC que celui utilisé par Yoast-Hull et al. (2014) qui est relativement élevé et peut

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atteindre 10 000 ans. Cette différence provient de la densité du milieu qui est plus élevée dans l’étude de Yoast-Hull et al. (2014), autour de 80 cm−3, que dans celle de Crocker et al. (2011), autour de 10 cm−3. Cette dernière valeur semble vraiment faible au regard des densités estimées dans le CMZ (Ferrière et al., 2007). À moins d’évoquer des vitesses de vent vraiment très rapides atteignant 2000 km s−1, nous voyons que chaque jeu de paramètres à utiliser pour ne pas dépasser l’émission au TeV n’est pas vraiment réaliste. De plus, ces modèles prédisent clairement un flux bien en dessous de l’émission diffuse au GeV détectée par Fermi. Tandis que Crocker et al. (2011) concluent que cette émission diffuse comporte une fraction significative de sources diffuses non résolues et ne peut donc pas être reproduite pas un simple modèle d’interaction des protons avec la matière, Yoast-Hull et al. (2014) concluent à la nécessité de la présence d’une autre composante d’électrons assez molle pour reproduire cette émission au GeV qui pourrait être injectée par différentes sources au GC.

Accélération stochastique sur les turbulences du champ magnétique Au regard des fortes turbulences du champ magnétique qu’ils considèrent, Wommer et al. (2008) excluent la possibilité d’accélérateurs ponctuels dans le GC. Ils concluent donc que si l’émission γ est de nature hadro-nique, alors les CRs de haute énergie sont accélérés in situ à travers le MIS via une accélération stochastique comme l’accélération de Fermi du second ordre sur les turbulences du champ. Cepen-dant l’origine de cette population de CRs repartie uniformément dans tout le GC, même à haute latitude, n’est pas expliquée. Fatuzzo & Melia (2012a) ont montré qu’une accélération jusqu’à une énergie caractéristique d’environ 3 TeV était possible au GC via ce mécanisme d’accélération sto-chastique mais elle semble faible pour reproduire l’émissionγ détectée par H.E.S.S. pour des énergies supérieures au TeV.

Il y a deux problèmes majeures dans les modèles précédents :

• La distribution spatiale. Comme nous l’avons vu dans la section 1.1.3, les SNe au GC sont concentrées dans les parties centrales ce qui va induire un gradient dans la distribution de CRs qu’elles injectent, que ces modèles uniformes ne peuvent reproduire. En particulier ces modèles présentant une densité uniforme de CRs ne peuvent pas expliquer le profil piqué vers le GC déterminé récemment par Abramowski et al. (2016).

• Des effets non stationnaires. Dans ces modèles, un échappement dépendant de l’énergie par diffusion est soit négligeable soit non prise en compte. Nous pouvons nous demander pourquoi Wommer et al. (2008) ne considèrent pas des turbulences plus faibles dans leur étude amenant à un coefficient de diffusion plus élevé et donc à une diffusion plus lointaine des sources d’injection. Au regard des valeurs typiques du coefficient de diffusion D dans le MIS (section 2.4.3), même en considérant une valeur dans les estimations les plus basses autour de D0 = 1028 cm2s−1 à 10 GeV et un spectre de Kolmogorov pour les turbulences du champ magnétique δ = 1/3, l’advection est complètement négligeable devant la diffusion pour des énergies supérieures au TeV. La distance H sur laquelle s’échappe les CRs de la zone par advection, donc perpendiculairement au plan Galactique, est autour de 50 pc et correspond à la taille typique du CMZ où les protons interagissent avec la matière. Même en considérant de plus hautes valeurs de vitesse du vent v, de l’ordre de 1000 km s−1, le temps d’échappement par advection,τadv = H/v, aux énergies des CRs produisant l’émission au TeV observée avec H.E.S.S. est toujours plus grand que celui obtenu en considérant la diffusion,τdif f = H2/(4× D) (figure 3.8). Avec un coefficient de diffusion un peu plus grand, ce temps d’échappement est même inférieur au temps de récurrence entre deux explosions de SNe que les modèles stationnaires à une zone considèrent.

stationnaires et un modèle 3D réaliste de leur distribution spatiale, comme nous le verrons au chapitre 4.

Figure 3.8 – Temps d’échappement de la zone sur une échelle verticale de 50 pc (a) par advection avec un vent de vitesse 1000km s−1 et (b) par diffusion en considérant un coefficient de diffusion à 10 GeVD0 = 1028cm2s−1 et une dépendance avec l’énergie en δ = 1/3.

3.3.1.3 Contribution de la mer des CRs galactiques

Des études sur l’émission au GeV du complexe Sgr B avec les données du Fermi/LAT indiquent que le spectre serait compatible avec celui mesuré localement sur Terre (Yang et al., 2015). Dans la section 2.4.3 où nous avons présenté les approches numériques utilisées pour étudier la propagation des CRs à 3D dans la Galaxie, nous avons discuté en particulier l’approche de Gaggero et al. (2015) qui proposent, avec le code DRAGON, un modèle où les propriétés de diffusion des CRs à travers la Galaxie varient en fonction de la distance au GC. Cette étude permet de reproduire le durcissement du spectre des CRs dans les parties internes de la Galaxie récemment mis en évidence avec les données du Fermi/LAT. En utilisant cette approche et par une étude jointe entre les données du Fermi/LAT et de H.E.S.S. de quelques GeV à 50 TeV sur la région du GC, Gaggero et al. (2017) ont récemment étudié la contribution de la mer de CRs mesurée sur Terre à l’émission totale au GeV et au TeV au GC. Avec cette diffusion spatialement dépendante, ils obtiennent un spectre de CRs d’indice 2.4, compatible avec les données de H.E.S.S. et du Fermi/LAT. Dans les régions les plus internes, le flux prédit avec leur modèle est un peu plus bas que les spectres observés.

Le profil de la densité de CRs le long du plan Galactique extrait de ce modèle est compatible avec celle obtenue à partir de la luminositéγ au TeV. Cette mer de CRs injectée par différentes sources à travers la Galaxie permet également de reproduire la densité de CRs déduite des observations pour des distances supérieures à 50 pc puisque celle-ci est compatible avec une densité constante. Le pic central du profil n’est par contre pas reproduit par leur modèle. Cet excès central pourrait être dû

3.3. MODÉLISATION DE L’ÉMISION DIFFUSE DE HAUTE ÉNERGIE

à l’injection de CRs par des sources supplémentaires situées dans les parties internes qui pourraient également participer à l’émission au TeV de la source centrale HESS J1745-290.

Leur distribution de source dans la Galaxie suit les catalogues existant des SNe. Ils n’incluent aucune concentration de SNe vers le GC. Or nous savons que le taux de SNe au GC est très élevé et doit forcement contribuer à l’injection de CRs au GC. Comme nous l’étudierons dans le chapitre 4, une concentration de ces sources dans les parties centrales du GC crée également un excès assez significatif vers le centre dans le profil de CRs, en particulier quand nous considérons un échappement du SNR dépendant du temps. Sachant que dans leur modèle, le flux de l’émission totale est quasiment reproduit uniquement avec la mer de CRs, il devient nécessaire d’expliquer l’ajout d’un taux supplémentaire d’injection de CRs plus réaliste au centre.

Comme établi par Aharonian et al. (2006a), un déficit d’émissionγ est observé par rapport à la quantité de matière disponible autour de la région à l ≈ 1.3. Ce modèle prédit que la densité de

CRs est uniforme dans tout le CMZ et est donc incompatible avec le déficit d’émissionγ observé à l≈ 1.3.