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3.3 Modélisation de l’émision diffuse de haute énergie

3.3.2 Des modèles leptoniques

Comme nous l’avons déjà mentionnée, l’émission diffuse détectée par H.E.S.S. dans les 100 pc centraux est assez étendue et dans l’ensemble corrélée avec la matière. C’est pourquoi la plupart des scénarios qui la modélise sont fondés sur des modèles hadroniques où les protons des CRs interagissent avec la matière du CMZ. Il existe cependant quelques scénarios leptoniques.

Une population d’électrons très énergétiques Les scénarios leptoniques sont fondés sur une philosophie similaire aux modèles stationnaires à une zone présentés dans la section précédente pour une interprétation hadronique (Yusef-Zadeh et al., 2007, 2013; Macias & Gordon, 2014). Ils s’appuient sur une population uniforme de leptons des CRs répartis à travers le CMZ. La présence des filaments radio non thermiques au GC (figure 1.2) interagissant avec les nuages moléculaires permet d’imaginer qu’il est possible d’accélérer des électrons à très hautes énergies dans cette région. L’émission diffuse au TeV serait produit par diffusion Compton inverse de ces électrons avec le rayonnement submillimetrique des poussières (Yusef-Zadeh et al., 2007) ou par émission d’un rayonnement Bremsstrahlung de très haute énergie lorsque ceux-ci sont freinés par les interactions électrostatiques dans les nuages de matière qu’ils traversent (Yusef-Zadeh et al., 2013). Dans ce second scénario, les électrons de plus basse énergie exciteraient la raie de fluorescence du Fer à 6.4 keV et permettraient, par le rayonnement Bremsstrahlung, d’expliquer l’émission continue en rayon X également très corrélée à la distribution de matière. Mais des observations récentes en rayon X de la variabilité de l’émission de la raie du Fer sur l’ordre de la dizaine d’années dans des nuages moléculaires du CMZ (Clavel et al., 2013) exclue ce scénario. La majeure partie de l’émission X des différents nuages moléculaires au GC est attribuée à l’activité passée de Sgr A? qui irradierait ces nuages. De plus, la présence des protons, qui participent nécessairement à une partie de l’émission lors de leur interaction avec la matière du MIS, est négligée. Il est difficile d’imaginer pourquoi la contribution du Bremsstrahlung des électrons interagissant avec les nuages denses pourrait être si importante tandis que l’interaction des protons des CRs avec ces nuages serait négligeable. Cela revient à supposer que dans le GC les CRs seraient constitués en majorité d’électrons.

Une population de pulsars non résolue Récemment, Hooper et al. (2017) proposent un modèle où l’émission serait due à la diffusion inverse Compton d’électrons/positrons de très haute énergie sur différents champs de rayonnement (CMB, infrarouge, UV), injectés par une population de jeunes

et moins jeunes pulsars situés au centre Galactique. Le très grand nombre d’étoiles massives et de binaires X observées dans la région laisse supposer une population assez importante d’étoiles à neutrons. Chennamangalam & Lorimer (2014) ont estimé une limite inférieure sur le nombre de pulsar, dont le pulse serait détectable au GC, à environ 200 dans le parsec central. Aucun d’eux n’a été observé à ce jour. Une explication possible est que la dispersion des pulses radio rend difficile l’identification claire du pulsar. Cependant la détection récente du magnétar SGR J1745-29 (section 3.1.1) a mis en défaut cette interprétation. Les conditions au GC, avec une concentration d’étoiles massives, amènent peut être plus à la formation de magnétars difficilement détectable en radio.

Pour construire leur population de pulsars, ils s’appuient sur la caractérisation bien connue de deux pulsars Galactiques proches, au TeV : GEMINGA et B0656+14. Dans ces deux pulsars, une fraction importante de la puissance de ralentissement est transférée pour produire des leptons à très haute énergie (entre quelques pour cents et quelques dizaines de pour cents). Ils supposent que tous les pulsars sont formés dans les parsec centraux avec une vitesse d’éjection caractéristique autour de 400 km/s. Ils s’éloigneraient donc ensuite continument, loin du GC, et pourraient se répartir uniformément sur toute la zone. En ajustant le flux prédit par leur modèle avec celui observé par H.E.S.S., ils estiment que le nombre de pulsars requis est de490+580−370 nouveaux pulsars par millions d’années ce qui impliquerait 25-190 avec un pulse radio dirigé vers le système solaire et donc détectables. Ils montrent que si une fraction suffisante de l’énergie de ralentissement des pulsars est utilisée pour accélérer les électrons à très haute énergie alors, avec le nombre estimé de pulsar au GC, ils peuvent facilement reproduire le flux de l’émissionγ observée avec H.E.S.S. Cependant, ils reproduisent l’émission au TeV sur une région centrale de 0.6 beaucoup moins étendue que celle détectée avec H.E.S.S. (environ 2 en longitude et 0.2 en latitude). Il existe une population de pulsars dont l’origine n’est pas au GC et qui pourrait peut être expliquer l’émission de haute énergie plus étendue.

L’idée de cette population de pulsar qui contribuerait à l’émission au TeV n’est pas nouvelle et elle est alléchante. Cependant le taux de pulsar requis dans le parsec central pour reproduire toute l’émission au TeV semble un peu élevé au regard de l’estimation du taux de SNe dans l’amas Central même s’il est envisageable compte tenu des erreurs sur ces taux. L’émission de H.E.S.S. est très corrélée à la distribution de matière, il semble donc impossible d’exclure totalement une contri-bution hadronique notamment au vu du nombre de SNe qui ont du se produire dans leur modèle si nous considérons le nombre d’étoiles à neutrons qu’ils estiment. Ces SNe injectent des protons à haute énergie qui par rapport aux électrons ne souffrent pas du problème de perte d’énergie rapide une fois émis au GC. Enfin ils considèrent un processus d’accélération similaire à celui de pulsars bien connus. Or une des raisons possibles de l’absence de détection de pulsars au GC serait qu’ils présenteraient des propriétés différentes. Les étoiles très massives formeraient plutôt des magnétars. Les processus dans ces sources sont très mal connus et peuvent être très différents des pulsars qui ont été considérés dans leur étude.

Les modèles leptoniques provenant de sources non résolues pourrait contribuer à l’émission de manière significative et permette également de reproduire l’émission au TeV qui n’est pas corrélée avec la distribution de matière. Cependant dans le chapitre suivant, nous présentons le modèle ha-dronique que nous avons développé prenant en compte une distribution 3D réaliste de la matière et des SNe dans le CMZ. La distribution que nous avons construit pour la matière tenant compte d’une phase plus diffuse permet également de reproduire cette émission à de plus hautes longitudes. Au vu de la complexité de la morphologie et du spectre de l’excès au GeV très fortement

dépen-3.3. MODÉLISATION DE L’ÉMISION DIFFUSE DE HAUTE ÉNERGIE

dant des modèles interstellaires utilisés pour l’émission γ diffuse sous-jacente, nous modéliserons uniquement l’émission diffuse au TeV détectée par H.E.S.S. Comme pour les scénarios hadroniques décrits dans la section 3.3.1, les rayonsγ sont produits par l’interaction des protons des CRs injectés par les différents accélérateurs ponctuels et la matière à travers le CMZ. Nous montrerons que la contribution de ces accélérateurs ponctuels ne peut pas être négligé dans les 100 pc centraux de la Galaxie en considérant une coefficient de diffusion typique de celui du milieu interstellaire pour lequel la diffusion est dominante.

Chapitre 4

Le taux élevé de SNs : origine de

l’émission γ diffuse de très haute énergie

dans les 200 pc centraux de notre

Galaxie ?

Sommaire

4.1 Modèle à une zone : Diffusion vs Advection . . . . 90 4.1.1 Advection : un échappement indépendant de l’énergie . . . 91 4.1.2 Diffusion : un échappement dépendant de l’énergie . . . 92 4.1.3 Distribution d’énergie spectrale pour le cas diffusif ou advectif. . . 93 4.2 Un modèle 3D pour estimer l’impact de la distribution spatiale des

SNRs . . . . 96 4.2.1 La distribution des accélérateurs ponctuels de CRs . . . 96 4.2.2 La propagation des CRs . . . 97 4.2.3 La distribution de matière 3D . . . 98 4.2.4 Les paramètres d’entrée du modèle 3D . . . 99 4.3 Résultat et comparaison aux données de H.E.S.S. . . . 99 4.3.1 Le spectre de l’émission γ . . . 100 4.3.2 Morphologie de l’émission γ . . . 100 4.3.3 Un échappement dépendant du temps . . . 104 4.3.4 Un coefficient de diffusion anisotrope . . . 108 4.4 Conclusion . . . 110

L’émission γ diffuse de très haute énergie détectée dans les 100 pc centraux de la Galaxie par la collaboration H.E.S.S. (Aharonian et al., 2006a) est très corrélée à la distribution de matière dans le CMZ. Récemment, Abramowski et al. (2017) ont déduit de cette émission une densité de rayons cosmiques (CRs) piquée vers le centre qui pourrait être produite par une source stationnaire située au GC dans le cadre d’un modèle diffusif pour la propagation des CRs (Abramowski et al., 2016). Cependant le taux de Supernova (SN) dans cette région de la Galaxie est relativement élevé (section 1.1.3). Les restes de SN sont des sites efficaces d’accélération de particules et les sources privilégiées des CRs Galactiques (section 2.3). Leur abondance dans le GC suggère qu’elles doivent jouer un rôle de premier plan. L’énergie cinétique libérée au moment d’une explosion de SN est de 1051erg. Comme évoqué dans le chapitre 1, en supposant un taux de SNe de 4× 10−4ans−1,

au milieu de l’intervalle estimé par (Crocker et al., 2011), la puissance libérée par ces sources dans le GC est autour de 1040erg s−1. La luminosité γ observée par H.E.S.S. est quelques ordres de grandeur en-dessous de cette puissance injectée disponible (Crocker et al., 2011). La contribution de ces sources à l’émission γ totale au GC n’est donc pas négligeable. Il est important de prendre en compte l’injection et la propagation des CRs par ces accélérateurs ponctuels dans les modèles d’émission γ de la région.

Un des travaux menés au cours de cette thèse fut d’étudier l’impact de la distribution spatiale et temporelle de ces SNe dans le CMZ sur le spectre et la morphologie de l’émission de très haute énergie détectée par H.E.S.S. Dans une première étude utilisant un simple modèle stationnaire à une zone (section 4.1) pour rendre compte de la présence des SNe, nous montrons qu’en considérant une valeur du coefficient de diffusion typique du milieu interstellaire, les rayons cosmiques s’échappent par diffusion et non par advection de la région du centre Galactique. De plus comme le temps moyen entre deux explosions de SNe est supérieur au temps d’échappement par diffusion, l’hypothèse stationnaire n’est pas valide. Pour prendre en compte ces effets non stationnaires et une distribution 3D réaliste des SNe dans le GC, j’ai donc développé un modèle 3D d’injection et de diffusion des CRs de très haute énergie en prenant en compte une distribution 3D cohérente de la matière, décrite dans la section 4.2. En utilisant une distribution spatiale réaliste de SNe, concentrées dans des amas d’étoiles massives dans la partie centrale du GC (section 1.1.3), nous obtenons également un profil d’émissionγ piqué vers le centre. Ce travail a permis de montrer qu’en prenant des valeurs typiques de paramètres physiques tel que la propagation des CRs au GC, la quantité de matière et le taux de SNe, la contribution des SNe à l’émissionγ de haute énergie ne peut pas être négligée, en particulier aux hautes longitudes. Cependant, une composante centrale supplémentaire semble nécessaire pour reproduire l’excès dans la dizaine de parsec centraux. Ces résultats ont été publiés dans Jouvin et al. (2017a).

4.1 Modèle à une zone : Diffusion vs Advection

De nombreux travaux (Yoast-Hull et al., 2014; Crocker et al., 2011; Macias et al., 2015) mo-délisent la population de CRs créée par l’injection constante des SNe au Centre Galactique par un modèle stationnaire à une zone (section 3.3.1). Dans ces études, la présence d’un vent rapide perpendiculaire au plan Galactique, de vitesse comprise entre 400 et 1000km s−1, est invoquée pour permettre aux rayons cosmiques de s’échapper par advection. Cependant, comme déjà discuté dans le chapitre précédent, en considérant un coefficient de diffusion typique du milieu interstellaire, nous montrons plus loin que la diffusion est bien plus compétitive que l’advection pour permettre aux CRs de s’échapper. L’échappement par diffusion rend compatible la luminositéγ vue par H.E.S.S. et le taux élevé de SNe dans le GC. Les effets non stationnaires ne pourront plus être négligés dans ce scénario.

Dans cette partie, nous considérons un modèle stationnaire à une zone d’injection de CRs dans une boîte de hauteur 50 pc qui est la taille typique d’échappement vertical des particules du Centre Galactique1 (figure 4.1).

1. Cette valeur est considérée par Yoast-Hull et al. (2014); Crocker et al. (2011). C’est une échelle moyenne des structures au GC, que ce soit la matière dans le CMZ dont l’étalement verticale est plus autour de 30 pc ou le champ magnétique dont les structures cohérentes peuvent être visibles jusqu’à 100 pc environ.

4.1. MODÈLE À UNE ZONE : DIFFUSION VS ADVECTION

Figure 4.1 – Modèle une zone d’échappement des CRs par advection ou diffusion.