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6.4 Gammapy : Un outil pour l’analyse de haut niveau

6.4.1 Estimation du fond

Régions d’exclusion Pour déterminer le bruit de fond résiduel dans les observations, il est né-cessaire de définir des régions sans sources nommées régions OFF. Nous définissons des régions d’exclusion comme contenant des sourcesγ et interdisant la création de régions OFF dans le cas où l’une d’elle aurait une intersection non nulle avec des régions d’exclusion. C’est un processus itératif présupposant la connaissance des sources. Pour chaque observation, nous cherchons à déterminer un grand nombre de régions OFF, les plus grandes possibles afin d’être moins tributaire des fluctuations locales du fond.

En raison de la forte variation du fond résiduel aux conditions d’observation, il est difficile d’es-timer si les acceptances radiales dans les outils standards de H.E.S.S. (section 6.1.4) sont vraiment représentatives du fond dans chaque observation. Les sources auxquelles nous avions accès jusqu’à présent étaient moins diffuses et étendues. La construction d’un modèle de fond n’était pas néces-saire. Il était possible de trouver des régions sans émission γ dans les observations. Les méthodes actuelles estiment donc le bruit de fond résiduel directement dans les données. Pour minimiser les effets systématiques dû à la variation des conditions de prise de données, il est évalué pour chaque observation dans des régions OFF dans le même champ de vue que la région ON. Dans le cas d’émissions diffuses pour lesquelles la taille angulaire de la région ON très étendue ne permet pas de trouver de régions OFF dans le même champ de vue, le fond est estimé à partir d’autres observa-tions obtenues dans des condiobserva-tions d’observation similaires. C’est pourquoi, pour l’étude de source précise, les observations sont prises en mode décalé (section 5.3.6).

Les deux techniques principales d’extraction du fond implémentées dans les outils standards et également dans Gammapy sont présentées ci-après (pour une discussion générale voir Berge et al. (2007)) :

• la méthode en anneau, utilisée pour produire les cartes du ciel,

• la méthode des fonds réfléchis ou fonds multiples, utilisée pour extraire les spectres en énergie. La nouvelle méthode d’analyse de haut niveau que nous avons développée permettant de réaliser une étude spectrale et morphologique simultanément (chapitre 8) requiert la connaissance d’un mo-dèle de fond. De plus, les émissions de plus en plus étendues que nous détectons, comme l’émission diffuse au GC, rendent de plus en plus compliquée la détermination de régions OFF. Nous utili-sons la méthode du "Field of View Background" (Berge et al., 2007), que nous avons implémenté dans Gammapy, pour construire ce modèle. Elle nécessite également la connaissance des régions d’exclusion afin de normaliser correctement le modèle.

Méthode en anneaux Cette méthode, illustrée sur la figure 6.11.a, permet d’évaluer le fond dans un anneau centré sur la région ON lors de la production de carte du ciel. Le fond dans chacun des pixels de la carte est estimé dans un anneau centré sur celui-ci. Il est donc nécessaire de prendre en compte la différence d’acceptance radiale entre la région centrale et l’anneau. Le facteur de normalisation entre les régions ON et OFF est donc :

α = SON SOF F = R ONA(ψ)dS R OF FA(ψ)dS (6.4)

oùA(ψ) est la valeur de l’acceptance radiale de la caméra à une distance angulaire ψ du centre du champ de vue,SON etSOF F les surfaces angulaires des régions ON et OFF corrigées de l’acceptance. Si une région d’exclusion se superpose à une partie de l’anneau alors cette partie n’est pas prise en compte dans l’estimation du niveau de fond et le facteur de normalisation précédent en est corrigé en conséquence. En fonction de la taille des sources étudiées, le rayon de l’anneau varie. Il peut aller de 0.7 pour les sources ponctuelles à1.2 pour les sources étendues.

Cette méthode est uniquement utilisée lors de la production de cartes du ciel car la variation de l’acceptance radiale en fonction du décalage angulaire de la région ON par rapport au centre de la caméra possède une dépendance en énergie qui n’est pas suffisamment maitrisée. Elle n’est donc pas adaptée pour l’extraction spectrale. Il faut avoir recours à une autre technique : la méthode des fonds multiples.

Méthode des fonds multiples Cette méthode, illustrée sur le figure 6.11.b, consiste à définir de multiples régions ayant chacune une taille angulaire équivalente à la région d’intégration et ayant le même décalage angulaire à la caméra. En effet, la variation de l’acceptance radiale avec le décalage angulaire au centre de la caméra pour un échantillonnage fin en énergie est mal connue. L’acceptance radiale est par définition à symétrie cylindrique. Cette technique pour laquelle les régions OFF et ON sont situées à un même décalage angulaire permet de s’affranchir des corrections des effets d’acceptances radiales entre les régions.

Le facteur de normalisationα (equation 6.4) entre les régions ON et OFF est donné simplement par le rapport du nombre de région OFF puisque A(ψ), SON et SOF F sont identiques pour toutes les régions ON et OFF.

α = 1

NRegion OFF

"Field of View Background" Les régions auxquelles nous avons accès sont de plus en plus complexes et diffuses. La détermination de régions OFF où est extrait le fond dans le champ de vue de chaque observation avec les méthodes précédentes est donc de plus en plus difficile, voir impossible, pour certaines observations. Ce problème sera encore plus accentué pour les émissions auxquelles nous aurons accès avec l’observatoire CTA.

Lors de la création de carte du ciel sur une certaine bande en énergie avec Gammapy, nous déterminons le fond associé à chaque observation pour un certain lot de données. Pour chaque run, nous utilisons une méthode fondée sur la connaissance des courbes d’acceptance radiales permettant de modéliser le fond dans le champ de vue de l’observation. Comme présenté précédemment, ces tables d’acceptance sont construites à partir d’observations extragalactiques d’AGN pour différentes conditions d’observation. Ce modèle de fond est donc également rendu possible par le nombre d’observations extragalactiques dont nous disposons actuellement avec les observations de H.E.S.S. permettant d’avoir assez de statistique pour construire précisément ces courbes.

6.4. GAMMAPY : UN OUTIL POUR L’ANALYSE DE HAUT NIVEAU

Figure 6.11 – (a) Graphique illustrant l’évaluation du fond par la méthode de l’anneau pour un rayon de 1.0˚: la zone bleue représente la région d’intégration et la régions utile pour l’évaluation du fond est montrée en jaune. L’étoile représente le centre du champs de vue. (b) Graphique illustrant l’évaluation du fond par la méthode des fonds réfléchis pour un décalage angulaire de 0.5˚. La zone bleue est la région d’intégration, tandis que les régions en jaune sont les régions utiles pour calculer le fond. L’étoile représente le centre du champ de vue. Les cercles noirs pointillés représentent les régions d’exclusion, qui servent à empêcher une éventuelle contamination de la région d’intérêt dans les régions du fond. Crédits : Marandon (2010).

En suivant l’approche du "Field of View Background" (Berge et al., 2007) pour obtenir le nombre de coups prédit par les tables d’acceptance dans tout le champ de vue d’une observation, nous supposons une symétrie cylindrique par rapport au centre du champ de vue de chaque run. Une carte 2D du fond est obtenue par une rotation de la courbe d’acceptance associée à l’observation par rapport à la direction de pointé du run. La normalisation de ce modèle de fond n’est pas indépendante des observations. Au regard des fluctuations qui lui sont associées, nous ne pouvons pas remonter au nombre de coups prédit par ce modèle en multipliant uniquement par le temps d’observation de chaque run. Pour un lot de données, la normalisation du modèle s’effectue en imposant que la somme des coups dans les données en dehors des régions d’exclusion soit égale au nombre d’évènements prédit par la carte de fond en dehors de ces régions d’exclusion. Pour un nombreN de runs regroupés ensemble pour former l’image des données ON, les N cartes de modèle de fond individuelles sont sommées.

Sur la figure 6.12, est représentée, pour une bande en énergie entre 1 et 10 TeV, les cartes en coups et le modèle de fond pour quatre runs de la Nébuleuse du Crabe. Le centre de la carte étant généralement différent du centre de pointé de chaque run, le modèle de fond final n’est pas centré sur le centre de la carte.

Figure 6.12 – Carte en coups observés (a) et modèle de fond associé (b), centrée sur la position de la Nébuleuse du Crabe, entre 1 et 10 TeV pour quatre runs de la Nébuleuse du Crabe. Leur décalage angulaire par rapport aux directions de pointés varie de 0.5 à 1.5.

6.4.2 Estimation de l’excès et de sa significativité

Lors de l’étude d’une région où se situe la source qui nous intéresse, nous voulons estimer si la région présente un excès de photonsγ par rapport au fond résiduel. Après avoir estimé le fond dans la région ON, nous pouvons évaluer le signal sous forme d’un excès et de sa significativité. En l’absence de modèle de fond, le nombre d’excès pour une observation donnée se définit comme :

Ns= NON− αNOFF

où NON et NOFF représentent le nombre d’évènements dans les régions ON et OFF respectivement etα est le coefficient de normalisation entre les régions ON et OFF (section 6.4.1).

Avec un modèle de fond, l’excès se définit par :

Ns= NON− Nfond

avec Nf ond le nombre d’évènements de fond prédit dans la région ON par notre modèle de fond décrit dans la section précédente.

La significativité de l’excès est la probabilité que ce dernier soit lié à une fluctuation du fond et fournit un critère de décision sur sa nature. Elle est déterminée par l’utilisation d’un estimateur λ comparant deux hypothèses : le signal est une fluctuation du fond ou la région ON contient un signal (Li & Ma, 1983). Dans le cas où le nombre d’événements NOF F et NON est suffisamment grand, −2 ln(λ) se comporte asymptotiquement comme un χ2 à un degré de liberté. Exprimée en "nombre de sigma", elle est d’autant plus élevée que la probabilité est faible :

S =p−2 ln(λ) V S =√ 2  NONln 1 + α α  NON NON + NOF F  + NOF Fln  (1 + α)  NOF F NON + NOF F 1/2 6.4.3 Extraction spectrale 1D

En astronomie Tcherenkov, l’extraction spectrale est fondée sur la méthode dite du "forward folding" décrite dans la thèse de Piron (2000). Elle consiste à supposer a priori une certaine forme spectrale pour la source. Les paramètres spectraux sont déterminés en comparant le nombre d’évé-nements prédit par cette loi, qui est convoluée avec les fonctions de réponse de l’instrument, avec

6.4. GAMMAPY : UN OUTIL POUR L’ANALYSE DE HAUT NIVEAU

les observations dans chaque bin en énergie. Le nombre d’évènements associés au signal et au fond dans les régions ON et OFF suivent des lois de Poisson. Nous avons recours à une méthode de maximisation de la fonction de vraisemblance établie pour chaque observation afin d’effectuer cette comparaison. Lors de l’analyse spectrale, aucun modèle de fond n’est utilisé à l’heure actuelle et nous avons recours à la méthode des fonds réfléchis pour estimer le taux de fond résiduel qui sera donc considéré comme un paramètre de nuisance. Afin de s’affranchir de ce paramètre nous avons re-court à une méthode de maximum de vraisemblance un peu modifiée appelée vraisemblance profilée (Neyman & Scott, 1948). Le chapitre suivant est consacré aux détails du principe de cette extraction spectrale et en particulier aux biais associés à cette technique utilisée avec une statistique ON-OFF induisant une mesure du fond pour chaque observation. Nous expliciterons la méthode que nous avons développée pour pallier à ces biais, fondée sur le regroupement des observations qui a no-tamment permis la détermination du spectre de source diffuse comme celle du GC que nous avons récemment publié (Abramowski et al., 2017).

L’extraction spectrale classique 1D disponible dans Gammapy repose essentiellement sur le pa-quet Python Sherpa (CIAO v4.5 Refsdal et al., 2009), utilisé depuis quelques années par les commu-nautés astrophysiques des X et des γ de plus basse énergie pour l’ajustement spectral. Elle utilise également une vraisemblance profilée. Ce paquet python nécessite un stockage des évènements et des IRFs utilisés au moment de l’ajustement spectral (après les interpolations en décalage angulaire et énergie vraie) dans le format de données OGIP8. Ce format est également utilisé par d’autres

outils d’ajustement spectral, comme Xspec en rayons X. Nous avons testé l’implémentation de cette méthode en la comparant aux procédures d’extraction spectrale standards de H.E.S.S. Ayant beau-coup travaillé sur les problèmes de biais induits par cette méthode pour les sources faibles, j’ai aussi contribué dans Gammapy à l’implémentation du regroupement des observations au moment de l’analyse.

De plus, la définition d’une énergie seuil nécessaire lors de l’ajustement spectral pour chaque run n’est pas unifiée entre les différentes chaînes d’analyses de H.E.S.S. Cette énergie seuil varie en fonction de la position dans le centre du champ de vue de la caméra. Aucune méthode n’étant disponible actuellement pour la définir en fonction du décalage angulaire dans le champ de vue au niveau DL3, nous avons implémenté une méthode dans Gammapy, permettant de définir cette énergie seuil au moment de l’extraction spectrale. Elle est donc définie comme l’énergie à laquelle la surface efficace à la position de la source dans le champ de vue, devient inférieure à un certain pourcentage (par exemple 10%) de la surface efficace maximale. D’autres techniques imposant, par exemple, également une condition sur la valeur du biais de la résolution en énergie pourront être implémentées.