• Aucun résultat trouvé

2.2 Le rayonnement de particules chargées

Au moment de leur détection sur Terre, l’information sur la direction d’origine des CRs est perdue. Seul les plus énergétiques d’entre eux à ultra haute énergie, provenant probablement de sources extragalactiques, conservent leur direction d’origine. Pour étudier les CRs Galactiques, il est donc nécessaire de passer par d’autres voies que celles de l’étude directe. Cette détection indirecte se fait via des messagers neutres : photonsγ ou neutrinos. Les neutrinos pourraient donc être des messagers idéaux car ils ne sont produits que par ces processus hadroniques mais ils sont très difficiles à détecter car ils interagissent très peu avec la matière. C’est pourquoi les photonsγ, plus faciles à détecter que les neutrinos ont jusqu’ici été les messagers indirects privilégiés pour l’étude des sources du rayonnement cosmique.

Il existe différents processus non thermiques conduisant à la production de photons γ par les particules accélérées lorsqu’elles interagissent avec les composantes du milieu interstellaire. Nous décrivons dans cette partie les principaux mécanismes dont une revue détaillée est donnée dans Hinton & Hofmann (2009). Nous classerons ces mécanismes en fonction de la nature des rayons cosmiques : leptonique (électrons et positrons) ou hadronique (protons et noyaux plus lourds).

2.2.1 Processus leptoniques

Ces processus mettent en jeu les électrons ou positrons et leur interaction avec les champs magnétiques présents dans les objets astrophysiques ainsi qu’avec les rayonnements diffus comme le fond diffus cosmologique (CMB). En interagissant de la sorte, les électrons vont subir des pertes radiatives et émettront des photons dans différentes gammes d’énergie, et notamment enγ.

Rayonnement Synchroton Ce rayonnement concerne les particules chargées accélérées (no-tamment les électrons) en interaction avec un champ magnétique. Dans un champ magnétique ~B constant, une particule chargée de charge q, de masse m et de facteur de Lorentz γ soumise à la force de Lorentz suit un mouvement hélicoïdal autour des lignes de champs avec une pulsation de girationωg = q B/m γ. Ces particules perdent alors de l’énergie par émission de photons à la même pulsation dans le cas non relativiste. Dans le cas relativiste, si la vitesse perpendiculaire au champ magnétique est proche de la vitesse de la lumière, l’émission n’aura lieu que sur une faible fraction de son orbite. Dans ce cas les photons sont émis à une pulsation proportionnelle àγ3× ωg.

Dans la suite nous considérons que la particule chargée est un électron car de part leur faible masse ce sont de meilleurs émetteurs. Pour un électron plongé dans un champ magnétique −→B , dont l’angle entre sa vitessev et la direction du champ magnétique vaut α, la perte d’énergie par rayonnement synchrotron est donnée par :

dEdt = 2σTcUBsin2(α)β2γ2 (2.1)

avecβ = vc,UB = B2/8π la densité d’énergie magnétique du milieu et σT = 8πe4/3m2c4 la section efficace de Thomson.

En raison des irrégularités du champ magnétique, l’électron sur son parcours changera de direc-tion de manière aléatoire. Pour avoir une estimadirec-tion de la puissance moyenne rayonnée, il nous faut prendre en compte la valeur moyenne de la puissance précédente sur une distribution de l’angle α isotrope (Longair, 2011). La perte d’énergie totale par rayonnement synchrotron s’écrit donc :

Psyn = 4

3σTcUBβ

L’énergie correspondant à l’émission maximale par processus synchrotron est donnée par Emax = 5× 10−12(1 µGB2 keV. Nous en déduisons que pour produire un photon de 1 MeV dans un champ magnétique de 5 µG, il faut un électron de ∼ 100 TeV. Les électrons de haute énergie peuvent expliquer l’émission observée en radio, optique et rayons X de certains objets comme les SNRs. Pour un spectre d’électrons suivant une loi de puissance en E−Γ, nous pouvons montrer que le spectre de photons produit par rayonnement synchrotron suit une loi de puissance d’indiceα = Γ+12 .

Ce mécanisme n’est pas un processus dominant pour le rayonnement γ de très haute énergie car pour produire un photon γ autour du TeV, l’électron doit avoir une énergie de l’ordre du EeV ce qui semble peu probable au regard du temps caractéristique de perte d’énergie par rayonnement synchrotron à ces énergies autour de 2 jours (Gaisser et al., 1998) :

tsync≈ 1.3 × 107( Ee 1 T eV)

−1( B 1µG)

−2ans

Rayonnement Compton Inverse Le processus de diffusion Compton inverse (IC) a lieu lors-qu’un photon de basse énergie du rayonnement ambiant diffuse sur un électron de très haute énergie. Le photon diffusé peut acquérir une fraction importante de l’énergie de l’électron. C’est donc l’un des processus leptoniques dominants responsable de la production deγ dans les sources astrophysiques. Les photons cibles pour cette interaction sont ceux du fond diffus cosmologique (CMB pour Cosmic Microwave Background) d’une énergie d’environ 6.6× 10−4 eV ainsi que les photons infrarouges et

optiques de l’émission Galactique et extra-galactique. On distingue deux types de régime dans ce processus :

• Le régime de Thomson lorsque l’énergie du photon dans le référentiel du centre de masse est faible devant l’énergie de masse de l’électron :Eph 2mec2. L’énergie du photon diffusé dépend à la fois de l’énergie du photon incident et de l’énergie de l’électron, elle est de l’ordre de γ2Eph avec γ le facteur de Lorentz de l’électron. Dans ce régime la perte d’énergie d’un électron par émission Compton inverse dans un champ de photons isotrope est donnée par :

PIC = 4

3σTcUphβ

2γ2

oùσT est la section efficace de Thomson etUph la densité d’énergie des photons cibles. • Le régime de Klein-Nishina où l’énergie du photon devient grande devant l’énergie de masse

de l’électron Eph  2mec2. Dans ce régime, la section efficace d’interaction est la section efficace de Klein-Nishina. Celle-ci décroit lorsque l’énergie du photon incident dans le réfé-rentiel de l’électron augmente (figure 2.6.a). Dans ce régime, l’énergie du photon incident est de l’ordre deγmec2.

Pour un électron d’énergie Ee et un champ de proton de densité d’énergie Uph, le temps carac-téristique de diffusion Compton inverse vaut :

tIC ≈ 3 × 108  Uph 1 eV cm−3 −1 Ee 1 TeV −1 ans

A très haute énergie, l’émission Compton inverse est beaucoup moins efficace. L’énergie maximale des photons diffusés est limitée. Le spectre d’émission présente une coupure à haute énergie. Dans le régime de Thomson, la perte d’énergie par émission Compton inverse est similaire à celle de la perte d’énergie par rayonnement synchrotron. De la même manière, dans ce régime, pour une population d’électrons en loi de puissance d’indice spectralΓ, le spectre du rayonnement Compton inverse sera une loi de puissance d’indice spectral Γ+12 .

2.2. LE RAYONNEMENT DE PARTICULES CHARGÉES

(a) (b)

Figure 2.6 – (a) Section efficace d’interaction par processus Compton inverse intégré sur tous les angles d’incidence en fonction de l’énergie du photon incident dans le référentiel de l’électron. (b) Émission Compton inverse d’une population d’électrons suivant une loi de puissance d’indice 2 diffusant sur les photons du CMB. Images extraites de Laffon (2012).

Rayonnement de freinage Le rayonnement de freinage ou Bremsstrahlung se manifeste lors-qu’une particule chargée interagit avec le champ coulombien d’un noyau ou d’un ion. En pratique, ce processus peut avoir lieu dans les nuages moléculaires où les électrons vont interagir avec la matière du nuage. L’émission est proportionnelle à l’énergie de l’électron ainsi qu’à la charge Z du noyau. Si la matière est constituée d’ions, leurs cortèges électroniques vont écranter la charge des noyaux et le processus sera moins efficace. Le Bremsstrahlung dépend donc du dégré d’ionisation de la matière traversée.

Le MIS est partiellement ionisé. L’écrantage y est donc moins important que dans un milieu complètement ionisé. La perte d’énergie par rayonnement de freinage pour N espèces d’ions de densiténi et de charge Zi est donnée par (Rybicki & Lightman, 1979) :

PBrem = e 6 16π303m2c4~ N X i niZi(Zi+ 1)E[ln(2γ)− 13]

Le temps caractéristique de perte d’énergie par Bremsstrahlung est :

tBrem ≈ 3.3 × 107( n

1 cm−3)−1ans

Le spectre d’émission est continu et nous retrouvons ce phénomène partout dans la Galaxie lorsqu’il y a une densité de cibles suffisamment importante. La perte d’énergie étant directement dépendante de l’énergie de l’électron, le spectre du rayonnement de freinage est également une loi de puissance d’indice spectralΓ pour une population d’électrons suivant une loi de puissance en E−Γ.

Ces trois processus d’émission leptoniques sont efficaces dans différents domaines d’énergie. En-dessous de 10 GeV le principal mode de pertes énergétiques pour les électrons est le rayonnement de freinage. Au-delà, ce sont les effets Compton Inverse et Synchrotron qui deviennent dominants pour les pertes radiatives des électrons, notamment au TeV.

2.2.2 Processus hadronique

Les processus leptoniques concernant les interactions avec un champ magnétique ou la matière peuvent également avoir lieu avec des hadrons mais ces derniers étant beaucoup plus massifs, les émissions associées seront faibles.

La production de photons γ se fait lorsque des protons issus du rayonnement cosmique inter-agissent avec les protons du milieu interstellaire pour donner des pions, mésons et kaons. Les rayons cosmiques interagissent avec les protons des nuages moléculaires via une collision de 2 protons créant des pionsπ de désintégrant presque instantanément en photon γ. Kelner et al. (2006) ont déterminé une forme analytique simple pour la section efficace d’interaction pp à partir d’un fit de données numériques pour des énergies supérieures à quelques GeV :

σpp≈ 34.3 + 1.88 ln(Ep/1 T eV ) + 0.25 ln2(Ep/1 1T eV ) mb

Le seuil de cette réaction pp est de 280 MeV environ. Autour de 2 GeV, la section efficace de production de γ par interaction proton-proton est d’environ 30 mb et augmente donc ensuite de manière logarithmique avec l’énergie. L’énergie moyenne emportée par les pions neutres est en moyenne autour de 17% de l’énergie du proton incident. Les photons emportent quasiment la moitié de l’énergie du pion neutre dont l’énergie de masse est de 135 MeV. Pour un proton d’énergie Ep, les photons ont une énergie moyenne hEγi ≈ 0.085 Ep.

Le spectre des photonsγ issus de la désintégration du π produit lors de l’interaction pp peut être mis sous une forme analytique (Kelner et al., 2006) pour des énergies supérieures à 100 GeV (en-dessous certaines résonances lors des désintégrations interviennent qui ne sont pas prises en compte dans ce travail). Elle dépend de l’énergie du proton incidentEp ainsi que du rapportx = Eγ

Ep oùEγ est l’énergie du photonγ résultant de l’interaction. Le spectre des photons γ issus de l’interaction pp est représenté sur la figure 2.7 pour un proton d’une énergie de 50 TeV interagissant avec un nuage de matière. Le pic de photon γ se situe à une énergie 10 fois inférieure à celle du proton incident et une grande partie de l’énergie desγ est située dans la partie du spectre avec des énergies supérieures à10−3 Ep.

Le fluxγ total produit par l’interaction pp est calculé en intégrant la section efficace d’interaction et la forme analytiqueFγ(x, Ep) précédente de cette interaction avec le spectre différentiel de CRs,

dN dEp

, sur toutes les énergies des CRs simulés. En considérant une densité moyenne d’hydrogènenH dans un volume V, le spectre d’émissionγ est donné par :

dNγ dEγ (r, t) continue = c× (nH × V × mp) Z Emax Emin σpp dN dEp (r, t, Ep) Fγ(x, Ep)dEp Ep TeV−1s−1 (2.2)

avec mp la masse du proton.

Le temps caractéristique de conversion d’énergie des protons en γ dans un milieu de densité n est (Aharonian, 2004) :

tpp≈ 5 × 10151 cmn−3−1sec

Le rayonnement cosmique étant composé à 99% de hadrons, les processus hadroniques sont les processus clés pour sonder l’accélération des rayons cosmiques en particulier pour étudier l’émission diffuse au TeV dans le GC comme nous le verrons au chapitre 4.