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5.4 De l’image dans la caméra au gamma

5.4.2 Reconstruction des évènements

Grâce à l’étalonnage du détecteur par cette phase de calibration, il est possible de remonter au nombre de photons Tcherenkov détectés dans chaque pixel des caméras. Ensuite, il existe plusieurs méthodes de reconstruction des évènements permettant :

• de reconstruire les paramètres intrinsèques des cascades atmosphériques : direction, point d’impact au sol, énergie (niveau DL2),

• d’établir des variables permettant de discriminer efficacement les gerbes produites par des hadrons et celles produites par des photons γ (niveau DL3).

Le taux de déclenchement de l’instrument est de l’ordre de 200 Hz pour le réseau H.E.S.S. I tandis que le nombre d’évènements γ détectés en direction des sources les plus brillantes est de l’ordre de quelques évènements par minute. La discriminationγ/fond est donc un enjeu considérable puisque la majeure partie des évènements qui déclenchent les acquisitions correspond à du bruit de fond. Dans la suite, le fond désignera les rayons cosmiques mais aussi les électrons.

La stéréoscopie et la pixelisation fine permettent d’améliorer significativement la reconstruction en tirant partie des différentes images d’une même gerbe. Les méthodes présentées dans la suite ont toutes des avantages et inconvénients en terme de temps de calcul et de sensibilité. Ces techniques sont sensibles à différentes propriétés de la gerbe et sont donc complémentaires. Elles sont utilisées pour faire des analyses croisées ou combinées.

5.4.2.1 Nettoyage des images

En imagerie Tcherenkov, le bruit de fond principal est le NSB constitué de la lumière des étoiles et de la Galaxie, de la scintillation de la haute atmosphère ainsi que de photons parasites causés par des sources de lumière lointaines comme celle des éclairs par exemple. Les photons du NSB sont détectés de manière aléatoire suivant une statistique Poissonnienne. L’électronique rapide des caméras permet de s’affranchir d’une partie de ce bruit de fond (section 5.3.4).

En outre, afin de s’affranchir de toutes fluctuations causées par le NSB et de ne garder que les pixels éclairés par le cône de lumière Tcherenkov (quelques pixels à basse énergie et quelques dizaines à haute énergie), tout en limitant le stockage de l’information et en optimisant le temps de calcul, un nettoyage des images à deux seuils est appliqué avant l’utilisation de certaines méthodes de reconstruction comme Hillas (section 5.4.2.2) ou Model3D (section 5.4.2.3). Un premier seuil S1: si l’intensité du pixel est inférieure à ce niveau, alors le pixel est rejeté. Si elle est supérieure à un niveauS2, alors il est conservé. Entre les deux, il n’est gardé que si un des plus proches voisins possède une valeur supérieure àS1. Les valeurs usuelles utilisées pour le nettoyage dépendent de la reconstruction utilisée et sont généralementS1=5 p.e. etS2=10 p.e. ouS1=5 p.e. etS2=7 p.e.

Après cette étape de nettoyage, nous pouvons reconstruire les paramètres physiques de la gerbe et discriminer les évènementsγ des évènements hadrons grâce, à des simulations Monte Carlo (MC) de photon γ explicitées dans la section 6.1, pour la reconstruction de certains paramètres. Les différentes méthodes de reconstruction et de discrimination sont décrites dans les parties suivantes.

5.4.2.2 Méthode géométrique des moments réduits (Hillas)

La méthode des moments réduits est une des méthodes historiques d’analyse des images de gerbes. L’image de la gerbe issue d’unγ dans la caméra est de forme elliptique. En l’approximant par une gaussienne bi-dimensionnelle, elle peut être caractérisée par des paramètres simplifiés, ap-pelés paramètres de Hillas (Hillas, 1985), permettant notamment de remonter à la direction et au paramètre d’impact de la gerbe. Les principaux paramètres de la gerbe sont (figure 5.11) :

— le barycentre de l’image, déterminé en attribuant un poids proportionnel au nombre de photo-électrons dans chaque pixel allumé

— la demi-longueurσL — la demi-largueur σl

— l’angle de pointéδ entre la direction de l’image et la droite reliant la position de la source et le barycentre de la gerbe

— la distance angulaire D entre le barycentre et l’image de la source

— la séparation angulaire θ2 entre la position de la source reconstruite et la position réelle.

Figure 5.11 – Définition des paramètres de Hillas

Pour reconstruire la direction d’arrivée de la gerbe, il faut projeter les images dans le système nominal. C’est un système à deux dimensions qui réunit le repère des caméras. Il est perpendiculaire à la direction de pointé du télescope et son origine est l’intersection de la direction de pointé avec la voute céleste. La stéréoscopie permet de reconstruire géométriquement la direction d’arrivée du γ en utilisant les images des gerbes dans les différentes caméras (figure 5.12.a). Dans chaque caméra, l’axe principal de l’ellipse correspond à un plan contenant la direction de propagation de la gerbe. La direction duγ incident se situe à l’intersection des axes principaux des différentes images de la gerbe.

La reconstruction du paramètre d’impact, P , est obtenue de manière similaire à celle de la direction mais en se plaçant cette fois dans le repère au sol. Ce repère a pour origine le centre du terrain et il est défini perpendiculairement à la direction de la gerbe, assez proche de la direction de visée au regard du petit champ de vue. Le paramètre d’impact est l’intersection entre la direction de la gerbe et le plan de ce repère. Il se situe à l’intersection des directions des axes des images des gerbes (figure 5.12.b).

La hauteur du maximum de gerbe Hmax correspond à l’altitude de la position du maximum d’émission des photons Tcherenkov dans la gerbe. Elle dépend de l’énergie duγ incident, de l’incli-naison de la gerbe et du paramètre d’impact. Cette hauteur du maximum de gerbe sera un paramètre important dans l’estimation de l’énergie. Pour plus de détails sur la détermination de la direction de la gerbe, du paramètre d’impact et de Hmax, nous nous référerons à Hofmann et al. (2000).

5.4. DE L’IMAGE DANS LA CAMÉRA AU GAMMA

(a) (b)

Figure 5.12 – (a) Reconstruction de la direction du γ incident en stéréoscopie. La direction cor-respond à l’intersection de l’axe des images d’une même gerbe vues sur les caméras des différents télescopes. Crédit : K. Bernlohr. (b) Schéma d’une gerbe et de son image au foyer des quatre té-lescopes CT1 à CT4 représentées dans le cercle au sol, à gauche de chaque télescope. Le paramètre d’impact P est l’intersection des directions des grands axes des images des gerbes.

L’énergie de l’évènement est reconstruite en fonction de la charge, du paramètre d’impact et du Hmax. Des tables sont générées à partir de simulations MC de photons γ pour différentes charges, paramètres d’impact et hauteur du maximum de gerbe. Une méthode récente de reconstruction en énergie a été développée par Becherini et al. (2011). Elle est fondée sur la distribution en charge des images mesurées en fonction du paramètre d’impact. Des tables MC donnent le profil de la charge dans les images en fonction du paramètre d’impact. Elles sont générées pour cinq paramètres d’observations : l’angle zénithal, l’efficacité optique des miroirs, la hauteur du maximum de gerbe, l’énergie vraie simulée et le décalage angulaire, c’est-à-dire la distance entre la direction de la gerbe reconstruite et le centre du système nominal. En comparant les profils prédits et mesurés, nous avons une estimation de l’énergie pour chaque télescope. L’énergie finale est la moyenne des énergies déterminées pour chaque télescope pondérée par la charge vue dans chaque télescope.

5.4.2.3 Modèle de la photosphère à trois dimensions : Model 3D

Afin d’exploiter plus précisément les corrélations entre les images des différents télescopes et les symétries des gerbes électromagnétiques, une nouvelle approche a été proposée utilisant la recons-truction de la gerbe par un modèle de la photosphère à trois dimensions (Lemoine-Goumard et al., 2006). Elle repose sur deux hypothèses :

• la photosphère Tcherenkov de la gerbe électromagnétique est modélisée par une gaussienne tridimensionnelle suivant l’axe de développement de la gerbe (une symétrie azimutale est donc supposée dans son développement),

• la distribution angulaire des photons Tcherenkov est supposée indépendante de l’énergie de la particule incidente ainsi que de l’altitude du point d’émission.

Dans ce modèle, différents paramètres caractérisent la gerbe : ses deux largeurs, la position de la hauteur du maximum de gerbe, les coordonnées du paramètre d’impact et deux angles définissant la direction de l’axe de la gerbe dans le référentiel des télescopes ainsi que le nombre total de photons Tcherenkov composant la photosphère. Les paramètres physiques de la gerbe sont obtenus avec un maximum de vraisemblance en comparant les charges mesurées et les charges prédites dans chaque

pixel, après nettoyage des images (section 5.4.2.1), pour tous les télescopes en même temps. Le détail des calculs du nombre de photons arrivant dans chaque pixel est décrit dans Lemoine-Goumard et al. (2006). La distribution Poissonnienne sur le nombre de photo-électrons et la résolution des PMs sont prises en compte dans le calcul de la probabilité de mesurer une charge q dans un pixel donné.

L’énergie des évènements est directement liée au nombre total de photons Tcherenkov ajustés. La densité du nombre de photons Tcherenkov étant très dépendante de la hauteur du maximum de gerbe, ce paramètre sera essentiel pour l’estimation de l’énergie.

5.4.2.4 Comparaison d’images issues de modèles semi-analytiques ou de simulations MC de gerbes : Model et ImPACT

Ces méthodes consistent à déterminer les paramètres des gerbes incidentes en comparant les images réelles à celles formées en utilisant un modèle semi-analytique de gerbes électromagnétiques dans Model ++ (de Naurois & Rolland, 2009) ou à partir de simulations Monte Carlo massives pour ImPACT (Parsons & Hinton, 2014). Les images sont générées pour différents angle zénithaux, para-mètres d’impact, énergies, décalages angulaires et hauteurs de première interaction. En comparant les intensités dans chaque pixel des caméras entre les images attendues et celles observées via une procédure de maximum de vraisemblance, cette méthode permet de remonter à la direction, au pa-ramètre d’impact, à la hauteur de première interaction ainsi qu’à l’énergie de la particule incidente. Model ++ utilise la totalité des pixels des images tandis qu’ImPACT ne considère que les pixels sélectionnés par l’algorithme décrit plus haut. Dans ImPACT, les simulations MC permettent un meilleur traitement des variations des gerbes électromagnétiques en fonction des conditions d’ob-servation et la méthode prend en compte les bruits de fond de la caméra et l’optique imparfaite, alors que la reconstruction avec Model suppose une caméra idéale sans fluctuation.