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La part du témoignage personnel de l’auteur qui entre dans la composition de cet ouvrage est à souligner. AKmad Amîn affirme l’avoir écrit à partir de ses souvenirs d’enfance. Il juge difficile ce travail de remémoration.

« J’ai rencontré de nombreuses difficultés et je n’ai pu m’appuyer bien souvent que

sur mes souvenirs. Le fait d’avoir été élevé dans un quartier populaire (baladî), où les

traditions et les coutumes sont nombreuses, m’a aidé. Dieu m’a accordé une bonne mémoire, qui conserve le souvenir de ce qui s’est passé devant elle, en dépit de l’avancée dans l’âge. Je commençais donc à me remémorer le passé et chaque fois que je me souvenais d’une coutume ou d’un mot, je les notais sans les classer, jusqu’à ce que je fasse l’effort de les mettre en ordre. J’ai compris à ce moment-là le mérite d’al-Khalîl b. AKmad1 quand il commença à composer son dictionnaire Al-`Ayn sans exemple à suivre. Il utilisa pour cela un procédé

précis, en plaçant les mots selon des principes phonétiques et en supprimant les mots obsolètes. Mais moi, je n’ai rien fait de cela, je me suis simplement cantonné à inscrire ce dont je me souvenais. »2

« Dieu seul sait quelles difficultés j’ai rencontrées pour rassembler et classer ce livre,

qui me préoccupa pendant longtemps. J’y pensais parfois en dormant et il me venait l’idée d’une coutume ou d’une expression. Je me réveillais, j’allumais la lumière et j’écrivais dans mon carnet ce dont je venais de me souvenir afin de ne pas l’oublier au matin. »3

L’auteur se place en témoin privilégié du fait qu’il a grandi dans un quartier populaire du Caire, gage selon lui de l’authenticité et du caractère égyptien des coutumes qu’il a pu y observer. Dans son autobiographie, AKmad Amîn décrit le quartier de son enfance comme une seconde école, après celle que forma son foyer. Il lui a offert « une image de la vie égyptienne

authentique (Vamîma) dans ses comportements, ses mœurs, ses croyances, ses superstitions,

ses illusions, ses funérailles, ses fêtes, ses mariages et ses divorces ».4 Il représentait la vie familiale « de l’époque médiévale, avant que ne l’envahisse la civilisation (madaniyya) dans

son esprit et ses aspects matériels »5, ce qui signifie pour AKmad Amîn que personne n’y parlait de langue étrangère, ne portait un costume et un tarbouche, qu’il n’y avait pas dans les maisons tout le confort produit par la « civilisation moderne », que personne n’y lisait de livres « modernes », c’est-à-dire traduits ou écrits dans un style « moderne » et qu’y dominaient les rapports de voisinage et d’entraide. Il insiste sur le fait qu’il a bénéficié de tout ce qu’il a vu dans son quartier et se prévaut ainsi, dans son autobiographie comme dans son

Dictionnaire, d’une connaissance directe de la « vie égyptienne ».

1 Al-Khalîl b. AKmad (mort en 160, 170 ou 175/791), l’un des plus éminents philologues arabes, est reconnu pour être l’auteur du premier dictionnaire arabe, le Kitâb al-`Ayn fî l-lugha. Il est classé d’après certains groupes de sons, selon le principe de la permutation phonétique. Toutes les permutations des lettres composant une racine sont regroupées sous la même rubrique.

2 Introduction, p. i.

3 Ibid., p. iii.

4 AMÎN, AKmad, +ayâtî, op. cit., p. 26.

Le témoignage personnel de l’auteur, l’emploi de la première personne du singulier, les exemples et les récits rapportés d’amis ou de connaissances tiennent une place assez importante dans le Dictionnaire, en rupture avec le genre plutôt impersonnel de ce type d’ouvrage. Il existe ainsi de nombreux rapports entre le Dictionnaire et l’autobiographie de AKmad Amîn, +ayâtî (Ma Vie), de par la période de leur rédaction et parce que ces deux ouvrages participent l’un de l’autre tant dans les textes, souvent très proches, que par leur démarche. Quand AKmad Amîn reprit son Dictionnaire en 1948, il était âgé de soixante-deux ans. Cette année marqua le couronnement de sa carrière. Le Conseil de l’Université lui décerna un doctorat d’honneur et il obtint une distinction importante, le prix Fu’âd Ier pour son livre =uhr al-islâm. Il publia son autobiographie en 1950 et dit y avoir travaillé une année durant. Les périodes de rédaction de ces deux ouvrages se chevauchent et ces livres procèdent d’une démarche similaire. Ce sont des œuvres de vieillesse qui paraissent à la fin de la carrière de AKmad Amîn, qui effectue en quelque sorte un retour sur lui-même. Il reconsidère alors sa vie pour écrire son autobiographie et se penche sur son enfance pour composer son

Dictionnaire. La reprise du Dictionnaire étant antérieure à la rédaction de son autobiographie, l’élaboration du premier a peut-être pu inspirer la seconde. Ces deux ouvrages témoignent des rapports entre la mémoire individuelle et la mémoire collective. AKmad Amîn justifie l’écriture de son autobiographie par la « démocratisation » de la littérature et de l’histoire, qui ne se limitent plus seulement à la vie des grands hommes, et par son intérêt historique :

« Pourquoi ne raconterais-je pas l’histoire de ma vie, ne peut-elle pas représenter des

aspects de notre génération, dépeindre l’un de nos modes de vie ? Elle pourrait intéresser le lecteur aujourd’hui et servir demain à l’historien. »1

Le témoignage personnel se veut révélateur de l’expérience commune et se trouve en même temps justifié et validé comme part de celle-ci. Ainsi que le note Charles Vial, « dans

ses incertitudes comme dans sa détermination, le destin individuel est la représentation, en

réduction, du devenir collectif. De là le sentiment - exprimé ou non - de la représentativité du témoignage dont l’entreprise autobiographique a résulté. De là, aussi, l’intérêt exceptionnel de ces témoignages où l’on passe sans hiatus du particulier au général, du souvenir personnel à la page d’histoire, de l’anecdote à la tranche de vie sociale ».2

Les rapports entre l’expérience personnelle et la mémoire commune sont inversés dans ces deux ouvrages. Dans son autobiographie, l’auteur va de l’individuel au collectif, et du collectif à l’individuel dans son Dictionnaire. Dans celui-ci, les Egyptiens sont décrits de manière impersonnelle et extérieure à la troisième personne du pluriel. Les interventions de l’auteur se manifestent de différentes manières. Il explique parfois ses intentions et justifie la présence de tel ou tel article. Il lui arrive également d’exprimer explicitement son avis. Il rapporte ses lectures3 ou dit son ignorance de l’origine d’un mot ou d’un usage.4 Son témoignage personnel intervient assez souvent en fin d’article sous forme d’exemple. AKmad Amîn évoque son père5, des servantes de sa maison1, il fait aussi référence à certaines

1 AMÎN, AKmad, +ayâtî, op. cit., p. 3.

2 VIAL, Charles, « Panorama de la société égyptienne d’après trois autobiographies », Annales islamologiques, n° 15, 1979, p. 397.

3 Voir par exemple « Gâbir », p. 133, « +agâr el-kabbas », p. 155, « Al-nudhûr », p. 396.

4 Voir par exemple « Bunduqî », p. 97, « Gâbir », p. 133, « Ge`êdî », pp. 137-138, « El-saqqâ », p. 233, « WaKawî WaKawî », pp. 414-415.

5 « Al-Kammâm », pp. 179-180, « Al-KummuVa wa-l-kayy bi-l-nâr », p. 180, « Al-raqîq », pp. 212-214, « El-zinâ », pp. 221-222. Voir La famille et la femme, La santé, les maladies, la propreté et l’hygiène.

personnalités de son quartier : l’apothicaire2, le conteur AKmad el-shâ`er3, le charbonnier AKmad al-6abbân qui, possédé par un djinn, prédisait l’avenir4 ou encore l’homme qui passait souvent dans sa ruelle en chantant des poèmes sur le Prophète5. Il décrit également les soirées entre voisins, le hammam, l’école coranique, le marché dans lequel il se promenait les après-midi de ramadan ou encore le « maghsal », lieu où l’on lavait les pendus et les morts souillés de sang6. Il apporte également son témoignage personnel pour avoir entendu le célèbre chanteur `Abduh al-+amûlî (1840-1901)7, pour avoir assisté à une séance de divination avec un miroir d’encre (mandal) et d’invocation des esprits8, au mawlid de sîdî Ibrâhîm al-Fâr, à la danse des derviches tourneurs, aux funérailles d’un saint qui refusait de faire avancer son cercueil9. Il s’en réfère à sa propre expérience au sujet des divers remèdes employés pour soigner la fièvre et les vers de nez.10 Il évoque les salons littéraires auxquels il a participé, les événements marquant sa prise de conscience politique, les raisons qui l’ont conduit à abandonner le turban pour le tarbouche, le chagrin de son épouse lors du départ de l’un de leurs fils à l’étranger.11 Il relate un incident survenu entre une passagère et lui-même dans une charrette et se rappelle la belîla, plat à base de farine, qu’il mangeait dans les rues quand il était jeune homme.12 Son expérience personnelle est parfois donnée à l’appui d’une démonstration. Ainsi pour prouver les dangers des bassins d’ablution des mosquées, il rapporte qu’il faillit s’y noyer quand il était enfant.13 Il se réfère aussi aux choses et aux gens qu’il a vus : les grands cortèges funéraires, des chasseurs de serpents, une marieuse qui permettait aux jeunes gens de se rencontrer avant leur mariage, un homme juché sur une échelle en pleine rue, donnant des coups de ciseaux dans l’air pour tuer les microbes.14 Il illustre également ses dires en rapportant des exemples issus de personnes de sa connaissance15 et des récits qu’il tient de ses amis.16

Dans ces passages du général au particulier, du « ils » au « je », des traditions des Egyptiens à l’expérience ou aux souvenirs personnels de l’auteur, le « nous » apparaît cependant rarement. Il intervient parfois dans des notations temporelles (à notre époque), se référant le plus souvent au passé et à la jeunesse de l’auteur.17 Les articles portant sur les

1 « El-baghdada », p. 91, « El-ganâza », pp. 139-140. Voir Le cycle de la vie.

2 « Al-ibra », p. 1. Voir le chapitre La divination.

3 « Abû - Abû Zayd al-Hilâlî », pp. 19-22, « Al-qiVaV », p. 326. Voir aussi Les contes et les histoires.

4 « Jinn », pp. 141-143. Voir Saints et soufis.

5 « Al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ », pp. 384-386. Voir Fêtes et divertissements : la musique et le chant.

6 « El-Vâlûnât », pp. 259-260, « Al-Kammâm », pp. 179-180, « Al-farwa », p. 307, « Al-kuttâb », pp. 334-335, « El-mekhallilatî », p. 361, « Sûq al-`aVr », pp. 240-241, « Al-maghsal », p. 374. Voir La famille et la femme, Les pratiques magiques.

7 « `Abduh wa Alma] », pp. 283-284. Voir Fêtes et divertissements : la musique et le chant.

8 « Al-mandal », pp. 381-382, « IstiKGâr al-arwâK », pp. 35-36. Voir le chapitre La divination.

9 « Al-fâr », 357, p. 303, « Al-mawlawiyya » p. 389, « Al-khashaba allatî taWîru » p. 192. Voir Saints et soufis.

10 « Al-hummâ », pp. 181-182, « Dûdat al-anf », p. 200. Voir La santé, les maladies, la propreté et l’hygiène.

11 « El-Vâlûnât », pp. 259-260, « +âdithatâni », pp. 150-152, « Al-`imâma », pp. 288-289. Voir Mémoire et séquelles de l’oppression, La famille et la femme, Vêtements et parures.

12 « Sawâres », p. 239, « Belîla », p. 96.

13 « El-miGâ », pp. 391-392. Voir La santé, les maladies, la propreté et l’hygiène.

14 « Al-`azâ’ », p. 285, « Yâ farag », p. 419, « El-khaWba », p. 187, « Al-kûlîrâ », p. 340. Voir Le cycle de la vie, Les pratiques magiques, La santé, les maladies, la propreté et l’hygiène.

15 Voir par exemple « Al-aKjiba », p. 25, « Al-istighâtha », pp. 37-38, « Al-usra », pp. 38-40, « Bâshâ », pp. 79-80, « Tarbiyat al-aWfâl », pp. 114-115, « Al-dhawât », pp. 205-206, « Al-firâsa », p. 305, « Al-kîmîyâ’ », pp. 340-341, « Al-mâl al-Karâm », p. 354.

16 Voir par exemple « Al-Atrâk », pp. 23-24, « Ge`êdî », pp. 137-138, « +innâ », pp. 182-183, « El-faraK », pp. 306-307, « El-ma`gûn », pp. 371-373.

divertissements et le soleil contiennent l’expression « chez nous » (`inda-na).1 On relève l’emploi du « nous » (les Egyptiens) à propos des impôts2, de l’importance accordée au sel, symbole de l’amitié3, des Anglais et du marchandage. L’auteur compare le marchandage entre un vendeur et un acheteur à celui « des Anglais au sujet des traités et je ne sais si c’est eux qui

nous ont emprunté [cette habitude] ou si c’est nous qui la leur avons

empruntée ».4 Concernant l’aiguière et les relations de voisinage, deux autres références sont relatives à la diffusion de la « civilisation moderne » (al-madaniyya al-Kadîtha), sous la forme d’une conquête ou d’une invasion (ghazat-na) : « quand la civilisation moderne nous a

envahis », « depuis que la civilisation moderne nous a conquis ».5

Du fait de ce lien entre l’enfance et l’évocation du mode de vie « traditionnel », AKmad Amîn n’est pas un observateur étranger à la culture qu’il décrit. Cependant, sa situation culturelle et sociale - il appartient à l’élite cultivée et en tant qu’universitaire, il représente le savoir « moderne » - permet de mesurer la distance qui le sépare de son sujet d’étude. Sa position à la fois extérieure et intérieure, du fait du recul pris dans les descriptions et de la part de son témoignage personnel, peut être révélatrice du rapport entretenu par certains intellectuels avec le fonds culturel « traditionnel » de leur société.

Les souvenirs d’enfance de l’auteur ne forment pas l’unique source du Dictionnaire. AKmad Amîn s’appuie sur divers auteurs et historiens, tels Hérodote (v. 484-v. 420 av. J.-C.) pour les références à l’époque antique6, Ibn Khâldun (1332-1382)7, al-Maqrîzî (1364-1442)8, Ibn Iyâs (1448-1524)9, Yûsuf al-Shirbînî (XVIIe siècle)10, al-Jabartî (1753-1825 ou 1826)11, `Alî pacha Mubârak (1824-1893)12. Divers articles sont par ailleurs inspirés de l’ouvrage de l’orientaliste anglais Edward Lane (1801-1876), An Account of the Manners and Customs of

the Modern Egyptians. Celui-ci vécut en Egypte de la fin de 1825 à 1828 et de 1833 à 1835 et son livre est considéré comme une importante source ethnographique concernant l’Egypte du début du XIXe siècle.13

L’auteur se fonde également sur des événements historiques. Il étudie ainsi dans l’article « Al-Karb » (la guerre) « l’état d’esprit et les mœurs sociales » (aKwâl nafsiyya wa akhlâq ijtimâ`iyya)14 des Egyptiens en temps de guerre, au travers des exemples de

1 « Al-shams », p. 252, « Al-malâhî », p. 378.

2 « Al-Kukûma al-miVriyya », pp. 173-175. Voir Mémoire et séquelles de l’oppression.

3 « Al-milK », p. 379.

4 « Al-sûq », p. 240.

5 « Abrîq », p. 3, « Al-usra », p. 39. Voir Aspects de la vie quotidienne et La famille et la femme.

6 « Al-usra », pp. 38-40, « Al-ta`aVVub », pp. 122-123, « El-ganâza », pp. 139-140, « Al-mar’a », pp. 362-366, « Mawlid al-sayyid », pp. 387-88.

7 « Ibn - Ebn el-nukta », pp. 10-16, « Abû - Abû Zayd al-Hilâlî », pp. 19-22, « Al-a`râb », pp. 49-50, « Al-badû », p. 81, « Al-Kasad », pp. 166-168.

8 « Ibn - Ebn el-nukta », pp. 10-16, « Al-Kashîsh », pp. 169-171.

9 « Al-tamthîl », pp. 126-128, « Al-sulWân Salîm », pp. 234-237.

10 « Ibn - Ebn el-nukta », pp. 10-16, « Al-fukâha », pp. 309-310, « Al-fallâK », pp. 310-311.

11 « Al-taVawwuf », pp. 120-121, « Al-ta`aVVub », pp. 122-123, « Gada` », p. 134, « Al-Karb », pp. 161-166, « MuKammad `Alî bâshâ », pp. 359-360, « Nebayyin zîn », p. 395, « Namâdhij », pp. 401-404.

12 « Abû », pp. 16-22, « Al-GarîK », pp. 269-271.

13 LANE, Edward, An Account of the Manners and Customs of the Modern Egyptians, Londres, East-West Publications, 1989 (1re édition : 1836), 583 p. Lane est nommément cité dans les articles « El-faraK », pp. 306-307, « Al-mandal », pp. 381-382 et « MuKammad `Alî bâshâ », pp. 359-360. AKmad Amîn indique également qu’il lui a emprunté certaines des illustrations du Dictionnaire. En tant qu’ouvrage de référence - on en trouve des emprunts dans le Voyage en Orient de Nerval par exemple -, ce livre mériterait une étude particulière.

l’expédition française d’Egypte (1798-1801) et du débarquement de l’armée britannique en 1882 lors du soulèvement nationaliste mené par le colonel `Urâbî. L’article intitulé « Deux événements » (« +âdithatâni »)1 porte sur le mariage en 1904 du shaykh `Alî Yûsuf (1863-1913)2 et l’incident de Denshewây3. Dans l’article « Namâdhij » (modèles), il propose sous la forme de courtes notices biographiques « des exemples d’événements ou de personnalités,

empruntés à la chronique d’al-Jabartî, et considérés comme des modèles [représentatifs] des

gens d’Egypte et des événements qui s’y sont produits »4 à partir desquels « on peut, dans la

mesure du possible, se représenter le peuple égyptien »5.

4 Forme et thèmes du Dictionnaire :

Le Dictionnaire se divise en deux sections. La première, qui forme la partie principale, compte quatre cent vingt et une pages et cinq cent treize entrées, classées par ordre alphabétique. Elle regroupe cinq cent dix articles, car trois titres ne comportent que de simples renvois. Il s’agit de « El-bêsâra » (un plat à base de fèves) renvoyant à « Al-fûl » (les fèves), de « Khayâl al-]all » (le théâtre d’ombres) renvoyant à « Qarâgûz » (les marionnettes du théâtre d’ombres) et de « Shabshib » (un rituel magique) renvoyant à « Al-Kubb » (l’amour).6 Pour le dénombrement des articles, nous avons respecté la présentation donnée dans la table des matières de l’édition originale du Dictionnaire. Ainsi, les sous parties des articles « Ibn » (les expressions formées avec le mot « fils »), « Abû » (les expressions formées avec le mot « père ») et « Al-aKzâb » (les partis politiques) n’ont pas été comptabilisées.7 Le livre est d’un format de 16,5 cm x 24. Le texte se présente sur deux colonnes et chaque ligne mesure 6 cm. Les articles sont de longueur très variable : douze pages pour le plus long, une ligne pour le plus court, avec une longueur moyenne de vingt-neuf lignes soit une demi-page.8 Notre étude porte principalement sur les articles présentés dans cette première section. La seconde partie du Dictionnaire, intitulée « Les expressions égyptiennes », forme, quant à elle, un glossaire

1 « +âdithatâni », pp. 150-152.

2 Voir Le cycle de la vie.

3 En 1906, des officiers anglais qui tiraient des pigeons dans le village de Denshawây dans le Delta (province de Minûfiyya) blessèrent une femme et provoquèrent un incendie. L’incident dégénéra en rixe. Les paysans, accusés d’avoir assailli les officiers, furent condamnés à des peines exemplaires : quatre d’entre eux furent condamnés à la pendaison, deux aux travaux forcés à perpétuité, trois à des peines de prison allant de sept à quinze ans et cinq à la flagellation. L’émotion en Egypte fut considérable et Denshawây devint un symbole pour le mouvement national égyptien. Il constitue, pour AKmad Amîn, l’événement déterminant sa prise de conscience nationaliste : « Cet événement marqua profondément l’esprit des Egyptiens qui ne purent l’oublier. Il amena certaines

personnes, dont l’auteur de ces lignes ainsi que de nombreux Egyptiens, à se tourner vers le nationalisme et emplit leur cœur d’un feu qui brûle aujourd’hui encore », « +âdithatâni », pp. 151-152. Voir aussi AMÎN, AKmad, +ayâtî, Le Caire, Maktabat al-nahGa al-miVriyya, 7e édition (1re édition 1950), s.d., pp. 65-66.

4 « Namâdhij », p. 401.

5 Ibid., p. 404.

6 « El-bêsâra », p. 106, « Al-fûl », pp. 312-313 ; « Khayâl al-]all », p. 196, « Qarâgûz », pp. 320-321 ; « Shabshib », p. 245, « Al-Kubb », p. 153.

7 L’article « Ibn », pp. 4-16, se subdivise ainsi en sept articles intitulés « Ebn armala » (« fils de veuve »), p. 6, « Ebn el-balad » (« fils du pays »), pp. 6-8, « Ebn Ka]] » (« fils du plaisir »), p. 8, « Ibn Dâniyâl » (poète et auteur de théâtre d’ombres, 1248-1310), pp. 8-9, « Ibn Râbiyya aw awlâd Râbiyya » (une famille liée au théâtre), p. 9, « Ebn kubbâya » (le buveur), p. 9, « Ebn nukta » (celui qui aime plaisanter), pp. 10-16. L’article « Abû », pp. 16-22, compte trois subdivisions : « Abû deqîq » (papillon), pp. 18-19, « Abû Zayd al-Hilâlî » (la Geste d’Abû Zayd

al-Hilâlî), pp. 19-22, « Abû naGGâra aw Abû naGGâra zarqa » (revue publiée par Ya`qûb 6anû`, 1839-1912), p. 22. L’article « Al-aKzâb », pp. 26-28, comprend une sous partie intitulée « +izb al-umma » (le parti de la Nation), pp. 27-28.

définissant des mots, des expressions et des proverbes particuliers au dialecte égyptien.1 Elle compte cinquante-six pages et cinq cent huit entrées. Elle fonctionne indépendamment de la première partie. On relève d’ailleurs quelques « doublets » entre les deux sections du

Dictionnaire.2 Il comporte également cinquante et une illustrations regroupées sur vingt-trois pages en fin de volume.3 Notons que la réédition du Dictionnaire en 1999 par le ministère de la Culture rompt avec l’agencement original de l’ouvrage : les deux sections s’y trouvent rassemblées en une seule et même partie et les illustrations ont été supprimées.4

Si l’on s’en réfère à l’introduction de l’ouvrage, l’idée de composer une « encyclopédie

égyptienne » apparaît dès l’origine du projet, en liaison avec une parution sous forme d’articles. L’auteur précise que, par modestie, il changea le titre de son recueil passant de l’encyclopédie (dâ’irat al-ma`ârif) au dictionnaire (qâmûs). Le genre du dictionnaire correspond bien à la démarche de l’auteur qui est celle de l’inventaire et du catalogue, de la collecte et de la conservation. Il répond également à l’ampleur de son sujet. Encyclopédies et dictionnaires visent à répertorier et à présenter un ensemble global, sinon total, de données ou de connaissances, à l’image du cercle que comporte le mot encyclopédie, y compris dans sa forme arabe ou encore à celle de l’océan, que contient l’étymologie du terme qâmûs.5 La