• Aucun résultat trouvé

Les travaux des sociétés savantes comprennent également des études sur certains aspects du folklore égyptien. On relève ainsi parmi les communications de l’Institut d’Egypte, fondé par Bonaparte en 1798, des articles sur les contes, les dictons, les fêtes, les légendes, les traitements médicaux ou les instruments de musique, essentiellement publiés entre 1875 et 1920.6 Le programme de travail de la Société khédiviale d’Economie politique, de Statistique et de Législation, créée en 1910, montre par ailleurs que la « connaissance « ethnologique »

du [paysan égyptien] est sentie comme nécessaire à chaque fois qu’il est question de

transformer ses comportements (...), qu’il s’agisse de le contraindre à renoncer à la vendetta

ou d’améliorer son hygiène ».7 Les publications et les activités de la Société de Géographie d’Egypte sont intéressantes à plusieurs égards. Celle-ci a en effet publié dans son Bulletin des études ethnographiques sur l’Afrique et l’Egypte.8 Elle a en outre créé en 1898 un musée de

1 JAWHARÎ, MuKammad al-, préface, in AMÎN, AKmad, op. cit., p. 11.

2 LAGRANGE, Frédéric, Musiques d’Egypte, Cité de la Musique, Actes Sud, 1996, p. 21.

3 TAYMÛR, AKmad, Al-amthâl al-`ammiyya, Le Caire, 1949, Al-Kinâyât al-`ammiyya, Le Caire, 1970 (3e éd.).

4 6ÂLI+,AKmad Rushdî, Al-Adab al-sha`bî, Le Caire, Dâr al-ma`ârif, 1954, 233 p. MuKammad , `Ilm

al-fulklûr, op. cit., p. 141, indique une seconde édition en 1955, Le Caire, Maktabat al-nahGa al-miVriyya. Il existe une troisième édition, Le Caire, Maktabat al-nahGa al-miVriyya, 1971, 394 p. 6ÂLI+,AKmad Rushdî, Funûn

al-adab al-sha`bî, 2 vol., Le Caire, Dâr al-fikr, 1956, 183 et 145 p. Nada Tomiche indique que AKmad Rushdî 6âliK remporta en 1949 un prix à l’université d’Alexandrie pour un essai sur la littérature populaire. TOMICHE, Nada, Histoire de la littérature romanesque de l’Egypte moderne, Paris, Maisonneuve et Larose, 1981, p. 188.

5 WAHBA, Magdi, La politique culturelle en Egypte, Paris, UNESCO, 1972, 103 p.

6 Voir ELLUL, J., « Anthropologie - Ethnographie - Folklore », Index des communications et des mémoires

publiés par l’Institut d’Egypte (1859-1952), Le Caire, 1952, pp. 94-96. Voir aussi le chapitre sur Les contes et les histoires.

7 ROUSSILLON, Alain, « Projet colonial et traditions scientifiques : aux origines de la sociologie égyptienne »,

D’un Orient l’autre, vol. II, Paris, Editions du CNRS, 1991, p. 357.

8 Le titre du Bulletin a changé plusieurs fois de dénomination : Bulletin de la Société khédiviale de Géographie (BSKG) de 1875 à 1917, Bulletin de la Société sultanieh de Géographie (BSSG) de 1917 à 1922, Bulletin de

Géographie et d’Ethnographie, le premier établissement de ce genre en Egypte. L’étude de cette société savante, fondée sur le modèle de la connaissance scientifique, et rassemblant des Européens et des Egyptiens, montre l’élaboration difficile, et semble-t-il toujours recommencée, d’un questionnement et d’un savoir ethnologique.

Les expéditions égyptiennes en Afrique : conquêtes et géographie

Créée en 1875 sous le patronage du khédive Ismâ`îl (1863-1879), la Société de Géographie se fit dans un premier temps l’écho et le relais de l’exploration de l’intérieur de l’Afrique - Le Caire était en effet le point de départ de nombreux explorateurs en Afrique centrale - et de la politique d’expansion menée par le khédive au Soudan et en Afrique centrale et orientale. Par ces conquêtes, l’Egypte ouvrait en les « pacifiant » de nouveaux territoires et y associait administration et exploration. La fondation de la Société intervint dans le contexte particulier des dernières grandes explorations géographiques de l’Afrique1, de la lutte contre la traite des esclaves et du déclenchement, dans les années 1880, de la « mêlée » pour la colonisation de l’Afrique. De 1875 à 1883, période que couvrent les deux premières séries du Bulletin, la Société khédiviale de Géographie entretenait d’étroites relations avec l’état-major égyptien, et notamment la IIIe section de géographie. Organisé en 1870 par le général américain Charles Pomeroy Stone (1824-1887), qui le dirigea jusqu’en 1883, l’état-major comptait un certain nombre de militaires américains invités par Ismâ`îl à se mettre au service de l’Egypte après la guerre de Sécession (1861-1868). Au sein de la IIIe section ou section géographique de l’état-major, ils devaient encadrer et former de jeunes ingénieurs militaires égyptiens. Les membres de cette section participèrent activement aux expéditions militaires et aux explorations menées au Soudan et en Afrique orientale.2 La nomination du général Stone à la vice-présidence de la Société lors de sa création en 1875, puis à sa présidence de 1879 à 1883, témoigne également de ces liens privilégiés.3 Les rapports de missions des officiers d’état-major fournissaient alors la matière des Bulletins - ils représentent ainsi la moitié des vingt-deux articles publiés dans la première série -, qui rendaient compte des principales expéditions de cette période. L’articulation entre la conquête militaire et la « conquête scientifique » d’un territoire était clairement établie par les principaux animateurs de la Société, de même revenaient-ils souvent sur la mission civilisatrice de l’Egypte en Afrique. La société relata les principales explorations menées au Kordofan, région qui s’étend au centre du Soudan, acquise par l’Egypte lors de la conquête du Soudan entre 1820 et 18234, les reconnaissances qui suivirent la conquête du sultanat du Dâr Fûr (ou Darfour, le pays des Fûr) en 18745, la guerre contre l’Ethiopie et la conquête de la

1 C’est au cours de son expédition de 1887-1889 que Stanley établit définitivement l’hydrographie des sources du Nil.

2 Dans « La Naissance de la géographie positive et les Khitat-s de Ali Pacha Mubârak », D’un Orient l’autre, vol. II, Paris, Editions du CNRS, 1991, p. 317, G. Alleaume souligne que les militaires américains de l’état-major étaient pour la plupart des anciens officiers des guerres indiennes, qui passaient en quelque sorte de la conquête du Far-West à celle du Soudan. Elle évoque également « l’impact que devaient produire leurs récits sur les

jeunes officiers égyptiens placés sous leurs ordres ».

3 Le président était nommé par le khédive qui avait le haut patronage de la Société.

4 COLSTON, « Notes sur les tribus de bédouins du Soudan et du Kordofan », BSKG, I, 1876, pp. 267-277. Voir aussi le compte rendu des séances, avril 1876, p. 240 et COLSTON, « La route entre Debbeh et El-Obeyd »,

BSKG, II, 4, 1883, pp. 203-208. L’état-major publia par ailleurs le rapport du colonel Colston, Report on

Northern and Central Kordofan, et le General Report on the Province of Kordofân (geography, topography,

inhabitants, soil end water supply, produits, ressources and commerce, climate), Le Caire, Imprimeries de l’état-major, 1887.

5 NACHTIGAL, G., « Voyage au Wadaï », BSKG, I, 1-4, 1876, pp. 305-350, Compte rendu des séances 1877. Communication du colonel Mason de l’état-major égyptien sur le Darfour, la nouvelle province annexée à

ville de Harar (1875-1876)1, l’implantation de l’Egypte sur le littoral de la mer Rouge, depuis Suakin (Su’âkin)2 jusqu’à Ras Hafoun sur la côte somalienne de l’océan Indien3, et les missions menées dans la région des Grands lacs et en Afrique centrale4.

Les études ethnographiques : vers la définition d’un objet et la spécialisation des enquêtes

Les notations ethnographiques dans les récits des explorateurs et les rapports des officiers d’état-major ne constituent pas dans un premier temps un sujet ou un objet d’étude en soi mais apparaissent parmi des observations d’ordre topographique, géologique, climatique, botanique, etc. Les récits des explorateurs publiés par le Bulletin sont avant tout des récits de voyage et d’aventure. Ils donnent des renseignements épars sur les populations dont les voyageurs traversent les territoires. Ils relèvent les faits les plus marquants, du moins les plus visibles (apparence physique, forme des habitations par exemple). Leurs notations gardent un caractère anecdotique et fragmentaire. On constate par ailleurs l’ébauche d’un discours « conventionnel » et répétitif sur les Pygmées par exemple ou encore sur les Galla et les Issa d’Abyssinie : ce sont toujours les mêmes traits qui sont évoqués dans les différents articles. Les études des officiers d’état-major sur les nomades du Soudan offrent des descriptions plus systématiques. Elles sont subordonnées à des problèmes d’administration : il s’agit « d’assagir » des populations jugées turbulentes, d’assurer la sécurité des routes et de mettre en valeur des territoires. Les études sur les peuples de langue hamite ou chamite (couchitique) comme les Somali, les Galla ou la confédération de tribus Beja au Soudan semblent principalement liées à la question de l’origine des Egyptiens. Au tournant du XXe siècle, les articles portant sur l’ethnologie se spécialisent et se détachent peu à peu du récit de voyage. Cela apparaît déjà au niveau des titres : aux souvenirs ou aux journaux de voyage succèdent par exemple des « Notes ethnographiques sur les Chillouks »5. Les études ethnologiques prennent donc une autonomie progressive. L’article d’Ernst Klippel, « Etudes sur le folklore

l’Egypte, BSKG, I, 1876, pp. 401-402, PURDY, « Le pays entre Dara et Heufrah en Nahass », BSKG, I, 8, 1880, pp. 5-16.

1 MOKTAR, Mohammad, « Notes sur le pays de Harrar », BSKG, I, 1-4, 1876, pp. 351-397 et « Une reconnaissance au pays des Gadiboursis », BSKG, I, 7, 1880, pp. 5-17, STONE pacha, « La topographie et la géographie du pays entre la côte de la mer Rouge et le plateau abyssin », BSKG, I, 9-10, 1880, pp. 43-76 et le compte rendu des séances, avril 1880, BSKG, I, 8, 1880, pp. 38-39, MOKTAR, « Dans le Soudan oriental »,

BSKG, I, 11, 1881, pp. 5-18, « Les expéditions égyptiennes en Afrique. Journal officiel de la reconnaissance géologique et minéralogique opérée par l’expédition de L. H. Mitchell du 1er octobre 1875 au 3 avril 1876 »,

BSKG, III, 1888-1893, pp. 185-255, Compte rendu des séances, séance du 23 mars 1883, communication de Bonola « Le pays entre Zeilah et Harrar », BSKG, II, 8, 1886, pp. 461-464, PAULITSCHKE, « Le Harrar sous l’administration égyptienne 1875-1885 », BSKG, II, 11, 1887, pp. 575-612.

2 Au Soudan actuel, au sud de Port Soudan.

3 HEUGLIN, Théodore de, « Le territoire des Beni-Amer et des Habab », BSKG, I, 1-4, 1876, pp. 105-120, Compte rendu des séances, BSKG, I, 1-4, 1876, pp. 399-401, GRAVES, « Le pays des Somalis Mijjertains » (rapport fait au général Stone pacha), BSKG, I, 6, 1879, pp. 23-37 et GRAVES, « Le cap Guardafui », BSKG, I, 9-10, 1880, pp. 29-31. Le rapport du lieutenant-colonel Graves fit également l’objet d’une communication du général Stone devant la Société en juillet 1878.

4 LINANT de BELLEFONDS, Ernest, « Itinéraire et notes. Voyage de service fait entre le poste militaire de Fatiko et la capitale de M’tesa, roi d’Uganda, février-juin 1875 », BSKG, I, 1-4, 1876, pp. 1-104, LONG bey, « Notes sur les nègres qui habitent du Bahr al-Abiad jusqu'à l’équateur, et à l’ouest du Bahr-el-abiad jusqu'à Makraka-Niam-Niam », BSKG, I, 1-4, 1876, pp. 223-234, MASON bey, « Reconnaissance du lac Albert-Nyanza », BSGK, I, 5, 1877-1878, pp. 5-11, CHAILLE-LONG bey, « Notes sur les pygmées de l’Afrique centrale », BSKG, III, 7, 1891, pp. 519-532, PIAGGIA, C., « Sur le Nil Somerset et le lac Capeke », BSKG, II, 4, 1883, pp. 185-190.

5

bédouin d’Egypte »1, paru en 1911, est ainsi la première description des bédouins d’Egypte qui ne s’inscrive pas dans le cadre narratif d’un récit de voyage ou d’une mission d’étude géologique dans le désert.

La description ethnographique de l’Egypte : des Belles-Lettres à l’exposé scientifique

Au travers du Bulletin, on peut également repérer la publication des premiers articles portant sur l’ethnographie de l’Egypte. Le compte rendu en 1888 de l’ouvrage d’Anna Neumann, épouse du consul d’Autriche au Caire, Du Danube au Nil (paru en 1886), est présenté comme une concession à la littérature « légère » et féminine des voyages, par opposition à celle, scientifique et sérieuse, des explorateurs. C’est cependant la première « description de mœurs » de l’Egypte qui parut dans le Bulletin.2 D’autre part, lors de la séance du 25 avril 1890, le compte rendu de son travail sur La Lithuanie et ses légendes contient la première référence au terme de folklore en tant que discipline, définie comme l’étude des coutumes, des croyances et de la littérature populaire d’un peuple dans le but de retrouver son histoire et ses origines ; les traditions étant perçues comme des vestiges du passé3. Anna Neumann y traite de l’origine aryenne des peuples de la Lithuanie, dont le folklore - coutumes populaires, légendes, faits, idées, rites, chansons - porterait la trace : « Certains peuples conservent pendant des siècles les traditions héritées de leurs aïeux, et

restées vivaces chez eux en dépit des vicissitudes et des profonds changements survenus dans le cours des siècles qui les séparent de leur berceau primitif. (...) Il est même certaines

populations chez lesquelles nous retrouvons les vestiges plus ou moins intacts des antiques coutumes, les échos plus ou moins sonores des vieilles croyances, qui font remonter à notre pensée le cours des âges et, nous reportant à un passé lointain, nous font entrevoir le berceau oublié de ces peuples (...). »4 Ainsi que le note le secrétaire adjoint de la Société, Gaillardot bey, « le folklore, c’est-à-dire l’étude des idées, des traditions et de la littérature populaire

pour en tirer des données ethnographiques, est à la mode (...) ».5

La communication de Piot Bey, « Causerie ethnographique sur le fellah »6, parue en 1899, se présente comme la première intervention scientifique à ce sujet. Le secrétaire de la Société, Frédéric Bonola7, oppose le paysan « de pure convention entrevu du bout de la

lorgnette des touristes ou à travers les fantaisies de leur imagination »8 à l’expérience et à la compétence de Piot Bey, vétérinaire en chef de l’administration des domaines de l’Etat, qui est en rapport avec eux depuis vingt ans. On trouve des remarques similaires dans l’introduction du travail d’E. Sidawi intitulé « Mœurs et traditions de l’Egypte moderne. Sitti Damiana, sa légende, son mouled »9. S’y trouvent mis en cause les touristes qui prétendent, après un séjour d’un mois, connaître le pays et dont les postes d’observation sont le wagon-restaurant ou l’hôtel Cataract d’Assouan. Le drogman d’hôtel, le bédouin des pyramides et

1 KLIPPEL, E., BSKG, VIII, 10, 1911, pp. 553-616.

2 NEUMANN, A., « Du Danube au Nil », BSKG, III, 2, 1889, pp. 119-129.

3 NEUMANN, A., « La Lithuanie et ses légendes », BSKG, III, 7 (1891), pp. 489-505.

4 Ibid., pp. 490-491.

5 Compte rendu des séances (séance du 25 avril 1890), B SKG, III, 5, 1890, p. 363.

6 PIOT, « Causerie ethnographique sur le fellah », BSKG, V, 4, 1899, pp. 203-248.

7 Frédéric Bonola, avocat d’origine italienne, fut l’un des principaux animateurs de la Société et son secrétaire général de 1877 jusqu’à la Première Guerre mondiale.

8 PIOT, « Causerie ethnographique sur le fellah »,op. cit., p. 204.

9 SIDAWI, E., « Mœurs et traditions de l’Egypte moderne. Sitti Damiana, sa légende, son mouled » (séance de janvier 1914), BSKG, VIII, 1917, pp. 75-99 et 97-99.

l’ânier des touristes suffisent à leur « curiosité savante » et leurs relations de voyages s’enlèvent à des milliers d’exemplaires. La description ethnographique de l’Egypte semble avoir été tout d’abord un sujet délaissé ou du moins laissé aux touristes, relevant donc du genre des voyages et des Belles-Lettres. L’intervention du secrétaire de la Société, F. Bonola, en 1903, au sujet de la communication de Piot Bey et de celle de C. Toureille, intitulée « De quelques superstitions égyptiennes »1 (1902), témoigne d’une nouvelle approche du folklore, qui d’objet de curiosité et d’exotisme devient un sujet d’étude scientifique :

« Il n’y a pas longtemps encore on considérait ces recherches [sur les coutumes et les traditions] comme une simple curiosité, ainsi après les études que l’on a faites, en Allemagne,

en France, en Angleterre, en Italie, et pour ainsi dire partout, les résultats de ces recherches sont devenus des documents scientifiques de premier ordre (...). En effet, tout ce qui constitue

la manifestation de l’âme du peuple ne peut être négligé par le savant, qui y trouve souvent la raison secrète des grands événements et l’explication des évolutions morales et artistiques d’une race ou d’une génération. (...) Cette branche de recherches et d’études que les Anglais

ont baptisée Folk-Lore (nom désormais accepté) rentre dans le cadre de nos études, car elle

forme partie intégrante de l’ethnographie. »2

La volonté de mener des enquêtes spécialisées et systématiques est clairement énoncée dans le nouveau programme de travail de la Société en 19203. La Société veut porter l’essentiel de ses travaux sur la vallée du Nil et développer plus particulièrement les études ethnographiques, afin d’éviter de faire « double emploi » avec d’autres disciplines comme l’histoire naturelle, l’égyptologie et l’orientalisme ou d’autres sociétés savantes. Les enquêtes scientifiques sont centrées sur la géographie physique, économique et historique -l’anthropologie physique et l’ethnographie. L’ethnologie doit guider les études géographiques. Il faut orienter les travaux de géographie physique sur le milieu dans lequel vit l’homme dans la mesure où il conditionne son mode d’existence, la zoologie et la botanique sont à étudier du point de vue ethnologique : « nous entendons par là les légendes, coutumes, superstitions

relatives aux animaux et aux plantes, les faits relatifs à leur utilisation, alimentaire, magique ou autre ».4 Quant à l’ethnographie, définie comme l’étude de toutes les manifestations de la vie matérielle et morale, « c’est un domaine où nous ne ferons double emploi avec aucune

autre science représentée au Caire, et qui doit, par conséquent, attirer toute notre attention. On sait le développement qu’a pris cet ordre de recherches dans tous les pays et leur importance pour l’histoire de la civilisation. Il est grand temps de recueillir en Egypte même et au Soudan une documentation très curieuse qui va disparaître en Egypte même et qui évolue rapidement au Soudan ».5 Pour développer les études ethnographiques, la Société estime avoir besoin du concours de tous : « Combien d’hommes éclairés, fonctionnaires,

militaires, médecins, magistrats, ingénieurs, commerçants, industriels, etc., appelés par leurs fonctions à vivre en Egypte ou au Soudan, seraient à même de recueillir des renseignements extrêmement intéressants et précieux sur telles coutumes, tel métier, tel objet. Ils n’attendent peut-être pour le faire que d’être encouragés et guidés. »6

1 TOUREILLE, « De quelques superstitions populaires égyptiennes », BSKG, VI, 4, 1904, pp. 149-169.

2 Compte rendue des séances (séance du 10/1/1903), BSKG, VI, supplément, 1908, pp. 644-645.

3 « La Société sultanieh de Géographie et son programme de travail », BSSG, IX, fasc. 3-4, 1920, pp. 1-16.

4 Ibid., p. 3.

5 Ibid., p. 4.

Le programme contient un petit questionnaire portant sur les principaux aspects à relever autour de la « vie matérielle » (nourriture, vêtements, habitations, arts et métiers) et de la « vie morale » (naissance, puberté, mariage, classe d’âge, langue, organisation sociale, droit et morale, religion, jeux, arts, mythes, sciences). Des notices contenant ce programme furent imprimées en anglais et en français et diffusées en novembre 1918.1 La Société souhaite également mettre chaque année une ou plusieurs questions à l’étude. Elle propose deux enquêtes monographiques à mener sur la base d’un questionnaire, sur l’oasis de Siwa et les Tziganes d’Egypte. Deux autres questions portant sur des techniques, l’irrigation et la vannerie, traitent, dans une perspective comparatiste, de l’histoire de la civilisation. La description de l’oasis de Siwa par Mustapha Maher Pacha2, éditée en 1919, s’inspire de ce questionnaire et propose ainsi un premier tableau « raisonné » de l’oasis. Georges Foucart, directeur de l’Institut français d’archéologie orientale et président de la Société de 1918 à 1928, est l’auteur d’un Questionnaire préliminaire d’ethnologie africaine (1918)3 dont cinq à six cents exemplaires ont été adressés aux divers ministères des colonies, instituts coloniaux, missions chrétiennes et gouverneurs, dans l’objectif de collecter et d’éditer des monographies. Seules trois réponses ont été publiées dans le Bulletin.4 Un autre questionnaire portant sur les croyances et les pratiques des Egyptiens a également été diffusé par la Société en 1929.5

L’article de G. Foucart, « L’Ethnologie africaine et ses récents problèmes »6 publié en 1917, définit le cadre théorique de l’ethnologie de l’Afrique au travers notamment de sa convergence avec l’égyptologie. « Les bas-reliefs de Thèbe ou de Saqqara vivent encore en

êtres de chair et d’os en mille point du haut-Nil, du Zambèze, du Niger et du Congo. »7 Ces nombreuses similitudes « tantôt expliquent l’Egypte d’autrefois par l’Afrique non civilisée

d’aujourd’hui, et tantôt éclairent le monde africain de nos jours à la lumière de l’Egypte du passé ».8 Au travers du concept de « survivances », l’ethnologie entend ainsi reconstituer l’histoire de l’Afrique et de son peuplement. Dans un objectif de comparatisme, chaque objet est mis en rapport avec son « original » de l’époque pharaonique. L’idée de survivance domine également l’approche du folklore égyptien et les traits relevés sont toujours comparés