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2 La puberté : la circoncision et l’excision

3.2 Les noces :

On relève un certain nombre de distinctions sociales entre les classes élevées3, moyennes4 et pauvres5 ainsi que les paysans6 dans les descriptions que donne AKmad Amîn des festivités du mariage. L’auteur souligne en effet combien les noces diffèrent selon les classes sociales. Ainsi, dans « Al-zawâj wa-l-Walâq » (le mariage et la répudiation), il dépeint sur un tiers de l’article (41 lignes) la célébration d’un mariage dans les classes aisées, pour décrire ensuite beaucoup plus brièvement en sept lignes et demie les fêtes des classes pauvres. Il consacre enfin un peu moins d’un quart de cet article (28 lignes) aux noces somptueuses des fils du khédive Ismâ`îl (afrâK al-anjâl), qui maria ses trois fils, Tawfîq, +usayn et +asan, en même temps.7 Cet exemple fastueux revient dans deux autres articles.8 Les descriptions les plus longues et les plus détaillées portent ainsi sur les noces les plus riches, celles des classes aisées et du khédive, qui ne sont vraisemblablement pas les plus représentatives. Il relate également le déroulement de la fête d’un mariage dans une famille de condition moyenne, auquel il a personnellement assisté.9

3.2.1 La nuit du henné ou le bain de la fiancée (lêlet el-

K

ennâ) :

La « nuit du henné », lorsqu’à la veille de ses noces la future mariée se rend au hammam pour se laver, se parer et notamment se teindre les mains et les pieds au henné, est mentionnée dans huit articles, dont un lui est principalement consacré et en porte le titre.10 Le bain de la fiancée donnait lieu à une véritable cérémonie. Les amies de la future mariée l’accompagnaient en cortège au hammam. La fête se poursuivait ensuite au domicile de la fiancée.11 AKmad Amîn souligne l’importance du bain et du henné lors d’un mariage :

« Le hammam et le henné ont une grande importance, en particulier pour les

paysannes car celles-ci interdisent à la jeune fille, dès lors qu’elle a atteint l’âge de dix ans environ, de prendre un bain ou de se parer parce que cela est de l’impudicité (`uhr) à leurs

yeux. C’est pourquoi [la jeune fille la veille de ses noces] se rend au hammam couverte de

crasse. Elles la lavent avec des pierres ponces ou des tessons de poterie et utilisent de l’eau chaude dans laquelle [la jeune fille se baigne] un long moment.

1 « Shâl », p. 245, « El-feqî », p. 308.

2 « El-sharbât », pp. 247-248.

3 « Ballâna », p. 95, « Al-dhawât », 244, pp. 205-206, « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « Laylat al-dukhla », p. 350.

4 « Ballâna », p. 95, « `Abduh wa Alma] », pp. 283-284, « Laylat al-dukhla », p. 350.

5 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224.

6 « Lêlet el-Kennâ », p. 349, « Laylat al-dukhla », p. 350.

7 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224.

8 « Bahlawân », p. 103, « Jihâz al-`arûs », p. 145.

9 « `Abduh wa Alma] », pp. 283-284.

10 « Baqshîsh », p. 93, « Ballâna », p. 95, « Al-Kammâm », pp. 179-180, « +ennâ », pp. 182-183, « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « Al-layâlî al-mashhûra » p. 349, « Lêlet el-Kennâ », p. 349, « Laylat al-dukhla », p. 350.

11 Voir par exemple la description donnée par LANE, E., op. cit., pp. 166-169 et HEFFENING, « `Urs », EI², tome IV, pp. 1 094-1 103.

Quant aux citadines, le henné a moins d’importance dans leurs soins de toilette et elles ne sont pas tenues de se conformer aux contraintes des paysannes. »1

AKmad Amîn évoque également le rôle de la ballâna, femme qui, dans les milieux moyens et aisés, assiste la mariée pour le bain, l’épilation, la teinture au henné, la coiffure, l’habillage, le maquillage et la parure.2 Il indique par ailleurs qu’un bakchich ou une gratification sont offerts à l’occasion de la nuit du henné.3 Quant aux vêtements que porte la mariée le jours de ses noces, AKmad Amîn signale qu’ils sont décorés de sequins4, qu’elle s’enveloppe d’un châle de cachemire ou, dans les classes pauvres, d’un voile (nâmûsiyya, moustiquaire) et que son visage est dissimulé par un voile (niqâb).5

3.2.2 Le trousseau de la mariée :

Quatre articles évoquent le trousseau de la mariée, l’un d’entre eux, « Jihâz al-`arûs » (le trousseau de la mariée), y étant entièrement consacré.6 Diverses notations indiquent qu’il se compose d’une aiguière et d’une cuvette7, de pièces de literie8 et de la chaise de la mariée (kursî al-`arûs). Comportant des marches et placée près du lit, elle est utilisée par le marié « comme s’il était paresseux au point de ne pouvoir monter sur son lit sans aide ».9 AKmad Amîn décrit également les bijoux et le mobilier précieux qui constituaient les somptueux trousseaux des mariées lors des noces des fils du khédive Ismâ`îl et qui furent exposés dans trois vastes salles du palais.10 L’auteur critique notamment l’ostentation avec laquelle les trousseaux sont transportés et exhibés :

« Les Egyptiens avaient pour habitude [d’exhiber] avec exagération le trousseau de la

mariée. Ils le disposaient sur des charrettes découvertes. Plus les charrettes étaient nombreuses, plus ils s’enorgueillissaient du trousseau. A cette fin, ils mettaient simplement un matelas et des couvertures sur une charrette ou seulement des oreillers, pour exhiber un grand nombre [de voitures]. » 11

Le transfert public et cérémoniel du trousseau de la mariée, tel qu’il a ou avait lieu dans de nombreuses sociétés, représente, avec les meubles et les ustensiles qui lui sont nécessaires, l’installation du nouveau ménage. La profusion viserait à assurer la prospérité du jeune couple, elle montre également le rang social des familles alliées.12

1 « Lêlet el-Kennâ », p. 349.

2 « Ballâna », p. 95, « Al-Kammâm », pp. 179-180, « Laylat al-dukhla », p. 350.

3 « Baqshîsh », 84, p. 93.

4 « Tertera », p. 115.

5 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « Shâl », p. 245.

6 « Abrîq », p. 3, « Jihâz al-`arûs », p. 145, « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « Al-kursî », p. 336.

7 « Abrîq », p. 3.

8 « Jihâz al-`arûs », p. 145.

9 « Al-kursî », p. 336.

10 « Jihâz al-`arûs », p. 145, « Al-zawâj wa-l-Walâq », p. 224.

11 « Jihâz al-`arûs », p. 145. HEFFENING, op. cit., pp. 1094-1103, note également que le trousseau, y compris des coffres vides, était réparti sur le plus grand nombre possible de chevaux et de mulets. Le transport du trousseau pouvait donner lieu à des cérémonies particulières et suivait généralement le cortège de la mariée.

12 Voir par exemple SEGALEN, Martine, Amours et mariages de l’ancienne France, Paris, Bibliothèque Berger-Levrault, 1981, pp. 111-124.

3.2.3 Le cortège de la mariée (zaffet el-`arûsa) :

Cinq articles mentionnent le cortège cérémoniel de la mariée qui la conduit au domicile de son époux.1 Selon la théorie des rites de passage d’Arnold Van Gennep, le cortège de la mariée est un rite de séparation, qui manifeste solennellement le départ de la jeune femme de la maison de son père. AKmad Amîn consacre un article de six lignes et demie au palanquin (takhtarawân), qu’il décrit comme une structure en bois recouverte de tissus et portée par deux onagres, dans lequel la mariée se rend à sa nouvelle demeure, accompagnée par des amies.2 L’utilisation de ce palanquin est par ailleurs attribuée aux classes pauvres.3 L’auteur décrit précisément le déroulement de ce cortège, tel qu’il avait cours dans les classes aisées. Le marié envoyait sa mère avec de luxueuses voitures chercher la mariée, qui disposait d’une voiture particulière, décorée de châles de cachemire et de fleurs, tirée par deux ou quatre chevaux et escortée par deux futuwwa-s4 ou deux hommes (el-Gawwaya) vêtus de châles de cachemire. La mère du marié, en tête du cortège, conduisait la mariée tandis que la mère de la mariée les suivait. Des musiciens ouvraient la procession qui s’acheminait à travers les rues principales. Arrivée chez son époux, la mariée ne descendait qu’avec beaucoup de réticences. Les époux entraient alors dans la maison dissimulés sous des châles de cachemire. Un animal était sacrifié sur le seuil.5 AKmad Amîn note également que les almées6 avaient des chants particuliers pour le cortège de la mariée.7 Les cortèges étaient escortés par des lutteurs (muVâri`)8 et ne sortaient pas de leur quartier sans la protection des futuwwa-s, de peur d’une attaque des futuwwa-s d’un quartier adverse9.

1 « Takhtarawân », p. 114, « Al-khitân », pp. 187-189, « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « Al-`awâWif », p. 291, « Al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ », pp. 384-386.

2 « Takhtarawân », p. 114.

3 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224.

4 La futuwwa correspond à des groupements de jeunes gens ou « fiers à bras » qui assurent la défense et la protection de leur quartier. Elle désignait à l’origine le jeune homme doté des vertus de la futuwwa, la bravoure et la générosité. Son organisation a revêtu différentes formes : chevalerie, groupements soufis, corporations professionnelles, milices locales. Voir notamment CAHEN, C., et TAESCHNER, F., « Futuwwa », EI², tome II, pp. 983-991. Dans le Dictionnaire, voir les articles « BalWaga », p. 96, « Gada` », p. 134, « +aggag el-KhuGarî », p. 154, « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « Al-futuwwa », pp. 304-305, « Al-lâsa », p. 345, « El-muVâri` », p. 369.

5 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224.

6 `Âlma, pl. `awâlim, chanteuse, danseuse et musicienne professionnelle, qui dirige également une troupe de musiciennes et de danseuses. Sur les almées, voir La famille et la femme et La musique et le chant.

7 « Al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ », pp. 384-386.

8 « Al-al`âb », pp. 54-55, « El-muVâri` », p. 369.

3.2.4 Les festivités :

Banquet, musique et chants caractérisent les festivités du mariage.1 Le repas pris en commun figure ainsi le « rite d’agrégation » qui scelle l’alliance des deux familles. L’auteur relève la présence de chanteurs professionnels invités pour animer les noces comme les almées ou le célèbre couple `Abduh (1840-1905) et Alma].2 Dans l’article « Al-zawâj

wa-l-Walâq » (le mariage et la répudiation), AKmad Amîn indique que, dans les classes aisées, à l’arrivée de la mariée, le couple était placé sur un trône décoré (kusha). L’époux ou un proche laissait alors échapper des pièces de monnaie (badr) pour détourner les regards et protéger les mariés du mauvais œil. Après le banquet, le marié sortait entouré d’un groupe d’amis portant des fleurs et des lampes. Ils formaient le cortège du marié (zaffet el-`arîs) qui, précédé de musiciens, accompagnait le marié prier à la mosquée. D’autres notations au sujet de ce cortège concernent les lanternes éclairées de bougies, les chants des almées et les sommes d’argent (nuqWa) réclamées par les participants en appelant « shôbash, shôbash ».3 A son retour, le marié rejoignait sa femme et découvrait son visage. On leur apportait des boissons puis ils disparaissaient des regards. La description des modestes noces des classes pauvres est construite en opposition à celles des classes aisées. AKmad Amîn note que les flambeaux remplacent les lanternes, la grosse caisse (Wabla baladiyya) la musique, et la bière d’orge (bû]a) les vins et les sirops. Les gens dansent des danses « populaires » (baladî)4 au son du

muzmâr5 et les futuwwa-s se bousculent pour danser. La mariée est enveloppée d’un voile (nâmûsiyya, moustiquaire) au lieu d’un châle de cachemire et elle se déplace dans un palanquin.6 Des gratifications (bakchich) ou des cadeaux (nuqWa) sont offerts aux mariés et à leur famille.7 L’auteur indique que ces présents représentent une dette pour celui qui les reçoit et qu’il devra s’en acquitter auprès du donneur par un cadeau lors d’une occasion similaire.8

1 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « `Abduh wa Alma] », pp. 283-284, « Al-`awâWif », p. 291, « El-faraK », p. 306, « Al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ », pp. 384-386, « El-nuq

Wa », pp. 399-400. Le festin ou banquet (walîma) qui se tient lors des noces ou le lendemain de la nuit de noces revêt un caractère obligatoire. On ne peut en décliner l’invitation et il faut également accueillir toute personne qui s’y présente. FAHD, Toufy, « Les Fêtes de l’islam »,

Revue des études islamiques, n° 47, 1979, p. 202. Selon certaines traditions citées par HEFFENING, op. cit., pp. 1094-1103, le premier jour le repas de noce est un devoir, le deuxième jour il est recommandé, le troisième jour il devient un luxe blâmable.

2 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « `Abduh wa Alma] », pp. 283-284, « Al-`awâWif », p. 291, « El-faraK », p. 306, « Al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ », pp. 384-386, « El-nuqWa », pp. 399-400. Sur `Abduh et Alma], voir aussi La musique et le chant.

3 « Al-sham` », p. 252, « Al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ », pp. 384-386, « El-nuqWa », pp. 399-400.

4 D’après l’article « Al-raqV » (la danse), pp. 210-212, la danse « baladî » (al-raqV al-baladî) correspond à la danse du ventre.

5 Muzmâr, pl. mazamîr désigne des instruments à vent en canne de roseau ou en bois. Le muzmâr baladî est une sorte de hautbois à anche double et au pavillon évasé. Le muzmâr nitâya et le muzmâr dakar sont des types plus aigus et plus graves. Le muzmâr turkî est composé de deux ou trois flûtes de roseau accolées. Voir le dictionnaire de Hinds et Badawi, p. 378 et la planche J, p. 981. Voir aussi le chapitre La musique et le chant.

6 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224.

7 « Baqshîsh », p. 93, « El-nuqWa », pp. 399-400.

3.2.5 La nuit de noces (laylat al-dukhla) :

La nuit de noces est mentionnée dans cinq articles, dont l’un d’entre eux, « Laylat al-dukhla » (la nuit de noces), y est principalement consacré.1 Dans cet article, AKmad Amîn explique notamment comment la virginité de l’épouse est publiquement proclamée chez les paysans. Le père de la mariée sort avec un linge souillé en s’écriant avec sa famille : « Tu as blanchi la mousseline, ô mariée (bayyaGti el-shâsha yâ `arûsa). » Les femmes se mettent alors à chanter : « Tu as honoré ta famille, ô mariée (sharrafti ahlek yâ `arûsa). Tu as relevé la tête de ton père, ô mariée (`allêti râs abûki yâ `arûsa). [Tu mérites] une boucle à ton oreille, ô mariée (Kalaq fe wedânak yâ `arûsa). » L’auteur note également que dans les villages, pendant la consommation du mariage, les femmes se réunissent devant la porte, battent des mains, chantent et récitent la profession de foi. Quand on proclame la nouvelle, elles lancent des youyous et un homme tire en l’air pour annoncer la consommation du mariage.2 De telles manifestations montrent bien comment le mariage sanctionne l’accès à une sexualité légitime qui intéresse toute la communauté car elle en assure la reproduction physique et sociale.3 AKmad Amîn indique par ailleurs qu’une somme d’argent (nuqWa) est donnée à la mariée lors de la nuit de noces : la mariée place un foulard sur les genoux et ceux qui le veulent y déposent de l’argent.4

La célébration d’un mariage se compose ainsi de toute une série de festivités et de cérémonies qui s’étalent sur une longue période allant des fiançailles au contrat, du bain de la fiancée au cortège qui l’emmène chez son époux, de la fête à la nuit de noces, des visites du lendemain de la nuit de noces (VabâKiyya)5 à la réception du septième jour.6 AKmad Amîn en consigne les étapes principales, desquelles on peut faire ressortir les aspects fondamentaux du mariage, ensemble « complexe de transactions économiques, juridiques et symboliques ».7 L’auteur signale parallèlement la disparition de ces diverses traditions : « toutes ces coutumes

n’ont plus cours si bien que le marié, après une simple fête, commence à conduire sa femme où il veut, sans cortège ou plus de cérémonie ».8 Parmi les distinctions sociales introduites par l’auteur dans ses descriptions, il faut souligner la mention des paysans, rarement cités dans le

Dictionnaire. Il est à noter que AKmad Amîn ne fait aucune référence aux cérémonies du mariage chez les coptes. On relève aussi un certain nombre de critiques, notamment sur le fait qu’à l’époque du voile, les époux ne se voyaient pas avant le jour de leurs noces. Des unions arrangées par le père dès l’enfance aux descriptions enjolivées de la marieuse, l’auteur déplore tout ce qui pouvait contribuer à la répudiation. La possibilité pour les jeunes gens de se rencontrer avant leur mariage est d’ailleurs liée, dans l’article « El-khâWba » (la marieuse), aux

1 « Al-Kammâm », pp. 179-180, « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224, « Al-layâlî al-mashhûra » p. 349, « Laylat al-dukhla », p. 350, « El-nuqWa », pp. 399-400.

2 « Laylat al-dukhla », p. 350.

3 Voir par exemple SEGALEN, Martine, op. cit., pp. 110-111 et 145-160.

4 « El-nuqWa », pp. 399-400.

5 « Al-`awâWif », p. 291. Le dictionnaire de Hinds et Badawi, p. 493, indique que le terme VabâKiyya peut désigner le lendemain d’une fête, le matin suivant la nuit de noces, où les mariés reçoivent des visites et des félicitations, et un cadeau offert au couple le lendemain de ses noces.

6 Les noces débutent généralement une semaine après la signature du contrat et d’ordinaire un lundi quand la nuit de noces est fixée au jeudi soir ; HEFFENING, op. cit., pp. 1 094-1 103. Pierre Bourdieu indique que le rituel qui se déploie complètement dans le cas des mariages entre grandes familles se trouve réduit à sa plus simple expression dans le cas du mariage entre cousins parallèles. BOURDIEU, P., op. cit., pp. 156-159 et 202.

7 CUISENIER, Jean, op. cit., p. 72.

« progrès de la civilisation ».1 AKmad Amîn désapprouve également l’ostentation avec laquelle les trousseaux sont exhibés. Il juge exagérées les dépenses auxquelles se livrent sans compter les classes aisées, tant pour le montant du douaire que pour les festivités qui débutent trois nuits avant les noces (layâlî el-Gamama) pour se prolonger plusieurs jours durant.2 Il souligne notamment le coût désastreux des festivités du mariage, qui compte, avec les funérailles et le zâr, parmi les trois choses qui ruinent une maison.3 Il note ainsi qu’une « famille peut sombrer dans une extrême pauvreté à cause des importantes cérémonies qui se

tiennent à l’occasion d’un mariage ou des funérailles ».4 L’auteur met ces dépenses inconsidérées en relation avec le caractère excessif des sentiments des Egyptiens dans la joie comme dans la peine, leur imprévoyance et l’expression « déraisonnable » de l’attachement familial.5

Le temps de la fête, qui s’inscrit en rupture avec le temps quotidien, se caractérise par l’excès, la profusion, l’abondance voire le gaspillage ostentatoire. La publicité du mariage offre aussi l’occasion d’afficher son rang et son niveau de richesse. Les cérémonies qui accompagnent sa célébration, « par leur plus ou moins grande solennité, ont pour fonction

secondaire de déclarer la signification sociale du mariage » et sont d’autant plus solennelles que le mariage unit des familles de rang élevé dans la hiérarchie sociale.6 Pierre Bourdieu y voit également une manifestation du sens de l’honneur, qui conduit à défendre « une certaine

image de soi destinée aux autres »7 et à s’en montrer digne. Lors des grandes fêtes familiales, les cadeaux et dons des invités donnent souvent lieu à des « compétitions d’honneur » et à des « surenchères ruineuses » et « de même, lors des mariages ou des circoncisions, les familles

mettent un point d’honneur à donner des fêtes aussi somptueuses que possible, au péril de se ruiner ».8

1 « El-khâWba », p. 187.

2 « Al-zawâj wa-l-Walâq », pp. 222-224. Il se trouve dans l’ouvrage de MuKammad `Umar, L’Etat présent des

Egyptiens ou le secret de leur arriération (+aGîr al-miVriyyîn aw sirr ta’akhkhuri-him, 1902) un chapitre intitulé « De notre arriération du point de vue des mariages », dans lequel il dénonce « l’inflation des dépenses

consacrées par les riches au mariage de leurs enfants, dans lesquelles ils voient l’une des causes directes de la ruine de nombreuses familles ». ROUSSILLON, Alain, « Réforme sociale et production des classes moyennes. MuKammad `Umar et « l’arriération des Egyptiens », in ROUSSILLON, A., dir., Entre réforme sociale et

mouvement national. Identité et modernisation en Egypte (1882-1962), Le Caire, Cedej, 1995, p. 48.

3 « El-gaza` », p. 137. Voir aussi La possession et le zâr.

4 « Al-usra », p. 40.

5 « El-gaza` », p. 137, « Al-usra », pp. 38-40.

6 BOURDIEU, P., op. cit., pp. 126-127.

7 Ibid., p. 38.