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Îwâ] bey (m. en 1711) apparaît comme le premier modèle de personnalité - celui du Turc - présenté dans l’article « Namâdhij ». AKmad Amîn explique qu’il était un émir circassien de la faction des Qâsimiyya et que Îwâ] est la déformation turque du nom de `IwaG. Il fut envoyé en Haute-Egypte pour soumettre les bédouins. L’auteur évoque les violents combats qui opposèrent en 17118 au Caire, pendant plus de deux mois et avec des tirs de canons, les deux factions mameloukes rivales des Qâsimiyya et des Faqâriyya9, et lors desquels Îwâ] bey trouva la mort. Il reprend les vers que composa le poète +asan al-+igâzî (m.

1 « Sûq el-`aVr », pp. 240-241, « Namâdhij », pp. 401-404.

2 « Na`l al-Gulshanî », p. 399.

3 « Al-Atrâk », pp. 23-24, « Al-a`râb », pp. 49-50, « Al-al`âb », pp. 54-55, « Alf layla wa layla », p. 56, « Bayt Yûsuf bak », pp. 104-105, « tashbîhât », p. 120, « tamthîl », pp. 126-128, « Jinn », pp. 141-143, « Al-Karb », pp. 161-166, « Al-Kukûma al-miVriyya », pp. 173-175, « Al-raqîq », pp. 212-214, « Al-sulWân Salîm », pp. 234-237, « Sûq el-`aVr », pp. 240-241, « Al-Sharkas », p. 248, « Al-shu`ûr al-waWanî », pp. 250-252, « Faragiyya », p. 305, « Al-mar’a », pp. 362-366, « Al-miVriyya », pp. 370-371, « Al-Mamâlîk », pp. 380-381, « Mawlid al-sayyid », pp. 387-388, « Na`l al-Gulshanî », p. 399, « Namâdhij », pp. 401-404.

4 « Al-Atrâk », pp. 23-24, « Al-Sharkas », p. 248, « Al-mamâlîk », pp. 380-381, « Namâdhij », pp. 401-404.

5 « Namâdhij », p. 401.

6 Ibid., p. 404.

7 Ibid., p. 404.

8 Aucune date n’est précisée dans cet article.

en 1718) sur cet épisode et que cite al-Jabartî dans sa chronique. L’auteur retire de cette notice biographique les enseignements suivants :

« Premièrement, les nombreuses déprédations commises par les bédouins et leur

châtiment par la mort et l’exil ;

Deuxièmement, maintes et diverses injustices pesaient sur les gens ;

Troisièmement, l’altération des mots arabes par les Turcs selon l’étrange prononciation [de leur langue], comme leur déformation de `IwaG en « Îwâ] » ;

Quatrièmement, l’oppression patiemment supportée par les gens ;

Cinquièmement, la faiblesse de la poésie, et néanmoins son application à consigner les événements ou d’autres choses. »1

`Abd al-Ra

K

mân Katkhuda :

`Abd al-RaKmân Katkhuda (m. en 1776), qui appartenait à la grande famille mamelouke des Qâzdughlî2 et qui fut lieutenant (katkhuda) des janissaires, forme le quatrième modèle de personnalité donné dans l’article « Namâdhij ». Il est présenté comme un exemple des émirs de l’époque mamelouke. Dans cette notice, AKmad Amîn relève notamment que `Abd al-RaKmân Katkhuda fit construire nombre d’écoles, de fontaines publiques et de monuments et qu’il agrandit la mosquée d’al-Azhar, dans laquelle il édifia son tombeau. Il offrait des repas aux pauvres pendant le mois de ramadan. L’auteur évoque également les rivalités entre les principaux émirs mamelouks de cette maison : son adversaire `Alî bey3

l’éloigna au Hedjaz en 1765, d’où il revint malade et mourant en 1776. AKmad Amîn dresse le portrait d’un personnage corrompu, qui se saisissait des biens des riches. La corruption devint sur son exemple, selon l’auteur, une pratique établie. AKmad Amîn classe parmi ses mauvaises actions (sayya’ât) les plus graves le fait qu’il ait excité les rivalités entre les émirs, pour terminer sa notice par la conclusion suivante :

« Nous pouvons en conclure que les émirs étaient des tyrans, ils faisaient la charité et

construisaient des fontaines publiques et des mosquées, croyant que cela pardonnerait leurs mauvaises actions. Cette [notice biographique] nous montre la tyrannie, la corruption, le pillage et la spoliation qui régnaient à cette époque. Les Egyptiens ne pouvaient en supporter davantage ! » 4

On notera que, comme exemple des émirs bâtisseurs, le personnage de `Abd al-RaKmân Katkhuda est remarquablement bien choisi. Au sujet des ressources considérables dont jouissaient les grands émirs, André Raymond souligne en effet que « ces fortunes

permettaient aux émirs de satisfaire leurs goûts de luxe, d’entretenir des « maisons » (...), mais aussi de constituer et entretenir des fondations religieuses et charitables. L’exemple le plus remarquable en est `Abd al-Rahmân Katkhudâ al-Qâzdaghlî : son immense fortune, héritée et renforcée par ses fonctions dans [la milice] des janissaires5, lui permit de couvrir le

1 « Namâdhij », p. 402.

2 Voir HOLT, P. M., « .âzdughliyya », EI², tome IV, pp. 885-886.

3 Voir infra.

4 « Namâdhij », p. 404.

5 Les janissaires contrôlaient une grande part des fermages urbains, et notamment celui de la douane de Suez, où transitaient les épices et le café.

Caire de monuments religieux (vingt et un construits ou restaurés) ou d’intérêt public (sept fontaines, deux ponts) ». 1

Deux traits saillants ressortent de la présentation donnée par AKmad Amîn de certaines grandes figures mameloukes : les affrontements entre factions rivales et leur pouvoir tyrannique. Les personnalités citées dans le Dictionnaire sont en effet particulièrement représentatives des luttes d’influence qui opposèrent les trois principales maisons mameloukes des XVIIe et XVIIIe siècles, les Faqâriyya, les Qâsimiyya et les Qâzdughliyya. Jusqu’en 1660, la suprématie revenait aux Faqâriyya, avec le puissant RiGwân bey (1631-1656), émir du pèlerinage et mamelouk du fondateur de cette maison, Dhû l-Faqâr bey. Puis les Qâsimiyya, alliés au gouverneur ottoman, parvinrent à chasser les Faqâriyya. Lors de la crise de 1711, qu’évoque AKmad Amîn au sujet de Îwâ] bey, l’opposition entre ces deux maisons recouvrait également celle des milices rivales des janissaires, soutenus par les Faqâriyya, et des `Azab, alliés aux Qâsimiyya. Si les Qâsimiyya l’emportèrent, la mort lors des combats de leur principal représentant, Îwâ] bey, « fut l’origine d’une vendetta entre les deux factions qui dura

vingt ans ».2 Les Faqâriyya parvinrent à restaurer leur suprématie en 1730. La montée en puissance de la maison des Qâzdughliyya, au départ alliée aux Faqâriyya, se manifeste avec son principal émir, Ibrâhîm al-Qâzdughlî ou Ibrâhîm Katkhuda, qui se rendit maître de l’Egypte de 1743 à 1754. En association avec RiGwân, le principal émir de la maison des Julfiyya (m. en 1755), il déposséda `Uthmân bey Dhû l-Faqâr (m. en 1776) du pouvoir et parvint en 1748 à la riyâsa, la plus haute place parmi les émirs mamelouks. A la mort d’Ibrâhîm en 1754, `Abd al-RaKmân Katkhuda al-Qâzdughlî, que cite AKmad Amîn, se souleva contre RiGwân et plaça ses partisans aux postes les plus importants. En dépit des profondes rivalités qui opposèrent ses membres, la maison des Qâzdughlî se maintint au pouvoir jusqu’à l’expédition française d’Egypte en 1798. AKmad Amîn en retient, outre `Abd al-RaKmân Katkhuda al-Qâzdughlî, quelques illustres figures. `Alî bey (1760-1773), dit aussi `Alî bey al-Kabîr ou BuluW Qâpân `Alî, bey mamelouk de la maison des Qâzdughlî, est cité trois fois dans le Dictionnaire.3 Originaire du Caucase, il fut offert en cadeau à Ibrâhîm Katkhuda. L’auteur signale ses campagnes contre les bédouins et sa rivalité avec `Abd al-RaKmân Katkhuda. Celui-ci l’avait nommé à la riyâsa, croyant « faire de lui un instrument

commode »4 mais, comme l’indique AKmad Amîn, `Alî bey l’exila au Hedjaz. L’ascension de `Alî bey est donnée par l’auteur en exemple de la montée en puissance des Mamelouks à l’époque ottomane : parvenu à établir un pouvoir quasi total sur l’Egypte, il tenta de se rendre indépendant du sultan.5 Le nom de MuKammad Abû l-Dhahab (1773-1775), qui fut le principal lieutenant de `Alî bey et auquel il succéda en le chassant du pouvoir6, apparaît dans deux articles. AKmad Amîn considère qu’il exerça un pouvoir tyrannique.7 Un article intitulé « Bayt Yûsuf bak » (le palais de Yûsuf bey) évoque l’un des grands émirs de MuKammad Abû l-Dhahab, Yûsuf bey. AKmad Amîn rapporte que ce dernier fit détruire, à l’instigation de son

1 RAYMOND, André, op. cit., p. 208. Voir aussi du même auteur, « Les constructions de l’émir `Abd al-Rahmân Katkhudâ au Caire », Annales islamologiques, n° 11, 1972.

2 HOLT, P. M., « Dhû l-FaNâriyya », EI², tome II, p. 240.

3 « Al-a`râb », pp. 49-50, « Al-Mamâlîk », pp. 380-381, « Namâdhij », pp. 401-404. Voir WIET, G. « `Alî bey »,

EI², tome I, pp. 402-403.

4 HOLT, P. M., « .âzdughliyya », EI², tome IV, p. 886.

5 « Al-Mamâlîk », pp. 380-381.

6 MuKammad Abû l-Dhahab entra dans la maison de `Alî bey en 1760-1761. Il fut émancipé et élevé au beylicat en 1764-1765. En tant que lieutenant de `Alî bey, il commanda trois importantes expéditions militaires entre 1769 et 1771 en Haute-Egypte, dans le Hedjaz et en Syrie. Il mourut en campagne en Palestine en 1775. Voir HOLT, P. M., « MuKammad Abû l-Dhahab », EI², tome VII, p. 422.

démon (shayWân), le luxueux palais qu’il venait de se construire. L’auteur en donne le portrait d’un être agité, qui ne tenait pas en place dans les assemblées, alternant cris et moments de calme. Il trouva un jour des incantations magiques inscrites sur des « parties cachées » du corps de son épouse. Celle-ci lui avoua qu’un shaykh du nom de 6âdûmâ les avaient écrites pour qu’elle se fasse aimer de son mari. Yûsuf bey tua le shaykh 6âdûmâ, se saisit de ses biens et vilipenda les fuqahâ’-s, les oulémas et les saints.1 Quant à Murâd bey (mort en 1801), un mamelouk de MuKammad Abû l-Dhahab, qui partagea le pouvoir avec Ibrâhîm bey al-Kabîr à partir de 1791, il incarne aux yeux de AKmad Amîn la présomption, l’insouciance et la vanité des Mamelouks pour avoir mésestimé la puissance des troupes françaises lors de l’expédition d’Egypte en 1798.2

AKmad Amîn évoque ainsi le climat politique troublé de cette époque, agitée par les complots, les assassinats et les combats. Les rivalités entre les différentes factions mameloukes ou encore les luttes d’influence à l’intérieur d’une même maison, avec leur lot de violences et de dévastations, apparaissent comme un facteur de déliquescence de la nation égyptienne, comme le souligne l’auteur dans l’article « Al-Sharkas » (les Circassiens).3 Il y évoque l’antagonisme des Faqâriyya et des Qâsimiyya pour le comparer avec l’inimitié qui oppose les Sa`d et les +arâm. La Sa`diyya et la +arâmiyya se trouvent diversement présentées dans les trois articles qui y font référence, soit comme une division entre les paysans et les bédouins4 ou entre deux tribus rivales5, soit comme la scission des villages en deux clans ou factions antagonistes engagés dans une vendetta sans fin6. Ces divisions montrent « comment

se décompose (inKallat) la nation égyptienne depuis fort longtemps ».7

AKmad Amîn caractérise les Mamelouks par la tyrannie et l’oppression (istibdâd,

]ulm, jawr) qu’ils exercèrent, les injustices, les mauvaises actions (mu]âlim, sayya’ât) et les exactions qu’ils perpétrèrent.8 Quand, au sujet de `Abd al-RaKmân Katkhuda, l’auteur décrit le despotisme des émirs mamelouks en termes de corruption, pillage et spoliation, il se réfère sans doute à « l’oppression « ordinaire »9 que les gens des émirs faisaient peser sur les commerçants et les habitants, qu’ils brutalisaient et rançonnaient. A la fin du XVIIIe siècle, les soulèvements de 1777, 1786, 1787, 1790 ou 1795 par exemple, témoignent de l’exaspération de la population du Caire contre ces exactions répétées. AKmad Amîn évoque également leur arrogance, leur vanité ou leur présomption, leur train de vie luxueux et opulent, qui n’a pas affaibli leur impétuosité, leur ostentation, leur dédain pour les pauvres.10

1 « Bayt Yûsuf bak », pp. 104-105. L’auteur date ces événements de l’année 911 de l’hégire (1505), ce qui ne correspond pas à l’époque à laquelle vécut MuKammad Abû l-Dhahab (mort en 1775). Il est également question du shaykh 6âdûmâ dans les articles « Al-futuwwa », pp. 304-305 et « Namâdhij », pp. 401-404.

2 « Al-Atrâk », pp. 23-24, « Al-Karb », pp. 161-166, « Al-shu`ûr al-waWanî », pp. 250-252.

3 « Al-Sharkas », p. 248.

4 Ibid.

5 « Barmakî wa Barâmaka », p. 87.

6 « Al-ta`aVVub », pp. 122-123. Selon Edward Lane, il s’agit de deux tribus de Basse-Egypte, célèbres pour leur inimité. LANE, Edward, An Account of the Manners and Customs of the Modern Egyptians, Londres, East-West Publications, 1989 (1re édition : 1836), p. 199. Pour P. M. Holt, les factions des Sa`d et des +arâm regroupent des artisans et des nomades égyptiens. Il indique également que les factions des Faqâriyya et des Qâsimiyya s’y étaient respectivement alliées. HOLT, P. M., « Dhû l-FaNâriyya », EI², tome II, p. 240.

7 « Al-Sharkas », p. 248.

8 « Al-Mamâlîk », pp. 380-381, « Namâdhij », pp. 401-404.

9 RAYMOND, André, op. cit., p. 239.

Comparativement aux conquérants et aux dirigeants qui les précédèrent, les Mamelouks font l’objet d’une présentation détaillée, qui s’appuie notamment sur des exemples de personnalités. L’auteur évoque principalement le XVIIIe siècle, particulièrement troublé par les rivalités qui opposèrent les factions mameloukes, « à l’origine des guerres

civiles qui ensanglantèrent le pays durant près d’un demi-siècle et auxquelles l’administration centrale se révéla incapable de mettre un terme ».1 Le pouvoir tyrannique des Mamelouks apparaît comme un exemple singulièrement marquant de l’oppression longtemps subie par les Egyptiens, et dont le souvenir intervient de manière assez récurrente dans le Dictionnaire.2