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AKmad Amîn s’attache à définir dans l’article « Al-shi`r » (la poésie) les caractéristiques de la poésie égyptienne (al-shi`r al-miV) : le charme et le bon goût, les assonances ou les allitérations, l’emploi d’expressions égyptiennes, la consomption dans l’amour, les larmes versées au souvenir de la rencontre et de la rupture, l’évocation galante des yeux et de la taille, l’affliction de la vieillesse et la prédominance de la tristesse sur la gaieté.12

La poésie égyptienne porte un cachet particulier lié au caractère des Egyptiens : « La

tyrannie continuelle [qu’ils subirent], la débauche et la volupté dans laquelle ils se vautrent et

la délicatesse de leur goût leur forgèrent manifestement un caractère sans pareil. La preuve en est que je lisais un jour un poème (qaVîda) charmant qui suscita mon admiration, je vis en

lui le cachet égyptien (al-Wâbi` al-miVrî) et je me dis qu’il fallait qu’il fût égyptien. Je lus par la

suite la biographie de son auteur et il était effectivement égyptien. » 13

1 Voir l’index La poésie.

2 « Ibn - Ibn Dâniyâl », pp. 8-9, « Al-Bahâ’ Zuhayr », pp. 98-102, « Al-BûVîrî », pp. 103-104.

3 « Al-zajal », p. 218, « Al-shi`r », pp. 249-250.

4 « In wa idhâ », pp. 72-74, « Al-Kammâm », pp. 179-180, « Al-shayb wa-l-shabâb », p. 254, « Al-mar’a », pp. 362-366.

5 « Ism al-tafGîl », pp. 42-44, « Al-ghirbâl wa-l-munkhul », pp. 297-298.

6 « In wa idhâ », pp. 72-74.

7 « Al-mar’a », pp. 362-366.

8 « Al-a`râb », pp. 49-50, « +addûta », pp. 155-161.

9 « Jinn », pp. 141-143.

10 « Al-barâghîth », pp. 83-84.

11 Voir par exemple « Al-ibra », 1, pp. 1-2, « Al-alwân », pp. 57-60, « Al-Kashîsh », pp. 169-171, « Al-Kulm », p. 176, « +ennâ», pp. 182-183, « Al-zilzâl », p. 220, « Al-sulWân Salîm », pp. 234-237, « Al-shaKKâdhûna », pp. 246-247, « `Anzat al-sayyida Nafîsa », p. 290, « El-`ûna », p. 292, « Al-ghurâb », p. 297, « Al-ghûl », pp. 299-300, « El-faraK », pp. 306-307, « Al-qaml wa-l-burghûth wa-l-ba`ûG wa-l-baqq », p. 328.

12 « Al-shi`r », p. 249.

L’auteur présente pour illustrer son propos quatre extraits de poèmes anonymes. Il renvoie à la fin de cet article à al-Bahâ’ Zuhayr et Ibn Dâniyâl, qui se distinguent par leur « personnalité égyptienne manifeste » (shakhViyya miVriyya wâGiKa).1

AKmad Amîn consacre un long article de plus de quatre pages au poète al-Bahâ’ Zuhayr (1187-1258).2 L’auteur justifie ainsi la présence de cet article : « Si nous l’évoquons

ici en dépit du peu d’informations [dont nous disposons à son sujet], c’est qu’il est un poète

égyptien, chez qui prédominent l’esprit égyptien (al-rûK al-miVriyya) et l’usage d’expressions

égyptiennes. C’est pourquoi le lecteur ne doit pas attendre de moi une histoire de sa vie mais plutôt la mise en évidence de son raffinement et du raffinement de son style. »3 La majeure partie de cet article est composée de citations de poèmes d’al-Bahâ’ Zuhayr, AKmad Amîn soulignant à plusieurs reprises l’emploi d’un mot égyptien, d’ « expressions égyptiennes

charmantes (]arîfa) »4 ou encore « profondément égyptiennes (Vamîma) »5.

Parmi les intellectuels nationalistes ou « égyptianistes »6 des années 1920 qui cherchèrent à construire une image nationale, positive et authentique de l’Egypte, l’homme de lettres et politicien MuKammad +usayn Haykal (1888-1956), l’un des principaux représentants de ce courant, louait l’œuvre d’al-Bahâ’ Zuhayr pour son caractère distinctement égyptien, retrouvant « le doux esprit du Nil flottant dans cette poésie arabe égyptienne ».7 Il s’agissait notamment de montrer que la conquête arabe, malgré l’imposition d’une nouvelle langue et d’une nouvelle religion, n’avait pas effacé la personnalité égyptienne, qui continua de s’exprimer au travers, par exemple, de la littérature arabe classique.

Le poète et auteur de théâtre Ibn Dâniyâl (1248-1310) apparaît également comme un éminent représentant de la personnalité et de la littérature égyptiennes. AKmad Amîn lui consacre une petite biographie présentant des extraits de ses poèmes et s’intéresse principalement aux pièces qu’il a composées pour le théâtre d’ombres.8

Contrairement à al-Bahâ’ Zuhayr et Ibn Dâniyâl, le poète al-BûVîrî (1212 - vers 1294/1297)9, dont le nom figure dans l’intitulé d’un article, ne fait l’objet d’aucune considération sur sa personnalité égyptienne. AKmad Amîn cite le titre de ses poèmes à la

1 « Ibn - Ibn Dâniyâl », p. 8.

2 « Al-Bahâ’ Zuhayr », pp. 98-102. Abû l-FaGl b. MuKammad b. `Alî al-Muhallabî al-Azdî, connu sous le nom d’al-Bahâ’ Zuhayr ou Bahâ’ al-Dîn Zuhayr, naquit à La Mecque en 1187. Il partit très jeune pour l’Egypte, d’abord à QûV en Haute-Egypte puis au Caire vers 1227. Il entra au service d’al-6âliK Ayyûb, le fils du sultan al-Kâmil (1218-1238). Il accompagna notamment al-6âliK Ayyûb dans une expédition en Syrie. A son avènement, al-6âliK Ayyûb (1240-1249) le nomme vizir. Tombé en disgrâce, al-Bahâ’ Zuhayr tenta en vain, à la mort d’al-6âliK Ayyûb, d’entrer au service du souverain de Damas, al-NâVir Yûsuf. Voir RIKABI, J., « Bahâ’ al-Dîn Zuhayr », EI², tome I, p. 940.

3 « Al-Bahâ’ Zuhayr », p. 98.

4 Ibid., p. 98.

5 Ibid., p. 99.

6 Pour reprendre l’expression de GERSHONI, Israel et JANKOWSKI, James P., Egypt, Islam and the Arabs :

The Search for Egyptian Nationhood, 1900-1930, New York Oxford, Oxford University Press, 1986, 335 p.

7 HAYKAL, M. H., « Ta’rîkh MiVr wa Adabu-ha » (L’histoire et la littérature de l’Egypte), Al-Siyâsa

al-usbu`iyya, 22 décembre 1928, p. 5, cité par GERSHONI, I. et JANKOWSKI, J. P., op. cit., p. 158. Voir aussi Mémoire et séquelles de l’oppression.

8 « Ibn - Ibn Dâniyâl », pp. 8-9. Voir Le théâtre.

9 Sharaf al-Dîn Abû `Abd Allâh MuKammad b. Sa`îd b. +ammad al-6anhâjî al-BûVîrî, poète égyptien d’origine berbère, naquit en Haute-Egypte. Il vécut dix ans à Jérusalem, et séjourna à la Mecque et à Médine. Puis il s’établit dans le Delta, à Bilbays, près de Zagâzîg, où il occupa un petit emploi administratif. Voir « al-BûVîrî »,

louange du Prophète, sa célèbre Burda1 ainsi que al-QaVîda hamziyya fî madâ’ih

al-nabawiyya.2 Notant qu’il fut greffier dans des tribunaux (kabîr al-kuttâb), AKmad Amîn s’intéresse aux descriptions qu’il a laissées des fonctionnaires de son temps. Dans l’article « Al-BûVîrî », il cite un poème sur la corruption des commis et des magistrats.3 On trouve de même un long extrait d’al-BûVîrî dans l’article sur les fonctionnaires «Al-muwa]]afûna ».4 Les mentions d’al-BûVîrî concernent davantage le témoignage qu’il apporte sur son époque que l’illustration des caractéristiques de la poésie égyptienne.

Les thèmes qui se dégagent des références que fait AKmad Amîn à la poésie ou des extraits qu’il cite correspondent au sujet qu’ils sont censés illustrer. L’auteur note ainsi l’existence de poèmes (qaVâ’id) sur l’astrologie5 et signale la QaVîdat al-jaljalûtiyya, poème composé de formules magiques.6 Il illustre la croyance à la chance par plusieurs citations de poèmes.7 De même, l’inclination des Egyptiens à l’hypocrisie et à la flatterie ressort dans leur poésie.8 Il évoque par ailleurs les poèmes (qaVâ’id) dédiés aux saints, ainsi que la communauté dénommée « ebn el-layâlî », qui récitait des poèmes d’amour soufis, comme ceux d’Ibn al-FâriG (1181-1234) lors des séances de dhikr.9 Il fait également mention des poèmes et des récits (ash`âr, qiVaV) relatant la naissance du Prophète (mawlid), chantés par les

fuqahâ’ lors des fêtes et du mawlid al-nabî10, et des poèmes sur le Prophète (qaVâ’id nabawiyya), que chantaient les mendiants ou cet homme qui passait souvent dans son quartier natal.11

AKmad Amîn souligne à plusieurs reprises la place importante qu’occupe le thème de l’amour dans la poésie égyptienne, fait qui lui paraît révélateur de la prédominance de la galanterie, du désir et de la sensualité chez les Egyptiens.12 Il note par exemple que « les

poètes pleurent souvent leur jeunesse car leur âge ne sied pas aux femmes. La poésie d’amour égyptienne est emplie [de ces plaintes] ce qui montre la vitalité de ce genre parmi les

Egyptiens et que les femmes détestent les hommes vieillissants. Aussi pleurent-ils leur jeunesse car c’est ce qui plaît aux femmes ».13 L’auteur signale par ailleurs certains motifs poétiques, le pigeon, par exemple, qui symbolise l’amour et la fidélité14 ou encore des motifs de la poésie arabe ancienne, le « corbeau de la séparation » (ghurâb al-bayn)15 ou les métaphores des yeux de gazelle et de la grâce de gazelle.16

1 BûVîrî aurait composé ce poème alors qu’il était atteint d’une hémiplégie, dont le Prophète le guérit en lui jetant son manteau sur les épaules. On prête des propriétés surnaturelles à ces vers, qui sont employés comme amulette, récités aux enterrements et qui ont suscité de nombreux commentaires. Voir BASSET, R., « Burda », EI², tome I, pp. 1 354-1 355.

2 « Al-BûVîrî », pp. 103-104, « Al-Ka]] », pp. 171-172, « Al-muwa]]afûna », pp. 386-387.

3 « Al-BûVîrî », pp. 103-104.

4 « Al-muwa]]afûna », pp. 386-387.

5 « Burj », p. 84. Voir La divination.

6 « Taskhîr al-jânn », pp. 116-119, « Al-jaljalûtiyya », p. 139. Voir Les pratiques magiques.

7 « Al-Ka]] », pp. 171-172. Voir aussi La fatalité, le destin, la chance et la fortune.

8 « Al-mujâmala », pp. 355-356, « Al-shaKKâdhûna », pp. 246-247. Voir aussi les vers sur l’hypocrisie cités dans « Al-mudâra », pp. 361-362.

9 « Al-istighâtha », pp. 37-38, « Ibn », 5, pp. 4-16. Voir aussi Saints et soufis.

10 « Qirâ’at al-mawlid », p. 320

11 « Al-shaKKâdhûna », pp. 246-247, « Al-mûsîqâ wa-l-ghinâ’ », pp. 384-386.

12 « Al-Kubb », p. 153, « Al-safar », pp. 232-233, « Al-shi`r », pp. 249-250, « Al-shayb wa-l-shabâb », p. 254, « Al-`awâWif », p. 291. Voir La famille et la femme.

13 « Al-shayb wa-l-shabâb », p. 254.

14 « +amâm », pp. 178-179.

15 « Al-ghurâb », p. 297. Sur le corbeau de la séparation, voir La divination.

Les caractéristiques de la poésie égyptienne se retrouvent, selon AKmad Amîn, dans les chansons, les plaisanteries1 et la poésie populaire (zajal).