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Les solutions proposées par la doctrine

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 152-156)

Section 2 : Régime de la parasubordination

A- Les solutions proposées par la doctrine

Les propositions doctrinales relatives à la prise en considération de la parasubordination (2) s’inscrivent au sein d’un contexte (1).

1-Le contexte

289. Depuis quelques années, le débat relatif à la dépendance économique retrouve une certaine importance notamment grâce à certains articles418, rapports419 que cela soit en France,

417

M. Freedland, « The Personal Employment Contract », OUP 2003, p.28;

151 à l’étranger ou au sein de la Commission européenne. Cette prise en considération de la dépendance économique du travailleur n’a rien de surprenant dans la mesure où ce phénomène existe depuis fort longtemps et qu’il s’est récemment développé par l’apparition de nouvelles formes d’organisation économique tels les réseaux de distribution, l’essaimage, la sous-traitance et l’externalisation.

290. La législation française prend déjà en considération la dépendance économique. Elle institue un statut protecteur au bénéfice des travailleurs économiquement dépendants. La majeure partie du dispositif de protection se trouve au sein de la partie VII du Code du travail. Le Code de commerce offre également une protection contre la dépendance économique au bénéfice de certaines personnes tels les gérants-mandataires, les agents commerciaux, les vendeurs à domicile indépendants, etc. La législation actuelle prend en considération la dépendance économique mais uniquement de façon ponctuelle. La multiplication des situations de parasubordination nécessite la prise en considération du phénomène de manière globale. Une législation ponctuelle semble, dans ce contexte, perdre en crédibilité et en efficacité. D’autant que le travailleur parasubordonné est privé à deux égards de protection. N’étant pas salarié, il ne peut prétendre à la protection juridique définie par le Code du travail. N’étant pas totalement indépendant, il ne bénéficie pas de la protection donnée par la multiplicité des donneurs d’ordre. Cette évolution des relations de travail est à l’origine de plusieurs propositions doctrinales ayant pour objectif la protection du travailleur économiquement dépendant.

2-Les propositions doctrinales

La doctrine a d’ores et déjà formulé trois propositions majeures. La première consiste en une extension du domaine du salariat (a). La deuxième prône la création d’un droit de l’activité professionnelle (b). La troisième consiste en la création d’une catégorie juridique intermédiaire entre indépendant et salarié (c).

a-L’extension du domaine du salariat

291. Certains auteurs prônent une extension du salariat. Selon eux, l’extension peut être réalisée par deux moyens, soit par un assouplissement de la notion de subordination juridique,

419 A. Perulli, « Travail économiquement dépendant/ parasubordination : les aspects juridiques, sociales et économiques », 2003 ; A. Supiot,

152 soit par un accroissement des professions présentes au sein de la partie VII du Code du travail. Cette position doctrinale est critiquée par certains auteurs notamment Monsieur le Professeur P.-H. Antonmattei. Pour ce dernier, il est inutile de dénaturer la notion de lien de subordination juridique. D’autant que le travailleur économiquement dépendant se situerait davantage dans le domaine du travail indépendant. En ce qui concerne l’intégration de nouvelles professions au sein de la partie VII du Code du travail, cela ne répond pas à la création d’un régime global et homogène au bénéfice des travailleurs économiquement dépendants. Une autre proposition doctrinale consiste en la création d’un droit de l’activité professionnelle.

b-Le droit de l’activité professionnelle

292. Présentation du droit de l’activité professionnelle. Aucun texte légal ne définit

l’activité professionnelle. La doctrine définit la profession d’une personne telle « l’activité

qu’elle exerce d’une manière habituelle en vue d’en tirer un revenu lui permettant de vivre »420. Une définition négative de l’activité professionnelle est réalisée par la jurisprudence qui définit le bénévolat. Pour Monsieur le Professeur J. Barthélémy, le bénévolat est une « activité exercée par une personne physique pour sa seule satisfaction

personnelle et sans aucune contrepartie financière, en tout cas lucrative »421. Ce droit de l’activité professionnelle est composé de deux ensembles de règles. L’un applicable à l’ensemble des travailleurs, du plus subordonné au plus indépendant. L’autre est fonction du degré de subordination ou d’autonomie du travailleur et du niveau de protection requis par sa situation. « Le passage d’un niveau de protection à un autre peut être très progressif et cela

est de nature à justifier des solutions adaptées à chaque situation particulière. D’où un progrès, car cela permet d’abandonner une conception technicienne du droit pour un droit vivant, lui-même inspiré d’une approche organisationnelle »422. L’intérêt de la création d’un droit de l’activité professionnelle est la suppression de la distinction existante entre travailleur indépendant et travailleur salarié par la constitution d’un socle de règles commun à tous les travailleurs.

293. Contenu du droit de l’activité professionnelle. Le socle commun à tous les

travailleurs comporte l’ensemble des droits fondamentaux mentionné notamment au sein des

420 J. Barthélémy, « Du droit du travail au droit de l’activité professionnelle », Les cahiers du DRH, juin 2008, n°144 ; 421 J. Barthélémy, « Du droit du travail au droit de l’activité professionnelle », Les cahiers du DRH, juin 2008, n°144 ; 422 J. Barthélémy, « Du droit du travail au droit de l’activité professionnelle », Les cahiers du DRH, juin 2008, n°144 ;

153 principes constitutionnels et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Tout d’abord, le socle commun offre à tous les travailleurs une protection sociale. Cela paraît cohérent notamment avec l’harmonisation actuelle des régimes de protection sociale. En ce qui concerne les droits individuels, le socle commun offre à l’ensemble des travailleurs le respect de la vie privée et personnelle, le droit d’expression, le droit à l’égalité, le droit à la dignité et le respect de l’interdiction des discriminations. Tout travailleur bénéficie également des dispositions relatives à l’hygiène, la santé et la sécurité en vertu de l’article 23 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui dispose que « toute

personne a droit à des conditions équitables et satisfaisantes de travail ». Le socle commun

du droit de l’activité professionnelle permet aussi à tout travailleur de bénéficier d’un droit à la formation et à l’adaptation. En ce qui concerne les droits collectifs, le socle commun offre à tous les travailleurs le respect du droit à la coalition, du droit de grève et du droit à la négociation. Quant au socle variable, il est fonction du degré d’autonomie de chacun des travailleurs et de leurs diverses situations personnelles. Ce droit de l’activité professionnelle est l’objet de critiques.

294. Critique du droit de l’activité professionnelle. Certains auteurs indiquent que la

création d’un droit de l’activité professionnelle est une source de complexité. En effet, pour ces auteurs, ce droit remplace deux statuts existants par une pluralité de statuts. Cette pluralité de situations entraîne une certaine insécurité juridique nécessitant un recours excessif au juge. De plus, pour Monsieur le Professeur P.-H. Antonmattei, « un droit de l’activité

professionnelle ne gommera pas les particularités du travailleur salarié, du travailleur indépendant et du travailleur indépendant économiquement dépendant »423. Une autre proposition doctrinale suggère la création d’une catégorie intermédiaire.

c-La création d’une catégorie intermédiaire

295. Certains auteurs souhaitent admettre l’originalité de la situation factuelle des travailleurs économiquement dépendants. Pour cela ils prônent la création d’une catégorie tierce qui se situerait entre les catégories juridiques d’indépendant et de salarié. La création de cette troisième qualification répond à l’existence d’une situation factuelle. De nombreux travailleurs, sans être qualifiés de salariés, se trouvent dans une situation de dépendance économique. Le recours à cette troisième qualification a pour objectif principal de fournir une

423 P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », Rapport à M. le Ministre du

154 protection à ces travailleurs. Une protection supérieure à celle des travailleurs indépendants mais inférieure à celle des salariés. Cette proposition doctrinale subit de nombreuses critiques, notamment celle « de remplacer une frontière floue par deux qui le seront tout autant »424. Cependant, pour certains auteurs, le risque semble pouvoir être pris dans la mesure où la distinction entre indépendant et salarié ne parvient pas à s’adapter aux mutations actuelles des relations de travail. Quelles que soient les propositions doctrinales, celles-ci prônent la nécessaire protection du travailleur parasubordonné.

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