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Les modalités et la nature de la rémunération

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 38-44)

Section 1 : La pertinence des critères

B- La nécessaire présence d’une rémunération

1- Les modalités et la nature de la rémunération

70. En pratique, la rémunération est le plus souvent fixée au temps travaillé. Elle est alors souvent forfaitaire et mensuelle. Cependant, elle peut être également fixée aux nombre de pièces réalisées c’est-à-dire à la tâche accomplie. Néanmoins, il semble que ce dernier mode

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Cass. Soc., 15 avril 1970, Prouvost c/ Sté Comexport, Bull. civ. V n°251 ; Cass. Soc., 11 juillet 1995, Imbert c/ Laroppe ;

83 Cass. Soc., 15 octobre 1981, Braginski c/ Sté Lipka, Bull. civ. V n°790 ;

84 Cass. Soc., 21 mai 1965, Docteur Wattez et autres c/ Sté de secours minière, Bull. civ. 1965 n°5 ; 85 CA de Paris, 30 janvier 1997, 18ème chambre E, Dubuis c/ Mirica ;

37 de fixation de la rémunération fasse davantage parti du faisceau d’indices permettant la qualification de profession libérale. La rémunération peut également comprendre des primes, des commissions et des pourcentages. Cependant, selon la Cour de cassation, une rémunération fixée uniquement au pourcentage sur le chiffre d’affaires écarte la qualification de contrat de travail86. La participation du salarié aux bénéfices ou la perception d’un intéressement ne dénature pas la qualification de contrat de travail. En revanche, en présence d’une participation aux pertes, il ne peut y avoir contrat de travail.

71. La rémunération peut être attribuée en argent ou nature. Il est possible que le salarié soit exclusivement rémunéré en nature à la condition que la rémunération ne soit pas inférieure aux minimas légaux87. Est indifférente la qualification de la rémunération. Ainsi, la perception d’honoraires n’exclut en rien la qualification de contrat de travail88. Suite à l’étude des modalités et de la nature de la rémunération, il est nécessaire d’analyser le montant et le versement de celle-ci.

2-Le montant et le versement de la rémunération

72. Le montant de la rémunération perçue est en principe sans incidence sur la qualification de contrat de travail. Cependant, selon la Cour de Cassation, doit être refusée la qualité de salarié à un travailleur, en raison de la modicité de la rémunération qu’il perçoit. Celle-ci correspondant davantage à un remboursement de frais qu’à un salaire89. Néanmoins si la somme versée ne peut être assimilée à un remboursement de frais, le contrat peut être qualifié de contrat de travail par les juges et relève ainsi du Code du travail et ce même en présence d’une rémunération très inférieure au SMIC90. En effet, comme l’indique le Professeur E. Dockès « ce n’est pas parce qu’un travailleur est très mal payé que le SMIC est

inapplicable. C’est au contraire pour protéger les travailleurs très mal payés que le SMIC a été créé »91.

86 Cass. Soc., 15 décembre 1993, Vignaud c/ Loyen et a. ; 87 Cass. Soc., 20 février 1963, Bull.civ. IV, n°144 ; 88 Cass. Soc., 14 mars 1991, Bull. civ. V, n°138 ; 89 Cass. Soc., 22 mars 1989, RJS 5/1989, n°455 ; 90

Cass. Soc., 17 avril 1985, Bull. civ. V n°171 ;

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73. De même les modalités de versement de la rémunération importent peu. La

rémunération est généralement versée au salarié par l’employeur. Cependant, la rémunération peut également être versée par un tiers. Régulièrement, au sein de groupes de sociétés, une société membre du groupe a pour fonction la gestion et le versement de la rémunération de l’ensemble des salariés du groupe. Dans certaines circonstances, l’absence de rémunération du travailleur peut être exclusive de la qualification de contrat de travail.

3-Les conséquences de l’absence de rémunération

L’absence de rémunération en contrepartie de la prestation exécutée par le travailleur peut être exclusive de la qualification de contrat de travail notamment en présence d’une activité bénévole (a), d’une prestation de travail réalisée en famille (b) et d’un engagement religieux (c).

a-Le bénévolat

74. Le bénévolat est une notion appartenant à un concept plus large nommé entraide. Cette dernière se définit telle une prestation gratuite de travail. Elle est exclusive de toute notion de contrat de travail. Ainsi, un conseiller juridique réalisant des consultations pour le compte d’une organisation syndicale ne peut prétendre être intégré au sein d’un service organisé dès lors qu’il n’apporte aucune preuve d’éléments attestant de l’organisation et du fonctionnement du service juridique auquel il appartient. En l’espèce, l’absence d’organisation structurée du service, de directives et de régulation de l’activité semble démontrer l’existence d’une activité bénévole. D’autant plus que le conseiller juridique ne perçoit aucune rémunération. Il est seulement indemnisé des frais engagés. Il n’est dès lors pas apporté la preuve d’un lien de subordination juridique permettant une requalification en contrat de travail92. De même un contrat de travail ne peut être caractérisé entre un compagnon et la communauté d’Emmaüs dans la mesure où la présence au sein de la communauté emporte soumission aux règles de vie communautaire. Or ces dernières définissent un cadre d’accueil comprenant la participation à un travail destinée à l’insertion sociale du compagnon. Cette prestation de travail n’est pas subordonnée93.

92 Cour d’appel de Paris, 8 avril 2008, n°06-10728, 18ème chambre D, Le Grand c/ Union départementale Force ouvrière 91 ; 93 Cass. Soc., 9 mai 2001, Dr. soc. 2001, p.798, note J. Savatier ;

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75. Cependant, il arrive que le travailleur conteste le caractère gratuit de la prestation réalisée. Les juges sont alors tenus de prendre en considération les conditions au sein desquelles la prestation de travail est effectuée. Ils peuvent dès lors parfois requalifier le contrat d’entraide en contrat de travail. Afin de distinguer le contrat de bénévolat du contrat de travail, un auteur propose de prendre en considération l’objet social de l’association pour déterminer la nature du contrat94. Ainsi, est caractérisé un contrat de travail, lorsque des bénévoles de l’association la Croix-Rouge française accompagnent des voyageurs sous les ordres et les directives de cette dernière qui a le pouvoir d’en contrôler l’exécution et d’en sanctionner d’éventuels manquements. D’autant plus que lesdits bénévoles perçoivent une somme forfaitaire supérieure au montant des frais réellement exposés95. Le travail en famille constitue souvent une entraide. Néanmoins, une requalification en contrat de travail est parfois envisageable.

b-Le travail en famille

76. La participation d’un membre de la famille à l’exercice d’une activité professionnelle peut être considérée comme une simple entraide et non comme une prestation de travail salariée. Ainsi, l’épouse d’un gérant de magasin n’apportant aucune preuve de la volonté de son mari de l’engager n’établit pas sa qualité de salariée malgré le fait qu’elle a réalisé une prestation de travail. Le gérant de magasin possède la liberté de se faire aider par toute personne de son choix96. A contrario, un lien de subordination est démontré dès lors que l’épouse a été engagée avant le mariage, qu’elle continue à effectuer la même prestation de travail postérieurement au mariage et qu’il lui a été délivré un certificat de travail. Ce dernier n’étant pas de complaisance97. Il en est de même pour une salariée devenant la concubine du directeur du café au sein duquel elle travaille. Il lui est dès lors possible de réclamer en justice le paiement des salaires qui ne lui sont plus versés depuis le début de la relation sentimentale98.

77. En ce qui concerne les enfants, un fils n’établissant pas l’existence d’un contrat de travail conclu entre lui-même et son père ne peut être lié par un contrat de travail. D’autant

94 D. Asquinazi-Bailleux, « La difficile distinction du contrat de bénévolat et du contrat de travail », RJS 2002, p.983 ; 95

Cass. Soc., 29 janvier 2002, n°99-42.697, Association Croix-Rouge française c/ Huon, RJS 4/02, N°387 ;

96 Cass. Soc., 16 décembre 1982, n°2320, Sarret c/ SA Foucray Chevreuse ; Cass. Soc., 2 juillet 2002, n°06-45.418 ; 97 Cass. Soc., 2 juillet 1991, n°2738 D, Capelle c/ Skrypzak ;

40 plus, que sa participation aux travaux de l’exploitation s’explique par des considérations d’entraide et de collaboration familiales99. A contrario, un fils peut être lié à son père par un contrat de travail en présence d’un lien de subordination juridique. Ainsi un fils assistant son père au sein de l’activité commerciale en qualité d’aide livreur puis de chauffeur-livreur peut recevoir une rémunération correspondant aux services rendus. Il ne s’agit en rien d’une entraide familiale100. Par principe, l’engagement religieux est également exclusif de la qualification de contrat de travail. Néanmoins une requalification demeure possible.

c-L’engagement religieux

78. Lorsque l’association est cultuelle et qu’elle a pour objet exclusif l’exercice du culte, conformément aux articles 18 à 24 de la loi du 9 décembre 1906, la qualification de contrat de travail est exclue. Par principe, il est admis qu’au sein des collectivités de tendance, certaines missions ne relèvent pas du Code du travail et ce même si ces activités sont exercées au sein d’une institution hiérarchisée et qu’elles donnent lieu au versement d’une rémunération. Par nature le contrat liant une collectivité de tendance à un ministre du culte semble, selon la doctrine, échapper à l’application du droit du travail. Selon Monsieur le professeur J.-F. Cesaro, « c’est la foi et non la recherche d’une rémunération qui est la cause de l’activité du

ministre du culte »101. De plus, pour certains auteurs, l’activité exercée par un ministre du culte n’est pas une prestation de travail102. L’autorité qui s’impose au ministre du culte ne constitue pas un lien de subordination. Le ministre du culte ne reçoit pas d’ordres ni de directives. Cela symbolise uniquement l’appartenance d’un individu à une institution au service de Dieu103.

Selon la Cour de cassation, « les pasteurs des églises et œuvres cultuelles relevant de

la Fédération protestante de France ne concluent pas, relativement à l’exercice de leur ministère, un contrat de travail avec les associations cultuelles légalement établies »104. La Cour de cassation estime que les activités exercées par un pasteur sont par nature exclusives de l’existence d’un lien de subordination juridique. Cet arrêt confirme une jurisprudence de

99 Cass. Soc., 17 mai 1973, J.-B. Jarlier c/ J. Jarlier, Bull. civ. V n°310 ; 100 Cass. Soc., 18 mai 1967, Poupel c/ Poupel, Bull. civ. V, n°405 ; 101

J.-F. Cesaro, « Les pasteurs ne sont pas liés aux associations cultuelles par un contrat de travail », JCP S, n°15, 4 Octobre 2005, 1232 ;

102 Th. Revet, note sous Cour d’appel de Paris, 7 mai 1986, JCP G 1986, II, 20671 ; 103 Cass. Soc., 23 avril 1997, JCP G1997, II, 22961 ;

41 1986 relative à un pasteur de l’Eglise réformiste de France105. Par cet arrêt de 1986, la Cour de cassation a explicitement affirmé le principe de l’absence de contrat de travail du ministre du culte lors de l’exécution du ministère cultuel. Selon la Cour de cassation, les juges du fond ne doivent pas rechercher s’il existe un lien de subordination entre le ministre du culte et l’Eglise. Cette jurisprudence est confirmée par l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation106.

79. A contrario, si un individu adhère à une communauté religieuse n’ayant pas le statut

d’association cultuelle, il peut être lié par un contrat de travail107. De même si le religieux conclut un contrat avec un organisme se distinguant de son ordre, un contrat de travail peut être caractérisé. Ainsi, un religieux qui apporte son concours à une université catholique pour l’animation de formations et la sélection de candidats doit être assujetti au régime général de la Sécurité sociale dans la mesure où ces activités sont distinctes de toute activité sacerdotale108. Un contrat de travail peut également être caractérisé lors de l’exercice d’une prestation de travail dans le cadre d’une association cultuelle à la condition que l’activité réalisée soit distincte de l’engagement religieux109. Par un arrêt de 1997, la Cour de cassation n’exclut pas une possible relation salariale entre le ministre du culte et son association cultuelle. Elle invite dès lors les juges du fond à rechercher si le ministre du culte reçoit des ordres et des directives de son Eglise110. Ce courant jurisprudentiel a été récemment confirmé par un arrêt de la Chambre sociale du 20 janvier 2010111. Par cet arrêt, la Cour de cassation indique que « l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté

exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs, que l’engagement religieux d’une personne n’est susceptible d’exclure l’existence d’un contrat de travail que pour les activités qu’elle accomplit pour le compte et au bénéfice d’une congrégation ou d’une association cultuelle légalement établie. Qu’en statuant comme elle l’a fait alors qu’il résultait de ses constations que l’association la Croix glorieuse n’était ni une association cultuelle, ni une congrégation légalement établie, et qu’il lui appartenait de rechercher si les

105 Cass. Soc., 20 novembre 1986, n°84-43.643 ; 106 Cass. ass. Plén., 8 janvier 1993, n°87-20.036 ; 107 Cass. Soc., 29 octobre 2008, n°07-44.766 ; 108 Cass. Soc., 20 décembre 1990, n°88-11.451 ; 109 Cass. Soc., 6 mars 1986, n°83-41.787 ; 110

Cass. Soc., 23 avril 1997, n°94-40.909 ;

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critères d’un contrat de travail étaient réunis, la cour d’appel a violé le texte susvisé (L.1221- 1 du Code du travail)».

La prestation de travail et la rémunération sont certes des critères du contrat de travail, néanmoins, il ne s’agit pas de critères déterminants. Le critère décisif de la qualification est la réalisation d’une prestation de travail subordonnée.

§2.Une prestation de travail subordonnée

L’existence d’une prestation de travail subordonnée caractérise le contrat de travail (A). En revanche, l’absence de subordination permet d’autres qualifications contractuelles (B).

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