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La parasubordination en Espagne

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 144-149)

Section 2 : Régime de la parasubordination

A- La parasubordination en Espagne

Le législateur espagnol prend en considération la parasubordination en accordant une double protection aux « travailleurs autonomes économiquement dépendants ». Ces derniers

407407 P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », Rapport à M. le Ministre du

Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, novembre 2008, n°16, p.13 ;

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P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », Rapport à M. le Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, novembre 2008, n°17, p.13-14 ;

143 jouissent de la protection accordée à l’ensemble des travailleurs autonomes (1) et d’une protection spécifique (2).

1-La protection accordée à l’ensemble des travailleurs autonomes

272. Par l’adoption de la loi n°20/2007 du 11 juillet 2007 portant Statut du travail autonome, le législateur espagnol établit un dispositif juridique qui ne connaît pas d’équivalent au sein de l’Union européenne. Le « travailleur autonome économiquement dépendant » bénéficie de deux régimes, l’un applicable à tous les travailleurs autonomes et l’autre spécifique à ceux soumis à une dépendance économique. Ce dernier régime permet la protection de la partie contractuelle faible et ce sans nuire à la liberté contractuelle des parties.

273. Les « travailleurs autonomes économiquement dépendants » bénéficient du régime applicable à l’ensemble des travailleurs autonomes. Ces derniers jouissent d’une protection contre les discriminations. Cette protection est requise par la directive communautaire n°86/613/CE du 11 décembre 1986. Ainsi, les travailleurs autonomes se voient reconnaître le bénéfice des droits fondamentaux et des libertés publiques consacrés par la Constitution. Ils jouissent du droit à la conciliation de leur activité professionnelle avec leur vie personnelle et familiale. Ils bénéficient également du droit de ne pas subir de discriminations directes ou indirectes, que celles-ci proviennent de leur cocontractant ou des autorités publiques. Aucune stipulation contractuelle ne peut faire obstacle à cette protection. Les pouvoirs publics ont l’obligation de garantir l’effectivité des droits fondamentaux et des libertés publiques reconnus aux travailleurs autonomes.

274. Par le régime applicable à l’ensemble des travailleurs autonomes, les « travailleurs autonomes économiquement dépendants » bénéficient des dispositions protectrices contre les risques professionnels. La première responsabilité revient à l’administration publique. Celle- ci doit réaliser des activités de promotion de la sécurité au travail, de prévention et de formation. Elle doit également contrôler le respect effectif par le travailleur autonome des règles relatives aux risques professionnels. Lorsque la prestation du travailleur autonome est réalisée au sein des locaux de l’entreprise utilisatrice, cette dernière doit veiller au respect des règles d’hygiène et de sécurité à l’égard de celui-ci. En cas de dommage, l’entreprise utilisatrice est responsable de l’indemnisation du préjudice subi par le travailleur autonome. Tout comme un salarié, le travailleur autonome bénéficie d’un droit de retrait lorsque son activité lui fait courir un risque grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

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275. Enfin l’ensemble des travailleurs autonomes, dont les « travailleurs autonomes économiquement dépendants », bénéficie de garanties économiques. Ils possèdent une action directe en paiement des honoraires à l’encontre du maître de l’ouvrage lorsqu’ils réalisent leur prestation de travail au bénéfice d’un entrepreneur ou d’un sous traitant. Ils jouissent également d’une protection de leur résidence principale sans toutefois que cette dernière soit insaisissable. La loi n°20/2007 portant Statut du travail autonome pose en ses articles 3.1 a) et b) les principes d’articulation entre les dispositions de cette loi, la législation spéciale applicable à l’activité professionnelle de certaines catégories de travailleurs autonomes et le droit commun des contrats civils, commerciaux et administratifs. La loi n°20/2007 portant Statut du travail autonome possède une application prioritaire par rapport au droit commun des contrats dans la mesure où elle est spéciale et postérieure. En ce qui concerne l’articulation entre la loi portant Statut du travail autonome et la législation spéciale, la loi portant Statut du travail autonome ne s’applique que dans la mesure où elle ne contrevient pas à la loi spéciale. Outre cette protection applicable à l’ensemble des travailleurs autonomes, les « travailleurs économiquement dépendants » jouissent d’une protection spécifique.

2-La protection accordée aux seuls « travailleurs autonomes économiquement dépendants »

La protection spécifique accordée aux « travailleurs autonomes économiquement dépendants » leur permet de jouir de droits individuels (a) et collectifs (b).

a-La jouissance de droits individuels

276. Le titre II, chapitre 3 du Statut du travail autonome crée un régime spécifique au bénéfice des « travailleurs autonomes économiquement dépendants ». Ce régime confère de nombreuses prérogatives à ces travailleurs. Celles-ci sont proches de celles accordées aux salariés. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un régime d’assimilation au salariat. En effet, la loi portant Statut du travail autonome indique, en son article 3. 3, que « le travail réalisé pour

son compte propre ne sera pas soumis à la législation du travail, à moins que la loi n’en dispose expressément autrement ».

277. En ce qui concerne les conditions d’exercice de l’activité, le « travailleur autonome économiquement dépendant » jouit d’un droit au repos, d’un droit au congé et de dix-huit

145 jours de vacance annuelle. Les heures supplémentaires pouvant être réalisées sont limitées à 30% du volume horaire contractuellement prévu.

278. En ce qui concerne la rupture des relations contractuelles, elle peut être due à des causes personnelles telle la retraite, le décès, etc. Elle est également envisageable en cas de faute ou d’inexécution réalisée par l’une des parties au contrat. Ce qui est surprenant est que la rupture ne peut intervenir à l’initiative du « travailleur autonome économiquement dépendant » qu’à la suite de la réalisation d’un préavis. Lorsque la rupture contractuelle est à l’initiative de l’entreprise utilisatrice, elle ne peut intervenir que pour une cause justifiée et qu’à la suite d’un préavis conforme aux usages. En l’absence de motivation, le « travailleur autonome économiquement dépendant » est indemnisé. Le législateur fixe un montant d’indemnité qui est supplétif de la volonté des parties au contrat. Cela implique nécessairement un renforcement du pouvoir des juges lors de la rupture contractuelle. Ceux-ci devant apprécier le motif de la rupture contractuelle ainsi que l’indemnité due. Par ailleurs, ce sont bien les juridictions du travail qui sont compétentes en cas de litige entre le « travailleur autonome économiquement dépendant » et l’entreprise utilisatrice.

279. En ce qui concerne la suspension du contrat, le législateur invoque la notion « d’interruptions justifiées ». Ces dernières ont pour cause un accord mutuel des parties, des nécessités familiales, des risques en matière de santé et de sécurité, une incapacité temporaire du travailleur, une maternité ou une paternité du travailleur, une situation de violence « de

genre » ou encore un cas de force majeure. Le « travailleur autonome économiquement

dépendant » jouit également de droits collectifs.

b-La jouissance de droits collectifs

280. Le titre III du Statut du travail autonome reconnaît à tous les travailleurs autonomes le bénéfice de droits collectifs. Dès lors les « travailleurs autonomes économiquement dépendants » jouissent de ces droits. Néanmoins, le statut collectif applicable aux « travailleurs économiquement dépendants » présente de nombreuses particularités par rapport à celui des travailleurs autonomes. Ce statut s’apparente davantage à une protection spécifique. Les « travailleurs économiquement dépendants » peuvent adhérer librement à l’organisation syndicale ou au groupement patronal de leur choix dans les conditions établies par la loi organique n°11/1985 du 2 août 1985 relative à la liberté syndicale.

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281. Les « travailleurs autonomes économiquement dépendants » peuvent également créer

et adhérer à des associations professionnelles spécifiques qui mènent, selon l’article 19§1, c du Statut du travail autonome, une « activité collective de défense de leurs intérêts

professionnels ». Cependant, la loi ne confère pas aux associations professionnelles chargées

de la défense des intérêts professionnels des travailleurs autonomes les mêmes prérogatives qu’aux organisations syndicales. Les associations professionnelles sont ou non représentatives. Les critères de représentativité de celles-ci diffèrent de ceux usés pour les organisations syndicales. La représentativité des associations professionnelles est acquise si elles démontrent une implantation suffisante dans le cadre où elles exercent leur activité. Le législateur établit une liste non exhaustive des critères objectifs permettant d’apprécier l’implantation : nombre d’adhérents, nombre d’accords de représentation signés avec d’autres associations, moyens matériels et humains, présence d’un siège permanent, etc. A contrario, la représentativité des organisations syndicales s’apprécie par référence à l’audience recueillie lors des élections professionnelles.

282. Lorsque l’association professionnelle est représentative, le législateur lui confère certaines prérogatives telle la représentation des travailleurs autonomes auprès des autorités publiques, le droit d’être consultée lorsque les pouvoirs publics envisagent de mener une politique publique ayant des conséquences sur le travail autonome et la gestion de programmes publics dont les destinataires sont les travailleurs autonomes409. Les associations professionnelles ne peuvent signer des conventions collectives. En revanche, elles ont la possibilité de conclure des accords « d’intérêt professionnel ». Ces accords ne sont signés qu’au bénéfice des « travailleurs autonomes économiquement dépendants ». Les parties à ces accords sont les associations professionnelles et les entreprises utilisatrices. Ces accords ont pour objet la fixation des conditions d’exécution de la prestation de travail autonome dans le respect des règles de droit de la concurrence et des dispositions d’ordre public. Ces accords

« d’intérêt professionnel » ne se substituent pas aux contrats civils et commerciaux liant les

parties. En revanche, le législateur indique que « toute clause du contrat individuel d’un

travailleur autonome économiquement dépendant affilié à un syndicat ou membre d’une association professionnelle de travailleurs autonomes sera nulle si elle entre en contradiction avec un accord d’intérêt professionnel signé par ce syndicat ou cette association et applicable à ce travailleur autonome économiquement dépendant en vertu de l’expression de

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F. Valdès Dal-Ré et O. Leclerc, « Les nouvelles frontières du travail indépendant. A propos du Statut du travail autonome espagnol », Revue de droit du travail 2008, p.296 ;

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son consentement exprès »410. Ainsi l’accord « d’intérêt professionnel » se distingue nettement de la convention collective dans la mesure où il ne produit pas d’effet erga omnes. Cet accord est conclu dans le respect des dispositions du Code civil. Il ne prévaut sur les dispositions contractuelles qu’à la double condition que le « travailleur autonome économiquement dépendant » soit personnellement adhérent au groupement signataire et ait accepté que l’accord « d’intérêt professionnel » lui soit applicable. La parasubordination est également prise en considération au sein de la législation italienne.

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 144-149)