• Aucun résultat trouvé

En droit interne

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 141-144)

Section 1 : Qualification de la parasubordination

B- En droit interne

En droit interne, la qualification de parasubordination relève de l’analyse de ses composantes: le travailleur bénéficiaire de cette qualification (1) et la dépendance économique (2).

1-Le travailleur bénéficiaire

266. Pour Monsieur le Professeur A. Perulli, « le travailleur économiquement dépendant

est actuellement inclus dans la catégorie du travail indépendant, il s’agit donc d’un travail indépendant bien que présentant des traits particuliers ». De prime abord, il est dès lors

140 possible d’écarter de la qualification de travailleurs économiquement dépendants les relations triangulaires de travail dans la mesure où l’existence d’un contrat de travail n’est pas contestée au sein de ces situations.

267. Le travailleur économiquement dépendant, relevant de la catégorie juridique du travailleur indépendant, doit présenter les critères de qualification de ce dernier. Depuis la loi n°2008-776 du 4 août 2008, « est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions

de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre »401. Néanmoins, le critère légal n’est pas unique. Par une observation de la jurisprudence et de la doctrine, d’autres critères du travail indépendant apparaissent, notamment l’ « exercice d’un travail à titre personnel, pour son compte, dans le cadre d’une

organisation productive indépendante de celle du bénéficiaire de la prestation, le travailleur assumant les risques de son activité »402. Le travailleur économiquement dépendant doit exécuter sa prestation de travail seul. Pour Monsieur le Professeur P.-H. Antonmattei, la qualité de travailleur économiquement dépendant ne devrait être retenue qu’en l’absence de forme sociétaire ou qu’en présence de formes sociétaires individuelles. Au sein du contentieux de la requalification de l’artisan, la Cour de cassation indique que l’exercice à titre personnel d’une prestation de travail exclut le recours à de la main d’œuvre403. La solution retenue en ce qui concerne les gérants non salariés de succursales de commerce de détail alimentaire est à l’opposé. En pratique, la réalisation de la prestation de travail seul ou avec un nombre réduit de salariés n’a que peu d’incidences. Néanmoins, la notion de

« nombre réduit » est floue. Il est dès lors nécessaire de fixer un nombre seuil de salariés. Or

ce seuil serait par définition arbitraire. C’est pourquoi, en droit comparé, les législations retiennent la qualification de travailleur économiquement dépendant à la condition que le travailleur exerce seul la prestation de travail. Monsieur le Professeur P.-H. Antonmattei suggère de retenir ce critère404. Suite à l’étude des travailleurs pouvant bénéficier de la qualification de parasubordination, il est nécessaire d’observer sa composante principale : la dépendance économique.

401 Article L.8221-6-1 du Code du travail ; 402

P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », Rapport à M. le Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, novembre 2008 ;

403 Cass. Com., 11 mars 2008, n°06-20.089, JCP E, 2008, 2050, note Ch. Lebel; 404

P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », Rapport à M. le Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, novembre 2008, n°14, p.11 ;

141 2-La dépendance économique

268. Le livre vert de la Commission des Communautés Européennes nommé

« Moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIème siècle » en date du 22

novembre 2006 définit la dépendance économique405. Selon la Commission, « La notion de

« travail économiquement dépendant » couvre des situations qui ne relèvent ni de la notion bien établie de travail salarié, ni de celle de travail indépendant. Cette catégorie de travailleurs ne dispose pas de contrat de travail. Ils peuvent ne pas tomber sous le coup de la législation du travail, parce qu’ils occupent une « zone grise » entre le droit du travail et le droit commercial. Quoique formellement « indépendants », ils restent économiquement dépendants d’un seul commettant ou client/ employeur pour la provenance de leurs revenus ».

Trois critères de la dépendance économique semblent se dégager de cette définition : le critère du chiffre d’affaires, celui de la durée de la relation contractuelle et celui de la dépendance de l’organisation productive du travailleur par rapport à l’activité du donneur d’ordre.

269. En ce qui concerne le critère du chiffre d’affaires, la dépendance économique du travailleur apparaît lorsqu’il réalise la majeure partie de son chiffre d’affaires grâce aux prestations qu’il réalise pour un seul client. Actuellement, certaines grandes entreprises prennent ce phénomène en considération. C’est pourquoi elles réduisent volontairement le volume d’activité de chacun de leurs prestataires afin de réduire les hypothèses de dépendance économique. Si l’émergence d’une catégorie juridique du travailleur parasubordonné est souhaitée, il est nécessaire de préciser le seuil de la part du chiffre d’affaires menant à la dépendance économique. Monsieur le Professeur P. -H. Antonmattei suggère qu’un travailleur ait la qualité de travailleur économiquement dépendant dès lors qu’il perçoit au moins 50% de ses revenus professionnels d’un même client. Selon lui, ce seuil pourrait être augmenté par le « jeu de la négociation collective »406.

270. En ce qui concerne le critère de la durée de la relation contractuelle, cette dernière contribue à créer la dépendance économique en présence d’un seul client. Ce critère est notamment retenu par la législation italienne. Pour qu’il y ait parasubordination, la relation contractuelle doit être durable. La prestation exercée par le travailleur doit satisfaire à un besoin durable de son cocontractant et ne peut être réalisée instantanément. Cette durée de la

405 COM (2006) 708 final ; 406

P.-H. Antonmattei, J.-C. Sciberras, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », Rapport à M. le Ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille et de la Solidarité, novembre 2008, n°16, p.12 ;

142 relation contractuelle doit être déterminée afin de dégager une catégorie juridique de travailleur parasubordonné. Monsieur le Professeur P.-H. Antonmattei propose une durée minimale de deux mois pouvant être conventionnellement augmentée en fonction des secteurs d’activité407.

271. En ce qui concerne le critère de la dépendance de l’organisation productive du travailleur par rapport à l’activité du donneur d’ordre, l’absence de lien avec le marché économique démontre une dépendance économique du travailleur. Selon Monsieur le Professeur A. Perulli, « les travailleurs parasubordonnés effectuent leur travail en faveur de

leurs commanditaires, ces derniers se préoccupant ensuite de placer les produits sur le marché. Pour une certaine partie de la doctrine allemande, cette absence de lien avec le marché représente un indice de la dépendance économique, à la fois condition nécessaire et conséquence du manque d’autonomie réelle des travailleurs économiquement dépendants »408. Par ce critère, le travailleur économiquement dépendant se trouve exclu du marché économique de la distribution. Une fois qualifiée, la parasubordination requiert l’élaboration d’un régime spécifique, protecteur du travailleur.

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 141-144)