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Les artistes du spectacle

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 108-111)

Section 1 : L’extension de la qualification : les présomptions de salariat

B- Les artistes du spectacle

Il existe une présomption simple de contrat de travail au bénéfice des artistes du spectacle (1). L’application de cette présomption nécessite la réunion de plusieurs conditions (2). Cette présomption peut être renversée, mise à l’écart (3) et possède certains effets (4).

1-L’existence de la présomption

196. Afin de pallier la dépendance économique, le législateur a mis en place une présomption simple de contrat de travail au bénéfice des artistes du spectacle. En l’absence de celle-ci, ces derniers seraient des prestataires de services indépendants. Selon l’article L.7121- 2 du Code du travail sont notamment considérés comme des artistes du spectacle, les artistes lyriques, dramatiques, chorégraphes, de variété, de complément, les musiciens, les chansonniers, les chefs d’orchestre, les arrangeurs - orchestrateurs et les metteurs en scène. Par la présence de l’adverbe « notamment » cette liste légale n’est pas limitative. Par l’existence de cette présomption, tout contrat signé par un artiste du spectacle avec un organisateur de spectacle, personne physique ou personne morale, est présumé être un contrat de travail294. Cette présomption ne vaut qu’en présence de ces deux parties295. Néanmoins conformément au droit commun, l’artiste du spectacle peut apporter la preuve qu’une autre personne que l’organisateur de spectacle exerce sur lui un lien de subordination296. Cela peut aboutir à la reconnaissance d’une pluralité d’employeurs en présence d’une activité unique. Cette présomption existe également en droit de la Sécurité sociale, elle est posée à l’article L.311-3, 15° du Code de la Sécurité sociale. Ainsi, l’artiste du spectacle est affilié au régime général de la Sécurité sociale. L’application de cette présomption nécessite la réunion de plusieurs conditions.

294 Cass. Soc., 19 mai 1998, Bull. civ. 1998, V, n°270 ;

295 Cass. Soc. , 3 octobre 2007, JCP S 2008, 1133, note T. Lahalle ; 296 Cass. Soc., 19 décembre 2007, JCP S 2008, 1271, note T. Lahalle ;

107 2-Les conditions de la présomption

197. L’article L.7121-3 du Code du travail pose des conditions légales à l’application de la présomption simple. Selon cette disposition, « Tout contrat par lequel une personne

s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité qui fait l'objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce. » Tout d’abord, la prestation de travail de l’artiste doit être rémunérée.

A cet égard, « les royalties perçues ultérieurement à l’occasion de la vente des disques ne

sauraient être considérées comme des rémunérations au sens de l’article L.762-1 précité dès lors qu’elles sont perçues ultérieurement, après exploitation du produit, et sont exclusivement fonction de cette exploitation »297. Ensuite, l’objet du contrat doit être la production de l’artiste. Enfin, l’artiste ne doit pas exercer sa prestation de travail dans des conditions permettant l’application de la présomption de non-salariat posée au sein de l’article L.8221-6 du Code du travail298. Ainsi ne peut bénéficier de la présomption simple de qualification de contrat de travail, l’artiste inscrit au registre du commerce et des sociétés qui choisit sa clientèle, organise librement son activité, supporte les charges et les risques de celle-ci et négocie avec ses clients les tarifs horaires de ses prestations299. Ces conditions légales sont cumulatives. Cependant aucune autre condition n’est nécessaire à l’application de la présomption de qualification de contrat de travail. Les juges du fond ne doivent dès lors pas caractériser l’existence d’un lien de subordination300. Une fois la présomption appliquée, celle-ci peut être renversée et mise à l’écart.

3-Le renversement et la mise à l’écart de la présomption

198. La présomption mise en œuvre par le législateur au bénéfice des artistes du spectacle est une présomption simple. Ainsi, elle peut être renversée par la preuve de l’exécution de la prestation de travail dans les conditions d’une activité indépendante. Cependant, en pratique, peu d’éléments de preuve permettent de renverser cette présomption. Selon l’article L.7121-4, alinéa 1 du Code du travail, la preuve contraire ne peut être constituée par le mode et le montant de la rémunération. La présentation de factures et l’adoption d’un régime fiscal

297

Cour d’appel de Rennes, Chambre prud’homale, 20 septembre 2001, JurisData n°2001-153518 ;

298 Cass. Soc., 13 mai 1980, D. 1981, p.124, observation de Ph. Langlois ; 299 Cass. Soc., 12 janvier 1995, RJS 1995, n°192 ;

108 libéral ne permettent pas le renversement de la présomption301. De même le fait que l’artiste emploie du personnel est sans incidence sur le maintien de la présomption à la seule condition qu’il participe au spectacle302. C’est ainsi qu’un contrat d’animation de camping répond aux conditions exigées pour l’application de la présomption de contrat de travail303. L’article L.7121-4, alinéa 2 du Code du travail précise que lorsque l’artiste est propriétaire des biens utilisés pour les besoins de la prestation, cela n’entraîne pas l’absence d’une relation salariée.

199. Afin d’être en conformité avec une jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes, il y a certaines situations où la présomption simple au bénéfice des artistes du spectacle est mise à l’écart. Selon l’article L.7121-5 du Code du travail, « la

présomption de salariat prévue à l'article L. 7121-3 ne s'applique pas aux artistes reconnus comme prestataires de services établis dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen où ils fournissent habituellement des services analogues et qui viennent exercer leur activité en France, par la voie de la prestation de services, à titre temporaire et indépendant. » Cette disposition rend

conforme la législation française du travail à une décision jurisprudentielle de la Cour de Justice des Communautés Européennes304 selon laquelle, « le fait de présumer qu’un artiste

établi en tant qu’opérateur indépendant dans un autre Etat membre, est salarié lorsqu’il exerce une prestation provisoire en France est une entrave à la libre prestation de services »305 et ce même si cette entrave est non discriminatoire. En revanche, la présomption de contrat de travail et d’affiliation au régime général de la Sécurité sociale au bénéfice des artistes du spectacle subsiste pour les artistes extracommunautaires306. Lorsque la présomption est appliquée, elle possède un certain nombre d’effets.

4-Les effets de la présomption

200. Tout d’abord, lorsque l’artiste du spectacle bénéficie de la présomption, il est partie à un contrat de travail. Il bénéficie de l’ensemble des dispositions du droit du travail et est affilié au régime général de la Sécurité sociale. La rémunération versée en contrepartie de sa

301 Cass. Soc., 20 septembre 2006, JCP S 2006, 1835, note T. Lahalle ; 302 Cass. Soc., 29 mars 1973, Bull. civ. 1973, V, n°210 ;

303

Cass. Soc., 20 septembre 2006, n°05-40.225 ;

304 CJCE, 15 juin 2006, aff. C-255/04, JCP S 2006, 1611, note J. Cavallini ;

305 JurisClasseur Travail Traité, fascicule 17-1 : salariat, I-Identification, B-Salariat présumé, n°76 ; 306 Cass. 2e civ., 25 mai 2004, Bull. civ. 2004, II, n°233 ;

109 prestation constitue un salaire soumis à charges sociales. Ensuite, la juridiction compétente en cas de litige relatif au contrat est le Conseil de prud’hommes.

201. En ce qui concerne particulièrement les artistes interprètes bénéficiant de la présomption, ils conservent la titularité de leurs droits malgré l’existence d’un contrat de travail. Ce dernier n’a pas d’incidence au regard de la propriété littéraire et artistique. Ainsi, l’employeur doit nécessairement recueillir l’accord exprès du salarié pour exploiter l’interprétation307. De même l’artiste lié par un contrat de travail demeure titulaire de son droit moral. Il peut dès lors l’opposer à son employeur308. Une présomption simple existe également en faveur des mannequins.

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