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D’autres contrats et l’absence de subordination

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 56-62)

Section 1 : La pertinence des critères

B- D’autres contrats et l’absence de subordination

Par principe, en l’absence de lien de subordination juridique, un contrat ne peut être qualifié de contrat de travail. Ce critère décisif du contrat de travail permet de distinguer ce dernier d’autres contrats et notamment des contrats d’entreprise (1), de mandat (2), de société (3), de stage (4), de collaboration (5) et de franchise (6).

1-L’absence de lien de subordination et le contrat d’entreprise

101. Le contrat d’entreprise se caractérise également par la présence d’une rémunération et d’une prestation de travail. En revanche, la prestation de travail est réalisée de façon indépendante et non de manière subordonnée. En effet, si l’entrepreneur est tenu par une obligation de résultat, il conserve toute liberté quant aux moyens d’exécution de sa tâche. Il a

154 Cass. Crim., 14 avril 1992, n°91-82.634 ; 155

Cass. Soc., 14 mars 1995, SCP Louis Amarine c/ Vigroux ;

55 notamment la possibilité d’avoir recours à des salariés propres auxquels il fournit le matériel nécessaire à la réalisation de la prestation de travail.

Selon la Cour de cassation, un artisan non surveillé dans l’exécution de sa tâche, percevant un prix forfaitaire global pour son compagnon et lui-même, n’ayant que pour seule obligation de terminer sa prestation de travail à une date déterminée, n’est pas un salarié mais un travailleur indépendant157. De même constitue un contrat d’entreprise et non un contrat de travail, le contrat conclu entre une société et un travailleur dès lors que les obligations prévues au sein du contrat ne permettent pas l’établissement d’un lien de subordination. Celles-ci résultant pour l’essentiel de dispositions d’ordre public édictées par la loi d’orientation des transports intérieurs. De plus la rémunération du travailleur est versée en fonction du cubage et de la distance parcourue, le travailleur est responsable de tout dommage causé par les véhicules et prend en charge la totalité des frais de réparation et d’entretien des véhicules158.

102. Une difficulté apparaît lorsque le contrat d’entreprise est conclu pour des prestations de travail successives et non pour une prestation unique. L’indépendance est dès lors complexe à caractériser. Ainsi ne peut constituer un contrat d’entreprise, le contrat liant un jardinier à un horticulteur dans la mesure où celui-ci donne des instructions, verse un salaire horaire et perçoit directement le paiement de la clientèle envers laquelle il est le seul engagé et responsable. Ainsi le contrat d’entreprise en présence d’un lien de subordination juridique entre les parties doit être requalifié en contrat de travail159. Il en est de même en ce qui concerne le contrat de mandat.

2-L’absence de lien de subordination et le contrat de mandat

103. Selon l’article 1984 du Code civil, le contrat de mandat est un acte par lequel le mandant donne au mandataire le pouvoir de faire quelque chose en son nom. Par le contrat de mandat, le mandataire représente le mandant. Le contrat de mandat peut être conclu à titre gratuit selon l’article 1986 du Code civil. Cependant, il est le plus régulièrement conclu à titre onéreux. Par conséquent, ce n’est pas le critère de la rémunération qui distingue le contrat de mandat du contrat de travail. L’objet du contrat de mandat ne permet pas non plus de le distinguer du contrat de travail. L’objet du contrat de mandat consiste en l’accomplissement

157 Cass. Soc., 3 février 1965, Marquez c/ Sté MIP, Bull. civ. V n°100 ;

158 Cour d’appel de Metz, 20 janvier 1997, Magi et autres c/ SA Béton Granulats Ile-de-France Est (BGIE) ; 159 Cass. Soc., 10 janvier 1980, Arnaud c/ Pourrière, Bull. civ., V n°29 ;

56 d’actes juridiques au nom du mandant par le mandataire. Or, il est fréquent qu’un salarié hautement qualifié ait l’obligation d’accomplir des actes juridiques au sein de sa prestation de travail (embauche de personnel pour le compte de l’employeur, personnels techniques détachés pour représenter la société, etc.).

104. Le critère distinctif entre le contrat de mandat et le contrat de travail est le lien de subordination juridique. Le mandataire agit en toute indépendance dans l’exécution de sa mission et ce malgré le fait qu’il ait l’obligation de rendre des comptes au mandant. Ainsi, selon la Cour de cassation, le directeur, exerçant en toute indépendance la gestion d’un fonds de commerce et ayant un contrat excluant tout préavis de résiliation, est lié par un contrat de mandat et non par un contrat de travail en l’absence d’un lien de subordination juridique160. Il en est de même en ce qui concerne, une personne procédant à la liquidation du matériel d’une entreprise en liquidation judiciaire. L’obligation de rendre des comptes est insuffisante pour caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique161. A contrario, en présence d’un lien de subordination juridique, une requalification du contrat de mandat en contrat de travail est réalisée par le juge. Il en est de même en ce qui concerne le contrat de société.

3-L’absence de lien de subordination et le contrat de société

105. Selon l’article 1832 du Code civil, le contrat de société se définit tel celui par lequel plusieurs personnes conviennent de mettre des biens ou leur travail en commun afin de partager les bénéficies et les pertes qui en résulteront. Le contrat de société est caractérisé par trois éléments essentiels : l’existence d’apports, la recherche de bénéfices ou affectio

societatis et le risque de pertes. Le principe est l’existence d’une égalité entre associés.

Cependant, une inégalité de droits tenant à la fonction des associés dans la société peut exister. C’est notamment le cas au sein des sociétés en commandite dans lesquelles il existe une distinction entre les associés commandités et les associés commanditaires. Néanmoins, un lien de subordination ne peut être caractérisé. Un associé ne peut être lié à la société par un lien de subordination qu’en cumulant la fonction d’associé avec celle de salarié par la conclusion d’un contrat de travail dans les seuls cas où ce cumul est prévu par la loi. De même, la distinction entre contrat de travail et convention de stage est parfois complexe.

160

Cass. Com., 5 juin 1973, n°71-13.831, Lemercier c/ Fayein, Bull. civ. IV, n°201 ;

57 4-L’absence de lien de subordination et la convention de stage

106. Il n’existe pas de définition juridique du stage dans la mesure où il y a une importante diversité de situations. Le stage peut être défini par son public. Le stage s’adresse dès lors à une personne en situation de formation ou en recherche d’insertion. Le stage peut également se définir par son objet. Il a pour objectif de placer une personne en situation de travail afin de compléter une formation théorique par une expérience pratique en entreprise ou de favoriser l’insertion professionnelle.

Le stage est l’objet d’une convention tripartite conclue entre le stagiaire, la société d’accueil et une tierce personne qui peut être un centre de formation, l’Etat, Pole emploi, etc. Cette convention est par principe exclusive de la qualification de contrat de travail. Ainsi la Cour de cassation précise que, sauf à vouloir vider de son sens la convention de stage, la seule circonstance que le stagiaire ait accompli un travail dans des conditions réelles d’emploi ne peut être de nature à exclure une telle convention. En effet le stage suppose une mise en situation réelle. L’accomplissement de tâches professionnelles sous l’autorité de l’entreprise d’accueil n’est pas de nature à exclure la mise en œuvre d’une convention de stage162.

107. Cependant, la frontière entre le contrat de travail et la convention de stage est parfois perméable et des risques de requalification existent. C’est notamment le cas lorsque la société d’accueil ne respecte pas les stipulations de la convention de stage ou lorsqu’une telle convention est inexistante. Selon la Cour de cassation, la volonté des parties est impuissante à les soustraire au statut social qui découle des conditions d’accomplissement des tâches par le stagiaire dans l’entreprise. Ainsi, lorsqu’un stagiaire est intégré dans un service organisé et qu’il exécute les tâches normales d’un emploi au sein de la société, la convention de stage doit être requalifiée en contrat de travail. D’autant plus que ledit stagiaire ne perçoit aucune formation163. Une convention de stage doit être qualifiée en contrat de travail dès lors que la convention de stage est détournée de son objet. Cela est notamment le cas lorsqu’un stagiaire exécute des travaux plus importants que ceux devant être exécutés par un simple stagiaire telle la signature de devis, la constitution de dossiers pour le compte de clients et la signature de courriers164. Il en est de même en ce qui concerne le contrat de collaboration, par essence,

162 Cass. Soc., 17 octobre 2000, n°98-40.986 ; 163 Cass. Soc., 27 octobre 1993, n°90-42.620 ;

58 il est exclusif du contrat de travail. Cependant dans certaines conditions la requalification du contrat de collaboration en contrat de travail est envisageable.

5-L’absence de lien de subordination et le contrat de collaboration

108. Le contrat de collaboration libérale est une relation contractuelle entre un patron et un collaborateur. Ce contrat exclut tout lien de subordination. Il est le mode principal d’exercice de la profession d’avocat notamment. Ce qui distingue l’avocat collaborateur de l’avocat collaborateur salarié est que ce dernier ne peut avoir de clientèle personnelle et que sa responsabilité professionnelle est assumée par l’employeur.

109. Cependant, par un arrêt en date du 14 mai 2009, la Cour de cassation requalifie un contrat de collaboration en contrat de travail165. Cet arrêt possède une importance certaine quant à son importante publication « FS+P+B+R+I », quant à l’importance quantitative des litiges envisageables et enfin quant à ses conséquences indemnitaires telle une indemnité de préavis, une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ou des dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement.

110. En l’espèce, un avocat, suite à la rupture de son contrat de collaboration libérale, saisit le bâtonnier d’une demande de requalification de ce contrat en contrat de travail. Le 21 janvier 2008, la Cour d’appel de Lyon infirme la sentence arbitrale et estime que la rupture du contrat s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme la requalification du contrat de collaboration en contrat de travail au motif que « si, en principe, la clientèle personnelle est exclusive du salariat, le traitement

d’un nombre dérisoire de dossiers propres à l’avocat lié à un cabinet par un contrat de collaboration ne fait pas obstacle à la qualification de ce contrat en contrat de travail lorsqu’il est établi que cette situation n’est pas de son fait mais que les conditions d’exercice de son activité ne lui ont pas permis de développer effectivement une clientèle personnelle ».

Selon la Cour de cassation, le traitement d’un nombre dérisoire de dossiers personnels après les heures de travail et durant les fins de semaine, le partage d’un bureau avec un autre collaborateur et l’existence d’une salle de réunion, ne permettant ni l’accès à l’outil informatique ni au téléphone, excluent nécessairement l’indépendance technique propre au collaborateur libéral.

59 Il semble que le critère déterminant motivant la requalification par les juges est la faiblesse quantitative de la clientèle personnelle de l’avocat. Cependant cette notion doit être précisée dans la mesure où la faiblesse quantitative est une notion ambiguë et difficilement appréciable en l’état. De plus, il est complexe de savoir si la faiblesse quantitative de la clientèle personnelle est imputable au collaborateur ou au cabinet d’avocats166. En l’espèce, l’absence de mise à disposition par l’employeur de moyens matériels et humains caractérise un contrat de collaboration salariée dans la mesure où le développement d’une clientèle est, dans ces conditions, entravée. Malgré sa nature commerciale, le contrat de franchise peut, dans certaines hypothèses, être requalifié en contrat de travail.

6-L’absence de lien de subordination et le contrat de franchise

111. L’article 1er du règlement de la Commission européenne du 30 novembre 1988 définit le contrat de franchise167. Ce contrat est défini tel « un accord par lequel une

entreprise, le franchiseur, accorde à une autre, le franchisé, en échange d’une compensation financière directe ou indirecte, le droit d’exploiter un ensemble de droits de propriété industrielle ou intellectuelle concernant des marques, noms commerciaux, enseignes, dessins et modèles, droits d’auteur, savoir-faire ou brevet, destinés à être exploités par la revente de produits ou la prestation de services à des utilisateurs finals ». Ce contrat de nature

commerciale n’est pas, par principe, régi par le droit du travail168. Cependant, les juges n’étant pas liés par la qualification contractuelle retenue par les parties, une requalification en contrat de gérance ou en contrat de travail est envisageable et permet l’application du droit du travail à la relation contractuelle.

112. En ce qui concerne la requalification d’un contrat de franchise en contrat de gérance, la Cour de cassation, en ses Chambres commerciale et sociale, l’a jugé à plusieurs reprises169. Pour que le droit du travail s’applique, par requalification en contrat de gérance, il faut la réunion de trois conditions cumulatives170. Le franchisé doit être lié au franchiseur par un lien d’exclusivité ou de quasi-exclusivité, le local permettant l’exercice de son activité doit être

166 C. Puigelier, « Vers la disparition de la collaboration libérale ? », JCP S, n°26, 23 juin 2009, act. 322 ; 167

JOCE, n°L.359, 28/12/1988 ;

168 Cass. Soc., 27 septembre 1989, n°86-18.467 ;

169 Cass. Com., 3 mai 1995, n°D.1995. p.10 ; Cass. Soc., 4 décembre 2001, n°99-41.265 ; 170 Cass. Soc., 28 novembre 1984, n°82-42.660 ;

60 fourni ou agréé par le franchiseur171 et le franchisé doit exercer son activité aux conditions et prix imposés par le franchiseur172. Par cette requalification en contrat de gérance, le droit du travail s’applique partiellement par volonté du législateur. Ce n’est pas une requalification en contrat de travail mais en un contrat assimilé173.

113. En ce qui concerne la requalification du contrat de franchise en contrat de travail, la Cour de cassation l’a jugé à plusieurs reprises également174. Dans un arrêt rendu par la Chambre criminelle le 27 novembre 2001, les juges du fond estime que « le système élaboré

par la société F.A. dissimulait une relation salariale, dans la mesure où le franchisé n’avait pas la stature d’un commerçant mais exerçait son activité dans un cadre organisé et filialisé conservant ses pouvoirs de contrôle et de décision en le cantonnant aux tâches d’exécution ».

Le contrat de franchise est dès lors requalifié en contrat de travail et l’infraction de travail dissimulé est caractérisée.

114. L’ensemble des critères du contrat de travail ne permet pas nécessairement une distinction avec d’autres contrats. Il est parfois complexe de déterminer si les parties sont liées ou non par un contrat de travail. C’est pourquoi, une majorité doctrinale met en évidence l’insuffisance des critères du contrat de travail.

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