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La présence d’indices subsidiaires

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 51-56)

Section 1 : La pertinence des critères

A- Le contrat de travail et la subordination

4- La présence d’indices subsidiaires

Les critères du lien de subordination ne permettent pas d’apporter la souplesse d’interprétation requise. Ainsi, le lien de subordination peut être identifié par un ensemble d’indices subsidiaires. Les juges du fond usent alors de la technique du faisceau d’indices.

134 Cour d’appel de Paris, 18ème chambre C, 6 décembre 2007, n°07-4136, Naudet c/ Montenay ; 135 Cass. 2ème civ., 25 mai 2004, n°02-31.203 ;

136

Cass. Soc., 4 décembre 1997, n°96-16.442 ;

50 Il n’existe pas une liste exhaustive et limitative des indices pris en considération par les juges du fond. En revanche, certains sont régulièrement présents au sein de la jurisprudence. Par l’usage du faisceau d’indices, une même profession peut être une activité indépendante ou salariée en fonction de ses modalités d’exercice.

Sont notamment des composantes du faisceau d’indices, l’existence d’une activité profitable à l’entreprise (a), l’absence de risque économique (b), l’existence de conditions matérielles d’exécution du travail (c) et la présence d’auxiliaires du travailleur (d).

a-L’existence d’une activité profitable à l’entreprise

94. Un des indices essentiels du lien de subordination est la réalisation par le travailleur d’une activité profitable à la société et effectuée pour le compte de l’employeur. Afin qu’il y ait reconnaissance du contrat de travail, il est nécessaire que la prestation de travail soit réalisée au profit d’une tierce personne.

Ainsi est salarié, le médecin qui ne choisit pas ses patients et qui ne dispense des soins qu’aux clients de la clinique pour laquelle il travaille138. Il en est de même, pour des catcheurs rémunérés directement par une entreprise de spectacles passant des contrats avec des associations, des comités de fêtes139, etc.

Néanmoins, dans certaines situations, cet indice d’une activité exercée pour le compte de l’employeur et profitable à la société est inopérant. C’est pourquoi la jurisprudence a parfois recours à l’indice du risque économique.

b-L’absence de risque économique

95. Cet indice constitue le critère de distinction entre travailleurs indépendant et salarié. Selon le Professeur G. Lyon-Caen, « Le non-salarié est celui qui supporte les risques de son

activité et en recueille les profits alors que le salarié ne saurait prétendre aux profits et par voie de conséquence ne court pas les risques. Profits et risques sont étroitement liés à la notion d’entreprise : le salarié n’est pas un entrepreneur, il participe à l’entreprise d’autrui,

138

Cass. Soc., 7 décembre 1983, Bull.civ. V, n°592 ;

51

alors que le non-salarié est un entrepreneur, un chef d’entreprise, même si celle-ci est individuelle ; on dit qu’il est « à son compte »140. »

La Cour de cassation a usé de l’indice de risque économique afin de renforcer le critère du service organisé. Ainsi, les médecins remplaçants, qui exercent leur activité au sein d’une unité de réanimation à des horaires imposés en contrepartie d’une rémunération forfaitaire mensuelle, ne supportent pas le risque économique de l’exploitation. Ils sont dès lors salariés et assujettis au régime général de la Sécurité sociale141.

En revanche, une étudiante en chirurgie dentaire qui effectue un remplacement supporte le risque économique lorsque le contrat prévoit l’absence de contrôle du titulaire du cabinet sur son activité et la rétrocession de la moitié des honoraires perçus et ce peu important la garantie d’un forfait minimum142.

L’absence de risque économique est un indice de la présence d’un lien de subordination juridique. D’autres indices constituent le faisceau d’indices telle l’existence de contraintes horaires, la présence d’un lieu d’exécution du travail et la fourniture du matériel par l’employeur.

c-L’existence de conditions matérielles d’exécution du travail

Constituent des conditions matérielles d’exécution du travail, la présence d’horaires, d’un lieu d’exécution du travail et la fourniture par l’employeur du matériel.

96. La présence d’horaires. La présence de contraintes horaires imposées au travailleur

constitue un indice de son appartenance à un service organisé par l’employeur. Il s’agit de la manifestation du pouvoir de direction de l’employeur. Ce dernier fixe la répartition des horaires, exige le respect de ceux-ci et sanctionne les manquements. L’horaire constitue un indice non négligeable de la présence du lien de subordination juridique. Ainsi, un médecin contraint de respecter les horaires préétablis par la clinique est considéré tel un salarié143. Il en

140

G.Lyon-Caen, Le droit du travail non salarié, Ed. Sirey 1990 ;

141 Cass. Soc., 28 novembre 1991, n°89-18.898 ; 142 Cass. Soc., 13 mars 1997, n°95-11.112 ;

52 est de même en ce qui concerne un psychologue tenu de respecter les horaires fixés par un centre infantile144.

De par leur nature, certaines professions ne peuvent pas s’exercer selon un horaire régulier. Alors, selon la Cour de cassation, la contrainte horaire peut également être constituée par une convocation de l’employeur. Il en est ainsi, de l’agent immobilier ayant l’obligation de se rendre régulièrement au siège social de la société dans l’objectif de rendre des comptes à l’employeur sur l’exercice de son activité professionnelle145. En revanche, ne peut être considéré comme salarié, le journaliste pigiste non soumis à un emploi du temps146. Constitue également un indice du lien de subordination juridique, l’existence d’un lieu d’exécution du travail.

97. Le lieu d’exécution du travail. Une contrainte tenant à l’obligation pour le travailleur

d’exercer sa prestation au sein d’un lieu déterminé constitue un indice en faveur de la qualité de salarié. Cependant, même si la présence d’un lieu d’exécution du travail est un indice du lien de subordination, il ne permet pas de distinguer entre travail salarié et travail indépendant dans la mesure où tout cocontractant peut se voir imposer de respecter un point géographique précis afin d’exercer sa prestation de travail. Ainsi est considéré tel un salarié, le conseil juridique qui se voit imposer par la société qui l’emploie un secteur d’activité et un lieu de résidence147. Il en est de même pour un agent immobilier ayant l’obligation de rester à la disposition des clients à des heures déterminées et à un lieu déterminé148.

98. Le lieu d’exécution du travail n’est pas uniquement constitué par les locaux de l’entreprise. Pour les travailleurs exerçant leur prestation de travail en dehors des locaux de l’entreprise, ceux-ci doivent être contraints d’exercer un itinéraire précis et préétabli par l’employeur afin qu’ils soient considérés comme des salariés. Il en est ainsi d’une représentante en articles ménagers contrainte au respect d’un procédé organisant les visites à domicile des clients149.

144 Cass. Soc., 9 octobre 1990, Bull. civ., V, n°422 ; 145 Cass. Soc., 18 juillet 1963, Bull. civ. IV, n°619 ; 146

Cass. Soc., 29 juin 1977, JCP G 1981, IV, p.218 ;

147 Cass. Soc., 1er février 1983, Bull. civ. V, n°60 ; 148 Cass. Soc., 17 juin 1982, Bull. civ. V, n°403 ; 149 Cass. Soc., 21 juin 1978, Bull.civ. V, n°490 ;

53 Peuvent également être salariés, les travailleurs mobiles se voyant fixer un lieu de présence par l’employeur. C’est notamment le cas d’étudiants chargés de réaliser des enquêtes au sein de lieux imposés par l’employeur150.

En ce qui concerne les travailleurs mobiles, la Cour de cassation prend également en considération l’obligation d’établir un compte rendu précis de la prestation de travail exécutée afin de déterminer la présence ou l’absence d’un lien de subordination juridique. Selon la jurisprudence, les comptes rendus d’activité doivent être plus précis que ceux réalisés par un simple mandataire151.

S’agissant des individus exerçant une profession libérale, le fait que l’activité soit exercée au sein des locaux de l’entreprise constitue un indice favorable à la reconnaissance d’un lien de subordination et par la même d’un contrat de travail. Constitue également un indice du lien de subordination juridique, la fourniture du matériel nécessaire au travailleur par l’employeur.

99. La fourniture du matériel. L’exécution de la prestation de travail nécessite le plus

souvent l’utilisation de matériels et d’outils. Le salariat a pour particularité que ces éléments nécessaires à la prestation de travail sont fournis par l’employeur. Dans ce cas, il s’instaure une présomption simple de présence du lien de subordination entre les cocontractants. Il existe une même présomption lorsque le travailleur exécute sa prestation grâce aux matières premières appartenant à son cocontractant. Lorsque le matériel est la propriété du travailleur, l’autorité du bénéficiaire de la prestation s’amenuise.

Ainsi, les juges du fond, afin d’identifier la présence d’un lien de subordination entre travailleur et cocontractant, relèvent notamment qu’une entreprise du bâtiment fournit à ses travailleurs les matériaux, le gros outillage, le matériel de sécurité et les véhicules nécessaires à l’exécution de la prestation de travail152. Il en est de même pour les ouvriers-maçons à qui le mortier est fourni selon la Cour de cassation153.

150

Cass. Soc., 11 février 1981, n°79-14.202 ;

151 Cass. Soc., 19 décembre 1978, n°77-10.933 ; 152 Cass. Crim., 29 octobre 1985, n°84-95.559 ; 153 Cass. Soc., 6 juillet 1966, Bull. civ. V, n°693 ;

54 En revanche, lorsque l’ouvrier est propriétaire du seul petit outillage, cela n’exclut pas automatiquement la présence d’un lien de subordination et par conséquent d’un contrat de travail154. Constitue également un indice du lien de subordination juridique, la présence d’auxiliaires du travailleur.

d-La présence d’auxiliaires du travailleur

100. La fourniture par une personne physique ou morale d’un auxiliaire afin d’assister le travailleur dans la réalisation de sa prestation de travail constitue un indice de la présence d’un lien de subordination juridique entre le travailleur et la personne physique ou morale. Cela est notamment le cas lorsqu’un collaborateur bénéficie d’une secrétaire rémunérée par un cabinet d’expertise155.

A contrario, est exclusif de la présence d’un lien de subordination, le fait que le

travailleur recrute et rémunère une personne exécutant une prestation de travail sous sa direction ou sous sa propre responsabilité. Ainsi, n’a pas la qualité de salarié, le médecin qui embauche, rémunère et dirige ses propres infirmières156. Il en est de même, d’un infirmier disposant d’une entière liberté dans l’organisation de sa prestation de travail et ayant la charge financière de l’ensemble des frais de prélèvements d’analyses et des frais de secrétariat.

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