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Une assimilation légale

Dans le document Les critères du contrat de travail (Page 130-132)

Section 2 : Les extensions de la législation : les assimilations au salariat

C- Une assimilation légale

242. La légalité du portage salarial a suscité de nombreux débats doctrinaux à la suite notamment des travaux commandés par le Ministère du Travail à des juristes et à des sociologues. Un compte-rendu de ces travaux a été réalisé lors d’un colloque tenu à Nantes le 22 juin 2007. Par suite, les partenaires sociaux se sont saisis de la question au sein de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 relatif à la modernisation du marché du travail. L’article 19 de cet accord précise que le portage salarial « est une forme d’activité, considérée

comme entachée d’illégalité, répondant cependant à un besoin social dans la mesure où elle permet le retour à l’emploi de certaines catégories de demandeurs d’emploi, notamment des seniors, et qu’il est souhaitable d’organiser afin de sécuriser la situation des portés ainsi que la relation de prestation de service ».

243. Enfin, le législateur a pris en considération l’opération de portage salarial au sein de l’article 8 de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail. Cette disposition définit le portage salarial telle une relation triangulaire entre une entreprise de portage, une personne portée, qui est salariée, et des entreprises clientes. Cet article garantit les droits du travailleur porté sur son apport de clientèle. En effet, selon l’article L. 1251-64 du Code du travail,« Le portage salarial est un ensemble de relations contractuelles organisées entre une entreprise de portage, une personne portée et des entreprises clientes comportant pour la personne portée le régime du salariat et la rémunération de sa prestation chez le client par l'entreprise de portage. Il garantit les droits de la personne portée sur son apport de clientèle. » Cet article a par la suite été complété par l’insertion de l’article L. 8241-

1 du Code du travail. Ce dernier dispose que « Toute opération à but lucratif ayant pour objet

exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre : 1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, au portage salarial aux entreprises de travail à temps partagé et à l'exploitation d'une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d'agence de mannequin ; ». Cette disposition confère au portage salarial

la nature de dérogation à l’interdiction du prêt de main d’œuvre à but lucratif.

244. Le législateur n’a pas résolu l’ensemble des difficultés liées au portage salarial. Il a élaboré une définition succincte de l’opération et indiqué que le travailleur porté bénéficie du régime du salariat. Le législateur, par son absence de précision, semble avoir mis en place une

129 assimilation au salariat sans toutefois aller jusqu’à la présomption. Selon Monsieur A. Fabre,

« Cette technique est sensiblement plus ouverte, puisqu’elle ne conduit pas automatiquement à faire application de toutes les dispositions du droit du travail, mais à rechercher celles qui ont vocation à s’appliquer à la place, ou parfois même à côté, des dispositions du droit commercial ou du droit civil »387. Le législateur renvoie la détermination du régime de l’opération de portage salarial à une négociation confiée à la branche du travail temporaire. Cette négociation est en cours. Une question se pose alors. Celle de savoir si la jurisprudence de la Cour de cassation demeure applicable à des opérations de portage salarial conclues après l’entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008.

245. En ce qui concerne l’obligation pour l’employeur de fournir du travail, selon Monsieur A. Fabre, l’article L. 1251-64 du Code du travail « ne permet pas de dire que le

portage salarial fait exception à l’obligation pour l’employeur de fournir du travail. Il en aurait été autrement si le législateur avait repris la description du portage contenu dans l’ANI du 11 janvier 2008 »388. Néanmoins, le projet d’accord de branche devant organiser le

portage salarial maintient formellement l’obligation faite au travailleur porté de rechercher des missions. De même, selon le projet d’accord de branche, le travailleur porté, lorsqu’il est embauché par un contrat de travail à durée indéterminée, s’engage à assurer une prospection active des clients. L’entreprise de portage n’a alors qu’une simple obligation d’accompagnement et de développement des prestations. Ainsi tout comme l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, la négociation en cours contredit la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point.

246. En ce qui concerne la qualification de contrat de travail, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 semble qualifier de contrat de travail le contrat liant l’entreprise de portage au travailleur porté. A priori, en ce qui concerne la négociation de branche en cours la qualification demeure identique. Cependant une distinction semble apparaître au sein du projet d’accord. Ainsi, il est indiqué au sein de la première phrase du préambule du projet d’accord que « le présent accord a pour finalité d’organiser l’activité du

portage salarial et s’applique aux personnes titulaires d’un contrat de travail en portage salarial ». Il semble dès lors que seuls certains travailleurs portés jouissent de la qualité de

salarié. Cette distinction paraît renforcée au sein de la dernière version du projet d’accord. Celle-ci fait référence à l’obligation pour le travailleur porté de réaliser régulièrement des

387

A. Fabre, « Le portage salarial au milieu du gué ? », Semaine sociale Lamy, 08 mars 2010, n°1435-1436 ;

130 comptes-rendus relatifs à sa prestation de travail. Selon Monsieur A. Fabre389, il serait préférable que l’ensemble des travailleurs portés soit salarié.

247. En ce qui concerne le recours au contrat de travail à durée déterminée, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 a expressément prévu que « la durée du contrat

de portage ne devra pas excéder trois années ». Pour les négociateurs de branche, le contrat

de travail à durée déterminée est de principe en matière de portage salarial. Selon ces derniers,

« La durée et les caractéristiques de la prestation de travail à réaliser justifient que le contrat de travail conclu, entre l’entreprise de portage salarial et la personne souhaitant être portée, soit d’une durée déterminée ». Les négociateurs de branche souhaitent s’inspirer du contrat de

travail à durée déterminée « à terme incertain conclu pour la réalisation d’un objet

défini »390. Ainsi le contrat de travail à durée déterminée conclu dans le cadre d’une opération de portage salarial doit, selon eux, décrire la prestation à réaliser ainsi que la durée prévisible du contrat et l’événement qui en constitue le terme. Selon la négociation en cours, ce contrat doit comporter une période minimale et peut comporter une période d’essai. Ce contrat doit également être établi par écrit et comporter de nombreuses mentions obligatoires.

En ce qui concerne la rupture, les négociateurs ont prévu que « la rupture du contrat

de prestation de service n’est pas un motif de rupture du contrat de travail pendant la période minimale, sauf lorsque cette rupture est directement liée à une faute grave ou lourde de la personne portée ». Aucune place ne semble laissée à la force majeure ou à la volonté

commune des parties. La Cour de cassation, par sa jurisprudence, semble avoir sécurisé l’opération de portage salarial actuellement en cours d’élaboration par les négociateurs de branche. L’accord de branche une fois négocié ne règlera pas toutes les difficultés et une nouvelle intervention du législateur semble inévitable et souhaitée. L’action du législateur paraît actuellement incomplète et semble laisser la pratique du portage salarial aux marges du droit.

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