• Aucun résultat trouvé

solutions en matière de cautionnement

Section 2 – Le régime des mentions

2) solutions en matière de cautionnement

142. Nous l’avons vu, le contrat d’auteur, pour être valable, doit présenter certaines mentions particulières, exigées par le Code de la propriété intellectuelle. Elles sont requises ad validitatem et leur absence est sanctionnée par la nullité. C’est donc une exigence particulièrement lourde. Il est une autre branche du droit où l’exigence de mentions dans le contrat est tout aussi importante, voire davantage encore : il s’agit du cautionnement.

Pour tenter d’être complet, reprenons la question du formalisme du cautionnement quelques années en arrière. L’interrogation qui se pose depuis un certain temps est celle de savoir si le cautionnement est un contrat solennel ou non. Autrement dit, doit-il respecter certaines formes pour être valable ? Pour répondre à cette question, il fallait, et il faut encore, se référer aux articles du Code civil y afférant. Il s’agit des articles 1326 et 2292. Depuis la loi du 12 juillet 1980324, l’article 1326 du Code civil est rédigé comme suit :

« L’acte juridique par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui

payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres ».

Cet article s’applique bien évidemment au cautionnement, en ce que la plupart du temps, il vise à garantir un défaut de paiement. Il s’agit donc bien pour une personne de payer une somme d’argent à la place d’une autre. En quoi l’article trouve application.

L’autre article qui nous intéresse est l’article 2292 du Code civil, rédigé ainsi : « Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas

l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté ».

La combinaison de ces deux textes nous amène à conclure que le Code civil prescrit ainsi un écrit, signé par celui qui s’engage à payer, comportant une mention manuscrite (par lui-même) indiquant la somme en lettres et en chiffres.

143. Comme avec les articles L. 131-2 et L. 131-3 du Code de la propriété intellectuelle, ces deux textes peuvent être soumis à des lectures différentes325. Les partisans du consensualisme n’y verront que des règles probatoires. Les autres liront dans ces dispositions que le contrat de cautionnement est un acte solennel, que l’écrit et les mentions exigées le sont à titre de validité. Néanmoins, pendant un certain temps, l’interprétation selon laquelle ces dispositions ne faisaient que poser des règles de preuve a prévalu.

C’est la jurisprudence qui a rouvert le débat dans les années 80 en semant le trouble notamment par un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 30 juin 1987326. Dans cette décision, les juges s’expriment de manière pour le moins déroutante :

324 Loi n° 80-525 du 12 juillet 1980 relative à la preuve des actes juridiques. La loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant

adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique a introduit l’expression « par lui-même », qui remplace la formule « de sa main » présente dans l’ancienne version du texte.

325 Cf. par ex. : M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac et P. Pétel, Droit des sûretés, Litec, 9ème édition, 2010, n° 113 et

suivants ; P. Simler, Cautionnement, Garanties autonomes, garanties indemnitaires, Litec, 4ème édition, 2008, n° 52 et

suivants et n° 253 et suivants.

« Il résulte des combinaisons des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution ».

La Cour ne dit pas clairement que la mention manuscrite est exigée à titre de validité. Mais comment pourrait-il en être autrement puisque les textes leur étant consacrés ne sont « pas de simples règles de preuve » ? Ce raisonnement est corroboré par les propos du conseiller rapporteur qui énonçait que « à défaut de mention manuscrite ou si celle-ci est irrégulière, le cautionnement est nul puisqu’il s’agit d’une condition de validité de l’acte lui-même »327.

Comme souvent lorsqu’il s’agit de franchir un pas de plus vers le formalisme, la doctrine s’est montrée relativement hostile à cette interprétation328. C’est une des raisons pour lesquelles la jurisprudence a finalement renoué avec son ancienne position. A nouveau, elle estime que les exigences posées par les articles 1326 et 2015 du Code civil sont des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de

la caution »329.

144. Optimistes étaient ceux qui estimaient la question définitivement réglée. C’était sans compter sur l’intervention du législateur qui a mis en place une classification du cautionnement, estimant que certains, particulièrement dangereux, devaient être considérés comme des actes solennels, alors que pour d’autres cela n’était pas nécessaire. Le législateur a débuté son œuvre par les cautionnements de prêts à la consommation et les cautionnements de baux d’habitation330. Considérant que ces opérations étaient particulièrement risquées pour la caution, il a décidé que cette dernière devait, plus qu’ailleurs, s’engager en toute connaissance de cause. Pour s’assurer que cela était bien le cas, il a fait de ces actes des contrats solennels, nécessitant une mention manuscrite pour être valable. Ainsi, en matière de

327 P. Sargos, « L’opération « Glanost » de la Cour de cassation en matière de cautionnement ou cinq brèves observations sur

une jurisprudence », Gaz. Pal., 1988, I, Doctr. 209.

328 Voir par exemple M. Cabrillac, C. Mouly, S. Cabrillac et P. Pétel, op. cit., n° 114, qui expliquent que la principale

critique qui émanait de la doctrine était que la jurisprudence « offrait une cause de libération imméritée à la caution professionnelle ou rompue aux affaires ».

329 Cf. par exemple : Cass., Civ. 1ère, 15 novembre 1989, Dalloz, 1990, jurisp. p. 177, obs. C. Mouly.

330 La loi du 21 juillet 1994 relative à l’habitat impose à la caution du locataire une mention manuscrite qui doit exprimer

« de façon explicite et non équivoque la connaissance qu’elle a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’elle contracte ».

cautionnement de crédit à la consommation, l’article L. 313-7 du Code de la consommation331 s’avère extrêmement formaliste :

« La personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations relevant des chapitres Ier ou II du présent titre doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de… couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Mais c’est la loi du 1er août 2003332 qui a fait du cautionnement l’un des actes les plus formalistes du droit français, en étendant les prescriptions. Désormais, tous les cautionnements des personnes physiques au profit de professionnels sont considérés comme des actes solennels. La mention manuscrite devient ainsi une condition de validité de ce type de cautionnement. Et cette mention manuscrite est particulièrement encadrée par l’article L. 341-2 du Code de la consommation. Cet article dispose en effet que :

« Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de

caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de …couvrant le paiement du principal, des intérêts le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de…, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X…n’y satisfait pas lui-même ».

La mention manuscrite requise à titre de validité en matière de cautionnement conclu par une personne physique au profit d’un professionnel est ainsi exactement la même que celle exigée en matière de cautionnement de crédit à la consommation. Au total, la mention étudiée devra figurer dans la quasi-totalité des cautionnements. Le champ

331 Ce texte trouve son origine dans la loi « Neiertz » du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des

difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles.

d’application de l’article L. 341-2 est effectivement très vaste333. Le droit commun du Code civil et de son article 1326 a, par conséquent, vocation à n’être utilisé que très rarement334.

145. On voit ainsi, à travers cette courte étude des formes que doit revêtir le cautionnement, que cet acte est extrêmement formaliste aujourd’hui dans le droit français. Certainement bien plus encore que le droit d’auteur, puisque ici le législateur va jusqu’à imposer la rédaction d’une mention bien précise et « uniquement de celle-ci ». Le formalisme est ici poussé à son extrême ! Une autre mention, signifiant la même chose, mais ne respectant pas les termes imposés par le texte ne saurait être valable. Ce qui n’a pas beaucoup de sens, disons-le clairement. Une formulation révélatrice de la bonne compréhension des choses par la caution n’est pas admissible, sous prétexte qu’il ne s’agit pas des termes précis choisis par le législateur. Mais, faut-il le souligner, cette formule sacramentelle ne garantit aucunement la bonne compréhension par la caution. Ce n’est pas parce que la mention sera reproduite (recopiée) mot à mot, à la virgule prés, que la caution saura parfaitement à quoi s’en tenir. Il n’y a qu’à voir, par exemple, les conditions dans lesquelles les agences immobilières font signer les actes de cautionnement d’un bail immobilier. Leur seule préoccupation réside dans le fait que les cautions aient bien porté la mention précise sur le contrat. Mais elles ne veillent généralement pas à la bonne réception des choses par les signataires… Une bonne information, une bonne explication, ne serait- elle pas plus efficace qu’une séance de « lignes d’écriture » ?335 La philosophie est, bien sûr, la même ici qu’en droit d’auteur. Il s’agit de protéger la partie faible, de veiller à ce qu’elle ait bien conscience de la portée de son engagement (même si, nous venons de le souligner, l’objectif ne semble pas réalisé). En cas de défaillance du débiteur, c’est elle qui devra payer « sur [ses] revenus et sur [ses] biens ». Il faut alors qu’elle sache qu’elle peut être appelée à payer, pendant combien de temps et à quelle hauteur elle peut l’être. Pour le législateur, il n’y a pas de meilleur moyen de s’assurer de sa bonne compréhension qu’en lui faisant rédiger « de sa main » un petit texte qui récapitule son engagement. Nous ne sommes vraiment pas convaincus de l’efficacité du dispositif.

333 L’article a vocation à s’appliquer aux cautionnements apportés par des dirigeants sociaux et associés à leur société. 334 P. Simler, P. Delebecque, Les sûretés, la publicité foncière, Dalloz, 6ème édition, 2012, n° 57

Avec le formalisme, que ce soit en droit d’auteur ou dans le cadre d’un cautionnement comme nous venons de le voir, le législateur n’a qu’une volonté : celle de protéger la partie faible, qui souffre d’un déséquilibre contractuel. C’est uniquement dans un but de protection que le législateur prend le parti de se détourner du consensualisme, qui a pourtant, par principe, ses faveurs. Pour autant, cette politique n’engendre-t-elle pas quelques externalités négatives, voire dangereuses ? C’est tout l’objet de la question qui va nous retenir maintenant.

B/ Conséquences dangereuses

146. Nous avons déjà souligné que le formalisme de la mention s’avère, en droit d’auteur comme dans d’autres matières, assez largement inutile et inefficace336. Mais ce n’est pas ce qui nous semble être le plus grave. Ce qui l’est davantage, en revanche, c’est qu’à travers son régime le formalisme de la mention peut se révéler dangereux. Ainsi, il peut parfois présenter quelques externalités négatives bien plus dérangeantes encore que le simple échec du dispositif d’information. En effet, il est regrettable de ne pas mieux informer la partie faible, de ne pas mieux la protéger. Mais cet échec n’enlève rien à la partie faible : elle n’a pas davantage d’information, mais elle n’en a pas moins non plus. Il s’agit simplement d’un retour à la case départ, au niveau zéro. En revanche, ce formalisme, par l’application qui en est faite, produit certains effets dommageables qui, nous semble-t- il, révèlent le caractère dangereux de la mention. Le formalisme de la mention, s’il se veut protecteur de la partie faible, fait, en effet, naître un certain nombre de risques qui pèsent sur chacune des deux parties. Ainsi, a trop s’occuper de la forme au détriment du fond, ce formalisme devient un véritable piège du consentement (1). En outre, il peut constituer, dans certains cas, une véritable faveur à la mauvaise foi (2). Enfin, il est un élément de fragilisation de chacune des parties (3).