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l’alternative : la rédaction de clauses synthétiques

Section 1 – Des mentions précises

3) l’alternative : la rédaction de clauses synthétiques

101. Ainsi, l’objectif fixé par le Code de la propriété intellectuelle est en pratique largement contourné par les rédacteurs de contrats qui parviennent, en conséquence, à des documents longs, périlleux, mais souvent insuffisants en cas de litige. Telle est la réalité du droit contractuel de notre matière. Cela ne peut satisfaire. C’est pourquoi nous considérons que le droit d’auteur devrait accepter la rédaction de clauses synthétiques. Les clauses longues sont souvent inefficaces et ne permettent jamais d’atteindre le niveau de précision exigé par l’article L. 131-3. Pourquoi, alors, se priver de la rédaction de clauses plus simples et plus courtes ?

102. Reprenons un exemple. Nous avons obtenu un contrat d’édition passé il y a quelques années entre un homme politique, auteur d’un livre à l’approche de l’élection présidentielle, et un éditeur bien connu225. Au-delà des circonstances, intéressons-nous à la clause relative à la cession des droits de reproduction graphique, qui est ainsi rédigée :

« Pour les droits de reproduction et d’adaptation graphique :

- le droit de publier l’œuvre sous toutes les formes d’édition, notamment les éditions de vulgarisation et les éditions club, et le droit de distribuer ou de faire distribuer toutes ces éditions sous toutes formes et par tous les moyens ;

- le droit de reproduire tout ou partie de l’œuvre en prépublication ou en post publication et de l’adapter et reproduire en condensés dans les journaux, périodiques ou livres ;

- le droit de l’adapter et de la reproduire par dessins ou photographies ; le droit de l’adapter, notamment, en bandes-dessinées ;

- le droit de la reproduire par photocopies, microfiches, microfilms, et tous procédés électroniques (notamment disquettes). »

Nous proposons une rédaction plus simple et plus accessible, qui aboutirait exactement au même résultat :

« L’Auteur cède à l’Editeur tous les droits afférant à la reproduction et à l’adaptation graphique de son œuvre. »

La clause pourrait contenir quelques exemples, afin que l’auteur comprenne bien ce que l’expression « reproduction graphique » recouvre. Pour le reste, l’article 1164 du Code civil qui dispose que « lorsque dans un contrat on a exprimé un cas

pour l’explication de l’obligation, on n’est pas censé avoir voulu par là restreindre l’étendue que l’engagement reçoit de droit aux cas non exprimés » doit permettre de

se passer des énumérations fastidieuses.

Quant à la forme, la différence entre les deux clauses est évidente : de plus d’une dizaine de lignes alambiquées, on passe à deux beaucoup plus claires. Quant au fond, les deux clauses sont parfaitement similaires. Pourquoi, dans ces conditions, se priver de la simplicité ?

103. Finalement, ce n’est pas une vraie remise en cause du dispositif de protection que nous envisageons ici, mais simplement un aménagement : « Il existe sûrement un juste milieu entre le trop succinct et l’exhaustif »226. C’est donc une méthode assez douce que nous préconisons. Faut-il, pour parvenir à sa mise en œuvre, passer par une réécriture de l’article L. 131-3 ? Nous ne le croyons pas. Le travail d’interprétation du juge doit suffire : interprétation du contrat, notamment avec l’article 1164 du Code civil, pour savoir ce qu’il est censé inclure ; interprétation de l’article L. 131-3 de manière beaucoup plus souple qu’aujourd’hui, parce que le texte, s’il impose une certaine précision, n’impose pas la rédaction de clauses parfaitement exhaustives, pas plus qu’il n’interdit le recours à l’adverbe.

Ainsi, nous avons pu remettre en cause l’utilité des mentions, qui peuvent facilement être contournées. Ce constat négatif n’apparaît pas isolé, puisque qu’à l’inutilité du formalisme s’ajoute son inefficacité.

§2 – La question de l’efficacité : des mentions incompréhensibles

104. En plus d’être inutiles, les mentions sont aussi inefficaces parce qu’elles ne permettent pas de remplir l’objectif qui leur été assigné : celui de l’information de la partie faible. Constatons cette inefficacité (A), avant de proposer une solution alternative (B).

A/ Le constat de l’inefficacité

105. Les mentions nécessaires à la validité d’un contrat, que ce soit en droit d’auteur ou dans d’autres matières (droit de la consommation ou cautionnement par

exemple), doivent être particulièrement précises. Parfois, les parties doivent indiquer certains éléments en suivant la philosophie de la loi : c’est le cas en droit d’auteur ; les contractants disposent alors d’une marge de manœuvre relative dans le choix des formules et des termes employés. D’autres fois, au contraire, les parties ne disposent d’aucun degré de liberté et doivent reproduire à la lettre les mentions indiquées par la loi : c’est le cas en matière de cautionnement. Pour comprendre l’ampleur du phénomène d’illisibilité du formalisme de la mention, il conviendra ainsi de dépasser les frontières du droit d’auteur. En effet, des enseignements très instructifs peuvent être tirés de l’étude d’autres matières.

Quel que soit le procédé imposé, la partie faible, que la mention est censée informer, s’y perd très souvent et ne comprend pas nécessairement mieux la portée de son engagement. Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs qui découlent les uns des autres. D’abord, parce que son contenu est imposé, le contrat est pré-rédigé, ce qui provoque un glissement vers les contrats d’adhésion (1). De ce fait, les termes choisis pour satisfaire l’exigence de mention sont souvent complexes (2). Conséquence logique, la partie à protéger est amenée à faire le tri et ne retient pas tout ce que le contrat stipule (3).