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l’information préalable en droit commun

Section 1 – Des mentions précises

1) l’information préalable en droit commun

116. L’objectif de l’information préalable est de s’assurer que la partie forte (le professionnel) transmette une information appropriée à la partie faible, qu’elle attire son attention sur les clauses sensibles. La différence avec le formalisme réside dans le fait que l’information sera ici personnalisée, subjective, alors qu’elle est traditionnellement abstraite, objective. Le professionnel peut prendre en compte les éléments de faits (tels l’importance de l’opération projetée, les capacités et compétences de la partie faible) pour délivrer une information « sur mesure ». Il n’y a ici plus rien d’automatique, de standardisé. Il s’agit d’apprécier in concreto les besoins de la partie faible. Avant la conclusion du contrat, le professionnel attire l’attention de la partie à protéger sur les éléments qui lui semblent utiles, afin de s’assurer que son consentement est bien éclairé, qu’elle s’engage en toute connaissance de cause. Le tableau dressé peut paraître naïf. En réalité, il nous semble que c’est juste une modalité de la responsabilisation nécessaire des deux parties au contrat. Cela permet de ne plus (ou, en tout état de cause, de moins) assister la partie faible : elle ne bénéficie d’un complément d’information que sur ce qui est

effectivement susceptible d’échapper à son attention au regard de ses capacités257. Et du côté du professionnel, il est de son intérêt d’informer au mieux la partie faible, de s’assurer qu’elle a bien compris la portée de son engagement : il risque de voir le contrat remis en cause ou sa responsabilité engagée en cas de manquement de sa part258.

117. La jurisprudence semble s’orienter dans ce sens avec la reconnaissance d’un devoir de conseil259. Il faut cependant préciser que les juges distinguent le devoir d’information et de renseignement du devoir de conseil (les juges vont même parfois jusqu’à parler d’un « devoir de mise en garde »). Ce dernier est, en effet, nécessairement plus poussé. L’information et le renseignement n’exigent du professionnel qu’une démarche neutre, objective : il s’agit de faire part d’une information, sans s’assurer qu’elle est bien assimilée. Cette obligation d’information est d’origine légale : c’est ni plus ni moins la transcription du formalisme informatif. Le conseil, quant à lui, suppose une démarche plus « intrusive ». Le professionnel doit en effet prendre en considération les capacités et les compétences de la personne qui se trouve en face de lui afin de s’assurer qu’il va lui délivrer une information appropriée, qu’elle sera en mesure d’intégrer. Par exemple, la Cour de cassation considère, en matière de crédit à la consommation, que l’établissement de crédit qui consent un prêt à un emprunteur doit vérifier si celui-ci est ou non averti260. S’il est non averti, le prêteur doit le mettre en garde sur les risques suscités par l’opération. Pour déterminer si l’individu est averti ou non averti, l’établissement de crédit doit bien prendre en considération certains indices tels que la profession, l’expérience, la fréquence des opérations, ce qui implique nécessairement une appréciation in

concreto.

Par ce devoir de conseil, le professionnel doit aller jusqu’à déconseiller l’opération, dès lors qu’il estime qu’elle n’est pas une bonne chose pour la partie faible261. Par exemple, en matière de crédit à la consommation, l’établissement de crédit devrait aller jusqu’à refuser l’octroi d’un prêt à un consommateur si ce prêt

257 Sur les risques de fragilisation de la partie faible, cf. infra n° 156.

258 Sur les risques encourus par le professionnel en droit d’auteur, cf. infra n° 226 et suivants.

259 Cass. civ. 1ère, 27 juin 1995 : Dalloz, 1995, jurisp. p. 621, note S. Piedelièvre ; Cont. Conc. Cons., 1995, n° 211, G.

Raymond ; RTD Civ., 1996, 384, obs. J. Mestre.

260 Cf. Cass., Chambre mixte, 29 juin 2007 : JCP G, 2007, II, 10146, note A. Gourio ; Dalloz, 2007, 2081, note. S.

Piedelièvre ; JCP E, 2007, 2105, note D. Legeais ; Cf. également Cass., Civ. 1ère, 19 novembre 2009 : Dalloz, 2009, AJ,

s’avère disproportionné par rapport à ses ressources et que le demandeur ne serait ainsi pas en mesure d’y faire face sans tomber dans la spirale du surendettement. En droit d’auteur, il faut le reconnaître, il est difficilement concevable d’imaginer l’éditeur déconseiller la conclusion du contrat d’édition à l’auteur. En effet, si l’opération peut s’avérer déséquilibrée, elle ne peut vraisemblablement pas être aussi dangereuse pour l’auteur que peut l’être un crédit à la consommation pour un emprunteur.

La jurisprudence a donc découvert un devoir de conseil, qui vient s’ajouter à l’obligation légale d’information, déjà en place. La difficulté conséquente à cette découverte réside peut-être dans le fait que les deux obligations se cumulent. Le professionnel doit non seulement respecter le formalisme informatif prescrit par le législateur, mais en plus, il doit s’assurer que la partie faible a bien conscience de son engagement, au travers de son devoir de conseil. Les choses commencent sans doute à être un peu lourdes sur les épaules du professionnel262. La solution serait donc de tirer un trait sur l’obligation légale d’information et de ne laisser subsister que le devoir de conseil. Après tout, c’est bien le devoir de conseil, et uniquement celui-ci, qui permet de s’assurer que le consentement de la partie faible est éclairé et a été donné en toute connaissance de cause. C’est bien le devoir de conseil qui permet de dispenser une information plus adaptée aux besoins de la partie à protéger. C’est bien lui qui permet de dépasser l’information neutre et abstraite fournie par le formalisme informatif.

118. Ce que la jurisprudence nomme « devoir de conseil », expression à laquelle nous préférons « information préalable », apparaît ainsi comme un élément de solution pour, d’une part, renforcer la protection de la partie faible. Ne nous réjouissons pas trop vite cependant : il reste le problème de la preuve. En effet, le professionnel devra, en cas de litige, prouver qu’il a bien rempli son devoir de conseil, qu’il a bien informé préalablement à la conclusion du contrat. Ce qui suppose la rédaction d’un écrit. Et, nous l’avons vu tout au long de cette étude, lorsqu’un écrit est requis, l’on n’est jamais loin d’un glissement vers l’excès de formalisme. Il faudra donc veiller à ce que cet écrit soit un écrit simple, sans exigence de forme

particulière, constatant simplement que l’information a bien été donnée et que le consentement de la partie faible a été bien éclairé263.

119. A propos de l’information préalable, il faut évoquer la récente réforme qui a installé dans notre droit « l’acte contresigné par l’avocat »264. Il s’agit d’un acte intermédiaire entre l’acte sous seing privé traditionnel et l’acte authentique. L’acte d’avocat reste un acte sous seing privé, mais dispose, de par le contreseing de l’avocat, d’une efficacité, d’une force probante renforcée. En résumé, les articles qui traitent de cet acte nous apprennent que le contreseing de l’avocat atteste que les parties ont été conseillées, que l’acte dispose d’une force probante particulière265 et qu’il n’a pas à reprendre les mentions manuscrites imposées par la loi pour être valable dès lors qu’il est contresigné par un avocat. Ce n’est pas lorsqu’elle vise le devoir de conseil de l’avocat que la loi est innovante. Concrètement, ce devoir a été reconnu depuis longtemps par la jurisprudence266. Ce qui est véritablement nouveau, ce sont les conséquences que la loi tire de ce devoir de conseil : elle considère que ce dernier rend inutile le respect du formalisme informatif. Comme cela a été souligné, « la dispense est cohérente, l’information du contractant relevant plus largement du devoir de conseil de l’avocat. La formalité devient superflue puisqu’il entre précisément dans la mission du rédacteur d’acte de s’assurer du consentement éclairé des parties »267. Le formalisme est ainsi allégé, il devient moins périlleux de rédiger un acte pour lequel la loi exige la présence de mentions manuscrites et on peut espérer que l’efficacité de l’information soit améliorée. Il faut noter ici, pour être tout à fait complet, que cette même loi a introduit dans le Code civil un nouvel article

262 Cf. infra n° 226 et suivants. 263 Cf. supra n° 60.

264 Cf. loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines

professions réglementées. Cette loi introduit trois nouveaux articles (66-3-1 à 66-3-3) dans la loi n° 1971-1130 du 31 décembre 1971. Précisons aussi que cette réforme est inspirée tout droit du rapport présenté par la commission Darrois, à qui l’exécutif avait demandé de réfléchir à l’instauration d’une profession juridique unique.

265 Les parties ne peuvent pas contester ni leur signature, ni leur écriture. Mais une procédure de faux reste envisageable. 266 Cf. par exemple, Cass. Civ. 1ère, 22 juin 1999, JCP G, 1999, I, n° 22, R. Martin : « le rédacteur d’un acte juridique est

tenu, à l’égard de toutes les parties, d’en assurer l’efficacité » ; Cass. Com. 13 octobre 2009, Dalloz, 2009, 2842, note Y. Avril : l’avocat qui rédige un acte « est tenu d’une obligation particulière d’information vis-à-vis de son client, laquelle comporte le devoir de s’informer de l’ensemble des conditions de l’opération pour laquelle son concours est demandé ».

267 M. Bacache et A.-M. Leroyer, « Acte d’avocat : acte sous seing privé contresigné par l’avocat – Acte authentique », RTD

Civ., 2011, p. 403. Sur la question, cf. également : P.-Y. Gautier, « Du contreseing de l’avocat « simili authenticité » le jeu

avec le feu », RDC, 2010, 754 ; F. Terré, « Le texte et le contexte », RDC, 2010, 762 ; Ph. Terry, « Libres propos sur l’acte d’avocat », RDC, 2010, 773 ; O. Salati, « Présentation de la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées », Droit et Procédure, 2011, p. 110.

1317-1, par lequel l’on admet la même simplification lorsque les actes en cause sont rédigés par un notaire268.

En tant que partisan d’un formalisme allégé, nous considérons que cette simplification va dans le bon sens. Le respect des mentions manuscrites ne sert effectivement plus à rien dès lors qu’un professionnel a pris soin d’informer les parties sur la portée et les conséquences réelles de leur engagement. Nous sommes d’autant plus favorables à cette « substitution » que nous sommes convaincus que le devoir d’information et de conseil du professionnel est bien plus efficace et utile que le recopiage de mentions lourdes et complexes.

Voilà pour l’état de l’information préalable en droit commun. Voyons maintenant comment tout cela pourrait être transposé en droit d’auteur et ainsi permettre de régler le problème de méconnaissance de leurs droits par les auteurs.