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le glissement vers le contrat d’adhésion

Section 1 – Des mentions précises

1) le glissement vers le contrat d’adhésion

106. Le constat n’est pas véritablement difficile à établir : à trop vouloir encadrer les choses, à trop vouloir imposer la rédaction de certaines mentions, on finit par ne plus laisser aucune marge de manœuvre aux contractants. Le contenu du contrat est dicté par les dispositions législatives. On impose à la partie forte de rédiger de telle manière le contrat qu’elle va soumettre à la partie faible. Les contrats sont ainsi pré-rédigés, ce qui n’est pas sans nous amener à faire le lien avec le contrat d’adhésion227. Si le constat n’est pas difficile à établir, il n’en est pour autant pas moins surprenant : c’est le législateur lui-même qui favorise l’expansion du contrat d’adhésion. M. Aynès écrit ainsi très justement que l’on assiste à une « promotion paradoxale du contrat d’adhésion à usage de protection »228. L’emploi du terme « paradoxale » est particulièrement bien choisi puisque, en effet, le contrat

227 Selon la définition du Vocabulaire Juridique Cornu : « dénomination doctrinale générique englobant tous les contrats dans

la formation desquels le consentement de l’une des parties consiste à se décider, à saisir une proposition qui est à prendre ou à laisser sans discussion, adhérant ainsi aux conditions établies unilatéralement à l’avance par l’autre partie ».

d’adhésion n’est en principe pas une très bonne chose pour la partie faible. Le contrat d’adhésion est un contrat qui, par définition, n’est pas négocié. Le simple consentement de la partie faible suffit à le rendre applicable. Mais cette dernière n’a aucune marge de manœuvre sur le contenu du contrat. Elle n’a d’autre choix que de l’accepter dans son intégralité ou de le refuser. Elle ne peut pas le modeler. Si elle veut réaliser l’opération que projette le contrat, elle est obligée de donner son consentement pour l’ensemble, même si certains aspects de la relation ne lui plaisent pas. L’ensemble des stipulations est imposé par son cocontractant, partie forte. Or, avec le formalisme de la mention, ces stipulations contractuelles sont certes formulées par la partie forte, mais sous l’influence du législateur. C’est donc lui qui favorise le recours au contrat d’adhésion, dans le but, selon lui, de protéger la partie faible, alors que ce type de contrat est a priori contraire à ses intérêts. En outre, la partie forte n’a pas tellement plus le choix quant au contenu du contrat, puisque l’ensemble est dicté par le législateur229. C’est en cela que le dispositif est véritablement paradoxal.

107. Il l’est d’autant plus que, parfois, le législateur « va jusqu’à prévoir l’existence de lettres-modèles, qui sont en fait appelées à devenir le contrat »230. Il ne se contente plus d’indiquer les mentions obligatoires, il va jusqu’à rédiger des contrats-types. Il faut être d’accord avec l’affirmation selon laquelle « sous couvert d’information du consommateur, on renoue avec le système qu’une approche néo- libérale se proposait précisément d’écarter : la réglementation du contenu du contrat par les pouvoirs publics et non par les parties »231.

Lorsque ce n’est pas le législateur qui rédige le contrat-type, ce sont les professionnels qui le font232. En effet, les stipulations contractuelles étant imposées, en amont, par le législateur, ils peuvent établir des modèles de contrat, réutilisables à chaque fois qu’une même opération est projetée. Cela ne pose aucune difficulté

228 L. Aynès, « Formalisme et prévention », in Le droit du crédit au consommateur, Litec, 1982, n° 8.

229 Il est d’ailleurs possible de se demander si, du coup, ce contrat est toujours un contrat d’adhésion. Dès lors que c’est la loi

qui impose le contenu du contrat, la partie forte n’impose rien à la partie faible. En réalité, c’est la loi qui impose le contenu aux deux parties. Si adhésion il y a, c’est vis à vis de chaque partie.

230 F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, op. cit. , n° 262. 231 F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, op. cit., n° 262.

particulière : le contenu du contrat est invariable, il n’existe donc aucune marge de négociation. Ce qui est assez gênant avec le recours aux contrats-types, en revanche, c’est que ces derniers sont souvent rédigés une fois pour toute. Ce qui signifie que les rédacteurs peuvent oublier de les mettre à jour. Lorsqu’une disposition législative ou une jurisprudence font évoluer certains points, il n’est pas rare que le contrat-type y soit parfaitement imperméable. Ce qui n’est pas sans conséquence puisque le contrat peut alors perdre sa validité233. Ce risque de perte de valeur que connaît le contrat- type disparaît en présence d’un « contrat unique », rédigé particulièrement pour une opération envisagée.

108. Enfin, le recours à ces contrats-types d’adhésion illustre une difficulté pratique importante : celle de la compréhension par la partie faible. Les dispositions sont en effet empilées les unes aux autres, dans un souci de respect des prescriptions législatives, mais sans souci de clarté. On se préoccupe davantage du respect de la loi que de la bonne compréhension de l’opération par la partie faible.Dans cette optique, la forme est éminemment plus importante que le fond. Ce qui, insistons une nouvelle fois, nous paraît fort regrettable, surtout dans un système juridique qui se veut influencé par une tradition consensualiste.

Ainsi, le formalisme informatif conduit à la rédaction de contrats d’adhésion. De ce fait, il ne faut pas se faire d’illusion : le contenu du contrat ne sera pas souvent accessible à la partie faible. Notamment, le choix des termes est souvent source de complexité.