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II. ARCHITECTURE DES FORTIFICATIONS

II.1. Techniques de construction

II.1.2. Les socles

II.1.2.1. Les socles pleins

Les socles pleins constituent l’immense majorité. Souvent composés de deux parements et d’un remplissage de blocaille et de terre, ils étaient prévus pour isoler la superstructure en briques crues du sol et éviter qu’elle ne pâtisse du ruissellement des eaux de pluies. Leur hauteur et leur forme sont variables de même que les matériaux et la mise en forme des blocs de parement.

Les murs de Smyrne ont évolué au fil du temps et en vertu des opérations de réparation mais les matériaux et les techniques de construction sont restés inchangés (fig. 259)427. La présence d’un double parement n’est cependant attestée que pour la seconde phase. Dans les autres, le socle de la construction se composait d’un parement externe fait de blocs de pierre légèrement incliné vers l’intérieur. L’épaisseur variait de 4,7 à 18 m de large et son remplissage était composé d’un noyau de briques crues et d’un remblai de pierres compact. Le parement du premier état oscillait entre 0,5 et 0,7 m de large et les blocs semblent avoir été liaisonnés à l’argile. Dans le second état la composition était à peu près la même. C’est dans le troisième état que le rempart a atteint son épaisseur la plus forte. Le socle atteignait alors jusqu’à 5 m de hauteur par endroits. L’emploi de blocs polygonaux à joints courbes suggère peut-être la volonté d’esthétiser le monument. Cette idée est peut-être également valable pour la tour nord-est (phase I) où l’on observe un contraste volontaire entre les pierres utilisées pour le soubassement et celles utilisées pour la superstructure.

Le même type d’appareillage, polygonal à joints curvilignes, a été utilisé à Larisa sur l’Hermos pour la construction de la fortification de la fin de l’époque archaïque. Les murs de la citadelle étaient larges de 2,5 à 2,65 m. Au dessus des fondations composées de gros blocs

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polygonaux et de petits bouchons se trouvaient les blocs d’andésite bleuâtres et rougeâtres qui composaient la plinthe de la construction. Sa hauteur était variable car l’ouvrage ne se trouve pas partout au même niveau. Au nord, par exemple, le mur est bâti sur la pente et forme un mur de terrasse dont la hauteur atteint encore 2 à 3 m. Ailleurs, sa hauteur devait être nécessairement plus réduite. Le remplissage de l’ouvrage était composé de matériaux composites, essentiellement de la blocaille. La recherche esthétique est très claire à Larisa : en plus des blocs polygonaux taillés et joints à la perfection, des assises de blocs plats et de couleur rougeâtre étaient prévus pour marquer le contraste (fig. 293-295). La technique est comparable à celle utilisée pour la tour nord-est de Smyrne (Wall 1, fig. 260). En revanche, contrairement à Smyrne, la construction ne présente pas de fruit.

Un appareillage similaire, bien que moins raffiné, semble avoir été utilisé pour la construction du socle de la première fortification de Samos428. Sa hauteur a été calculée à 1 m seulement. Son remplissage était composé de blocaille. La conservation de l’ouvrage ne permet pas de se prononcer sur la présence d’un éventuel fruit du mur. Cela étant, un tel dispositif n’était pas nécessaire considérant la hauteur totale proposée pour l’ouvrage (5 m).

A Milet et Clazomènes les socles de pierres sont tout ce qui reste de leurs systèmes de défense. Le mur de Kalabaktepe était à double parements et constitué de blocs de gneiss avec un remplissage de petites pierres et de terre. La taille et la forme des blocs est variable. L’appareil polygonal irrégulier côtoie un appareil de plaques de pierre empilées. A l’est, de gros blocs rectangulaires à bossage étaient également utilisés. Cette plinthe, dont une partie reposait sur la superstructure en briques crues des maisons de l’époque géométrique, était large de 4 m et semble avoir été relativement basse puisque la hauteur du mur (sans le parapet) a été évaluée à 3,5 m au total429.

A Clazomènes, la hauteur du socle semble avoir été inférieure à 1 m. Les quatre assises qui ont été mises au jour étaient composées de blocs rectangulaires bien équarris mais de longueur inégale (fig. 238). Le remplissage de ce mur à deux parements, dont l’épaisseur atteignait environ 2,50 m à l’est, était composé de blocaille et de terre (fig. 237). Au sommet

428 Kienast, 1978, 99-102 et 60 fig. 26. La plupart des restitutions montrent un socle en appareil polygonal d’une

facture semblable à celle de Larisa. La qualité de l’appareillage reste infiniment moins bonne.

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du socle, l’aplanissement de la surface est remarquable. Pour obtenir un niveau homogène, les constructeurs ont réalisé un plaquage horizontal à l’aide de pierres plates430.

A Pergame, le socle de la fortification ne semble jamais avoir porté de superstructure en brique mais le mur était doté d’un double parement ainsi que d’un muret en saillie qui devait probablement protéger la base de l’ouvrage.

A Sardes, la superstructure en brique de la fortification reposait partout sur un socle en pierre mais l’ouvrage n’est pas homogène sur tout le tracé. Dans le secteur de la porte, dans le secteur MMS/N et dans celui situé entre les monticules 2 et 3 (MD2), le socle était revêtu de blocs rectangulaires très finement taillés et parfaitement assisés (fig. 144-148). Cet appareillage soigné se rencontre uniquement aux endroits visibles de la muraille. Partout ailleurs, le socle en pierre était de conception plus fruste et fut complètement recouvert dans une seconde phase par le glacis (fig. 136-137). A certains endroits et notamment dans le secteur MMS, le socle était présentait plusieurs degrés (stepped stone socle) (fig. 138, 141- 142). Il était donc en saillie et offrait à la construction une large base qui permettait de répartir le poids de la construction sur une plus grande surface431. La superstructure en briques suivait l’inclinaison du socle qui variait entre 0,05° et 35°. Il était large de 0,50 m et sa composition variait entre de petits blocs rectangulaires équarris et relativement bien assisés et de gros blocs non travaillés. Sur la face ouest, le socle atteignait une hauteur de 1,25 m. Au sommet de cette construction, une couche de pierraille a été mise en place pour obtenir un niveau homogène avant la mise en place de la superstructure en briques crues. Des pièces de bois étaient noyées dans cette masse (fig. 141).

Des dispositifs similaires ont été employés dans les socles de plusieurs fortifications du centre de l’Anatolie et notamment à Gordion et Gâvurkalesi. Les fouilles menées sur la porte du Yassıhöyük (YHSS 6A) ont montré que le socle de la fortification était composé d’un socle en débord sur lequel s’élevait la superstructure en pierre (fig. 9). L’ensemble présentait un fruit prononcé. Le socle de l’entrée monumentale du Phrygien moyen (YHSS 5) construite par dessus avait un plan plus régulier et son socle ne présentait pas de saillie. Cette base supportait alors une superstructure en briques crues. Sa structure était renforcée par des pièces de bois insérées horizontalement entre deux assises de pierres (fig. 11B). La superstructure de cet ouvrage défensif était alors composée de briques crues.

430 Bakır et al., 2008, 318-323, fig. 9-14. 431

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Les recherches menées sur le Çevre Kale n’ont pas permis de définir précisément l’organisation de la base du mur de fortification qui a pu être fondé soit sur le rocher, soit dans l’énorme remblai. Des hypothèses de restitution du mur ont été formulées (fig. 26)432. Dans la première (c), la base du mur est totalement enfouie est composée d’une sorte de mur de soutènement en pente vers l’extérieur. Vers l’intérieur, la base du mur est protégée par un mur de soutènement à plusieurs degrés. Dans la seconde restitution (d), le mur est protégé des deux côtés par un tel mur mais seule la partie extérieure de ce socle est recouverte par le remblai pierreux. En l’absence de fouille il est impossible se prononcer sur la question. Dans le premier cas, l’aménagement enserrait le mur alors que dans le second, les deux murs à degrés appartenaient au socle et permettaient de répartir le poids de la construction sur une large surface.

Dans les derniers cas, il faut faire la différence entre ces murs de terrasse qui sont accolés au mur lui-même et destinés à protéger sa base (Pergame, Çevre Kale (c)) et ceux qui constituent le socle et apportaient une meilleure stabilité à l’ensemble (Çevre Kale (d)).

Dans tous les cas, il était nécessaire d’aplanir le sommet du socle en pierre avant la pose des briques. Pour ce faire, les constructeurs avaient parfois recours à une couche de petites pierres dans laquelle étaient noyée des traverses de bois (Sardes). Ailleurs, on disposait des petites pierres plates noyées dans une couche de terre (Clazomènes). Sur d’autres sites, une couche de bois ou de végétaux pouvait remplir ce rôle (Gordion YHSS 5, Sardes). En Ourartou, le sommet du socle était généralement aplani à coups de marteau. Ce dispositif est généralement repéré grâce à la couche poudreuse blanchâtre résultant des coups répétés sur les pierres433.